Déclaration de M. Matthias Fekl, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, à la promotion du tourisme et aux Français de l'étranger, sur la Responsabilité sociétale des entreprises, à Paris le 6 janvier 2016.

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Circonstance : Réunion annuelle des chefs de service économique, à Paris le 6 janvier 2015

Texte intégral


Monsieur le Directeur général
Monsieur le Président
Mesdames et Messieurs les Chefs des services économiques à l'étranger,
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureux de pouvoir ouvrir cette après-midi de débats relatifs aux nouveaux cadres de gouvernance et aux stratégies internationales des entreprises en matière de RSE. Faire l'impasse sur ces sujets serait une grave erreur pour la France et pour ses entreprises, et je me félicite que ce thème ait été retenu pour les débats de ce jour. Je profite du fait que la quasi-totalité des chefs de services économiques est réunie aujourd'hui pour saluer votre action et celles de vos équipes : vous êtes des maillons indispensables de notre diplomatie économique, voulue par Laurent Fabius.
Je commencerai par dresser un panorama de ce qu'il convient d'appeler les politiques de conformité. Il faut entendre par là non seulement l'ensemble des actions de mise en conformité avec le droit positif en matière environnementale et sociale et plus généralement d'éthique, mais aussi les initiatives volontaires des entreprises en la matière, quelle que soit leur inspiration. Je présenterai ensuite l'intense mobilisation des pouvoirs publics sur ces sujets en 2015 et terminerai par la mobilisation des services économiques dans le cadre du plan d'action pour la lutte contre la corruption que j'ai lancé en 2015.
Les politiques de «conformité» : un sujet devenu central pour les entreprises françaises.
La plupart des grands groupes ont adopté, au niveau de leurs plus hauts organes de gouvernance, des politiques exigeantes en matière de conformité éthique et de RSE. La prise de conscience existe désormais.
Fort heureusement, il n'y a plus guère de débat de principe sur l'impératif d'une approche sociale et environnementale de la responsabilité de l'entreprise. Milton Friedman a ainsi perdu la partie, lui qui rejetait lapidairement le sujet en déclarant : «la responsabilité sociale de l'entreprise, c'est de faire du profit».
Les entreprises françaises sont d'ailleurs souvent citées en modèle. Le classement annuel publié depuis deux ans par «Enjeux les Échos» sur la «maturité d'engagement sociétal (RSE)» des entreprises du CAC 40 en témoigne. On pourrait également citer le rapport de mars 2015 d'Ecovadis et Médiation Inter-Entreprises du ministère de l'économie qui compare les performances RSE des entreprises françaises avec celle des pays de l'OCDE et des BRIC : 60% des entreprises françaises de plus de 1 000 salariés ont une politique RSE jugée «performante» ou «exemplaire», plaçant la France loin devant la moyenne de l'OCDE (45% environ), et des BRIC (13% environ).
Ces nouveaux cadres de gouvernance transforment progressivement la manière dont l'entreprise se regarde elle-même.
Progressivement, la RSE, qui consistait à gérer les effets sociaux et environnementaux de l'activité devient une composante même du modèle d'affaire. Cette révolution n'est pas terminée, mais elle a commencé. Il faut l'encourager.
Pourquoi ? La RSE n'est tout simplement plus un coût qu'il faut assumer pour soigner son image. Elle devient une manière globale d'appréhender l'activité de l'entreprise, ses risques et sa performance. Elle répondre à la montée des exigences de l'opinion publique, en faveur d'une plus grande transparence des activités des entreprises, de la responsabilité de leurs actes et de l'éthique dans la conduite des affaires. Consommateurs et actionnaires peuvent se rejoindre dans cette exigence.
La promotion de la RSE nécessite une impulsion publique à même d'engager un mouvement général de progression vers des standards plus élevés. Cet engagement de la France est ancien. L'année 2015 l'a confirmé. Une forte mobilisation des pouvoirs publics en 2015
Notre cadre législatif et réglementaire est l'un des plus avancés d'Europe. Prévue dès 2001, l'obligation de transparence extra-financière a été étendue en 2010 par la loi Grenelle II. La vérification par un tiers externe pour sera généralisée à toutes les entreprises concernées par la RSE en 2016. La loi sur la transition énergétique du 17 août 2015, renforce ce dispositif sur le plan environnemental.
Au niveau européen, la directive européenne sur le reporting extra financier de 2014, s'inspire en bonne partie du droit français. La directive introduit notamment une logique d'intégration de la RSE aux politiques de l'entreprise
Cette façon de structurer le reporting extra financier devrait permettre ne plus seulement «cocher les cases» pour l'entreprise mais bien de l'inviter à se doter d'une stratégie proactive en matière de RSE.
Nous saisirons ainsi l'opportunité de cette directive pour renforcer la logique d'intégration de la RSE dans les politiques de l'entreprise. Nous en profiterons également pour tirer un bilan du dispositif de reporting en vigueur, issu de la loi Grenelle 2 et d'apporter les améliorations qui s'avéreraient utiles le cas échéant ; le gouvernement a mandaté à cet effet une évaluation interministérielle conduite par l'inspection générale des finances, l'inspection générale des affaires sociales et le conseil général de l'environnement et du développement durable.
Comme vous le savez, ce cadre pourrait évoluer, puisque l'Assemblée nationale devra réexaminer la proposition de loi sur le «devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordres» qu'elle avait adoptée en première lecture, mais que le Sénat a rejetée cet automne.
Cette proposition de loi, qui introduirait pour les plus grandes sociétés un plan de vigilance. Nous suivons avec intérêt les développements de ce texte. Le gouvernement a contribué de manière constructive à son amélioration. Nous allons réfléchir à la bonne articulation de ce texte avec les évolutions rendues nécessaires par la transposition de la directive RSE.
Enfin, suivant les orientations définies par le président de la République, Michel Sapin a engagé le chantier du renforcement de la transparence dans la vie publique et la vie économique qui doit faire l'objet de la présentation d'un projet de loi.
Ce projet, en ligne avec les standards internationaux, prévoit notamment la création d'une obligation de prévention de la corruption pour les grandes entreprises, dont le non-respect serait sanctionné par une Agence nationale de détection et de prévention de la corruption qui remplacerait le Service central de prévention de la corruption, avec des prérogatives étendues.
Nous disposons aussi, depuis 2013, d'un précieux cadre institutionnel de dialogue : la Plateforme nationale d'action pour la RSE. Elle rassemble l'ensemble des parties prenantes à travers quatre collèges d'acteurs de la RSE (entreprises, syndicats, société civile, institutions publiques). Ses avis et recommandations représentent un apport précieux au débat national.
Enfin, notre point de contact national (PCN) pour les principes directeurs de l'OCDE en matière de conduite responsable des entreprises propose un mécanisme de règlement des différends, pragmatique, amiable et non contraignant, en matière de conduite responsable des entreprises au regard des principes directeurs de l'OCDE à l'intention des multinationales, dont nous fêterons cette année les 40 ans.
En conclusion, le cadre institutionnel français est mature : nos entreprises se dotent de politiques ambitieuses, notre cadre législatif national et européen est exigeant et nous avons des lieux institutionnels de débat et de promotion de la conduite responsable des entreprises.
Au niveau international, l'organisation en France, au mois de mars 2016, d'une conférence ministérielle de l'OCDE intitulée «le rôle de la Convention OCDE dans le combat contre la corruption, vers une nouvelle ère de mise en oeuvre», témoigne par ailleurs du rôle majeur qu'entend jouer la France dans la lutte contre la corruption. J'y participerai.
Tout au long de l'année 2015, la France a poursuivi ses efforts afin de renforcer la lutte contre la corruption dans les principales enceintes internationales : dans le cadre de l'ONU à Saint-Pétersbourg en novembre 2016, au G20 dans le groupe de travail anti-corruption du G20 et à l'OCDE dans le groupe de travail anti-corruption de la convention de l'OCDE contre la corruption transnationale d'agents publics étrangers.
Ce cadre national et international étant posé, je voudrais terminer mon intervention en évoquant les pistes opérationnelles d'action qui seront au coeur de votre action.
La France doit désormais mieux projeter ces atouts à l'international et les services économiques que vous dirigez peuvent contribuer à cette projection. Comment faire ?
Il faut mobiliser de manière pertinente l'existant. J'ai pris en 2015 l'initiative d'un plan de renforcement de la lutte contre la corruption à l'international sur la base des propositions des services de l'État, dont à l'évidence la DG Trésor.
Il contient des mesures très concrètes et opérationnelles que doivent mettre en oeuvre l'administration centrale et le réseau.
- Dans le domaine de la politique commerciale, il s'agit de renforcer les dispositions relatives à la lutte contre la corruption dans les accords commerciaux bilatéraux qui seront négociés. Nous y avons ralliés des partenaires, par exemple le Royaume-Uni, nous devons en convaincre d'autres pour élargir l'alliance.
- Dans le domaine des financements du commerce extérieur, nous nous sommes assuré que toutes les procédures publiques de soutien opéraient conformément aux plus hauts standards de certification éthique.
- Dans le domaine de la promotion commerciale, je saisirai l'occasion de la prochaine réunion du conseil stratégique de l'export pour demander à tous les opérateurs contribuant directement ou indirectement à l'appui aux entreprises, Business France, Expertise France, réseau des CCI en France, de mettre à jour leur politique de conformité éthique. Je me réjouis, Cher Alain Bentejac, que les Conseillers du Commerce Extérieur aient pu montrer la voie en mettant sur pied une Commission d'éthique, destinée notamment à prévenir les conflits d'intérêt.
- Dans le domaine de la formation, nous avons systématisé un module de sensibilisation à la lutte contre la corruption tant à destination des nouveaux ambassadeurs qu'aux agents du Trésor affectés en poste à l'étranger.
Ces initiatives sont concrètes. J'insiste sur le fait que les services économiques doivent toujours être en veille et conseiller efficacement les entreprises à cet égard. Ceci passe par la veille réglementaire, l'effort de prévention des risques et la promotion de l'image de nos entreprises pour en renforcer la compétitivité.
Les initiatives de nos entreprises dans ce domaine demeurent insuffisamment valorisées sur les marchés internationaux, en particulier vis-à-vis des grands concurrents émergents. Les services économiques peuvent contribuer à mieux faire connaitre ces politiques de nos entreprises vis-à-vis des publics et autorités locales, pour en transformer les engagements en avantages compétitifs, en particulier vis-à-vis des bailleurs internationaux actifs en matière de développement.
Je vous remercie pour votre attention.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 janvier 2016