Déclaration de Mme Marisol Touraine, miMinistre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, sur les questions de santé dans le cadre de la société numérique, Paris le 13 octobre 2015.

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« La santé comme bien commun de la société numérique ». Le titre de votre rapport porte à lui seul une double détermination : chacune, chacun, peut s'informer, interpeller, demander des comptes et décider pour lui-même ; grâce aux nouvelles technologies qui ne sont plus que de simples outils, puisqu'elles font, elles sont, notre quotidien.
I. Vos travaux confirment le bouleversement que constitue, pour la santé, le numérique.
Ce bouleversement est global, autant économique, politique, culturel et social que cognitif. Notre manière de penser, nos relations au savoir, aux autres, évoluent à la vitesse grand V. Le numérique redistribue des pouvoirs au sein de la société.
Cette redistribution des cartes du savoir et du pouvoir transforme le monde de la médecine. Le XXIe siècle est celui du « patient connecté », qui va sur Google ou Doctissimo avant de consulter son médecin, et s'y rend souvent à nouveau en sortant pour chercher des réponses aux questions qu'il a oublié ou qu'il n'a pas osé poser au médecin. Mieux informé, le patient peut mieux exercer ses droits. A condition que l'information qu'il trouve soit fiable, j'y reviendrai.
L'exercice des professionnels de santé est lui aussi transformé. A l'Institut de recherche contre les cancers de l'appareil digestif (IRCAD), j'ai vu des opérations réalisées par robots interposés et des maladies suivies en 3D sur iPad. Téléconsultation, télé-expertise, télé-suivi, opérations à distance ou robotisées : les déclinaisons de la télémédecine sont infinies.
Tout va changer. C'est une chance. Une chance pour les patients qui seront les acteurs de leur santé. Une chance pour les professionnels de santé qui pourront davantage se consacrer à leur coeur de métier, celui d'accompagner et de décider.
II. Tout cela, il faut le soutenir, l'accélérer, l'amplifier, partout où c'est possible et nécessaire.
Depuis 2012, cet objectif est au coeur de mon action. Avec deux exigences incontournables : que ce mouvement respecte et renforce nos valeurs, et que la redistribution du pouvoir se fasse au bénéfice des patients et des professionnels qui les accompagnent.
Une information qui circule mieux, c'est la garantie d'individus plus libres. Un exemple : celui du droit à l'avortement. Nous ne devons pas laisser les femmes seules face à l'afflux d'informations sur l'interruption volontaire de grossesse (IVG) parfois lacunaires, souvent fausses et donc dangereuses. C'est pourquoi j'ai lancé un numéro de téléphone officiel et créé un site gouvernemental ivg.gouv.fr, qui est aujourd'hui le premier site référencé en matière d'IVG.
Demain, cette dynamique concernera l'ensemble des questions de santé. C'est le sens du service public d'information en santé que je porte dans le projet de loi de modernisation de notre système de santé. Ce nouveau service, ce « GPS en santé », permettra à chacun de trouver des réponses adaptées, fiables et impartiales à leurs questions.
C'est également le sens de l'ouverture des données en santé prévue par ce même projet de loi. C'est un pas décisif dans le mouvement de l'open data français. Avec la création d'un système national des données de santé, les associations de patients, les chercheurs, les journalistes, les professionnels de santé, les startupers, les lanceurs d'alerte : tous pourront accéder à l'une des plus grandes bases de données de santé au monde pour réaliser des études d'intérêt public.
Pour mieux nous appuyer sur le numérique, j'ai débloqué des financements très importants. Depuis 2013 plus de 260 millions d'euros ont été engagés pour soutenir l'effort des hôpitaux en matière de numérique. La semaine dernière, j'ai annoncé la création d'un fonds d'au moins 100 millions d'euros lancé avec le commissariat général à l'Investissement pour soutenir les porteurs de projets innovants en santé. Et puis, j'ai la conviction que la télémédecine est un moyen de lutter contre les inégalités territoriales en matière de santé : c'est pourquoi de nouvelles initiatives seront prises prochainement en ce sens.
III. Aujourd'hui, il nous faut ouvrir une nouvelle étape, donner un coup d'accélérateur. Votre rapport formule des propositions qui vont nourrir ce travail.
Je veux revenir sur trois d'entre elles.
D'abord, le renforcement de ce que vous appelez dans votre rapport, la « littératie numérique » comme composante du service public d'information en santé.
Internet peut être une source d'information extrêmement riche comme une source de désinformation particulièrement dangereuse. Si les pouvoirs publics ne peuvent prétendre répondre à toutes les questions et tous les besoins des individus en santé, ma conviction est qu'il a néanmoins pour mission de les aider à discerner le vrai du faux, le fiable du moins fiable. C'est pourquoi vos propositions pour renforcer la littératie numérique vont enrichir le service public d'information en santé.
Deuxième axe sur lequel nous allons nous appuyer : le développement de la co-innovation entre usagers, professionnels de santé et industriels.
Patients, professionnels et porteurs d'innovations doivent davantage interagir autour de projets communs. Ce croisement des savoirs, des points de vues, des expériences, est indispensable pour garantir que l'innovation répond à des besoins exprimés. La « co-conception » des services e-santé doit se développer en partant des usages et des usagers, dans des lieux d'innovation qui favorisent la coopération. Les centres hospitaliers qui se sont engagés dans cette approche donnent des exemples particulièrement riches. Je pense à l'Institut de la vision et son living lab, que j'ai visités cette année, ou encore à l'Institut hospitalo-universitaire (IHU) de chirurgie guidée par l'image à Strasbourg dirigé par le professeur Jacques MARESCAUX. Ces espaces amènent les innovateurs au plus près des patients, des professionnels et de leur cadre d'exercice. Vous proposez de multiplier ces espaces au niveau local et au niveau européen. Il nous faut en effet progresser sur ce point.
Enfin, la mise en place du « blue button » pour faciliter la maîtrise de ses données par le patient
Aujourd'hui, obtenir son dossier médical auprès d'un établissement de soins est déjà un droit, mais il n'est pas toujours aisé de le faire valoir. Avec la relance du dossier médical partagé, inscrite dans le projet de loi de modernisation de notre système de santé, les patients pourront mieux accéder à leurs données médicales.
Votre rapport propose des pistes intéressantes pour aller plus loin, en appliquant ce principe à d'autres informations médicales (des informations n'ayant pour l'instant pas vocation à figurer dans le dossier médical partagé) ainsi que des données issues d'objets connectés par exemple. Je vous rejoins sur ce point et j'ai d'ailleurs annoncé la semaine dernière, lors des 70 ans de la Sécurité sociale, que nous devons aller vers un « blue button » à la française.
Mesdames et messieurs,
La révolution numérique de la santé est là. Tellement là que pour beaucoup de Français, il ne s'agit même plus d'une révolution. Mon ambition, c'est de lui donner tous les moyens de s'exprimer et de se développer, dans un cadre respectueux du patient et du professionnel qui l'accompagne. Je tiens à saluer à nouveau la grande qualité de votre travail et je sais pouvoir compter sur votre mobilisation pour poursuivre dans cette voie.
Je vous remercie.
Source http://www.social-sante.gouv.fr, le 16 octobre 2015