Déclaration de Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'Etat à la famille, aux personnes âgées, à l'autonomie et à l'enfance, sur l'accueil et l'accompagnement des personnes handicapées, Paris le 17 novembre 2015.

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En ce jour de deuil national, je tenais à me présenter devant vous pour conclure cette matinée de conférences et d'ateliers consacrés au sujet si important de l'accueil temporaire. Les valeurs de solidarité et d'humanité, qui animent vos réflexions, qui motivent vos innovations, et qui sous-tend votre détermination, sont plus actuelles que jamais. C'est pour saluer ces valeurs que j'ai choisi d'honorer l'aimable invitation de Monsieur le Président CHOSSY.
Il y a dix ans, la loi dont Monsieur CHOSSY était le rapporteur, inscrivait dans le code de l'action sociale et des familles la notion de droit au répit pour les proches aidants de personnes handicapées. Aujourd'hui, nous passons à la vitesse supérieure. Le projet de loi d'adaptation de la société au vieillissement que je porte actuellement devant le Parlement apporte des réponses concrètes aux quatre millions de proches aidants de personnes âgées en perte d'autonomie.
Tout d'abord, l'article 35 du projet de loi propose une définition du statut de l'aidant d'une personne âgée. L'aidant, c'est celui qui entretient avec la personne âgée des liens étroits et stables, qui lui vient en aide, de manière régulière et fréquente, à titre non-professionnel, pour accomplir tout ou partie des actes ou des activités de la vie quotidienne.
Les efforts déployés par les aidants sont exemplaires, et méritent d'être reconnus comme tels. Reconnus par la société, mais aussi, et surtout, par les aidants eux-mêmes. Trop souvent, les aidants ne savent pas qu'ils sont aidants. En se consacrant spontanément au quotidien de leur proche, ils tendent à s'oublier eux-mêmes.
Absorbés par le lien affectif qui les unit à la personne en perte d'autonomie, ils négligent trop souvent leur santé, leurs relations sociales, et leurs responsabilités professionnelles. Nous savons que la moitié des aidants déclarent souffrir d'une maladie chronique et qu'un quart ressentent une fatigue physique et morale.
Apporter une réponse aux difficultés rencontrées par les aidants suppose une approche globale et inclusive. Parce que l'aidant est trop souvent isolé et démuni face à la perte d'autonomie. Parce que l'aidant éprouve une culpabilité à se reposer, à s'éloigner de son proche, même pendant un court instant. Et surtout, parce que l'accueil et l'hébergement du couple aidant-aidé doit proposer des dispositifs adaptés aux besoins, aux attentes et aux projets de chacun.
Le premier objectif du projet de loi est de promouvoir un parcours de vie sans rupture qui vienne renforcer, soutenir et compléter la politique de maintien à domicile demandée par nos aînés.
C'est cette approche que nous avons souhaité promouvoir à travers la notion de droit au répit, inscrit à l'article 36 du projet de loi. Ce droit au répit doit s'accompagner de dispositifs permettant à l'aidant de prendre du repos dans des conditions qui ne le culpabilisent pas, et qui ne déstabilisent pas la personne âgée en perte d'autonomie. C'est à ce titre que seront pleinement mobilisées les structures d'accueil temporaire.
Dans le cadre de l'Allocation Personnalisée d'Autonomie, le plan d'aide pourra prévoir des dispositifs répondant à des besoins de répit du proche aidant ainsi qu'une augmentation du plafond de l'APA classique. Nous avons tenu à ce que l'introduction du droit au répit n'entraîne pas la perte d'un droit ou d'une prestation pour la personne âgée. Cette précision prend tout son sens pour l'aidant, car la relation qu'il a établie avec la personne âgée, nouée par la perte d'autonomie, est porteuse d'une grande responsabilité. Pour la plupart des aidants que j'ai pu rencontrer depuis mon arrivée au Ministère, il est inenvisageable que leur santé passe avant le bien-être ou les soins dont leur proche a besoin.
C'est pourquoi l'enveloppe d'aide, évaluée en fonction des revenus et pouvant s'élever jusqu'à 500 euros par an, viendra compléter l'APA à domicile, afin de financer un hébergement temporaire, un accueil de jour ou des heures d'aide à domicile.
Concrètement, il s'agit de rendre possible l'augmentation de la prise en charge au-delà du plan d'aide, en cas de nécessité passagère ou d'hospitalisation du proche aidant. Cette évaluation des besoins sera réalisée par les équipes médico sociales des départements, au plus près de la situation de chaque personne.
Il nous faut donc travailler en parallèle sur les deux leviers d'effectivité de ce droit au répit. A savoir, la demande exprimée par les aidants et les personnes elles-mêmes, et l'offre proposée par les structures. L'accueil de jour et l'hébergement temporaire que votre groupement promeut sont au coeur de ce dispositif. Les places proposées sont déjà nombreuses. On dénombre au 31 décembre 2014, 6000 places d'accueil de jour et 3700 places d'hébergement temporaire installées. Néanmoins, on constate que toutes ces places ne sont pas occupées à pleine capacité, et j'ai souhaité que les causes de ce faible recours soient expertisées. Nous devons accompagner les structures pour qu'elles puissent adapter leurs réponses aux besoins des personnes : l'accueil en urgence notamment, et des formes innovantes telles que les accueils de nuit. Le ministère des affaires sociales (la DGCS) et le SGMAP (secrétariat général à la modernisation de l'action public) ont entamé un important travail sur le sujet. La DGCS procède à un recensement auprès des ARS des expériences pertinentes en matière d'accueil non programmé, et une expérimentation se déroule dans le Val-de-Marne et en Vendée.
Cette expérimentation a développé des outils opérationnels pour stimuler les aidants à avoir recours à ce droit, tels que les « bons découverte » en accueil de jour ou hébergement temporaire. L'accent est également porté sur les relais d'information de proximité, que sont les pharmaciens et les médecins. A ce stade, nous constatons que l'information doit encore être accentuée auprès des personnes et la demande suscitée, et nous avons besoin de la mobilisation de l'ensemble des relais nationaux et locaux, et je pense particulièrement à l'action de votre groupement.
Je tiens ici à saluer la plateforme numérique mise en place pour accroître l'accessibilité des établissements d'accueil temporaire. Je pense au système d'information SARAH auquel a été consacré un atelier ce matin. Cet outil ouvre une perspective intéressante puisqu'il indique en temps réel la disponibilité des places d'accueil dans chaque établissement d'accueil temporaire. Il nous montre également que de nombreuses innovations restent à imaginer, notamment à travers les nouvelles technologies de communication.
C'est dans cette perspective que nous avons mis à disposition des aînés et des aidants le portail internet www.pour-les-personnes-âgées.gouv.fr. Y figure l'ensemble de l'offre existante, sur l'ensemble des champs de la prise en charge des personnes âgées : prévention, information, accompagnement à domicile et établissements. Il permet d'identifier précisément les établissements proposant accueil de jour et hébergement temporaire. Je vous encourage à avoir recours et à promouvoir ce nouvel outil.
Par ailleurs, le projet de loi d'adaptation de la société au vieillissement facilite et simplifie les procédures d'autorisation, tant pour les gestionnaires que pour les autorités en charge des autorisations (ARS et Conseils départementaux). L'article 45 facilite ainsi la mise en oeuvre des schémas d'organisation sociaux et médico-sociaux et les évolutions négociées dans le cadre des CPOM, en exonérant d'appel à projet, sous certaines conditions, les transformations et les extensions des établissements.
Je tiens enfin à saluer une belle innovation, dont j'ai souhaité la reconnaissance juridique dans la loi d'adaptation de la société au vieillissement, à l'article 45. C'est une innovation sociale dont je pense qu'elle fera évoluer le recours et l'offre en hébergement temporaire, puisqu'il est désormais possible que des structures d'hébergement temporaire pour personnes âgées et personnes handicapées proposent concomitamment un séjour de vacances pour les proches aidants. Ce modèle regroupe donc sur un même lieu le répit de l'aidant et la prise en charge médico-sociale de l'aidé. Ils permettent à l'aidant de prendre du repos sur un véritable site de loisir et de détente. Et à l'aidé d'être pris en charge par une équipe professionnelle, source de confiance et de sérénité pour l'aidant. Aussi novateur que prometteur, ce type d'établissement ouvre des perspectives nouvelles au droit au répit, à la création de lien social, à la relation entre les générations. Un exemple, sous l'appellation « village répit familles » vous sera exposé cet après midi, sur le modèle de FONDETTES en Indre et Loire, le premier village existant.
Tous ces dispositifs constituent une étape significative dans la reconnaissance des aidants, de leur engagement, et de leur dévouement. Je suis convaincu que nous parviendrons à leur rendre l'attention qu'ils ont eux-mêmes porté, spontanément, à leur proche et donc à la société. L'accueil temporaire constitue notre principal atout pour diffuser le droit au répit, et permettre aux aidants de s'approprier cette pratique nouvelle. C'est sur la santé de l'aidant que repose l'autonomie de l'aidé. C'est pourquoi l'accueil temporaire doit devenir un réflexe et le répit un droit connu et reconnu pour les 4 millions d'aidants de personnes âgées en perte d'autonomie.
Il faudra pour cela rester mobilisé, redoubler d'initiatives et d'expérimentations, pour enfin, comme nous y incite cette conférence, « passer à la vitesse supérieure ».
Je vous remercie.
Source http://social-sante.gouv.fr, le 15 janvier 2016