Texte intégral
BRUCE TOUSSAINT
Bonjour Ségolène ROYAL
SÉGOLÈNE ROYAL
Bonjour.
BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup d'être avec nous ce matin. Je voudrais qu'on commence avec cette image qui est d'ores et déjà dans l'histoire, vous y étiez, c'était hier au Congrès de Versailles, « La Marseillaise », alors moi ce que je vous propose c'est qu'on l'écoute presque en entier, regardons ensemble.
//extrait des parlementaires entonnant « La Marseillaise »//
BRUCE TOUSSAINT
Y a-t-il ce matin encore de l'émotion en regardant ces images, Ségolène ROYAL ?
SÉGOLÈNE ROYAL
Il y a deux sentiments que l'on ressent dans ces moments-là, un sentiment d'émotion bien sûr mais aussi un sentiment de force, il y a un sentiment d'unité nationale et je voudrais saluer d'ailleurs l'attitude de l'opposition dans ces moments-là parce que c'est à la fois un impact international cette image de rassemblement des clivages politiques et puis c'est un impact en France parce qu'il faut que les Français se sentent en sécurité et ils se sentent en sécurité lorsque leurs responsables politiques sont rassemblés autour d'un même objectif : combattre tout ce qui peut agresser la tranquillité des Français.
BRUCE TOUSSAINT
Justement hier François HOLLANDE a annoncé des mesures qui ont pu surprendre par leur fermeté, leur sévérité, mais est-ce qu'au fond ce n'est pas un programme de droite ultra-sécuritaire qui a été présenté hier par le président de la République ?
SÉGOLÈNE ROYAL
La sécurité n'est ni de droite, ni de gauche, la sécurité c'est un droit fondamental qui est inscrit dans la Constitution - dans la Constitution le droit à la sécurité s'appelle d'ailleurs le droit à la sûreté - c'est aussi le droit inscrit dans la Constitution le droit d'aller et de venir, c'est la liberté fondamentale, et d'ailleurs ce qu'ont voulu frapper les terroristes c'est vraiment l'âme française, c'est-à-dire c'est la joie de vivre, c'est la liberté et c'est la fraternité et donc c'est bien à cela qu'il faut s'atteler pour pouvoir rétablir ce droit à la sûreté.
BRUCE TOUSSAINT
Vous êtes donc d'accord avec toutes les propositions, si on les reprend un petit peu dans l'ordre : déchéance de nationalité, fiche S, reconduite à la frontière, les nouveaux postes pour gendarmes et policiers ?
SÉGOLÈNE ROYAL
Mais bien évidemment ! Il y a trois types de propositions, comme vous l'avez vu : il y a d'une part la prolongation de l'état d'urgence qui permet à la fois les perquisitions et les assignations à résidence ; il y a ensuite la réforme de la Constitution pour inscrite précisément cet état d'urgence dans les règles constitutionnelles, qui sont aujourd'hui un peu inappliquées puisqu'elles ont été formulées et écrites avant ces phénomènes de terrorisme et de cybercriminalité ; et puis, troisièmement, il y a les moyens matériels supplémentaires qui sont donnés à la justice et à la police, et à la défense, pour pouvoir éradiquer le terrorisme.
BRUCE TOUSSAINT
Alors vous entendez j'imagine depuis hier les critiques de l'opposition, pourquoi ne pas avoir fait cela après les attentats de janvier, pourquoi avoir attendu ?
SÉGOLÈNE ROYAL
J'entends ces critiques ! J'observe d'ailleurs que l'opposition a peu de prise sur ce qui est fait, puisque c'est finalement la seule critique, c'est une critique de tempo si j'ose dire
BRUCE TOUSSAINT
Oui ! C'est ça.
SÉGOLÈNE ROYAL
Mais écoutez cest aujourd'hui, nous sommes aujourd'hui, nous devons agir là pour les jours qui viennent et les semaines qui viennent et les années qui viennent, donc je crois que l'opposition finalement ce qu'on attend d'elle aussi c'est un rassemblement nationale comme je le disais tout à l'heure et c'est vraiment - puisque le chef de l'État l'a dit - un appel aux propositions de l'opposition puisqu'il a été clairement dit hier que le Conseil d'État serait saisi de toutes les propositions, donc, si l'opposition a des propositions à faire, elles sont bienvenues, elles seront soumises par le gouvernement au Conseil d'État et elles seront intégrées à la réforme législative et à la réforme constitutionnelle.
BRUCE TOUSSAINT
Pardon ! Mais c'est une posture ou c'est c'est tactique cette façon de vouloir englober l'opposition, comme pour lui dire : « eh bien vous voyez on travaille vraiment ensemble » ou c'est un peu, voilà, une façon de museler l'opposition ? C'est de la politique aussi, même en temps de guerre ?
SÉGOLÈNE ROYAL
Je ne crois pas ! Franchement, je ne crois pas. D'abord, ce n'est pas tous les sujets de la politique : la politique économique, la politique sociale que l'opposition ne se gêne pas pour critiquer - et elle est dans son rôle - en revanche sur ce qui concerne vraiment l'autorité de l'Etat, la protection de la Nation, je crois que tout le monde peut s'y retrouver et, d'ailleurs, vous savez les Français ne font jamais de confusion, on n'a jamais vu un drame national et une unité nationale se transformer en vote, donc on sait parfaitement que les Français sont très intelligents, ils regardent les choses, ils regardent le comportement de leurs responsables politiques et ils ne mélangent pas leur vote avec leur volonté d'union nationale dans les moments d'extrême gravité comme celui que nous vivons.
BRUCE TOUSSAINT
Donc tout pour la sécurité et tant pis pour les déficits, le pacte de stabilité ?
SÉGOLÈNE ROYAL
Mais, comme l'a dit le chef de l'Etat
BRUCE TOUSSAINT
On verra ça après ?
SÉGOLÈNE ROYAL
Le pacte de sécurité est plus important que le pacte de stabilité.
BRUCE TOUSSAINT
Il y a quelques années vous aviez conceptualisé l'ordre juste
SÉGOLÈNE ROYAL
Oui !
BRUCE TOUSSAINT
On y est là ou pas ?
SÉGOLÈNE ROYAL
Et « La Marseillaise » d'ailleurs !
BRUCE TOUSSAINT
Et « La Marseillaise » !
SÉGOLÈNE ROYAL
Que la gauche s'était réhabilitée, la gauche à cette époque-là n'osait pas même plus chanter « La Marseillaise »
BRUCE TOUSSAINT
Oui ! Alors lorsque
SÉGOLÈNE ROYAL
Vous voyez quel chemin parcouru avec les images que l'on vient de voir, mais bien évidemment lordre juste est plus que jamais d'actualité et, d'ailleurs, c'est ce qui a été fait, c'est ce qui est fait en ce moment. Qu'est-ce que ça veut dire ? Ca veut dire que d'un côté il y a la sécurité qui doit être extrêmement ferme avec des règles extrêmement rigoureuses mais que ces règles extrêmement rigoureuses ne doivent jamais mettre en défaut à la fois la justice et les libertés publiques, et c'est bien ce qui est en train d'être fait puisqu'on a une Constitution où il y a deux articles qui ne sont pas adaptés, soit l'article 16 qui met fin au fonctionnement régulier des pouvoirs publics - on voit bien que ça ne doit pas être le cas, la preuve la réunion du Congrès à Versailles - ou l'article 36 qui est l'état de siège, c'est-à-dire le transfert à l'autorité militaire de l'autorité politique, ce qui est bien évidemment inconcevable, donc il faut bien rétablir cet ordre juste, c'est-à-dire des bases juridiques qui permettent d'intervenir rapidement, comme les perquisitions, les assignations à résidence, la déchéance de la nationalité lorsqu'il y a une double nationalité, linterdiction aussi de prêches sur Internet, là on manque de base juridique et là-dessus il faut vraiment légiférer extrêmement rapidement pour qu'il puisse y avoir une répression de ces prêches qui sont diffusées non seulement dans certaines mosquées mais aussi sur Internet, cela ça doit être radicalement interdit et réprimé, ce qui n'est pas encore le cas, donc il faut bien une base juridique, et en même temps il ya l'état de droit qui doit toujours triompher parce que la France est aussi une référence en termes d'état de droit.
BRUCE TOUSSAINT
Vous étiez où vendredi soir Ségolène ROYAL et qu'est-ce que vous avez ressenti en apprenant ce qui venait de se passer ?
SÉGOLÈNE ROYAL
Vendredi soir je faisais le d'abord, en fin d'après-midi, toute fin d'après-midi, l'interview avec ALGOR sous le Dôme du climat au pied de la Tour Eiffel
BRUCE TOUSSAINT
Vous deviez faire cette grande émission de 24 heures
SÉGOLÈNE ROYAL
Je faisais cette grande émission
BRUCE TOUSSAINT
Qui a été interrompue d'ailleurs.
SÉGOLÈNE ROYAL
Qui a été interrompue, donc j'ai fait ce direct pour expliquer les enjeux du dérèglement climatique et la raison pour laquelle nous devions nous mobiliser pour la conférence climat et, ensuite, je suis rentrée donc à mon bureau, j'étais au travail à ce moment-là.
BRUCE TOUSSAINT
On connait un peu mieux maintenant le profil de ces kamikazes, de ces djihadistes, qu'est-ce que ça vous inspire ? On voit quoi ? On voit que ce sont des jeunes, des Français pour la plupart, certains ont grandi à Courcouronnes dans l'Essonne, à Drancy en Seine-Saint-Denis, qu'est-ce que ça vous inspire ? Est-ce que vous avez le sentiment que la société a une responsabilité dans cela ?
SÉGOLÈNE ROYAL
C'est une question récurrente que vous me posez ! C'est-à-dire quel est le juste équilibre entre la responsabilité individuelle, qui reste quand même le repère fondamental, parce que si on tombe dans une excuse sociétale ce n'est pas ma façon de penser, je pense qu'il y a une responsabilité individuelle et, en même temps, c'est très douloureux, c'est très douloureux de voir des Français qui ne sont pas issus de catégories miséreuses s'engager - c'est quand même de la petite délinquance à la radicalisation et ensuite de la radicalisation au terrorisme - donc il faut être quand même très déstructuré ou très déraciné pour connaître ce mécanisme-là, très, très en rupture d'une communauté de proximité qui peut le moment venu vous remettre dans le droit chemin.
BRUCE TOUSSAINT
Ca remet en cause certaines de vos convictions ?
SÉGOLÈNE ROYAL
Sur quel plan ?
BRUCE TOUSSAINT
Le fait que des Français tuent des Français, que des kamikazes se soient infiltrés dans cette salle de spectacles ou aient tenté de rentrer dans le stade de France, des kamikazes français, est-ce que ça remet en cause certaines de vos convictions sur les bases de notre République, sur l'école, sur
SÉGOLÈNE ROYAL
Non je pense que la principale question c'est de savoir comment améliorer le repérage beaucoup plus précoce de ces basculements ? Comment venir en soutien à des parents désorientés qui ont perdu tout pouvoir éducatif sur leurs enfants et qui tirent la sonnette d'alarme ? Je voyais un de ces jeunes, une déclaration d'un de ces terroristes dire, écrire à ses parents, vous vouliez que je sois avocat et que je fasse des études supérieures, eh bien vous voyez j'ai trouvé mieux. Donc comment se fait-il que des enfants dont les parents pourtant nourrissaient un objectif de réussite scolaire, arrivent comme ça à être déstructurés et à connaitre une emprise de quelque chose d'autres qu'ils n'ont pas trouvé dans leur environnement immédiat pour pouvoir penser qu'ils avaient de la valeur, qu'ils pouvaient réussir, qu'ils pouvaient faire quelque chose de leur vie, que la société avait besoin d'eux et pour qu'ils puissent ainsi basculer dans l'horreur.
BRUCE TOUSSAINT
Ségolène ROYAL, vous travaillez depuis des mois sur la COP21.
SÉGOLÈNE ROYAL
Oui.
BRUCE TOUSSAINT
Est-ce que vous avez envisagé d'annuler ?
SÉGOLÈNE ROYAL
Absolument pas.
BRUCE TOUSSAINT
Elle aura lieu quoi qu'il arrive ?
SÉGOLÈNE ROYAL
Elle aura lieu quoi qu'il arrive et je vais vous dire, ce qui est très réconfortant dans ce temps, c'est que les chefs d'État et de gouvernement ont immédiatement lorsqu'ils ont marqué leur solidarité avec la France, immédiatement dit, vous pouvez compter sur nous, nous viendrons à la conférence sur le climat au Bourget.
BRUCE TOUSSAINT
On a le sentiment malgré tout que ce sera une conférence à minima, c'est-à-dire que beaucoup de choses vont devoir être annulées pour des raisons de sécurité, que tout le monde comprendra.
SÉGOLÈNE ROYAL
Alors nous sommes en train de faire l'inventaire de tous les événements, et il y a trois natures d'événements. Il y a d'abord le lieu même des Nations Unies qui est protégé, dans lequel on entre bien évidemment avec un badge qui est le lieu de la négociation et le lieu des délégations officielles. Moi-même je dirigerai la délégation française en tant que ministre de l'Environnement et du Climat, donc je suis en train de constituer cette délégation française. Donc il y a ce lieu, ensuite il y a ce qu'on appelle l'espace des générations climat, c'est-à-dire le foisonnement des initiatives d'entreprises, de territoires, d'associations, des ONG.
BRUCE TOUSSAINT
Ca c'est maintenu ?
SÉGOLÈNE ROYAL
Il y a plus de 300 événements, là nous sommes en train de réfléchir sur la façon dont nous pouvons renforcer les accès, et sans doute que les visites de classes ne seront pas maintenues parce que ça va supposer, il devait y avoir 300 élèves tous les jours dans cet espace, ce qui suppose aussi en amont des déplacements scolaires, je souhaite que ces déplacements et la présence des enfants ne soient pas maintenues. Par exemple voilà
BRUCE TOUSSAINT
Les concerts qui étaient prévus.
SÉGOLÈNE ROYAL
Alors voilà ça, c'est la troisième nature d'événements, ce sont tout ce qui se passe sur la voie publique, les concerts, les mobilisations, les manifestations, et là ça pose un problème particulier, donc nous sommes en train de voir avec les organisateurs ce à quoi ils tiennent vraiment, quels moyens, ils ont mis en place pour assurer la sécurité de ces événements dont ils ont pris l'initiative et auxquels j'ai donné le label COP21. Donc ils sont tout à fait légitimes, mais ces événements peuvent mobiliser des forces de l'ordre qui sont mobilisées ailleurs et je ne veux pas que la COP21 affaiblisse la protection de la sécurité des Français ailleurs, sur tous les autres lieux en dehors de la conférence sur le climat. Donc ça, on est en train de regarder le juste équilibre et de voir avec le ministère de l'Intérieur ce qu'il est judicieux de faire.
BRUCE TOUSSAINT
Vous l'avez évoqué brièvement, les chefs d'Etat des grandes puissances seront là, Barack OBAMA, par exemple avait annoncé sa présence, il sera là ?
SÉGOLÈNE ROYAL
Il a annoncé, il a confirmé sa présence. Et du coup c'est vrai que cette conférence climat va prendre aussi une nouvelle dimension. Je crois aussi qu'ils viennent par solidarité avec la France et parce qu'aussi la question climatique n'est pas une question secondaire. Vous savez la question climatique, elle est aussi liée à la question de la sécurité
BRUCE TOUSSAINT
C'est-à-dire ?
SÉGOLÈNE ROYAL
C'est-à-dire que plusieurs exemples peuvent être donnés à l'échelle de la planète, nous étions récemment réunis avec le ministre de la Défense, avec tous les ministres de la Défense du monde entier, sur la question climatique. J'ai eu l'occasion de donner deux exemples de l'impact du réchauffement climatique sur la sécurité. L'exemple de la Syrie, par exemple, il y a eu des sécheresses très importantes en Syrie en 2011, qui ont entrainé un effondrement de l'agriculture, des déplacements massifs de populations, un million et demi d'agriculteurs ont été déplacés, sur une population de 22 millions d'habitants, ils sont venus grossir les villes, qui étaient déjà surchargées à cause des réfugiés, et ça a entrainé une déstabilisation, des émeutes dans les quartiers, etc. Le deuxième exemple qui est flagrant à l'échelle planétaire, c'est ce qui s'est passé en Chine, où il y a eu pendant les années 2010/2011, des tempêtes de sable, une sécheresse terrible, effondrement de la production de blé, importations massives de blé en Chine, et du coup, comme l'Egypte est le premier importateur mondial de blé, le prix du blé en Egypte a triplé et ça a déclenché les émeutes de la faim. Et récemment nous étions réunis à Malte, lors du sommet des chefs d'Etat africains, des chefs d'Etat européens, et les pays africains, qui sont les moins responsables du dérèglement climatique et qui en sont le plus victimes par la sécheresse, ont tiré la sonnette d'alarme, en disant : faites attention, parce que ce dessèchement climatique, c'est appauvrissement, cet effondrement de nos équilibres agricoles, conduisent en effet les jeunes à s'engager n'importe où, à aller chez Boko Haram, et l'exemple de l'assèchement du lac Tchad, sur lequel d'ailleurs je suis en train de travailler pour que des décisions soient prises lors de la Conférence de Paris sur le climat, voilà un lac qui est en train de disparaitre, à partir duquel toutes les communautés villageoises des pays limitrophes vivaient, par rapport à l'irrigation de l'agriculture, et aujourd'hui, des villages basculent dans la misère, et des jeunes, qui sont en complète déshérence, en complète rupture, s'engagent dans n'importe quoi. Et donc il faut bien comprendre que le dérèglement climatique n'est pas un sujet marginal, que c'est un sujet central d'équilibre de la planète.
BRUCE TOUSSAINT
Alors, vous avez évoqué à l'instant la Syrie, il y a eu un deuxième raid aérien depuis le début de la semaine, donc, sur Raqqa, le fief de Daesh, cette nuit. Ça va continuer, comme ça, et j'allais dire, presque tous les jours ?
SÉGOLÈNE ROYAL
Écoutez, ça, ça relève du chef de l'État et du ministre de la Défense, ce n'est pas de ma responsabilité, mais ce qui est clair et ce qui a été dit hier, et là aussi, qu'il y a une unité nationale sur ce sujet, c'est qu'il faut maintenant éradiquer les choses et aller jusqu'au bout. Et le soutien d'ailleurs des États-Unis d'Amérique et d'autres pays, le fait aussi que le Conseil de sécurité de l'ONU va être saisi, il faut vraiment que cette responsabilité-là soit prise en charge par l'ensemble des pays du Conseil de sécurité de l'ONU.
BRUCE TOUSSAINT
Encore une question importante. Vous avez dans votre périmètre, j'allais dire, la question des transports. Est-ce que les conditions de sécurité dans les transports en commun, doivent être renforcées à la suite de ces attentats ? Je pense aux Parisiens qui prennent le métro ou le RER, depuis quelques jours et qui ont peut-être une sorte d'anxiété au moment d'entrer dans les bouches de métro.
SÉGOLÈNE ROYAL
Il y a au ministère des Transport, et c'est aussi parce que je suis en charge du ministère qui est chargé de tous les lieux sensibles, notamment sur la sécurité énergétique, sur la question des sites Seveso, une cellule de crise qui observe nuit et jour, donc qui a été réactivée et qui est extrêmement mobilisée sur ce sujet. Ce que je peux vous dire, c'est que les conditions de sécurité ont déjà été considérablement renforcées dans les transports, et il faut effectivement peut-être imaginer, notamment pour l'accès aux trains, en particulier, comme cela se passe dans d'autres pays
BRUCE TOUSSAINT
Les gares, oui.
SÉGOLÈNE ROYAL
j'ai déjà eu l'occasion de le dire, je crois que j'ai demandé à la SNCF d'examiner cette action à mettre rapidement en place, qu'il y ait le même type de contrôle que pour l'accès aux avions.
BRUCE TOUSSAINT
C'est-à-dire que pour montrer dans un train, il faudrait effectivement passer une sorte de portique, avec
SÉGOLÈNE ROYAL
Voilà. Ça se fait pour les trains internationaux, et je pense que ça doit se faire aussi pour les trains en France.
BRUCE TOUSSAINT
Ce qui effectivement serait une condition de sécurité supplémentaire
SÉGOLÈNE ROYAL
Supplémentaire, absolument.
BRUCE TOUSSAINT
Ça c'est quelque chose dont c'est une idée que vous lancez ce matin et qui est un projet
SGOLÈNE ROYAL
Ce n'est pas lancé ce matin, mais j'ai demandé effectivement à la SNCF d'examiner et de me faire un rapport sur la façon dont on peut renforcer la sécurité, tout simplement. Et de toute façon, je crois que les voyageurs trouveraient cela tout à fait adapté et conforme à ce qui se passe dans d'autres pays.
BRUCE TOUSSAINT
Dernière question Ségolène ROYAL. Est-ce qu'on peut dire une phrase du genre : « Plus rien ne sera comme avant ? ». Est-ce que le quinquennat de François HOLLANDE, cette période que nous vivons, cette décennie, au fond change, à l'occasion de ces actes terroristes ?
SÉGOLÈNE ROYAL
Ça dépend de quoi on parle, j'aurais plutôt tendance à dire le contraire. Tout doit redevenir comme avant, la France doit devenir un pays qui rayonne, un pays paisible, un pays de la joie de vivre, comme je le disais tout à l'heure, un pays de la liberté, et le pays de la fraternité, le pays de la sécurité, et ça, je crois que c'est important, et d'ailleurs quand on voit tous les monuments du monde entier se mettre à la lumière des couleurs du drapeau tricolore, ça fait vraiment chaud au coeur, et on se dit que la France a encore un message universel à diffuser au reste du monde et c'est pour ça que cette solidarité est tellement importante.
BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup, Ségolène ROYAL, bonne journée à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 novembre 2015
Bonjour Ségolène ROYAL
SÉGOLÈNE ROYAL
Bonjour.
BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup d'être avec nous ce matin. Je voudrais qu'on commence avec cette image qui est d'ores et déjà dans l'histoire, vous y étiez, c'était hier au Congrès de Versailles, « La Marseillaise », alors moi ce que je vous propose c'est qu'on l'écoute presque en entier, regardons ensemble.
//extrait des parlementaires entonnant « La Marseillaise »//
BRUCE TOUSSAINT
Y a-t-il ce matin encore de l'émotion en regardant ces images, Ségolène ROYAL ?
SÉGOLÈNE ROYAL
Il y a deux sentiments que l'on ressent dans ces moments-là, un sentiment d'émotion bien sûr mais aussi un sentiment de force, il y a un sentiment d'unité nationale et je voudrais saluer d'ailleurs l'attitude de l'opposition dans ces moments-là parce que c'est à la fois un impact international cette image de rassemblement des clivages politiques et puis c'est un impact en France parce qu'il faut que les Français se sentent en sécurité et ils se sentent en sécurité lorsque leurs responsables politiques sont rassemblés autour d'un même objectif : combattre tout ce qui peut agresser la tranquillité des Français.
BRUCE TOUSSAINT
Justement hier François HOLLANDE a annoncé des mesures qui ont pu surprendre par leur fermeté, leur sévérité, mais est-ce qu'au fond ce n'est pas un programme de droite ultra-sécuritaire qui a été présenté hier par le président de la République ?
SÉGOLÈNE ROYAL
La sécurité n'est ni de droite, ni de gauche, la sécurité c'est un droit fondamental qui est inscrit dans la Constitution - dans la Constitution le droit à la sécurité s'appelle d'ailleurs le droit à la sûreté - c'est aussi le droit inscrit dans la Constitution le droit d'aller et de venir, c'est la liberté fondamentale, et d'ailleurs ce qu'ont voulu frapper les terroristes c'est vraiment l'âme française, c'est-à-dire c'est la joie de vivre, c'est la liberté et c'est la fraternité et donc c'est bien à cela qu'il faut s'atteler pour pouvoir rétablir ce droit à la sûreté.
BRUCE TOUSSAINT
Vous êtes donc d'accord avec toutes les propositions, si on les reprend un petit peu dans l'ordre : déchéance de nationalité, fiche S, reconduite à la frontière, les nouveaux postes pour gendarmes et policiers ?
SÉGOLÈNE ROYAL
Mais bien évidemment ! Il y a trois types de propositions, comme vous l'avez vu : il y a d'une part la prolongation de l'état d'urgence qui permet à la fois les perquisitions et les assignations à résidence ; il y a ensuite la réforme de la Constitution pour inscrite précisément cet état d'urgence dans les règles constitutionnelles, qui sont aujourd'hui un peu inappliquées puisqu'elles ont été formulées et écrites avant ces phénomènes de terrorisme et de cybercriminalité ; et puis, troisièmement, il y a les moyens matériels supplémentaires qui sont donnés à la justice et à la police, et à la défense, pour pouvoir éradiquer le terrorisme.
BRUCE TOUSSAINT
Alors vous entendez j'imagine depuis hier les critiques de l'opposition, pourquoi ne pas avoir fait cela après les attentats de janvier, pourquoi avoir attendu ?
SÉGOLÈNE ROYAL
J'entends ces critiques ! J'observe d'ailleurs que l'opposition a peu de prise sur ce qui est fait, puisque c'est finalement la seule critique, c'est une critique de tempo si j'ose dire
BRUCE TOUSSAINT
Oui ! C'est ça.
SÉGOLÈNE ROYAL
Mais écoutez cest aujourd'hui, nous sommes aujourd'hui, nous devons agir là pour les jours qui viennent et les semaines qui viennent et les années qui viennent, donc je crois que l'opposition finalement ce qu'on attend d'elle aussi c'est un rassemblement nationale comme je le disais tout à l'heure et c'est vraiment - puisque le chef de l'État l'a dit - un appel aux propositions de l'opposition puisqu'il a été clairement dit hier que le Conseil d'État serait saisi de toutes les propositions, donc, si l'opposition a des propositions à faire, elles sont bienvenues, elles seront soumises par le gouvernement au Conseil d'État et elles seront intégrées à la réforme législative et à la réforme constitutionnelle.
BRUCE TOUSSAINT
Pardon ! Mais c'est une posture ou c'est c'est tactique cette façon de vouloir englober l'opposition, comme pour lui dire : « eh bien vous voyez on travaille vraiment ensemble » ou c'est un peu, voilà, une façon de museler l'opposition ? C'est de la politique aussi, même en temps de guerre ?
SÉGOLÈNE ROYAL
Je ne crois pas ! Franchement, je ne crois pas. D'abord, ce n'est pas tous les sujets de la politique : la politique économique, la politique sociale que l'opposition ne se gêne pas pour critiquer - et elle est dans son rôle - en revanche sur ce qui concerne vraiment l'autorité de l'Etat, la protection de la Nation, je crois que tout le monde peut s'y retrouver et, d'ailleurs, vous savez les Français ne font jamais de confusion, on n'a jamais vu un drame national et une unité nationale se transformer en vote, donc on sait parfaitement que les Français sont très intelligents, ils regardent les choses, ils regardent le comportement de leurs responsables politiques et ils ne mélangent pas leur vote avec leur volonté d'union nationale dans les moments d'extrême gravité comme celui que nous vivons.
BRUCE TOUSSAINT
Donc tout pour la sécurité et tant pis pour les déficits, le pacte de stabilité ?
SÉGOLÈNE ROYAL
Mais, comme l'a dit le chef de l'Etat
BRUCE TOUSSAINT
On verra ça après ?
SÉGOLÈNE ROYAL
Le pacte de sécurité est plus important que le pacte de stabilité.
BRUCE TOUSSAINT
Il y a quelques années vous aviez conceptualisé l'ordre juste
SÉGOLÈNE ROYAL
Oui !
BRUCE TOUSSAINT
On y est là ou pas ?
SÉGOLÈNE ROYAL
Et « La Marseillaise » d'ailleurs !
BRUCE TOUSSAINT
Et « La Marseillaise » !
SÉGOLÈNE ROYAL
Que la gauche s'était réhabilitée, la gauche à cette époque-là n'osait pas même plus chanter « La Marseillaise »
BRUCE TOUSSAINT
Oui ! Alors lorsque
SÉGOLÈNE ROYAL
Vous voyez quel chemin parcouru avec les images que l'on vient de voir, mais bien évidemment lordre juste est plus que jamais d'actualité et, d'ailleurs, c'est ce qui a été fait, c'est ce qui est fait en ce moment. Qu'est-ce que ça veut dire ? Ca veut dire que d'un côté il y a la sécurité qui doit être extrêmement ferme avec des règles extrêmement rigoureuses mais que ces règles extrêmement rigoureuses ne doivent jamais mettre en défaut à la fois la justice et les libertés publiques, et c'est bien ce qui est en train d'être fait puisqu'on a une Constitution où il y a deux articles qui ne sont pas adaptés, soit l'article 16 qui met fin au fonctionnement régulier des pouvoirs publics - on voit bien que ça ne doit pas être le cas, la preuve la réunion du Congrès à Versailles - ou l'article 36 qui est l'état de siège, c'est-à-dire le transfert à l'autorité militaire de l'autorité politique, ce qui est bien évidemment inconcevable, donc il faut bien rétablir cet ordre juste, c'est-à-dire des bases juridiques qui permettent d'intervenir rapidement, comme les perquisitions, les assignations à résidence, la déchéance de la nationalité lorsqu'il y a une double nationalité, linterdiction aussi de prêches sur Internet, là on manque de base juridique et là-dessus il faut vraiment légiférer extrêmement rapidement pour qu'il puisse y avoir une répression de ces prêches qui sont diffusées non seulement dans certaines mosquées mais aussi sur Internet, cela ça doit être radicalement interdit et réprimé, ce qui n'est pas encore le cas, donc il faut bien une base juridique, et en même temps il ya l'état de droit qui doit toujours triompher parce que la France est aussi une référence en termes d'état de droit.
BRUCE TOUSSAINT
Vous étiez où vendredi soir Ségolène ROYAL et qu'est-ce que vous avez ressenti en apprenant ce qui venait de se passer ?
SÉGOLÈNE ROYAL
Vendredi soir je faisais le d'abord, en fin d'après-midi, toute fin d'après-midi, l'interview avec ALGOR sous le Dôme du climat au pied de la Tour Eiffel
BRUCE TOUSSAINT
Vous deviez faire cette grande émission de 24 heures
SÉGOLÈNE ROYAL
Je faisais cette grande émission
BRUCE TOUSSAINT
Qui a été interrompue d'ailleurs.
SÉGOLÈNE ROYAL
Qui a été interrompue, donc j'ai fait ce direct pour expliquer les enjeux du dérèglement climatique et la raison pour laquelle nous devions nous mobiliser pour la conférence climat et, ensuite, je suis rentrée donc à mon bureau, j'étais au travail à ce moment-là.
BRUCE TOUSSAINT
On connait un peu mieux maintenant le profil de ces kamikazes, de ces djihadistes, qu'est-ce que ça vous inspire ? On voit quoi ? On voit que ce sont des jeunes, des Français pour la plupart, certains ont grandi à Courcouronnes dans l'Essonne, à Drancy en Seine-Saint-Denis, qu'est-ce que ça vous inspire ? Est-ce que vous avez le sentiment que la société a une responsabilité dans cela ?
SÉGOLÈNE ROYAL
C'est une question récurrente que vous me posez ! C'est-à-dire quel est le juste équilibre entre la responsabilité individuelle, qui reste quand même le repère fondamental, parce que si on tombe dans une excuse sociétale ce n'est pas ma façon de penser, je pense qu'il y a une responsabilité individuelle et, en même temps, c'est très douloureux, c'est très douloureux de voir des Français qui ne sont pas issus de catégories miséreuses s'engager - c'est quand même de la petite délinquance à la radicalisation et ensuite de la radicalisation au terrorisme - donc il faut être quand même très déstructuré ou très déraciné pour connaître ce mécanisme-là, très, très en rupture d'une communauté de proximité qui peut le moment venu vous remettre dans le droit chemin.
BRUCE TOUSSAINT
Ca remet en cause certaines de vos convictions ?
SÉGOLÈNE ROYAL
Sur quel plan ?
BRUCE TOUSSAINT
Le fait que des Français tuent des Français, que des kamikazes se soient infiltrés dans cette salle de spectacles ou aient tenté de rentrer dans le stade de France, des kamikazes français, est-ce que ça remet en cause certaines de vos convictions sur les bases de notre République, sur l'école, sur
SÉGOLÈNE ROYAL
Non je pense que la principale question c'est de savoir comment améliorer le repérage beaucoup plus précoce de ces basculements ? Comment venir en soutien à des parents désorientés qui ont perdu tout pouvoir éducatif sur leurs enfants et qui tirent la sonnette d'alarme ? Je voyais un de ces jeunes, une déclaration d'un de ces terroristes dire, écrire à ses parents, vous vouliez que je sois avocat et que je fasse des études supérieures, eh bien vous voyez j'ai trouvé mieux. Donc comment se fait-il que des enfants dont les parents pourtant nourrissaient un objectif de réussite scolaire, arrivent comme ça à être déstructurés et à connaitre une emprise de quelque chose d'autres qu'ils n'ont pas trouvé dans leur environnement immédiat pour pouvoir penser qu'ils avaient de la valeur, qu'ils pouvaient réussir, qu'ils pouvaient faire quelque chose de leur vie, que la société avait besoin d'eux et pour qu'ils puissent ainsi basculer dans l'horreur.
BRUCE TOUSSAINT
Ségolène ROYAL, vous travaillez depuis des mois sur la COP21.
SÉGOLÈNE ROYAL
Oui.
BRUCE TOUSSAINT
Est-ce que vous avez envisagé d'annuler ?
SÉGOLÈNE ROYAL
Absolument pas.
BRUCE TOUSSAINT
Elle aura lieu quoi qu'il arrive ?
SÉGOLÈNE ROYAL
Elle aura lieu quoi qu'il arrive et je vais vous dire, ce qui est très réconfortant dans ce temps, c'est que les chefs d'État et de gouvernement ont immédiatement lorsqu'ils ont marqué leur solidarité avec la France, immédiatement dit, vous pouvez compter sur nous, nous viendrons à la conférence sur le climat au Bourget.
BRUCE TOUSSAINT
On a le sentiment malgré tout que ce sera une conférence à minima, c'est-à-dire que beaucoup de choses vont devoir être annulées pour des raisons de sécurité, que tout le monde comprendra.
SÉGOLÈNE ROYAL
Alors nous sommes en train de faire l'inventaire de tous les événements, et il y a trois natures d'événements. Il y a d'abord le lieu même des Nations Unies qui est protégé, dans lequel on entre bien évidemment avec un badge qui est le lieu de la négociation et le lieu des délégations officielles. Moi-même je dirigerai la délégation française en tant que ministre de l'Environnement et du Climat, donc je suis en train de constituer cette délégation française. Donc il y a ce lieu, ensuite il y a ce qu'on appelle l'espace des générations climat, c'est-à-dire le foisonnement des initiatives d'entreprises, de territoires, d'associations, des ONG.
BRUCE TOUSSAINT
Ca c'est maintenu ?
SÉGOLÈNE ROYAL
Il y a plus de 300 événements, là nous sommes en train de réfléchir sur la façon dont nous pouvons renforcer les accès, et sans doute que les visites de classes ne seront pas maintenues parce que ça va supposer, il devait y avoir 300 élèves tous les jours dans cet espace, ce qui suppose aussi en amont des déplacements scolaires, je souhaite que ces déplacements et la présence des enfants ne soient pas maintenues. Par exemple voilà
BRUCE TOUSSAINT
Les concerts qui étaient prévus.
SÉGOLÈNE ROYAL
Alors voilà ça, c'est la troisième nature d'événements, ce sont tout ce qui se passe sur la voie publique, les concerts, les mobilisations, les manifestations, et là ça pose un problème particulier, donc nous sommes en train de voir avec les organisateurs ce à quoi ils tiennent vraiment, quels moyens, ils ont mis en place pour assurer la sécurité de ces événements dont ils ont pris l'initiative et auxquels j'ai donné le label COP21. Donc ils sont tout à fait légitimes, mais ces événements peuvent mobiliser des forces de l'ordre qui sont mobilisées ailleurs et je ne veux pas que la COP21 affaiblisse la protection de la sécurité des Français ailleurs, sur tous les autres lieux en dehors de la conférence sur le climat. Donc ça, on est en train de regarder le juste équilibre et de voir avec le ministère de l'Intérieur ce qu'il est judicieux de faire.
BRUCE TOUSSAINT
Vous l'avez évoqué brièvement, les chefs d'Etat des grandes puissances seront là, Barack OBAMA, par exemple avait annoncé sa présence, il sera là ?
SÉGOLÈNE ROYAL
Il a annoncé, il a confirmé sa présence. Et du coup c'est vrai que cette conférence climat va prendre aussi une nouvelle dimension. Je crois aussi qu'ils viennent par solidarité avec la France et parce qu'aussi la question climatique n'est pas une question secondaire. Vous savez la question climatique, elle est aussi liée à la question de la sécurité
BRUCE TOUSSAINT
C'est-à-dire ?
SÉGOLÈNE ROYAL
C'est-à-dire que plusieurs exemples peuvent être donnés à l'échelle de la planète, nous étions récemment réunis avec le ministre de la Défense, avec tous les ministres de la Défense du monde entier, sur la question climatique. J'ai eu l'occasion de donner deux exemples de l'impact du réchauffement climatique sur la sécurité. L'exemple de la Syrie, par exemple, il y a eu des sécheresses très importantes en Syrie en 2011, qui ont entrainé un effondrement de l'agriculture, des déplacements massifs de populations, un million et demi d'agriculteurs ont été déplacés, sur une population de 22 millions d'habitants, ils sont venus grossir les villes, qui étaient déjà surchargées à cause des réfugiés, et ça a entrainé une déstabilisation, des émeutes dans les quartiers, etc. Le deuxième exemple qui est flagrant à l'échelle planétaire, c'est ce qui s'est passé en Chine, où il y a eu pendant les années 2010/2011, des tempêtes de sable, une sécheresse terrible, effondrement de la production de blé, importations massives de blé en Chine, et du coup, comme l'Egypte est le premier importateur mondial de blé, le prix du blé en Egypte a triplé et ça a déclenché les émeutes de la faim. Et récemment nous étions réunis à Malte, lors du sommet des chefs d'Etat africains, des chefs d'Etat européens, et les pays africains, qui sont les moins responsables du dérèglement climatique et qui en sont le plus victimes par la sécheresse, ont tiré la sonnette d'alarme, en disant : faites attention, parce que ce dessèchement climatique, c'est appauvrissement, cet effondrement de nos équilibres agricoles, conduisent en effet les jeunes à s'engager n'importe où, à aller chez Boko Haram, et l'exemple de l'assèchement du lac Tchad, sur lequel d'ailleurs je suis en train de travailler pour que des décisions soient prises lors de la Conférence de Paris sur le climat, voilà un lac qui est en train de disparaitre, à partir duquel toutes les communautés villageoises des pays limitrophes vivaient, par rapport à l'irrigation de l'agriculture, et aujourd'hui, des villages basculent dans la misère, et des jeunes, qui sont en complète déshérence, en complète rupture, s'engagent dans n'importe quoi. Et donc il faut bien comprendre que le dérèglement climatique n'est pas un sujet marginal, que c'est un sujet central d'équilibre de la planète.
BRUCE TOUSSAINT
Alors, vous avez évoqué à l'instant la Syrie, il y a eu un deuxième raid aérien depuis le début de la semaine, donc, sur Raqqa, le fief de Daesh, cette nuit. Ça va continuer, comme ça, et j'allais dire, presque tous les jours ?
SÉGOLÈNE ROYAL
Écoutez, ça, ça relève du chef de l'État et du ministre de la Défense, ce n'est pas de ma responsabilité, mais ce qui est clair et ce qui a été dit hier, et là aussi, qu'il y a une unité nationale sur ce sujet, c'est qu'il faut maintenant éradiquer les choses et aller jusqu'au bout. Et le soutien d'ailleurs des États-Unis d'Amérique et d'autres pays, le fait aussi que le Conseil de sécurité de l'ONU va être saisi, il faut vraiment que cette responsabilité-là soit prise en charge par l'ensemble des pays du Conseil de sécurité de l'ONU.
BRUCE TOUSSAINT
Encore une question importante. Vous avez dans votre périmètre, j'allais dire, la question des transports. Est-ce que les conditions de sécurité dans les transports en commun, doivent être renforcées à la suite de ces attentats ? Je pense aux Parisiens qui prennent le métro ou le RER, depuis quelques jours et qui ont peut-être une sorte d'anxiété au moment d'entrer dans les bouches de métro.
SÉGOLÈNE ROYAL
Il y a au ministère des Transport, et c'est aussi parce que je suis en charge du ministère qui est chargé de tous les lieux sensibles, notamment sur la sécurité énergétique, sur la question des sites Seveso, une cellule de crise qui observe nuit et jour, donc qui a été réactivée et qui est extrêmement mobilisée sur ce sujet. Ce que je peux vous dire, c'est que les conditions de sécurité ont déjà été considérablement renforcées dans les transports, et il faut effectivement peut-être imaginer, notamment pour l'accès aux trains, en particulier, comme cela se passe dans d'autres pays
BRUCE TOUSSAINT
Les gares, oui.
SÉGOLÈNE ROYAL
j'ai déjà eu l'occasion de le dire, je crois que j'ai demandé à la SNCF d'examiner cette action à mettre rapidement en place, qu'il y ait le même type de contrôle que pour l'accès aux avions.
BRUCE TOUSSAINT
C'est-à-dire que pour montrer dans un train, il faudrait effectivement passer une sorte de portique, avec
SÉGOLÈNE ROYAL
Voilà. Ça se fait pour les trains internationaux, et je pense que ça doit se faire aussi pour les trains en France.
BRUCE TOUSSAINT
Ce qui effectivement serait une condition de sécurité supplémentaire
SÉGOLÈNE ROYAL
Supplémentaire, absolument.
BRUCE TOUSSAINT
Ça c'est quelque chose dont c'est une idée que vous lancez ce matin et qui est un projet
SGOLÈNE ROYAL
Ce n'est pas lancé ce matin, mais j'ai demandé effectivement à la SNCF d'examiner et de me faire un rapport sur la façon dont on peut renforcer la sécurité, tout simplement. Et de toute façon, je crois que les voyageurs trouveraient cela tout à fait adapté et conforme à ce qui se passe dans d'autres pays.
BRUCE TOUSSAINT
Dernière question Ségolène ROYAL. Est-ce qu'on peut dire une phrase du genre : « Plus rien ne sera comme avant ? ». Est-ce que le quinquennat de François HOLLANDE, cette période que nous vivons, cette décennie, au fond change, à l'occasion de ces actes terroristes ?
SÉGOLÈNE ROYAL
Ça dépend de quoi on parle, j'aurais plutôt tendance à dire le contraire. Tout doit redevenir comme avant, la France doit devenir un pays qui rayonne, un pays paisible, un pays de la joie de vivre, comme je le disais tout à l'heure, un pays de la liberté, et le pays de la fraternité, le pays de la sécurité, et ça, je crois que c'est important, et d'ailleurs quand on voit tous les monuments du monde entier se mettre à la lumière des couleurs du drapeau tricolore, ça fait vraiment chaud au coeur, et on se dit que la France a encore un message universel à diffuser au reste du monde et c'est pour ça que cette solidarité est tellement importante.
BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup, Ségolène ROYAL, bonne journée à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 novembre 2015