Déclaration de Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées et à la lutte contre l'exclusion, sur l'accompagnement des personnes handicapées et le développement du travail social, Paris le 17 décembre 2015.

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Je suis heureuse de pouvoir clôturer ces journées, que Thierry Mandon a ouvertes hier matin, et avec qui je porte ce plan d'action qui est le résultat d'une large concertation dans le cadre des États Généraux du Travail Social, auxquels l'UNAFORIS a largement contribué.
Ce plan d'action contient 26 mesures articulées autour de 4 axes complémentaires :
1. faire participer les personnes pour mieux les accompagner,
2. promouvoir le développement social pour coordonner plus efficacement les politiques publiques,
3. moderniser l'appareil de formation pour valoriser le travail social,
4. renouveler et renforcer la gouvernance du travail social.
Je voudrais en particulier insister aujourd'hui sur le premier axe, qui est certainement le plus important, en ce qu'il donne tout son sens au plan et justifie les 3 autres axes du plan. Remettre la personne au centre du travail social, c'est nécessaire pour favoriser les potentialités des personnes plutôt que de traiter leurs manques. Remettre la personne au centre, c'est aussi améliorer les rapports entre les travailleurs sociaux et la population.
J'ai l'habitude de dire qu'on ne devient pas travailleur social par hasard, c'est souvent une vraie vocation. Mais en même temps ce sont des métiers qui ont parfois du mal à attirer les jeunes. C'est pour cela que la France doit être à la pointe de la recherche en travail social, afin que ces métiers continuent à faire rêver.
* Repartir des besoins des personnes en remettant la personne au centre
L'enjeu de ce plan d'action est de permettre aux personnes de reprendre confiance en elles-mêmes, mais aussi de reprendre confiance dans la politique, et dans les institutions qui paraissent parfois impuissantes pour résoudre les problèmes qui se posent. Les personnes se retrouvent souvent ballotées entre différents services. A ce jeu là, l'errance peut durer longtemps, et aboutir à la colère et à la perte de confiance dans les travailleurs sociaux.
* Simplifier les démarches des personnes
Mais alors comment faire pour que les personnes concernées s'y retrouvent ? Pour commencer, il faut simplifier les dispositifs eux-mêmes. Et bien nous nous y employons chaque jour, avec Clotilde Valter désormais, qui a pris sa succession, pour simplifier les démarches des personnes. Par exemple, nous avons mis en place le simulateur en ligne des droits, qui permet déjà à chacun de connaître en quelques clics l'ensemble de ses droits. La dématérialisation des échanges entre organismes (les CAF et les MDPH notamment) a également été mise en place. Mais il faut aller plus loin, tout en étant attentif aux questions de confidentialité bien entendu.
* S'appuyer sur la recherche pour mieux comprendre les besoins, développer de nouvelles approches (innover), et renforcer la qualité des formations
Mais quel peut être l'apport de la recherche pour simplifier le parcours des personnes me direz-vous ?
* Mieux comprendre les besoins
En premier lieu, je crois que la recherche a un rôle essentiel à jouer pour permettre au travail social de s'adapter aux besoins des personnes.
Que savons-nous par exemple aujourd'hui des usages du numérique des seniors ? Quelles sont les motivations qui attirent les jeunes vers les réseaux sociaux ? Suffit-il de créer un facebook de l'accompagnement pour répondre aux besoins des jeunes ? Comment s'adresser à eux pour les motiver, les impliquer, renforcer leur confiance en eux, leur esprit critique, face aux réseaux sociaux ?
La recherche peut nourrir la compréhension des motivations, des préférences, des mécanismes de choix et d'arbitrage qui s'opèrent chez les individus et les groupes sociaux.
La Garantie Jeunes par exemple, a été élaborée sur la base d'une précédente expérimentation, qui avait montré l'intérêt pour certains jeunes de bénéficier d'un accompagnement renforcé et collectif assorti d'une allocation.
Les retours que nous avons sur ce dispositif sont positifs, mais une recherche – action permettrait de démontrer les résultats objectifs et les réutiliser pour aller plus loin.
* Innover et développer de nouvelles approches
Pour répondre de façon efficace et pertinente à ces besoins, il est également indispensable de faire émerger des approches innovantes de l'accompagnement : l'innovation n'est pas qu'une affaire de nouvelles technologies. L'intervention sociale elle-même doit devenir innovante. Je veux ici citer quelques exemples pour bien me faire comprendre.
Le renforcement du travail en réseau, qui sera désormais reconnu dans les fiches de poste et le temps de travail des professionnels, est indispensable pour permettre aux professionnels de développer des relations efficaces et de confiance avec leurs partenaires. Mais ce travail en réseau nécessite de bien identifier les mécanismes qui favorisent des coopérations efficaces entre acteurs… L'analyse des réseaux d'acteurs sera de ce point de vue particulièrement utile pour favoriser la coordination d'acteurs et savoir concrètement s'il y a des façons de faire qui fonctionnent mieux que d'autres.
Nous souhaitons par ailleurs à travers ce plan d'action que se développe le travail social collectif, auquel on fait parfois référence en parlant d'approches communautaires, au sens des communautés territoriales telles que les quartiers par exemples, ou les groupes de personnes dont la situation est proche ou ayant des expériences similaires. Ces approches mériteraient certainement d'être étudiées de façon plus approfondie pour avancer dans cette voie.
Pour que les résultats de cette recherche puissent réellement irriguer les pratiques des professionnels, les travaux de recherche devront continuer à être portés par les acteurs de la formation, au plus près du terrain, en favorisant le statut de formateur-chercheur, qui sera désormais précisé dans les cahiers des charges des établissements et instituts de formation.
Les recherches portant sur les pratiques innovantes en matière de travail social devront également s'appuyer de façon plus systématique sur des méthodologies participatives impliquant les personnes concernées. Il en va à la fois de la légitimité, mais aussi de l'utilité des travaux qui seront conduits à l'avenir dans ce champ.
* Renforcer la qualité des formations
L'évolution des formations est un préalable indispensable à la revalorisation des métiers du travail social. Cette évolution est prévue par le texte relatif aux « parcours professionnels, aux carrières et aux rémunérations », qui sera appliqué dans l'ensemble de la fonction publique, et je l'espère même au-delà.
Ce texte prévoit que « les fonctionnaires relevant de la filière sociale, dans les trois versants de la fonction publique, bénéficieront d'une revalorisation, à compter de 2018, en reconnaissance de leur diplôme au niveau licence et du niveau des missions exercées ».
Ce reclassement se fera donc au terme d'une réingénierie des diplômes, qui amènera les établissements à offrir des formations ouvrant des équivalences entre les diplômes d'Etat et le niveau licence, et permettra de déboucher sur des doctorats avec la mise en place de passerelles avec les universités.
Ces passerelles avec les universités seront facilitées par la création d'une unité de recherche dédiée à l'intervention sociale, en partenariat avec les établissements déjà investis dans la recherche (et qui pourra donner lieu le cas échéant à la création d'une « école supérieure » en intervention sociale).
Ces passerelles pourront également conduire à une reconnaissance des travaux de recherche et des futurs formateurs-chercheurs par le Haut Conseil à l'Évaluation de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur.
Comme l'a rappelé Thierry Mandon hier, le travail social est un objet de recherche complexe, qui nécessite de mobiliser des approches pluridisciplinaires (sociologie, sciences de l'éducation, urbanisme…). J'ajouterai que les travaux de recherche relatifs au travail social devront s'appuyer sur des publications internationales.
Ces travaux devront permettre in fine de contribuer à l'objectif de cohésion sociale visée par les métiers du travail social, et s'inscriront de ce fait pleinement dans l'orientation 33 du Programme National de la Recherche, qui vise à favoriser les innovations sociales et à évaluer le progrès social, en tenant compte des variables subjectives telles que le bien-être ressenti, mais aussi des représentations sociales.
Les démarches évaluatives, consistant à mesurer les impacts et effets de nos politiques (et en particulier ceux relatifs au plan d'action pour le travail social), devront également être encouragées par l'implication de chercheurs dans la réflexion sur les méthodologies, les approches et les indicateurs retenus pour les évaluations qui seront conduites.
Le Conseil Supérieur du travail social (qui sera rénové et deviendra prochainement le Conseil interministériel du travail social) aura par ailleurs un rôle essentiel à jouer sur le plan du suivi, du recensement, de la capitalisation et de la valorisation des travaux de recherche.
Mesdames, Messieurs,
Le travail interministériel que nous avons engagé avec Thierry Mandon et qui conduira à « l'universitarisation » progressive des formations, permettra de renforcer je l'espère le soutien de l'Etat aux travaux de recherche dans ce domaine.
Je rêve d'une France qui devienne un véritable moteur en matière de recherche en Travail Social, pour faire progresser le travail social, pour faire émerger des idées et des questionnements mais aussi de la rigueur, pour s'adapter aux évolutions de la société et des besoins.
Nous devons être pleinement mobilisés pour assurer la mise en œuvre de ce plan d'action, nous tous, politiques mais aussi acteurs de la cohésion sociale. Je compte sur vous dans les semaines et les mois qui viennent, car c'est vous qui allez former les travailleurs sociaux de demain. Je ne veux pas être alarmiste mais je veux que chacun ait conscience de ses responsabilités. Je serai à vos côtés pour valoriser la recherche en travail social, car je crois réellement en son importance et en son apport.
Je vous remercie.
Source http://www.social-sante.gouv.fr, le 23 décembre 2015