Conclusions du Conseil européen sur la crise migratoire, le 15 octobre 2015.

Texte intégral

MIGRATIONS
1. Faire face à la crise des migrants et des réfugiés est une obligation commune qui requiert une stratégie globale et un effort résolu s'inscrivant dans la durée, dans un esprit de solidarité et de responsabilité. Les orientations adoptées par les chefs d'État ou de gouvernement le 23 septembre mettaient l'accent sur les questions les plus pressantes. Leur mise en oeuvre progresse à grands pas, comme l'attestent les travaux entrepris au sein du Conseil ainsi que le rapport de la Commission du 14 octobre. Un suivi minutieux sera assuré à cet égard, y compris en ce qui concerne les engagements financiers et les éventuels besoins supplémentaires.
2. Aujourd'hui, le Conseil européen a défini les nouvelles orientations suivantes :
* Coopérer avec les pays tiers pour endiguer les flux
a) accueillir avec satisfaction le plan d'action commun avec la Turquie dans le cadre d'un programme de coopération global fondé sur une responsabilité commune ainsi que sur des engagements mutuels et leur concrétisation. Une mise en oeuvre réussie contribuera à accélérer la réalisation de la feuille de route sur la libéralisation du régime des visas à l'égard de tous les États membres participants ainsi que la pleine mise en oeuvre de l'accord de réadmission. L'état d'avancement sera évalué au printemps 2016. L'UE et ses États membres se tiennent prêts à renforcer la coopération avec la Turquie et à accroître de manière substantielle leur soutien politique et financier dans le cadre établi. Le processus d'adhésion doit être relancé en vue de faire avancer les négociations conformément au cadre de négociation et aux conclusions du Conseil à ce sujet.
Le Conseil européen a adressé ses condoléances au peuple turc à la suite de l'attentat à la bombe qui a frappé Ankara et a affirmé son soutien à la lutte contre le terrorisme ;
b) assurer un suivi effectif et opérationnel de la conférence à haut niveau sur la route de la Méditerranée orientale et des Balkans occidentaux, en accordant une attention particulière à la gestion des flux migratoires et à la lutte contre les réseaux criminels ;
c) dégager, lors du sommet qui se tiendra prochainement à La Valette avec les chefs d'État ou de gouvernement africains, des mesures opérationnelles concrètes qui mettent l'accent, d'une manière équitable et équilibrée, sur un dispositif effectif en matière de retour et de réadmission, ainsi que sur le démantèlement des réseaux criminels et la prévention de la migration illégale, et qui s'accompagnent de réels efforts visant à s'attaquer aux causes profondes et à soutenir le développement socio-économique de l'Afrique, ainsi que d'un engagement concernant le maintien des possibilités de migration légale ;
d) déterminer quelles sont les possibilités de développer des capacités d'accueil sûres et durables dans les régions touchées et d'offrir des perspectives durables ainsi que des procédures adéquates pour les réfugiés et les membres de leur famille, y compris en assurant un accès à l'éducation et à l'emploi, jusqu'à ce que le retour dans leur pays d'origine soit possible ;
e) demander aux États membres de contribuer davantage aux efforts entrepris pour soutenir le HCR, le Programme alimentaire mondial et d'autres agences, ainsi que pour soutenir le fonds régional d'affectation spéciale de l'UE en réponse à la crise syrienne et le fonds d'affectation spéciale de l'UE pour l'Afrique.
* Renforcer la protection des frontières extérieures de l'UE (sur la base de l'acquis de Schengen)
f) oeuvrer à la mise en place progressive d'un système de gestion intégrée des frontières extérieures ;
g) mettre pleinement à profit le mandat existant de Frontex, y compris pour ce qui est du déploiement d'équipes d'intervention rapide aux frontières ;
h) conformément à la répartition des compétences prévue par le traité et dans le plein respect des compétences nationales des États membres, élargir le mandat de Frontex dans le cadre des discussions sur la création d'un corps de garde-frontières et de garde-côtes européens, y compris pour ce qui est du déploiement d'équipes d'intervention rapide aux frontières lorsque les évaluations Schengen ou l'analyse des risques indiquent qu'une action énergique et rapide s'impose, en coopération avec l'État membre concerné ;
i) mettre au point des solutions techniques pour renforcer le contrôle des frontières extérieures de l'UE en vue d'atteindre les objectifs poursuivis aussi bien en matière de migration que de sécurité, sans nuire à la fluidité des mouvements ;
j) saluer l'intention de la Commission de présenter rapidement un ensemble de mesures en vue d'améliorer la gestion de nos frontières extérieures.
* Répondre à l'afflux de réfugiés en Europe et assurer les retours
k) conformément aux décisions prises à ce jour, poursuivre la mise en place, dans le délai convenu, de nouveaux «hotspots» afin de procéder à l'identification, à l'enregistrement, au relevé des empreintes digitales et à l'accueil des personnes demandant une protection internationale et des autres migrants et, dans le même temps, d'assurer la relocalisation et les retours. Les États membres soutiendront pleinement les efforts en ce sens, tout d'abord en mettant à disposition l'expertise demandée par Frontex et l'EASO pour la constitution des équipes d'appui à la gestion des flux migratoires appelées à intervenir dans les zones «hotspots» ainsi qu'en fournissant les ressources nécessaires ;
l) après les premières relocalisations réussies, procéder rapidement à la mise en oeuvre pleine et entière des décisions prises à ce jour concernant la relocalisation ainsi que de nos engagements en matière de réinstallation et de fonctionnement des «hotspots» ;
m) dans le même temps, faire en sorte que les États membres accélèrent la mise en oeuvre de la directive «retour» et, avant la fin de l'année, créer un bureau pour les opérations de retour au sein de Frontex afin de renforcer le soutien aux États membres ;
n) élargir le mandat de Frontex en matière de retour en l'habilitant à organiser, de sa propre initiative, des opérations de retour conjointes et renforcer son rôle en ce qui concerne l'obtention de documents de voyage pour les personnes faisant l'objet d'une mesure de retour ;
o) promouvoir l'acceptation par les pays tiers d'un laissez-passer européen amélioré en matière de retour en tant que document de référence aux fins du retour ;
p) mettre en oeuvre de façon effective l'ensemble des engagements en matière de réadmission, qu'ils soient pris dans le cadre d'accords de réadmission formels, de l'accord de Cotonou ou d'autres arrangements ;
q) accroître encore les moyens d'incitation en matière de retour et de réadmission, en appliquant le cas échéant le principe «donner plus pour recevoir plus». À cet égard, la Commission et la Haute représentante proposeront, dans un délai de six mois, des mesures d'incitation complètes et adaptées à chaque situation à appliquer à l'égard des pays tiers.
3. Les orientations énoncées ci-dessus constituent une nouvelle étape importante de la mise en place de notre stratégie globale, dans le respect du droit de demander l'asile, des droits fondamentaux et des obligations internationales. Il existe néanmoins d'autres actions prioritaires importantes qui nécessitent des discussions supplémentaires au sein des instances compétentes, y compris les propositions de la Commission. Par ailleurs, il faut poursuivre la réflexion sur la politique globale de l'UE en matière de migration et d'asile. Le Conseil européen suivra l'évolution de la situation.
* Syrie et Libye
4. Le Conseil européen a examiné l'évolution de la situation politique et militaire en Syrie, y compris son incidence sur les flux migratoires. Le régime de Bachar Al-Assad porte la plus grande part de la responsabilité des 250 000 morts qu'a fait le conflit et des millions de personnes déplacées. Le Conseil européen est convenu de la nécessité de mettre l'accent sur la lutte contre Daech et d'autres groupes terroristes qui font l'objet d'une désignation par les Nations unies, dans le cadre d'une stratégie unie et coordonnée ainsi que d'un processus politique reposant sur le communiqué de Genève de 2012. L'UE s'emploie pleinement à trouver une solution politique au conflit, en coopération étroite avec les Nations unies et les pays de la région, et appelle toutes les parties concernées à oeuvrer en ce sens. Il ne peut y avoir de paix durable en Syrie sous le régime actuel et tant que les revendications et aspirations légitimes de toutes les composantes de la société syrienne n'auront pas été prises en compte. Le Conseil européen s'est déclaré préoccupé par les attaques menées par la Russie contre l'opposition et la population syriennes, ainsi que par le risque de nouvelle escalade militaire.
5. En ce qui concerne la Libye, le Conseil européen s'est félicité de l'annonce faite par les Nations unies et a demandé à toutes les parties d'y souscrire sans délai. L'UE réaffirme qu'elle est prête à apporter un soutien politique et financier substantiel au gouvernement d'entente nationale dès qu'il aura pris ses fonctions.
AUTRES POINTS
6. Le Conseil européen a fait le point sur les débats concernant le rapport des présidents intitulé «Compléter l'Union économique et monétaire européenne». Il rappelle qu'il convient de faire avancer le processus visant à compléter l'Union économique et monétaire dans le plein respect du marché unique et de manière ouverte et transparente. Le Conseil européen reviendra sur ces questions lors de sa réunion de décembre.
7. Le Conseil européen a été informé du processus à venir concernant les projets du Royaume-Uni pour le référendum sur son appartenance à l'UE. Le Conseil européen reviendra sur cette question en décembre.
8. Le Conseil européen prend acte avec intérêt du rapport international et indépendant, établi par le Bureau néerlandais pour la sécurité et publié le 13 octobre, sur la destruction de l'appareil affrété pour le vol MH17, et soutient les efforts actuellement menés afin que les personnes responsables de cette destruction répondent de leurs actes, conformément à la résolution 2166 (2014) du Conseil de sécurité des Nations unies.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 octobre 2015