Déclaration de Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, sur la prévention de la radicalisation, Paris le 12 novembre 2015.

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La radicalisation, c'est un phénomène de marginalisation au sein de notre société. Elle concerne des individus qui ne se retrouvent plus dans le fonctionnement du vivre-ensemble et qui refusent de s'investir dans un travail, à l'école, dans des associations.
Ma conviction profonde est que la radicalisation est un processus qui trouve pour partie sa source dans l'environnement de la personne concernée. Cet environnement la fragilise, la plonge dans une spirale où seule la pensée extrémiste, facilement accessible sur internet, apparaît comme une réponse.
La radicalisation, c'est donc aussi l'absence d'opportunités et d'avenir. Et c'est ce qui peut pousser de nombreux jeunes français, déboussolés, à rejoindre des groupes ou à quitter le territoire pour des zones de combats.
Face au repli sur soi et à la désespérance, le ministère du Travail et ses réseaux - Pôle Emploi et les missions locales tout particulièrement - offrent des possibilités d'accompagnement et de prévention. Ils sont une des clés pour répondre à l'isolement des personnes et les ramener sur le chemin de l'insertion sociale et professionnelle.
Le service public de l'emploi doit prendre toute sa part dans la politique de prévention contre la radicalisation.
Parce qu'il est au contact d'une grande partie de la population qui se trouve en difficulté, le service public de l'emploi doit jouer un rôle actif pour prévenir la radicalisation.
Cela passe par identifier, alerter, recueillir des informations sur les situations sensibles qui doivent ensuite être prises en compte par les services compétents.
Depuis le milieu de l'année 2014, Pôle Emploi est représenté aux réunions des comités départementaux de prévention et de suivi dans le cadre du plan de lutte contre la radicalisation violente et les filières djihadistes. Cette instance est un lieu d'échanges informels sur des cas individuels qui nécessitent une vigilance particulière.
Par ailleurs, les missions locales sont elles aussi engagées dans une démarche de prévention. Une convention sera prochainement signée avec les structures qui représentent les missions locales (CNML et UNML), pour organiser la formation de leurs responsables dans les territoires, le signalement et la prévention des risques de radicalisation.
Cette coopération du service public de l'emploi, avec les Préfets notamment, est essentielle. Elle permet de faire remonter l'information et de définir une prise en charge spécifique des jeunes identifiés.
L'État a une immense responsabilité : redonner une place dans la société à ceux qui s'en sont écartés et favoriser leur insertion.
Vous l'avez rappelé dans vos interventions : l'ensemble des compétences locales sont mobilisées, aux côtés des services de l'État (l'Éducation nationale, la police, la gendarmerie, la PJJ mais aussi le service public de l'emploi).
Entreprendre des actions concrètes, repérer et proposer aux jeunes des parcours de réinsertion, c'est éloigner le risque de radicalisation.
Car les jeunes en voie de radicalisation sont souvent des jeunes décrocheurs qui ont quitté le système scolaire sans atteindre un réel niveau de qualification, qui n'ont pas réussi leur insertion sur le marché du travail et qui n'ont pas bénéficié d'un accompagnement pour résoudre leurs difficultés.
C'est pourquoi il est essentiel que ces personnes aient accès à nos dispositifs d'insertion professionnelle. Il faut de l'agilité, des solutions « cousues main », une offre adaptée à la situation de chaque personne, parmi lesquels on trouve :
• L'accompagnement individualisé : au coeur des quartiers prioritaires de la politique de la ville, nous avons créé 700 postes de conseillers « Accompagnement Intensif des jeunes ». Ils sont des interlocuteurs indispensables pour concevoir une réponse globale qui prenne en compte toutes les facettes d'une situation individuelle difficile ;
• La garantie jeunes : lors de la conférence sociale du 19 octobre 2015, nous avons proposé la généralisation du dispositif à tous les territoires volontaires. D'ici à 2017, ce sont 100 000 jeunes qui bénéficieront du dispositif ;
• L'Etablissement Public d'Insertion de la Défense (EPIDE) : 18 centres en France assurent l'insertion sociale et professionnelle durable des jeunes en difficulté scolaire, sans qualification et emploi et en risque de marginalisation ;
• L'école de la deuxième chance : près de 15 000 jeunes sans qualification y sont accueillis ;
• Et pour les jeunes qui reviennent des zones de conflit : nous devons mettre en place une structure travaillant à la réinsertion et à la citoyenneté. Les services du ministère et l'EPIDE y travaillent d'arrache-pied, en liaison avec le SG-CIPD, pour qu'un centre dédié puisse ouvrir en 2016.
Lorsqu'un jeune se sent perdu, nous ne pouvons rester sans rien faire. Car c'est justement lorsqu'il remet en cause sa place dans la société qu'il risque d'entrer dans la radicalisation.
Chacun a un droit à la nouvelle chance. C'est le sens des dispositifs que je viens d'évoquer. Ils permettent d'abord de s'insérer professionnellement mais aussi, de retrouver les valeurs de la vie en communauté.
Source http://www.interieur.gouv.fr, le 1er mars 2016