Entretien de M. André Vallini, secrétaire d'Etat au développement et à la francophonie, dans "Le Quotidien de la Réunion" du 26 février 2016, sur la Commission de l'Océan indien, les relations franco-comoriennes et sur le sommet de l'Organisation internationale de la Francophonie à Madagascar.

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Circonstance : 31ème Conseil des ministres de la Commission de l’Océan Indien, à Saint-Denis de La Réunion du 24 au 26 février 2016

Média : Le Quotidien de La Réunion

Texte intégral

Q - La France va prendre la présidence de la Commission de l'océan Indien vendredi. Quelles seront les priorités lors de ce mandat ?
R - J'effectue à La Réunion mon premier déplacement, dans cette zone Sud de l'océan Indien, qui est un espace francophone, solidaire, un espace de paix où la France et les Français sont bien présents, qui a de belles perspectives et qui compte beaucoup pour notre pays. Durant sa présidence, la France donnera la priorité à trois sujets. D'abord la sécurité : le terrorisme djihadiste est devenu une menace globale, y compris dans cette zone. La France encouragera donc toutes les coopérations opérationnelles et concrètes au sein de la COI. Ensuite le climat et la protection de l'environnement : l'accord de Paris, adopté lors de la COP21 en décembre est un grand succès et un formidable élan, également pour les pays insulaires qui sont parmi les pays les plus vulnérables au changement climatique. La France veillera à ce que les engagements pris soient suivis d'effets. Nous sommes heureux que la COI, qui a toujours été à la pointe de la protection de l'environnement, y contribue. Enfin les connectivités et la croissance : les pays de la COI ont tout à gagner à se rapprocher pour constituer un marché plus grand, à intensifier leurs échanges. Le secrétaire général a fait du renforcement des connectivités une priorité, je l'approuve totalement. Nous nous félicitons des progrès accomplis depuis, notamment dans le domaine aérien et nous soutiendrons également les efforts engagés dans le domaine du tourisme et de l'économie bleue.
Q - Alors que la France met régulièrement en avant ses territoires d'outre-mer, pourquoi ne pas avoir laissé la présidence de la COI à La Réunion ?
R - Il était important que le gouvernement français soit représenté au moment où la présidence de la COI - qui est une organisation intergouvernementale - revienne à notre pays. D'autant plus que nous fêtons cette année le 30ème anniversaire de notre adhésion, qui permet à La Réunion de participer pleinement à la coopération régionale et le président du conseil régional M. Didier Robert et la présidente du conseil départemental, Mme Nassimah Dindar, sont d'ailleurs toujours invités à prendre place à la table du conseil et à s'y exprimer. Le gouvernement n'est pas opposé à ce qu'un élu de La Réunion conduise la délégation française à certaines réunions de la COI. C'est d'ailleurs déjà arrivé, cela ne peut être systématique, mais doit rester possible et je l'ai bien à l'esprit.
Q - Il devrait être question, lors du conseil des ministres de la COI, du développement de la connexion entre les pays de la zone, à la fois numérique, aérienne et maritime. Comment rapprocher ces territoires ?
R - Nous sommes partis du constat que la connectivité entre les îles qui composent la COI est trop limitée. C'est ainsi que trois chantiers de réflexion ont été ouverts sur la desserte maritime, la desserte aérienne et sur la connectivité numérique. Cette démarche est pertinente. Dans le domaine aérien, le sujet est délicat car il s'agit d'amener les compagnies de la zone, qui sont soumises aux lois de la concurrence et à l'obligation de rentabilité, à s'entendre pour le bien commun. La COI a montré que ce n'est pas impossible : des progrès réels ont été faits, comme en témoigne la création de «l'Alliance Vanille».
Q - Deux projets de création d'une compagnie régionale aérienne «low cost» sont actuellement étudiés, l'un par l'île Maurice et l'autre par La Réunion. L'État peut-il favoriser la fusion de ces deux projets ?
R - A ce stade, aucun projet concret n'est sur la table. Il est important que la concertation se poursuive, afin que si demain un projet devait aboutir, il associe l'ensemble des partenaires régionaux concernés, publics comme privés.
Q - Avec ses compétences en matière de développement durable, comment La Réunion peut-elle être au coeur de la lutte contre le réchauffement climatique ?
R - La Réunion est en pointe sur le sujet des énergies nouvelles et renouvelables. Plusieurs expérimentations ont déjà eu lieu. Des sociétés réunionnaises sont bien positionnées sur ce créneau. Les capacités d'expertise et de formation de La Réunion dans ce domaine comme dans celui de la gestion durable des pêches, de la gestion des zones côtières, de la recherche scientifique et de l'innovation me paraissent devoir être exploitées au profit de l'ensemble de la Région COI.
Q - Les relations entre la France et l'Union des Comores sont tendues sur la question de Mayotte comme nous avons pu le voir lors des derniers Jeux des îles de l'océan Indien. Quels axes de travail privilégier pour resserrer la coopération avec les Comores ?
R - Les Jeux des îles sont une belle initiative, qui doit être encouragée. La Réunion a pu, de façon très professionnelle, organiser les derniers jeux et tous les sportifs de la France de l'océan Indien, réunionnais et mahorais, ont pu y participer. Certes, des incidents, que je regrette, ont terni les Jeux, mais on aurait tort de les résumer à cela. Maintenant, compte tenu des polémiques qui ont eu lieu, il nous faut travailler sereinement à trouver une solution pérenne pour permettre à toutes les populations de participer pleinement à ces jeux, sans aucune discrimination ou mise à l'écart. En ce qui concerne la coopération de la France avec les Comores, je veux souligner qu'elle est déjà très forte et que l'Union des Comores est l'un des pays qui bénéficie de la part de la France d'un des plus forts taux d'aide au développement par habitant, sans compter la coopération décentralisée et le soutien aux projets de développement initiés par la diaspora. Dans le cadre de la déclaration d'amitié et de coopération signée par le président de la République et par le président Ikililou Dhoinine en juin 2013, un dialogue renforcé est conduit dans le respect mutuel, dans l'intérêt des populations concernées, sur des mesures concrètes. C'est le travail du «Haut Conseil Paritaire » qui se réunit régulièrement depuis 2013.
L'Union des Comores est aujourd'hui en période électorale. Le premier tour de l'élection présidentielle, organisé dimanche dernier, s'est déroulé sans incident et les électeurs se sont mobilisés. On ne peut que s'en féliciter. La France est naturellement disposée à poursuivre dès que possible avec le nouveau gouvernement comorien les chantiers engagés.
(...)
Q - Madagascar accueille en novembre prochain le sommet de l'Organisation internationale de la Francophonie. Quels seront les objectifs de cette rencontre internationale ?
R - Dans un climat marqué par le terrorisme et les crises dans l'espace francophone, ce rendez-vous sera l'occasion de réaffirmer avec force les valeurs et principes de la francophonie : démocratie, droits de l'homme, dialogue des cultures. Un bilan de la mise en oeuvre des stratégies-phare de la Francophonie sur l'économie et la jeunesse sera dressé : soutien à l'entreprenariat, aux femmes, lutte contre la radicalisation des jeunes, appui à l'éducation. Ce sommet consacrera aussi le retour sur la scène internationale de Madagascar et son ancrage dans la communauté francophone. L'Organisation internationale de la Francophonie ouvrira prochainement un bureau régional pour l'Océan indien à Tananarive.
(...).source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 1er mars 2016