Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international, sur le cinéma français à l'international, à Paris le 15 janvier 2016.

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Circonstance : Présentation du bilan de l'année 2015 du cinéma français à l'international, à Paris le 15 janvier 2016

Texte intégral

Je suis ravi de vous accueillir dans cette Maison qui a des rapports étroits avec le cinéma ; pas seulement parce qu'il y a un film sur le Quai d'Orsay qui a eu beaucoup de succès. Je vais vous raconter une anecdote à ce sujet : si j'ai bien compris, le film sur le Quai d'Orsay, c'était un pastiche de l'un de mes prédécesseurs qui avait beaucoup de qualités mais qui avait un style un peu différent du mien. Le réalisateur a organisé une projection pour le personnel. Le personnel a regardé le film et, le lendemain, j'ai demandé à des huissiers qui l'avaient vu comment ils l'avaient trouvé. Après un moment de silence, on m'a dit : «c'est bien mais en ce qui concerne le personnage principal, aujourd'hui c'est plus calme.»
Nous avons donc des relations étroites avec le cinéma, en particulier parce que même si ce n'est pas très connu, il est évident qu'une partie de la diplomatie globale de la France, c'est de la diplomatie culturelle et une partie importante de la diplomatie culturelle, c'est le cinéma.
En effet, le cinéma est l'une des images de notre pays à l'étranger et, souvent, l'image-même de notre pays à l'étranger, le visage de la France. C'est la raison pour laquelle cela m'a fait bien plaisir - je ne sais pas si c'est Isabelle ou vous-même qui m'avez proposé d'accueillir cet événement organisé par Unifrance - de le faire ici. Je comprends que vous avez déjà beaucoup travaillé et c'est une occasion pour annoncer un certain nombre de résultats. Au moment où j'ai accepté de vous recevoir, je ne savais pas que ces résultats étaient excellents.
Ce qui est certain, c'est que depuis de nombreuses années, le cinéma français a un grand succès artistique et le palmarès est là pour en témoigner. On me dit qu'au cours des dix dernières années, la France a reçu quinze oscars et quatre palmes d'or. Pour un pays en déclin, c'est pas mal. Si toutes ces récompenses ont été accordées, c'est parce que le monde du cinéma en France est de très grande qualité et, aussi, parce que le système que nous avons, avec le système de soutien des pouvoirs publics, est assez bon.
Puisque nous sommes dans l'actualité, je voudrais adresser un salut particulier au film «Mustang» et à sa réalisatrice ; nous espérons qu'elle pourra remporter l'oscar pour lequel elle est nominée. Comme vous êtes nombreux et que vous êtes du milieu du cinéma, j'en profite pour vous confirmer que j'ai dans ma famille deux personnes qui sont d'éminents personnages du cinéma : d'abord ma soeur Catherine qui est costumière et qui a obtenu un césar, et mon neveu Louis qui est l'un des «whiz kid» du cinéma américain. Je vous dis cela non seulement parce que j'en suis extrêmement fier - lorsque les gens me rencontrent, on me parle souvent de mon neveu et de ma soeur et réciproquement d'ailleurs - mais parce qu'il y a un monsieur qui a écrit un livre sur Besson et qui s'est cru autorisé, à partir du fait que mon neveu et ma soeur était dans le cinéma, de dire que j'avais accordé une faveur fiscale à M. Besson. C'est un tissu d'âneries. Comme vous êtes là, je vous le dis : non seulement c'est malveillant mais c'est mensonger et ce n'est pas parce que je suis un responsable politique que je peux être traité comme un «punching ball». En plus, quand on connaît ma réputation, ce n'est pas exactement le genre de la maison. Ce n'était pas dans mon texte mais cela me fait plaisir.
Donc, la réussite du cinéma français, c'est à la fois parce que, artistiquement on a un grand talent et parce que notre système est assez bien organisé. Vous allez nous dire que pour la deuxième année consécutive les films français ont réalisé, en 2015, davantage d'entrées à l'étranger que sur le marché national.
Alors, il y a deux façons de voir cela. On peut dire que c'est parce qu'on a bien pénétré le marché étranger ou parce qu'il y a eu un certain affaissement sur le marché national. Vous nous expliquerez cela M. Salomé et Mme Giordano. Je crois aussi que vous avez prévu de faire quelque chose sur le « Petit Prince », c'est un magnifique succès, bravissimo.
La réussite de notre cinéma à l'étranger s'explique par la qualité de tous ceux et de toutes celles qui le font, comme je l'ai dit, mais notre système, souvent critiqué, souvent décrié mais pas encore totalement démoli est, je pense, finalement assez performant si on regarde les résultats.
Fleur Pellerin vous demande de l'excuser si elle n'a pas pu être avec nous ce soir mais elle travaille, elle travaille beaucoup en ce sens ; le CNC aussi.
Au Quai d'Orsay aussi, nous faisons des choses qui ne sont peut-être pas suffisamment connues. Nous avons un réseau d'une soixantaine d'attachés audiovisuels à l'étranger qui connaissent très bien le terrain, qui sont des relais pour les professionnels du cinéma. Nous avons l'Institut français ; Anne Tallineau est là et réalise de son côté un travail important en lien avec le CNC pour la modernisation des salles de cinéma de notre réseau culturel, pour le programme intitulé «la fabrique des cinémas du monde» qui soutient de jeunes réalisateurs de pays émergents.
On peut également compter sur le concours d'Arte, de France-média-monde, de l'INA, de TV-France international et de TV5-monde qui sont très actifs pour le rayonnement du cinéma français à travers le monde. Au coeur de cette mobilisation, il y a Unifrance qui accomplit un travail tout à fait remarquable d'accompagnement des professionnels du cinéma et de promotion des films. Je veux donc saluer devant vous l'action d'Unifrance au service du cinéma français.
J'ai souhaité, en lien avec Matthias Fekl, qui est secrétaire d'État à mes côtés et qui s'occupe du commerce extérieur, que ce dynamisme que nous avons en matière de cinéma, nous puissions l'étendre à l'ensemble des industries culturelles et créatives en mettant en place, c'est là où Mme Giordano intervient, ce que nous appelons une famille prioritaire à l'export qui est intitulé : «Mieux se cultiver et se divertir». Je ne suis pas certain que le titre soit génial et je ne sais pas en plus comment le traduire en anglais. En tout cas, Mme Giordano, dont on connaît la compétence et le dynamisme, a pour tâche, parmi d'autres, de faire que nos industries culturelles et créatives se développent à l'étranger. Cela représente déjà un poids considérable dans notre économie, sans parler de l'essentiel qui est la dimension culturelle. On dit que cela représente près d'un million et demi d'emplois et un chiffre global de près de 85 milliards d'euros. Cela signifie donc que nous avons le cinéma, mais aussi le livre, la musique, les programmes de télévision, les jeux vidéo, vraiment une perspective extraordinaire.
Après la guerre, je crois que ce sont les Américains les premiers qui ont compris que la culture n'était pas simplement un outil formidable à travers ce que l'on appelle le «soft power» mais que c'était économiquement quelque chose d'extraordinaire. Pour ceux d'entre vous qui n'ont pas vécu cette période mais qui connaissent l'histoire, les accords Blum-Byrnes ont été parmi les premiers qui ont été passés. En ce qui nous concerne, je pense que nous avons commencé et même plus à comprendre que le cinéma, les industries créatives et culturelles, ce n'est pas simplement un outil de soft power formidable, mais aussi un domaine dans lequel économiquement on peut beaucoup progresser. Il se trouve que, comme nous sommes excellents là-dedans et que c'est un domaine qui va beaucoup progresser dans le futur, il faut vraiment mettre l'accent là-dessus.
Je terminerai en évoquant d'un mot le festival «My french festival», un nom particulièrement francophone, dont Unifrance lance cette année la sixième édition. C'est un festival en ligne qui propose, sur une trentaine de plateformes numériques à travers le monde, un choix de longs et courts métrages français inédits. Cette Maison, le Quai d'Orsay, en est l'un des partenaires. Je crois que le lancement officiel a lieu à la fin de la semaine ce dimanche à la Tour Eiffel et je pense que vous aurez le même succès que d'ordinaire.
Merci d'être là, de commencer l'année ensemble, merci pour tout ce que vous faites pour le cinéma. Nous allons continuer dans cette Maison et dans beaucoup d'autres qui appartiennent au domaine public à soutenir ce magnifique outil. Nous sommes dans la période des voeux, je souhaite en formuler un. Je ferai référence à Brel qui n'était pas simplement un chanteur extraordinaire que j'ai eu la chance d'entendre chanter - nous sommes de moins en moins nombreux, de même que nous sommes de moins en moins nombreux à avoir connu Louis XIV -, il était extraordinaire. Je crois que c'était en 1968, année qui, paraît-il, est maudite, mais j'ai bien aimé 1968, même si ce n'est pas toujours la réputation que j'ai, et Brel disait : «je vous souhaite des rêves à n'en plus finir et l'envie furieuse d'en réaliser quelques-uns».
Je pense que c'est un beau programme pour l'année 2016, c'est le programme que je vous souhaite.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 janvier 2016