Texte intégral
INTERVENANT
En direct Harlem DESIR, secrétaire d'Etat chargé des Affaires européennes auprès du ministre des Affaires étrangères et du Développement international, il répond à vos questions Frédéric RIVIERE.
FREDERIC RIVIERE
Bonjour Harlem DESIR.
HARLEM DESIR
Bonjour Frédéric RIVIERE.
FREDERIC RIVIERE
On va parler du sommet franco-britannique qui va se tenir aujourd'hui, mais d'abord ce budget humanitaire de 700 millions d'euros débloqué par l'Union européenne pour aider les pays les plus en difficulté face à l'afflux de migrants, on pense en particulier à la Grèce, qu'est-ce que ça va changer concrètement ?
HARLEM DESIR
C'est une mesure d'urgence exceptionnelle qui a été annoncée hier par la Commission européenne que nous avions souhaité pour permettre d'utiliser un budget qui s'appelle « Eco » et qui d'habitude est mobilisé uniquement pour venir en aide à des pays hors de l'Union européenne qui sont confrontés à des crises humanitaires graves pour pouvoir le mobiliser, y compris au sein de l'Union européenne, quand un pays est confronté à une situation exceptionnelle qui peut mettre en danger la vie des personnes et que ce pays même en mobilisant tous ses moyens de sécurité civile a besoin d'une solidarité supplémentaire. Donc la décision qui a été prise c'est 700 millions d'euros sur trois, dont 300 millions d'euros dès cette année, 200 l'année suivante et également en 2018, qui pourront appuyer des actions de la Croix rouge, des agences des Nations unies - comme le Haut Commissariat aux réfugiés - d'organisations non gouvernementales on en connait beaucoup en France comme Médecins sans frontières, Médecins du monde - beaucoup d'autres qui sont sur place éventuellement aussi vous voyez en appui des services de l'Etat, parce que comme vous l'avez dit à Idomeni, c'est-à-dire à la frontière entre la Grèce et la Macédoine la Macédoine qui a quasiment fermé sa frontière
FREDERIC RIVIERE
La situation est terrible là-bas !
HARLEM DESIR
Oui ! Une dizaine de milliers de personnes d'ores et déjà qui sont là, qui sont bloqués, qui sont des réfugiés Syriens, mais qui peuvent être aussi des gens qui viennent de plus loin encore : d'Afghanistan, du Pakistan, d'autres qui viennent de pays d'Afrique et qui pensaient qu'ils pourraient remonter par la fameuse route des Balkans et qui se retrouvent d'une certaine façon piégés mais c'est une zone de montagne donc il y a des besoins humanitaires, il y a des enfants, il y a des mineurs et il y a donc une urgence à laquelle il va falloir faire face pour tout simplement apporter des soins, pour apporter de la nourriture, pour apporter des premiers secours, mais ensuite il faut traiter le problème migratoire.
FREDERIC RIVIERE
Oui. Le 34ème sommet franco-britannique se tient aujourd'hui à Amiens, dans la Somme, il sera largement question de la situation à Calais ainsi que du Brexit. Sur les migrants à Calais, quel va être le message aujourd'hui de la France à David CAMERON ?
HARLEM DESIR
Eh bien d'abord c'est que nous devons mettre en oeuvre les accords qui ont été passés entre la Grande Bretagne et la France et qui ont amené à prendre des décisions dans plusieurs domaines, d'une part que la Grande Bretagne contribue à financer la sécurisation de la zone d'accès au tunnel et de la zone du port de Calais
FREDERIC RIVIERE
Vous souhaitez que ce financement soit revu à la hausse ?
HARLEM DESIR
Ce financement va être augmenté, il l'a déjà été de plus de 60 millions d'euros - c'est la contribution que les Britanniques ont apportée - et il y aura une vingtaine de millions d'euros supplémentaires. Ce financement il contribue aussi à la sécurisation, à la lutte contre les réseaux de passeurs, contre les trafics de personnes, contre l'exploitation de la misère des migrants qui sont là par un certain nombre de gens qui font de la traite des êtres humains et puis il y a aussi ce que la France fait pour permettre que les demandeurs d'asile qui sont là et qui ne pourront pas être accueillis en Grande Bretagne, parce que la France Bretagne ne les accepte pas en fonction de sa législation, puissent être répartis dans des centres d'orientation et d'accueil dans d'autres régions en France, dans plus de 100 centres d'accueil en France, qu'ils puissent faire leur demande d'asile en France s'ils relèvent de l'asile et, s'ils sont dans des situations irrégulières, qu'il puisse être procédé à leur retour dans les pays d'origine dans le cas d'accords de coopération et de réadmission avec ces pays d'origine. Pour tout cela nous coopérons évidemment ensemble avec la Grande Bretagne, de même que nous coopérons évidemment dans la lutte contre le terrorisme parce que c'est aujourd'hui aussi une des priorités de notre coopération en matière de contrôle des frontières.
FREDERIC RIVIERE
Nous coopérons avec la Grande Bretagne pour l'instant, pourrait dire Emmanuel MACRON, ministre de l'Economie, puisque dans le Financial Times hier il disait qu'en cas de sortie de la Grande Bretagne de l'Union européenne la France cesserait de retenir les migrants à Calais. Est-ce que c'est une position personnelle qu'a exprimée Emmanuel MACRON ou est-ce qu'effectivement c'est ce qui est prévu ?
HARLEM DESIR
Ce que nous souhaitons c'est que le Royaume Uni reste dans l'Union européenne
FREDERIC RIVIERE
Bien entendu ! Mais
HARLEM DESIR
Et que l'Union européenne avance avec le Royaume Uni dans de très nombreux domaines de coopération, dont celui des migrations, de la réponse à la crise des réfugiés, de la lutte contre le terrorisme, mais beaucoup d'autres sujets qui seront aujourd'hui à l'ordre du jour à Amiens et en particulier la politique de défense, la politique extérieure commune, en particulier vis-à-vis de l'Afrique, nous sommes deux pays membres permanents du Conseil de sécurité. Concernant Calais
FREDERIC RIVIERE
Parce que le scénario d'une sortie de l'Union européenne n'est pas exclu aujourd'hui ?
HARLEM DESIR
Oui !
FREDERIC RIVIERE
Il y a un référendum le mois prochain ?
HARLEM DESIR
Il y a un référendum, ce sont les citoyens Britanniques qui décideront. Mais nous pensons que l'Union est un démultiplicateur de puissance pour nos pays, nous sommes deux puissances européennes, deux membres permanents du Conseil de sécurité, nous avons des responsabilités globales, nous coopérons d'ailleurs beaucoup dans le domaine de la Défense, de la politique étrangère, en Syrie, en Libye, dans d'autres régions du monde et nous pensons que nous sommes plus forts ensemble pour affronter ces problèmes ; de même que nous avons intérêt économiquement à rester unis, le Royaume Uni est évidemment un grand acteur de la vie économique européenne - en particulier avec la City et il est vrai que, s'il sortait de l'Union européenne, un certain nombre d'activités financières, y compris de banques d'autres pays de l'Union européenne qui travaillent pour la City
FREDERIC RIVIERE
D'ailleurs Emmanuel MACRON dit : « on inciterait les banques à venir s'installer à Paris ».
HARLEM DESIR
Viendraient rapatrier leurs activités sur des places financières sur le continent, en particulier en France, à Paris
FREDERIC RIVIERE
En Allemagne !
HARLEM DESIR
Ou à Francfort. Concernant les accords du Touquet
FRÉDÉRIC RIVIERE
Et en particulier sur les réfugiés, enfin les migrants.
HARLEM DESIR
Ce sont des accords bilatéraux qui permettent de gérer notamment le contrôle de l'immigration à Calais, la coopération policière, judiciaire, ce sont des accords bilatéraux - donc il n'y a pas de chantage, ni de menace - mais c'est vrai que nous coopérons plus facilement en étant membres de l'Union européenne que si le Royaume Uni ne l'était plus. Parce que par exemple nous travaillons aussi avec des outils européens communs comme Europol ou le système d'informations de Schengen, c'est un système informatique - même si la Grande Bretagne n'est pas membre de Schengen elle coopère au travers de ce système et dautres méthodes d'échange d'informations. Donc, cette coopération elle est liée d'abord au fait que nous sommes voisins et nous resterons quoi qu'il en soit
FREDERIC RIVIERE
Autrement dit vous dites un peu la même chose qu'Emmanuel MACRON, mais plus courtoisement ?
HARLEM DESIR
Nous resterons de toute façon voisins et amis et des partenaires importants, notamment en matière de politique de sécurité et nous aurons à gérer la situation à nos frontières communes, mais il est vrai que c'est plus facile de le faire quand on est dans le même cadre qui est celui de l'Union européenne.
FRÉDÉRIC RIVIERE
Un mot du projet de loi de Myriam EL KHOMRI, le projet de loi Travail, qui a contribué à aggraver les divisions au sein du Parti socialiste, sa présentation en conseil des ministres a été reportée d'une quinzaine de jours. Est-ce que cette période va être mise à profit pour faire de vraies concessions à ceux qui sont hostiles à ce projet de loi ?
HARLEM DESIR
Je crois qu'il était bon de pouvoir prendre quelques jours de plus pour que puisse se mener une concertation, un dialogue avec les organisations syndicales et patronales qui vont toutes être reçues par le Premier ministre, avec les parlementaires pour lever des inquiétudes, pour améliorer le texte et pour pouvoir avancer. C'est une réforme qui est utile, c'est une réforme qui est importante pour que fonctionne mieux notre économie, nous avons déjà fait beaucoup de choses pour améliorer la compétitivité, pour améliorer le financement des entreprises, pour baisser les charges, mais nous avons besoin aussi d'avoir un marché du travail qui soit plus adapté aux flexibilités de l'économie. Mais en même temps évidemment il faut que le contrat de travail reste une protection, il faut
FREDERIC RIVIERE
La question c'est de savoir si c'est une réforme de gauche ?
HARLEM DESIR
C'est une réforme de gauche ! Parce que notamment cette réforme va permettre de mettre en oeuvre le Compte personnel d'activité, c'est-à-dire la Sécurité sociale professionnelle, le droit à la formation tout au long de la vie ; parce que cette réforme va confirmer que la durée légale du travail c'est 35 heures et qu'au-delà il y a des majorations ; parce qu'elle va donner des pouvoirs aux salariés pour des accords d'entreprises ou des accords de branches avec des règles de majorité qui seront clairs et parce qu'elle va donc encadrer la flexibilité. Il y avait sans doute des points qui provoquaient des incompréhensions ou des inquiétudes, je pense qu'il vaut mieux parfois prendre quelques jours de plus, rassembler, être plus en situation à partir de là, d'avoir un soutien large à l'Assemblée et dans le monde syndical.
FREDERIC RIVIERE
Merci Harlem DESIR.
HARLEM DESIR
Bonne journée.
FREDERIC RIVIERE
Merci.
INTERVENANT
Harlem DESIR, secrétaire d'Etat chargé des Affaires européennes.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 mars 2016