Déclaration de Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'Etat à la famille, aux personnes âgées, à l'autonomie et à l'enfance, sur l'aide sociale aux personnes âgées dépendantes et notamment l'aide à domicile, Paris le 24 septembre 2015.

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Il y a un an presque jour pour jour, j'intervenais devant vous juste après le passage en première lecture du projet de loi d'adaptation de la société au vieillissement à l'Assemblée nationale.
Nous sommes dans cette même configuration avec l'examen du texte par les députés les 15 et 16 septembre derniers dans le cadre de la 2ème lecture.
C'est l'occasion pour moi de revenir bien évidemment sur la loi mais aussi de partager avec vous ma vision des 5 défis du domicile qui constituent le fil rouge de ces 6èmes assises.
1/ La loi ASV
La loi d'adaptation de la société au vieillissement, vous la connaissez par coeur, notamment parce que vous avez participé à sa préparation il y a maintenant presque deux ans.
Si son parcours législatif peut paraître long, trop long, il aura permis d'améliorer le texte et la 2ème lecture à l'Assemblée nationale en a donné l'illustration.
J'ai la chance d'être aujourd'hui devant vous, professionnels de l'accompagnement à domicile, pour qui le changement de regard sur la vieillesse et le respect et la dignité de la personne sont déjà, et depuis bien longtemps, ancrés dans le sens de votre action au quotidien.
Je ne vais ainsi pas vous exposer à nouveau l'esprit de la loi pour consacrer mon propos aux sujets qui vous concernent directement.
Un mot tout d'abord sur le calendrier : le projet de loi ASV a été le premier texte examiné par les députés en ouverture de la session extraordinaire. C'est un signal fort de l'engagement du Gouvernement à faire définitivement adopter cette loi avant la fin de l'année.
L'examen en 2ème lecture au Sénat va intervenir rapidement. La conférence des présidents a inscrit ce matin notre texte pour un examen à partir du 28 octobre.
La qualité du travail parlementaire tout comme l'investissement des rapporteurs des deux chambres peuvent laisser espérer ensuite une commission mixte paritaire conclusive.
Un vote avant la fin de l'année donc mais surtout, une préparation en parallèle des textes réglementaires les plus importants avec pour objectif de les publier dans la foulée de la promulgation de la loi.
Tel est l'engagement que j'ai pris pour avoir une entrée en vigueur de la loi tout début 2016.
Je tiens également à ce que la fréquence et la qualité de la concertation avec le secteur, qui est, il me semble, au rendez-vous depuis mon arrivée en avril 2014, se poursuive autour de l'écriture de ces décrets d'application.
J'ouvrirai ainsi le 6 octobre prochain avec Ségolène Neuville et le président de l'ADF, le comité de pilotage de refondation des services à domicile dans lequel l'ensemble des fédérations du domicile sont représentées.
2/ Les 5 défis pour le domicile sur lesquels vous allez débattre
Cher Luc, vous avez introduit ces Assises de l'aide à domicile avec un ton résolument optimiste, sans nier les difficultés du secteur mais en invitant les acteurs à relever 5 défis.
Parmi eux, et j'y reviendrai dans quelques minutes, le sujet essentiel de la refondation des services à domicile.
Mais d'abord quelques mots sur les quatre autres défis que vous avez identifiés : la silver économie, le travail en réseau, l'approche territoriale et l'attractivité des métiers.
L'innovation technique et technologique est un atout considérable pour améliorer le quotidien des personnes comme dans une perspective de développement économique. Cet atout, et je pense que cet aspect sera développé dans vos réflexions, ne peut pour autant s'envisager qu'en appui d'un accompagnement humain. Le sujet est éminemment humain. Les professionnels du domicile le savent bien ; ils le vivent au quotidien.
Aussi, en lien étroit avec Emmanuel MACRON, il m'a paru nécessaire de relancer les travaux du comité de filière de la Silver économie. Le contrat signé par de nombreux acteurs fin 2013 n'est pas à l'arrêt. Bien au contraire : les actions portées par Business France ou la Caisse des dépôts montrent notre dynamisme en la matière. Et ce contrat doit vivre et pour cela, il doit être porté par un comité dynamique, au fonctionnement repensé. Celui-ci se réunira, le 29 septembre prochain et je sais qu'un certain nombre d'entre vous ont d'ores et déjà prévu une présence active et constructive.
Autre défi de l'accompagnement à domicile : décloisonner et travailler en réseau. En complémentarité des aides à domicile, des auxiliaires de vie sociale, des aides-soignants, des infirmiers qui constituent la majorité des intervenants, l'approche multidisciplinaire se développe. Les ergothérapeutes sont notamment de plus en plus indispensables à nos services à domicile.
Le déploiement des équipes spécialisées Alzheimer au sein des SSIAD, qui se poursuit dans le cadre du Plan maladies neuro-dégénératives, a permis d'apporter cette compétence dans les services.
Ce mouvement doit se poursuivre notamment dans le cadre du programme d'adaptation de 80 000 logements à la perte d'autonomie qui fait partie intégrante de la loi Vieillissement.
Le travail en réseau, c'est aussi l'enjeu des projets pilotes PAERPA dans lesquels vos fédérations sont investies et je vous en remercie. Comme vous le savez, 9 territoires pilotes sont engagés dans l'expérimentation au bénéfice, actuellement, de 190 000 personnes âgées de + de 75 ans.
630 personnes bénéficient déjà de plans personnalisés de santé (PPS) et les coordinations territoriales d'appui (CTA) sont opérationnelles dans 100% des territoires.
Les PAERPA sont une bonne transition pour parler de l'enjeu de l'approche territoriale. Celle-ci est fondamentale dans notre pays marqué par l'hétérogénéité de sa géographie, de sa population, de son développement économique et donc des besoins sociaux de nos concitoyens.
Vous débattrez je crois sur la conférence des financeurs de la prévention de la perte d'autonomie.
Parmi les priorités que j'ai fixées pour rendre cette année 2015 utile en attendant le vote de la loi, la préfiguration de la conférence des financeurs était pour moi essentielle. Elle est aujourd'hui en place et le comité des 26 départements préfigurateurs se réunit régulièrement. En parallèle, le plan de prévention est désormais prêt. Le Docteur Aquino me l'a remis il y a quelques jours. Ce sera un outil essentiel pour les services à domicile dont le rôle dans la prévention va s'accroitre.
Enfin, sur l'attractivité des métiers du domicile, notamment auprès des jeunes générations, je crois que la silver économie tout comme les SPASAD vont largement contribuer à la renforcer et à développer la mixité dans ces métiers.
L'amélioration des conditions de travail et la professionnalisation doivent pour cela se poursuivre et je sais combien il est difficile de garder ce cap quand les difficultés économiques des services imposent des choix.
Les accords-cadre entre la CNSA et les têtes de réseau du domicile, qu'elles soient associatives, publiques ou privées commerciales, sont largement reconduits en ce moment et participent à ce soutien financier en faveur de la modernisation des services. J'y suis très attachée.
Améliorer et consolider demain la santé financière du secteur, c'est travailler aujourd'hui à des réformes en profondeur dont je mesure que les effets positifs prendront un peu de temps.
Ainsi, la réforme du régime juridique des SAAD et le développement des SPASAD constituent pour moi le défi majeur.
Alors qu'il aurait été tentant de ne rien changé tellement les oppositions parfois dogmatiques s'exprimaient, j'ai choisi d'investir ces deux chantiers qui m'ont semblé, à mon arrivée en avril 2014, être abordés trop « timidement » dans le projet de loi initial.
Or, comment réussir l'acte 2 de l'APA à domicile, le virage ambulatoire qui doit s'accélérer dans notre système de santé et le développement de la prévention sans des services à domicile mieux structurés, plus lisibles pour les usagers et avec un modèle économique viable ?
Nous devons déployer encore bien des efforts pour construire cette réforme structurelle mais je suis résolument engagée pour la poursuivre.
La force de ces assises de l'aide à domicile est de réunir l'ensemble des acteurs du secteur, dans la diversité notamment de leur statut juridique.
C'est l'occasion pour moi de présenter cette réforme qui est inscrite dans le désormais célèbre « article 32 bis » de la loi.
Comme vous le savez, le débat a été ouvert par les Sénateurs en première lecture mais avec une rédaction qui n'était pas satisfaisante en raison notamment du risque inflationniste pour les dépenses locales et du maintien du droit d'option agrément / autorisation jusqu'en 2021.
Il m'a ainsi semblé important de revenir sur cette rédaction dès la commission des affaires sociales de juillet ce qui, je le conçois, à accélérer la concertation qui s'est poursuivie de ce fait, pendant l'été.
Mais je tiens à le dire clairement : j'ai écouté et échangé, soit directement, soit par l'intermédiaire de mon cabinet, avec l'ensemble des fédérations. J'ai travaillé avec les parlementaires et en interministériel.
Et comme je l'ai dit dans l'hémicycle, « je ne conduis aucune croisade et ce que je fais n'a aucune dimension idéologique. Ma seule exigence consiste à réformer un régime dual qui n'est ni performant, ni efficient, et à le faire avec la double ambition d'apporter le meilleur service aux usagers et de permettre à ce secteur porteur d'emplois de continuer à se développer comme il l'a fait".
La solution votée en séance le 16 septembre me paraît être une voie équilibrée et sécurisante pour tous. Elle permet de concilier nos exigences en termes d'emploi, de qualité de service, d'accessibilité financière, de structuration territoriale de l'offre, et de maîtrise des dépenses locales.
Cette réforme prévoit un régime juridique unique construit autour d'une autorisation rénovée pour l'ensemble des services prestataires intervenant auprès des PA, des PH et des familles en difficulté.
Elle positionne clairement le département comme pilote responsabilisé.
L'offre de service existante est préservée grâce à une bascule automatique des ex-agréés dans une autorisation sans tarification pour 15 ans à compter de la date du dernier agrément.
Le développement est assuré avec une autorisation désormais exprimée uniquement en zone d'intervention sans référence à un volume d'activité en heures ou en nombre de bénéficiaires.
Pour les nouveaux services ou les demandes d'extension, le texte prévoit une dispense d'appel à projet pendant 7 ans.
Le cadre réglementaire sera unique avec un cahier des charges national qui sera proche de celui actuel de l'agrément et qui sera concerté dès le 6 octobre avec les fédérations.
La réforme prévoit enfin des garanties en terme de transparence et d'égalité de traitement et un délai d'instruction accéléré :
- Rapport annuel du département au CDCA
- Motivation de la décision de rejet (explicite ou implicite)
- Délai d'instruction raccourci à 3 mois par les parlementaires
Cette réforme structurelle des SAAD les positionne clairement en tant qu'acteur à part entière du secteur social et médico-social, ce qui permettra de réussir le « cap SPASAD » que j'ai fixé devant vous il y a un an.
Les SPASAD visent à décloisonner les interventions d'aide et de soins à domicile pour :
- soulager les aidants
- améliorer la qualité et l'efficience de gestion
- assurer aux professionnels moins de solitude à travers un travail en équipe valorisant et des perspectives d'évolution de carrière.
Depuis février 2015, vous êtes associés à la rédaction du cahier des charges des expérimentations SPASAD intégrés prévus à l'article 34 du projet de loi ASV. Ce décret fait partie de ceux qui seront publiés dès la promulgation de la loi permettant aux départements et aux ARS de lancer des appels à candidature au cours du premier trimestre 2016.
Le travail parlementaire a enrichi au fur et à mesure le contenu de cet article 34 et je m'en félicite car l'adhésion à ce dispositif est forte et consensuelle.
Je me suis rendue cette semaine à une table ronde sur les SPASAD parisiens à l'invitation de l'UNA. Et j'ai noté avec satisfaction que le mouvement de fond était réellement lancé et que la frilosité de certains départements ou ARS étaient maintenant derrière nous.
En dehors de ces considérations parfois techniques, qui prennent nécessairement une place importante, je voudrais, pour conclure, attirer notre attention collective à la personne âgée dans toutes ses dimensions, au regard de tous ses besoins, dans son environnement et dans son parcours, pour que nous puissions nous enorgueillir de construire petit à petit une intuition porteuse et promotrice de bientraitance.
Je vous remercie.
Source http://www.social-sante.gouv.fr, le 13 janvier 2016