Texte intégral
Monsieur le Directeur général du Trésor,
Mesdames et Messieurs les Chefs de service,
Mesdames et Messieurs,
D'abord, cela me fait plaisir de vous retrouver en début d'année. Nous nous voyons à travers les différents déplacements que je fais mais là vous êtes tous rassemblés. On prend de bonnes résolutions, comme toujours, au début de l'année et c'est une excellente tradition.
Un mot, d'abord, d'ordre général sur le contexte international dans lequel s'ouvre 2016.
Sur les plans diplomatique et militaire, l'année 2015 est marquée par une longue liste noire, extrêmement lourde, d'attentats dans le monde. Comme les choses n'ont guère de chance de s'améliorer rapidement, il faut considérer que la lutte contre le terrorisme international va rester une priorité et qu'il n'y a pas de césure entre le domaine économique proprement dit et le domaine politique ou sécuritaire. Nous allons continuer de nous mobiliser sur de nombreux foyers de crise : Irak, Syrie, Libye, conflit israélo-palestinien qu'il ne faut pas oublier, Sahel, etc. Et la récente montée des tensions entre l'Arabie saoudite et l'Iran, en ce début d'année, ne va pas diminuer nos inquiétudes.
Sur le plan économique, la croissance mondiale - je ne vous apprends rien - ne sera pas flamboyante. Plusieurs de nos partenaires commerciaux affrontent une profonde récession ; je pense notamment au Brésil et à la Russie. À cela s'ajoute la baisse des recettes pétrolières des pays du Golfe - qui fait nos affaires d'une certaine façon mais qui, aussi, nous pose problème - et le ralentissement tendanciel des flux commerciaux mondiaux. Il y a une embellie de la croissance américaine, mais je pense qu'elle ne va que compenser partiellement ces évolutions, et la reprise en Europe demeurera modérée.
En Europe, justement - comme je le disais récemment puisque je présentais mes voeux aux directeurs de mon administration hier -, 2016, malheureusement, pourrait bien être l'année de tous les dangers ; vous le savez très bien, Cher Monsieur Bézard, puisque vous suivez cela avec Michel Sapin de très près : la menace terroriste, les mouvements migratoires massifs qu'il ne faut pas confondre - mais on est amené parfois à les confondre lorsque l'on constate que des vols par milliers de passeports vierges ont été opérés -, le risque de fragmentation de l'espace Schengen, les tensions internes sur la question des relations avec la Russie, et, au-delà, sans même aborder la question grecque, la question espagnole, la question portugaise, etc. Et surtout, des forces de dissociation puissantes sont à l'oeuvre : je pense notamment, avec inquiétude, au référendum sur la sortie ou non de l'Union prévu cette année au Royaume-Uni, ou encore à la montée des populismes nationaux et des souverainismes régionaux. Cela fait beaucoup de choses.
Dans ce contexte troublé et qui est en quête de gouvernance mondiale, l'année 2016 heureusement commence aussi avec un message d'espoir. Vous y avez fait allusion : le succès de la Conférence de Paris sur le climat à la fin de l'année dernière, auquel vous avez contribué - je vais vous en remercier volontiers -, a montré que l'action collective pouvait permettre des résultats même sur les enjeux les plus difficiles, et que la France, en l'occurrence, pouvait y prendre totalement sa part.
Ce succès auquel il faudrait ajouter, même si nous avons tous la mémoire courte, le succès que représente l'accord nucléaire conclu avec les Iraniens. Ce succès s'inscrit néanmoins - je ne sais pas si vous partagerez mon jugement - dans un contexte général d'atonie du système multilatéral et ce n'est pas la Conférence ministérielle de l'OMC de Nairobi en décembre dernier avec ses accords a minima qui va contredire ce jugement.
Quant à la négociation sur le TTIP, que nous continuerons de suivre de très près cette année - c'est, à mes côtés, surtout M. Fekl qui suit cela -, l'absence d'avancées sur nos principaux sujets d'intérêt - services, marchés publics, indications géographiques, etc. - est préoccupante, pour dire le moins, alors même que la Commission européenne a déjà aligné son offre tarifaire sur celle des États-Unis et que de nombreux États européens semblent disposés à conclure un accord à tout prix. De ce point de vue-là, il faut avoir à l'esprit que M. Obama a accepté l'invitation au printemps de Mme Merkel à Hambourg et je pense qu'à cette occasion, ils ne discuteront pas simplement du salon de Hambourg. C'est la raison pour laquelle je veux rappeler d'une façon lapidaire la position du gouvernement. Nous n'avons pas d'a priori, nous jugerons sur pièce, mais il faut être clair : nous n'accepterons pas un accord qui ne soit pas bon et il est clair que nous n'en sommes absolument pas là. Il ne faut pas qu'il y ait d'ambiguïté sur ce point.
Mesdames et Messieurs,
En dépit du contexte international difficile que je viens de résumer de façon trop cursive, nous avons des raisons d'être encouragés au regard des résultats obtenus parce qu'il est convenu d'appeler maintenant la diplomatie économique.
En ce qui concerne l'export, les chiffres les plus récents du commerce extérieur - mais vous êtes des spécialistes de cela et il ne faut pas se laisser abuser par des chiffres - sont objectivement les meilleurs que l'on ait connu depuis 2009. J'ai noté 21,7 milliards d'euros sur le premier semestre 2015, pour le déficit de la balance commerciale qui, du coup, a baissé de près de 20% par rapport au semestre précédent. Bien évidemment, il faut faire très attention parce que ce recul est d'abord lié à une facture énergétique qui est en repli. Mais, il y a un «mais» et quand on est lucide il faut faire la part des choses, il est également dû - pour près d'un tiers - à l'accélération de nos exportations. Pour les «familles» prioritaires de notre stratégie du commerce extérieur, l'excédent s'élève à plus de 5 milliards d'euros, et les exportations progressent aussi. Je ne vais pas m'étendre sur le bilan des grands contrats, qui est bon, et pas uniquement dans le domaine militaire, où l'année dernière a été exceptionnelle.
Mais voilà le portrait d'ensemble. En matière d'attractivité économique, nos résultats sont positifs, avec non seulement un nombre stable de nouveaux projets d'investissement en France, mais surtout une augmentation de la part des projets de services aux entreprises et de R&D. Cette tendance, je le crois, montre l'efficacité des outils de soutien à l'innovation dont nous disposons : par exemple Samsung, Facebook, Intel, ou le japonais Rakuten ont tous choisi la France pour implanter un centre de recherche et je crois que cette méthode de l'exemple est probablement la plus efficace. Beaucoup de classements internationaux placent la France non pas au premier rang dans tous les domaines, loin de là, mais parmi les économies les plus innovantes et où on voit en particulier ce qui s'appelle le Top 100 Global Innovators de Thomson Reuters en 2015, où nous occupons la 3e place mondiale et la 1ère place européenne.
Je dis un mot sur le tourisme pas seulement parce que vous savez que je m'y intéresse mais parce que c'est, j'en suis convaincu, pour les années qui viennent une donnée qui peut être très positive dans notre balance. Nous avons eu une année 2014 record. Nous avons accueilli près de 84 millions de touristes étrangers. Nous avons eu une année 2015 qui, évidemment, a été marquée par les conséquences des attentats du mois de janvier et du mois de novembre mais, néanmoins, on me dit que nous devrions franchir la barre des 85 millions en 2015, en dépit du ralentissement observé après les événements de novembre. Si c'est le cas ce serait tout à fait remarquable.
Ces résultats, je sais ce qu'ils doivent au travail que vous avez accompli sous l'autorité de vos ambassadeurs. Il y a eu pas moins de 11.000 entreprises qui ont été reçues, de 7.000 actions de promotion de l'offre française auprès des décideurs politiques, 400 visites d'investisseurs en France, sans parler de votre action destinée à faire évoluer un certain nombre de législations locales en faveur de nos entreprises.
Je salue également le travail remarquable accompli sous l'égide notamment de Matthias Fekl pour rendre plus simple, plus lisible et plus accessible «l'écosystème» de l'internationalisation des entreprises, notamment au profit des PME. Il faut que nous nous mettions à la place d'un chef d'entreprise, à la recherche du meilleur service au meilleur prix, et c'est dans cet esprit, je crois, qu'a pu être élaboré un dispositif efficace. C'était le sens de la fusion entre Ubifrance et l'AFII - c'est tout récent mais on a l'impression que cela date du siècle dernier - qui a abouti à la création de Business France, complétée par l'intégration en cours des activités de la SOPEXA. Et c'est aussi le sens des conventions signées par les acteurs de l'export, chacun se spécialisant sur un temps de l'export : il vous appartient de veiller à ce que ces conventions soient bien mises en oeuvre sur le terrain.
Les résultats que je viens de rappeler vont donc dans le bon sens mais il est impératif pour nous, si l'on regarde les chiffres, de faire mieux encore. C'est le sens des trois priorités que je fixe pour l'année 2016.
Le premier objectif doit être d'approfondir l'effort sur le triangle export, attractivité, tourisme.
Concernant l'export, il faudra bien sûr être actif dans tous les domaines mais également nous concentrer sur certains secteurs qui appellent une attention spécifique et qui peuvent être très porteurs.
L'agroalimentaire d'abord, car l'année 2016 sera difficile, avec la crise de la grippe aviaire, la fragilité persistante des filières d'élevage, les obstacles sanitaires et phytosanitaires qui s'accumulent. Je compte sur vous, en lien avec les attachés agricoles, pour accompagner en particulier nos PME du secteur, notamment dans le cadre d'opérations spéciales. Cela représente des chiffres non négligeables et nous des marges de progression. Et puis, cela a une incidence évidente sur la situation économique française et économico-politique compte tenu de la sensibilité de ce secteur.
Le deuxième secteur dont je veux dire un mot, c'est le secteur de la santé. Pour le moment, nous n'avons pas été extraordinairement brillants. Or, notre pays possède un savoir-faire médical et scientifique de tout premier rang mais, jusqu'ici, les retombées économiques à l'export se situent très en deçà de notre potentiel. Nous en avons parlé avec M. Sapin, M. Macron, avec Mme Touraine, parce qu'il y a quand même une évolution des mentalités à opérer dans ce secteur. Nous avons décidé d'aider les acteurs à se projeter collectivement à l'étranger, notamment à travers des «plateformes pays». Nous devons également mieux faire connaître notre offre hospitalière en exploitant les dispositions de la loi pour la croissance et l'activité qui autorisent désormais les CHU à ouvrir des filiales commerciales à l'étranger, mais aussi en valorisant une filière d'accueil de patientèle étrangère solvable dans nos établissements de soins ; vous voyez tous à quoi je fais allusion.
J'attends beaucoup de ce secteur, en particulier de vous, à la fois pour identifier les opportunités et pour promouvoir notre offre. J'ai dit la même chose aux ambassadeurs parce que pour le type de client dont il s'agit, quand on parle de patientèle étrangère, ce sont des personnes ou des groupes de personnes qu'en général nous connaissons, notamment dans les pays du Golfe ou dans des pays analogues. Il faut bien avoir à l'esprit que cela représente et va représenter au plan mondial, dans les années qui viennent, des sommes considérables. Jusqu'à présent, ces personnes vont se faire soigner en Allemagne ou dans des pays équivalents. Ils viendraient volontiers en France mais si la France était accueillante et équipée pour cela. Désormais, le changement psychologique a été opéré dans nos établissements en France et il faut mettre l'offre et la demande en relation et je vous demande d'aider à le faire.
Je voudrais vous dire un mot du rôle nouveau des régions. Vous avez vu que le nombre des régions a été diminué et qu'il y a une nouvelle compétence en matière de développement économique que la loi attribue aux régions et qui donnera lieu à l'élaboration par celles-ci d'un schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation. Quelles que soient les appellations, il paraît évident, alors qu'il y a de nouvelles régions, moins nombreuses, plus puissantes, que les nouveaux exécutifs régionaux vont vouloir être actif sur le plan économique et il ne leur faudra pas très longtemps pour découvrir qu'il faut être présent à l'exportation.
J'ajoute d'ailleurs - je ne sais pas si vous le savez - que j'ai décidé d'affecter auprès de chaque préfet de région un collaborateur du Quai d'Orsay pour faire mieux le lien entre l'intérieur et l'extérieur. Il nous appartiendra d'être rapidement en mesure d'articuler l'offre de service de l'État, notamment à travers Business France, avec celle des régions. Il conviendra de veiller à associer l'Association des régions de France au portail France International qui doit prochainement voir le jour. C'est notamment dans ce cadre - il ne faut pas multiplier les circuits - que nos PME innovantes, qui présentent un fort potentiel à l'export, pourront être mieux accompagnées.
Concernant l'attractivité, nous devrons renforcer les initiatives de promotion destinées à montrer que la France change, se réforme et devient plus accueillante pour les investisseurs. On sait qu'il y a, de ce point de vue-là, psychologiquement, un effet retard considérable, des papiers nouveaux ont été produits par les uns et les autres, mais avant de faire disparaître de longues portées de la taxe des 75%, les problèmes des 35 heures etc., il y a un travail répétitif à faire et évidemment, vous êtes extrêmement bien placés pour le faire. Nous poursuivrons le déploiement dans le monde de la campagne «Créative France». L'«Invest in France Month», qui a concerné une cinquantaine d'entre vous l'an dernier, sera généralisé en 2016 avec l'appui de Business France.
Concernant le tourisme, j'ai demandé à nos ambassadeurs de désigner, parmi les agents des différents services dans nos postes, des «correspondants tourisme». Ils seront chargés, en lien avec l'opérateur Atout France qui n'est pas présent partout, comme vous le savez, de promouvoir la destination France et de mieux identifier les attentes des principaux marchés émetteurs vis-à-vis de notre pays. Que des Français aillent, en touristes, à l'étranger, cela se fait spontanément et je ne crois pas qu'il faille que nous «décarcassions» pour cela. En revanche, dans l'autre sens, il y a de gros efforts à faire surtout dans le contexte difficile pour la sécurité. De ce point de vue-là, les premiers résultats que nous observons sont très significatifs, il y a des clientèles qui ont fondu très rapidement, comme les Japonais qui, dès qu'il y a une alerte ne vont plus dans les pays où il y a alerte et tel ou tel autre. En revanche, les Chinois ont augmenté massivement leur présence et nous allons continuer à aller en ce sens, ce qui représente des potentiels considérables. J'annoncerai très prochainement le passage à la délivrance des visas en Chine en 24 heures pour les groupes de tourisme. Mais ce mouvement de délivrance des visas plus rapide sera étendu à d'autres pays, vous en connaissez ou vous en connaîtrez la liste.
Ce travail de promotion prend naturellement un nouveau relief au lendemain des événements du mois de novembre. Nous avons pris quelques mesures pour restaurer la confiance dans la sécurité de la destination «France» mais il faut maintenant reconquérir des clientèles étrangères en Asie, en Amérique du Nord et même en Europe qui se sont éloignées. De ce point de vue-là, nous devons pouvoir compter sur un certain nombre d'événements majeurs : par exemple, rien n'était plus positif de ce point de vue que la COP21 ; si un pays peut accueillir 154 chefs d'État et de gouvernement sans qu'il y ait la moindre difficulté, c'est sans doute qu'il est capable d'assurer la sécurité. Nous aurons, en espérant qu'il n'y aura pas de problèmes massifs, l'Euro 2016 de football, tout cela est très important pour préparer les échéances que nous nous sommes fixées à nous-mêmes : Jeux Olympiques, expositions universelles. Mais ce travail de conviction qui montre que les dispositions sont assurées pour la sécurité doit transparaître à travers toutes nos actions et nos conversations.
Je n'oublie pas, enfin, que l'attractivité de notre pays, aussi bien pour les investisseurs internationaux que pour les touristes étrangers, dépend de notre capacité à améliorer notre connectivité aérienne avec le reste du monde. Nous devons mieux irriguer nos territoires. Les études montrent en effet que s'il n'y a pas de vols avec des hubs mais après, des vols qui arrivent près des territoires de tourisme, les touristes ne viennent pas. Nous nous mobiliserons donc en ce sens dans le cadre des négociations, en cours ou à venir, d'accords aériens avec un certain nombre de pays à forts enjeux en termes d'attractivité. Il y a évidemment là des conciliations à opérer entre les intérêts d'Air-France, de Roissy, etc. Mais après tout, l'État est là pour faciliter ces arbitrages.
Deuxième priorité que je veux vous fixer - au-delà de ce triangle dont je parlais -, c'est le suivi de la COP21.
Beaucoup croient - non pas vous-mêmes qui êtes parfaitement informés mais dans la population française - qu'une fois le succès obtenu le 12 décembre, désormais pour la France c'est terminé. Pas du tout, car les particularités institutionnelles font que moi-même je n'ai été élu président de la COP que peu de jours avant le succès, même si je m'en étais beaucoup occupé toute l'année précédente, et que je préside - la France avec moi bien sûr - la COP21 jusqu'au mois de novembre 2016, avant de passer le relais à nos amis marocains pour la COP22 de Marrakech.
L'accord de Paris, premier pacte climatique du monde et pour le monde, est historique. Tout n'a pas été réglé le 12 décembre et il faudra - j'emploierai des termes totalement inexacts - mettre au point les décrets d'application de la «loi».
Au-delà même de l'accord entre États qui est le centre-même de l'accord du 12 décembre, la dynamique de la COP21 a permis un basculement vers le développement bas-carbone d'un nombre considérable d'acteurs non gouvernementaux - villes, régions, entreprises, institutions financières. Au point même que le gouverneur de la banque d'Angleterre a dit, je crois : «faisons attention parce qu'il y aura une bulle dans le secteur des économies carbonées car on va s'apercevoir que les investissements massifs qui sont directement et indirectement dans des secteurs carbonés n'ont plus de perspectives fortes». Donc, des mouvements considérables sur le plan financier vont intervenir, mais c'est une autre affaire.
En tout cas, personnellement, pour m'être plongé par nécessité et maintenant par goût dans ce sujet, je pense que nous avons le paradoxe suivant : lorsque nous examinons soigneusement le texte - qui n'est pas vraiment du Flaubert - de l?accord du 12 décembre, vous vous apercevez - il ne peut pas en être autrement - qu'il y a toute une série de marges de manoeuvres qui sont ouvertes et que l'accord est échelonné dans le temps : certains éléments dès 2018, d'autres en 2020 et d'autres encore en 2025 ; 2025, c'est dans neuf ans. On peut dire que, même si l'accord est tout à fait remarquable, beaucoup de ces dispositions, si on les poussait jusqu'au bout au sens temporel, n'interviendraient que dans longtemps, c'est un premier aspect.
Mais je suis persuadé que tout cela va voler en éclat parce que la pression sera extraordinairement forte pour accélérer tout cela. Quand vous voyez ce qui se passe en Chine, notamment à Pékin, quand vous voyez ce qui se passe à Delhi, quand vous voyez encore ce qui s'est passé cette nuit en Californie, avec une projection de méthane considérable qui a fait déclarer au gouverneur l'état d'urgence, je ne pense absolument pas que, dans beaucoup de pays du monde, on attendra dix ans avant d'agir et d'agir très fort.
Il faut à la fois avoir à l'esprit que cet accord est excellent, même s'il a des dispositions qui sont à effets différés, mais si vous partagez mon intuition, je pense que les choses iront beaucoup plus vite avec une pression beaucoup plus forte que ce que certains ont à l'esprit.
Prenons l'exemple de la Chine, c'est quand même le premier producteur de gaz à effet de serre du monde. Comment pourrait-on imaginer que les autorités politiques, qui en plus siègent à Pékin, pourraient continuer de supporter pendant dix années que les enfants ne puissent même plus sortir le matin pour aller à l'école et que l'on ait de plus en plus de difficultés dans toute une série de sociétés, de recruter, notamment des cadres, parce que les gens ne peuvent plus vivre ?
Il y a donc deux tendances différentes. Beaucoup de gouvernements, je ne dis pas qu'ils ont signé sans savoir ce qu'ils signaient mais enfin, la pression a été extrêmement forte malgré tout pour qu'ils signent. Il y aura donc une sorte de mouvement de rétraction, mais je pense que ce mouvement sera beaucoup moins puissant que le mouvement de pro-action qui viendra, pas seulement des populations elles-mêmes, même si c'est très important, mais des entreprises, des collectivités locales, des régions et de la société civile en général.
Pourquoi ai-je dit cela ? Parce qu'il faut que la France, qui a pris le leadership dans ce domaine, continue son leadership et le traduise sur le plan économique. Nous avons - je ne vais pas vous faire la liste, vous les connaissez aussi bien que moi - toute une série d'entreprises de toute taille qui sont absolument excellentes dans ce domaine. On a commencé, même si on a encore des progrès à faire, à les mettre en réseau. Vous avez les familles prioritaires à l'export autour notamment de Mme Pappalardo, sur la ville durable, ou de M. Balandras pour les énergies renouvelables. Il faut absolument que la France qui maintenant a acquis une réputation exceptionnelle dans ce domaine la traduise sur le plan économique.
C'est une priorité que je me permets de vous assigner parce que non seulement nous travaillons pour le bien commun mais on travaille aussi pour la prospérité de nos entreprises et de notre pays. Donc, tout ce qui peut être fait dans ce domaine est très important, j'insiste là-dessus.
Vous aurez, de ce point de vue-là, tout un travail à organiser pour favoriser aussi le développement du cadre normatif dans vos pays d'affectation pour ce qui concerne ces secteurs. Lorsque l'on parle de haute qualité environnementale, d'énergies renouvelables, lorsqu'on parle d'éco-quartier, il faut diffuser nos normes, façonner un environnement qui puisse être favorable à nos produits et à nos solutions à travers des actions d'influence le plus en amont possible, en lien avec Business-France, en lien avec Expertise-France - ce qui a bien démarré - et en lien avec l'AFD nouvelle manière puisque quand je vous quitterai, je me rendrai à l'AFD où il y a une réunion du réseau. Le président de la République, la semaine prochaine, annoncera les modalités précises de la réforme que nous avons portée avec Michel Sapin pour l'adossement de l'AFD avec la Caisse des dépôts, ce qui fera de cet ensemble une vraie puissance. Si nous avons décidé d'agir en ce sens, c'est pour que cette puissance puisse être utile, à la fois au développement durable et, en même temps, aux entreprises françaises.
Enfin, la troisième priorité de notre action en 2016, après tout ce qui concerne la COP21 et ce secteur, devra porter sur les financements.
Évidemment, la capacité de nos entreprises à obtenir des financements compétitifs à l'export est cruciale pour remporter des marchés, en particulier dans les secteurs d'infrastructures. C'est d'autant plus vrai dans un contexte de concurrence est sauvage, en tout cas exacerbée, notamment avec des pays émergents qui, Pour parler comme au Quai d'Orsay ne se soumettent pas tous aux disciplines que nous nous imposons.
La réforme du système de financement public à l'export s'est poursuivie en 2015. Le chantier n'est pas achevé et, en 2016, les réformes en matière de financements et garanties se poursuivront. J'évoquerai deux mesures.
D'une part, le transfert à Bpifrance de la gestion des garanties publiques à l'exportation - jusqu'ici assuré par la Coface pour le compte de l'État - sera effectif cette année. L'objectif, je le rappelle, est la création d'un «guichet unique» mais si on dit guichet il faut qu'il le soit vraiment, du financement public de l'export, qui simplifiera la vie des entreprises et qui s'appuiera sur le maillage du réseau régional de la BPI.
D'autre part, la révision des modalités d'évaluation de la part française dans les contrats d'exportation bénéficiant d'un soutien public, qui constitue une demande récurrente de nos exportateurs, doit être mise en oeuvre en 2016.
Ces mesures vont dans le bon sens mais je pense qu'elles devront être encore boostées parce que nous devons être à la fois très ambitieux, très créatifs en insistant sur plusieurs approches nouvelles et je veux en citer, avant de terminer, trois d'entre elles.
Nous devons redoubler d'efforts pour positionner nos entreprises dans les appels d'offres des projets financés par des institutions internationales, en particulier les banques multilatérales de développement. Le travail de veille et de soutien à nos entreprises doit être une priorité. La création au printemps 2015 de la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures (AIIB) - dont la France sera membre - et la priorité définie par la présidence chinoise du G20 sur le «développement interconnecté» se traduiront, quelles que soient les difficultés, par le lancement de projets d'infrastructure et de haute technologie, auxquels nos entreprises ont vocation à participer le moment venu. Nous devrons nous montrer attentifs dès l'amorçage de ces projets et en prévision de la passation de ces marchés. Vous devrez vous mobiliser et mobiliser nos entreprises et les aider à y prendre toute leur part.
Nous devons, d'autre part, saisir toutes les opportunités offertes par les projets de fonds bilatéraux qui se sont multipliés ces dernières années et associent d'un côté, des fonds souverains étrangers et de l'autre, tantôt la CDC, tantôt BPI, mais parfois également des sociétés d'investissement privées. Nous essayons de faire jaillir cent fleurs et surtout de trouver les financements partout où ils sont. Ces sources de financements nouvelles doivent pouvoir alimenter tous nos secteurs prioritaires. C'est pourquoi la politique d'attractivité des investisseurs financiers sur notre territoire est une excellente initiative, à l'instar des accords franco-koweïtiens et franco-saoudiens de l'automne dernier. Ces partenariats profiteront aux sociétés françaises mais aussi au financement de projets pour le développement de certains pays tiers - je pense en particulier aux partenariats franco-chinois à destination de l'Afrique à condition bien sûr, il faut toujours faire attention, que l'on ne se tire pas une balle dans le pied.
Enfin, il importe que nous tirions le meilleur parti du rapprochement de l'AFD et de la CDC. Cette réforme, annoncée fin août par le président de la République qui en précisera très prochainement les contours, l'idée est qu'il y ait deux gagnants dans cette affaire, même trois, la Caisse, l'AFD et l'économie et le développement français dans le monde. L'idée est simple, l'AFD pourra disposer de fonds supplémentaires et de la puissance et des relais internes de la Caisse et la Caisse qui est, pour le moment très peu présente internationalement, pourra utiliser les connaissances de l'AFD. Ce sera gagnant-gagnant, y compris bien sûr pour les personnels à qui cela donnera des possibilités supplémentaires. Nous dépasserons donc la KFW allemande et si nous travaillons bien, ce peut être une force considérable.
Mesdames et Messieurs, Chers Amis,
Tels sont les principaux chantiers qui vous attendent cette année. Ils sont vastes. Je vous fais totale confiance pour les mener à bien, car j'ai eu l'occasion d'expérimenter votre compétence et votre engagement.
Un dernier mot : sans doute aurez-vous remarqué que je n'ai pas abordé la question de l'organisation de nos services. Ce n'est pas par discrétion ou par peur d'être chahuté mais parce que je considère - les mots de M. Bézard vont dans ce sens - en effet que ce sujet est derrière nous. Ce n'est pas si facile à pratiquer, comme toute réforme, mais je pense que les habitudes de travail en commun et en transparence ont été prises à Paris et à l'étranger. En règle ultra générale, vous avez noué avec les ambassadeurs - c'était souvent déjà le cas - une relation de confiance mutuelle au service du dynamisme économique de notre pays. Tout cela fait partie de ce que j'appelle la diplomatie globale, c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'une part le militaire et de l'autre le grand politique, l'économie, le culturel, le scientifique et que sais-je encore ? Tout cela, ce sont des facettes de la diversité de la puissance française. C'est parce que la France a la diversité de ces facettes qu'elle peut avoir un rayonnement plus fort que sa propre puissance.
Je vous souhaite toute l'énergie nécessaire pour les défis de l'année qui vient. Vous avez, je crois, fait en sorte que cette réforme, qui n'avait d'ailleurs pas appelé des manifestations de masse, entre dans les faits et c'est un vrai motif de satisfaction parce que je pense que nous avons bien travaillé pour notre pays et travaillé sur le long terme.
Ayant dit tout cela, je vous souhaite maintenant beaucoup d'énergie pour l'année qui vient. Il y a beaucoup de défis, nous allons les relever et je pense qu'en les relevant, vous ferez honneur à la France et à la République. Pour tout cela, je voudrais à la fois vous adresser mes remerciements pour ce que vous avez fait, pour ce que vous allez faire et y ajouter mes voeux personnels de bonheur, de santé, d'amour, parce que cela fait le prix de la vie même si nous en parlons peu dans nos services économiques, peut-être à tort.
Je voudrais simplement vous dire que lorsque l'on a à la fois les satisfactions professionnelles et dans sa vie personnelle, que l'on a le sentiment, comme vous devez l'avoir, de bien travailler pour son pays, cela veut dire que l'année 2016 se présente sous d'excellents auspices.
Tous mes voeux.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 janvier 2016