Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international, sur l'aide financière des pays du Nord en faveur des pays du Sud dans le cadre de la lutte contre le dérèglement climatique, à Paris le 9 octobre 2015.

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Circonstance : Conférence de Paris pour le climat-Conclusions de la réunion «La finance au service du climat», à Paris le 9 octobre 2015

Texte intégral

Je remercie nos amis péruviens de nous accueillir et le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon, à l'origine de cette réunion. C'est une réunion importante et positive, qui permet d'être optimiste quant à l'objectif d'atteindre des 100 milliards de dollars par an des pays développés vers les pays du Sud en 2020.
À l'origine de cette réunion, il y a deux idées. La première qui est partagée par tous : si nous voulons obtenir un accord à la COP21, il faut que les engagements financiers pris il y a quelques années à Copenhague et confirmés à Cancun soient tenus. C'est une question de confiance, d'efficacité et de solidarité. La dimension financière est essentielle.
La deuxième remarque : pour que ses engagements soient tenus, il était nécessaire d'en discuter avec les ministres des finances et avec les institutions financières car ce sont eux qui ont la haute main sur les questions financières, d'où cette réunion.
Cette réunion était positive car, pour une fois, une évaluation objective de là où nous en sommes en matière de finance climatique venant des pays du Nord pour les pays du Sud a été réalisée par l'OCDE. Cela peut-être une discussion technique, mais l'objectif de transparence a été respecté et les experts de l'OCDE nous ont rendu un rapport.
En 2014, c'était 62 milliards de dollars qui avaient été consacrés pour le climat des pays du Nord. Ce sont les deux tiers pour atteindre les 100 milliards. C'était une première évaluation et la réunion a permis d'observer qu'outre les contributions supplémentaires des États européens, les agences et banques multilatérales ont annoncé pour leur quasi-totalité, qu'elles allaient augmenter les financements «climat» au cours des années qui viennent. Cela permet de bien augurer l'objectif de 100 milliards de dollars.
Bien évidemment, chacun devra y mettre du sien, puisque les 100 milliards de dollars c'est l'addition des financements bilatéraux, publics, des financements multilatéraux et des investissements privés. Un certain nombre d'actions concrètes ont été évoquées : en particulier l'assistance sur la nécessité de faire vivre, ce que l'on nomme le «early warning system» et le système de réassurance soutenu par le G7. Notée parmi les interventions les plus fortes, la proposition du président de la Banque africaine de développement d'un programme «éclairer l'Afrique», très ambitieux et qui, avant 2020, va pouvoir voir le jour. J'ai noté l'insistance sur le Fonds vert qui va pouvoir prendre ses premières décisions au mois prochain.
Bref, c'est une réunion positive qui laisse bien augurer du respect des engagements financiers à Paris.
Pour que l'accord soit crédible, il faut trois conditions : la première, c'est qu'il permette de respecter l'objectif de plus 1,5 - 2°C, ce qui nécessitera des clauses de révisions. La deuxième condition, c'est qu'il soit juridiquement contraignant. La troisième condition, c'est que les finances et les technologies soient au rendez-vous. Visiblement, la réunion d'aujourd'hui à Lima permet d'aller dans ce sens.
(...)
Q - Pourriez-vous préciser quel était l'engagement supplémentaire annoncé par les banques de développement et quelles sont les autres sources de financement possibles pour arriver à ce montant ?
R - Je n'ai pas noté tous les engagements chiffrés des banques multilatérales, mais j'ai noté que la Banque mondiale, qui est le plus grand ensemble, avait fixé son objectif à 28%, la Banque asiatique de développement à 30% et la Banque africaine de développement à 40%. La BERD elle-même va augmenter, la Banque interaméricaine de développement et la Banque européenne d'investissement aussi.
L'addition, qui est fixée à 2020, a fait des progressions importantes. Après, il faut ajouter les engagements bilatéraux des pays. En ce qui concerne l'Allemagne, la Grande-Bretagne, la France, ce sont des engagements fermes et considérables. À cela se sont ajouté les Pays-Bas et le Luxembourg et nous espérons qu'il y en aura d'autres.
Et puis, il y a tout ce qui engage le privé qui, à n'en pas douter, est évidemment le champ le plus ouvert et le plus important. Des mesures pourront être prises, par exemple sur tout ce qui concerne le prix du carbone et sa taxation ou à des mesures qui ont été déjà prises et qui sont d'ordre différent. Je pense notamment au plus grand fonds souverain du monde - il est norvégien - qui décide de désinvestir dans le charbon et de surinvestir dans le renouvelable. Lorsque l'agence de notation Standard & Poor's décide d'inclure dans ses critères de notation la résilience des pays ou des entreprises et leurs degrés d'engagement ou non pour les énergies renouvelables, tout cela va dans le même sens.
Évidemment, dès lors que cet effort est constitué, cela nous rend optimistes pour atteindre les 100 milliards de dollars. Comme l'a dit Manuel Pulgar-Vidal, nous avons dans quelques jours la réunion de l'ADP à Bonn qui va préparer le texte sur lequel nous devons travailler. Et le fait que dans cette réunion, il puisse être dit que s'est tenue une importante réunion à Lima où l'engagement des 100 milliards a été confirmé et documenté est un point très important. (...).
source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 octobre 2015