Texte intégral
FABIENNE SYNTES
Votre invitée, Jean-François ACHILLI, ce matin, est donc ministre de la Santé et des Affaires sociales.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Et des Droits des Femmes, Fabienne, SYNTES.
FABIENNE SYNTES
Aussi.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Bonjour Marisol TOURAINE.
MARISOL TOURAINE
Bonjour.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Alors, c'est l'information du week-end, la France a commencé à bombarder Daesh en Syrie. La position du gouvernement a-t-elle changé sur ce dossier, notamment à l'égard de monsieur Bachar EL-ASSAD ?
MARISOL TOURAINE
La France assume ses responsabilités, elle le fait depuis le début de cette crise, il y a plusieurs années. Elle l'a fait, comme l'a dit le président de la République, en allant d'abord procéder à des vols de reconnaissance, elle a bombardé un camp d'entrainement qui représente une menace, une menace pour la région, une menace pour notre pays
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Ça s'est passé ce week-end.
MARISOL TOURAINE
Et la France assume ses responsabilités, pour permettre à cette région de retrouver la paix et l'équilibre.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Alors, Marisol TOURAINE, c'est aujourd'hui la Journée mondiale pour le droit à l'avortement. Et vous lancez ce matin un numéro téléphonique national d'information et une campagne de communication sur l'IVG, l'Interruption Volontaire de Grossesse, et j'ai envie de vous dire ce matin : « Nous sommes en 2015, est-ce que c'est donc encore nécessaire ? ».
MARISOL TOURAINE
Avorter c'est un droit. C'est un droit depuis un peu plus de 40 ans, 41 années, depuis la loi Veil, mais on s'aperçoit que si les Français sont massivement attachés à ce que les femmes puissent exprimer, revendiquer, affirmer ce droit, il y a beaucoup d'idées reçues et beaucoup d'incertitudes et de méconnaissance sur la manière dont les choses se passent, et vous avez ainsi des situations dans lesquelles les femmes ne savent pas à qui s'adresser, comment procéder, et c'est pour cela
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Toujours, aujourd'hui, hein.
MARISOL TOURAINE
que l'information est nécessaire. Vous savez, lorsque je suis arrivée au ministère, je me suis aperçue que lorsque vous alliez sur un moteur de recherche, sur Internet, et que vous tapiez IVG, vous tombiez sur des sites de désinformation, c'est-à-dire que ce qui arrivait en haut, c'était sous couvert d'informations sur l'avortement, des sites qui vous incitaient à ne pas avorter. C'est pour cela qu'en 2013 nous avons mis en place, j'ai mis en place un site « ivg.gouv.fr », qui rencontre d'ailleurs un très grand succès, puisqu'il y a eu environ 1,2 million visites, ou pages visitées, ce qui prouve qu'il y a un besoin d'informations, mais des femmes disent : « Moi j'ai besoin de parler à quelqu'un », et c'est pour cela que nous lançons, à partir d'aujourd'hui, un numéro de téléphone, le 0800 08 11 11
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
C'est facile à retenir, hein, 08 11 11.
MARISOL TOURAINE
0800 08 11 11, ouvert 6 jours sur 7 et qui permettra aux femmes d'être informées de manière objective. Parce que le message que je veux passer aujourd'hui aux femmes, c'est la liberté de disposer de son corps ne se discute pas, il y ne doit y avoir ni pression, ni jugement, ni désinformation.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Parce que la loi Veil sur l'Interruption volontaire de grossesse, c'était il y a 40 ans, quand même.
MARISOL TOURAINE
Oui, mais il y a beaucoup d'idées reçues. J'ai lancé
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous voulez dire qu'il y a une recrudescence aujourd'hui, de quelque chose, une réaction ?
MARISOL TOURAINE
Non, il y a deux phénomènes différents. Il y a d'une part une petite minorité de personnes, en France, qui contestent aux femmes la possibilité, le droit d'avorter, qui remettent en cause ce droit. On l'a vu de façon flagrante en Espagne, on le voit au Portugal, où il a fallu des mobilisations très fortes des femmes et de l'opinion publique pour éviter la suppression de ce droit. En France, ça n'est absolument pas la situation, mais néanmoins, on s'aperçoit qu'il y a des minorités, qui expriment des oppositions très fortes, mais surtout, et c'est à ceux-là que je veux répondre, il y a beaucoup d'idées reçues, par exemple 37 % des Français pensent que l'IVG n'est pas remboursé par la Sécurité sociale.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Ça c'est un sondage que vous avez effectué pour le lancement de la campagne d'information.
MARISOL TOURAINE
Oui, parce que vous savez, pour bien informer, il faut savoir à quels besoins il faut pouvoir répondre.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
100 % de prise en charge, hein.
MARISOL TOURAINE
Eh bien depuis 2012/2013, c'est 100 % de prise en charge par la Sécurité sociale, c'est une des premières mesures que j'ai prise, et que j'ai mise en avant pour que les femmes trouvent des réponses à leurs difficultés. De la même manière, je veux rappeler évidemment qu'une femme n'a pas besoin de l'avis de son conjoint pour aller avorter, et qu'on n'a pas besoin
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Certains le croient encore, Marisol TOURAINE.
MARISOL TOURAINE
Certains le croient encore, ils sont peu nombreux, mais par exemple vous avez 25 % des Français qui imaginent que pour avoir le droit d'avorter, il faut justifier d'une raison psychologique ou d'un état de détresse, ça n'est évidemment pas le cas.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Donc, encore un mot, une campagne d'information nécessaire. Le téléphone ça reste parce qu'il n'y avait avant que des plateformes régionales, on pouvait appeler au niveau régional.
MARISOL TOURAINE
Oui, on a besoin d'un numéro de téléphone unique
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Ça reste un moyen d'information ? Parce que c'est quand même particulier, le téléphone ça n'est pas un contact physique, humain, avec un spécialiste.
MARISOL TOURAINE
Le téléphone c'est gratuit, c'est anonyme, et vous avez des personnes du planning familial, puisque c'est au planning familial que nous confions la gestion de ce numéro de téléphone, et vous avez une information objective, neutre. Ce sur quoi je veux insister, c'est que depuis trois ans nous mettons en place, je mets en place une politique qui doit permettre de rassurer les femmes, de garantir une prise en charge financière et de leur permettre d'avoir davantage de lieux où pouvoir avorter si elles en éprouvent la nécessité, ou si elles le souhaitent, dans la loi que je fais débattre actuellement
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Qui est disputée au Sénat.
MARISOL TOURAINE
la loi de modernisation de notre système de santé, eh bien on prévoit que les sages-femmes pourront pratiquer des avortements par médicaments, des
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Et ça, ça passe chez tout le monde, y compris chez les sénateurs.
MARISOL TOURAINE
Oui, ça passe au Sénat et puis ça reviendra ensuite à l'Assemblée nationale.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Alors, Marisol TOURAINE, je m'adresse à la ministre de la Santé. Le centre de Paris, la capitale était fermée hier à la circulation automobile. Bonne initiative, selon vous, ou c'est cosmétique ?
MARISOL TOURAINE
Oh, c'est une journée, une journée de sensibilisation. Manifestement, il y a des Parisiens qui ont été très heureux d'aller se promener dans des endroits, jusque-là
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Sur les Champs.
MARISOL TOURAINE
qui étaient envahis par les voitures. Mais c'est une manière d'envoyer un message, même si évidemment, au quotidien, nous ne pouvons pas ignorer qu'il y a des personnes qui habitent en dehors de la capitale et qui viennent travailler en centre-ville et à l'inverse des Parisiens qui vont travailler en dehors de Paris. Donc il faut être attentif à tout cela, mais nous savons que la qualité de l'air est un enjeu de sant publique, et donc une meilleure qualité d'air c'est évidemment moins de pollution, moins de voitures, moins d'embouteillages.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous souhaitez, vous, la disparition, à terme, pas du jour au lendemain, bien sûr, c'est compliqué, du diesel dans les automobiles
MARISOL TOURAINE
Le diesel représente un danger pour la santé publique. Le scandale que nous observons avec VOLKSWAGEN, à cet égard, est vraiment préoccupant, parce que non seulement il y a eu mensonge, mais il y a eu des prises de risques pour un certain nombre de personnes dans le monde, qui habitent dans des villes dans lesquelles ils pensaient que le diesel était maitrisé, ce qui n'était pas le cas, et donc il est souhaitable que toute la transparence soit faite sur cette situation.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Et disparition, à terme, du diesel dans les automobiles ?
MARISOL TOURAINE
Ça dépend les choses ne se feront pas du jour au lendemain
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
C'est souhaitable ou pas ? Ça veut donc dire oui.
MARISOL TOURAINE
Regardons d'abord la qualité de l'air. Vous savez, ce qui est frappant c'est que la qualité de l'air c'est évidemment l'automobile, mais c'est tout un ensemble de facteurs, il n'y a pas que le diesel qui est en cause.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Marisol TOURAINE, le journal Le Parisien chiffre ce matin à deux milliards d'euros, la facture additionnelle, supposée, des kinés et des infirmiers libéraux, c'est la suite du rapport de la Cour des Comptes, qui a pointé un peu ces deux professions, plus ils seraient nombreux, plus les actes se multiplieraient. Est-ce réel ? Est-ce que vous envisagez d'intervenir à ce sujet ?
MARISOL TOURAINE
Des contrôles ont lieu. Il me semble qu'il faut éviter les amalgames. D'un côté nous avons besoin que nos concitoyens soient davantage pris en compte ou en charge en ville, à leur domicile. Et être pris en charge à leur domicile, ça veut dire qu'il y aura des infirmières, qu'il y aura des kinés, qui iront chez vous, sinon vous allez à l'hôpital. Et donc il est normal qu'à partir du moment où on va moins à l'hôpital et qu'on améliore la prise en charge à domicile, il est normal qu'il y ait une augmentation des actes réalisés par les kinés et par les infirmières.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Ça ne vous choque pas ?
MARISOL TOURAINE
En revanche, il faut s'assurer que cela correspond évidemment à des actes nécessaires, à des actes utiles, il faut donc des contrôles, il faut des contrôles renforcés dans certains secteurs, pour s'assurer que ces actes correspondent à des réalités.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Un mot de politique pour conclure cet entretien ce matin, Marisol TOURAINE. Les régionales, les élections approchent. Martine AUBRY qui ne supporte plus Emmanuel MACRON, vous avez été surprise, voir choquée par ce propos ?
MARISOL TOURAINE
Nous sommes à quelques semaines d'élections, nous sommes surtout dans un moment où la France est confrontée à beaucoup d'incertitudes. On parlait de la Syrie au début de cette émission, il y a des enjeux liés au terrorisme, la préoccupation de savoir quand la croissance économique va revenir. Nous avons besoin de rassurer, et pour rassurer, il faut de la stabilité. J'appelle l'ensemble des responsables socialistes à être cohérents, à porter un discours unique et un discours qui donne aux Français de l'élan, du dynamisme et de la confiance, et franchement
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
C'est quoi, c'est : halte au feu ?
MARISOL TOURAINE
C'est en tout cas, comme je l'ai déjà dit, il faut faire tomber le clap de fin sur les petites bisbilles entre responsables d'un même camp. Les Français attendent de nous de la responsabilité, c'est-à-dire de la solidité, de la cohérence. Si tout le monde ne pense pas exactement la même chose, ce qui est normal, au fond, nous devons aller dans la même direction, et c'est cela qui compte.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Merci à vous Marisol TOURAINE.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 2 octobre 2015