Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Je remercie les rapporteurs pour leur synthèse de l'atelier sur « la resocialisation et l'accompagnement », exercice difficile tant les discussions furent riches aujourd'hui dans vos groupes de travail.
Je tiens aussi à remercier le ministère de l'Intérieur d'avoir convié des représentants des services de l'Éducation nationale pour cette journée sur la prévention de la radicalisation.
L'Éducation nationale a effectivement un rôle important à jouer, aux côtés de l'ensemble des services de l'État, des associations concernées et des collectivités dans la prévention de la radicalisation : pour prévenir bien sûr ce phénomène dans le cadre de nos actions socio-éducatives et de l'apprentissage de la citoyenneté, mais aussi pour le repérer.
Le rôle de l'école est fondamental dans la construction d'un élève citoyen, apte à appréhender le monde qui l'entoure dans sa diversité et à prendre des décisions qui préservent son bien-être mental et physique tout en respectant celui des autres pour vivre en société.
L'école doit être le garant de l'émancipation du jeune pour qu'il soit en mesure de discerner les dangers, pour lui-même et pour les autres, de discours extrémistes.
C'est le sens du nouvel Enseignement Moral et Civique (EMC), créé par la Loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, et mis en oeuvre depuis la rentrée 2015, de l'école au lycée. L'EMC pose progressivement les fondements pour les élèves d'une appropriation personnelle des règles de vie dans un État de droit avec, en particulier, le respect du pluralisme des opinions, des convictions.
L'Education aux Médias et à l'Information (EMI) a pour objectif de permettre aux élèves de renforcer leur résilience face à toute forme de manipulation et d'emprise mentale, afin qu'ils développent leur sens critique, en particulier dans l'usage des réseaux sociaux et d'internet. L'EMI initie les élèves à l'usage raisonné des différents types de médias et les sensibilise aux enjeux sociétaux et de connaissance qui sont liés à cet usage. La lecture critique et distanciée, la capacité à publier, à produire de l'information et à s'informer constituent un ensemble de pratiques pédagogiques et éducatives, destiné à former les « cybercitoyens » actifs, éclairés et responsables de demain. Cette éducation aux médias est d'autant plus essentielle que nous connaissons l'usage intensif fait par les groupes terroristes des réseaux sociaux. L'embrigadement passe par Internet. Il est de notre rôle, dès le plus jeune âge, d'éduquer les enfants à une lecture critique de l'information qu'ils y trouvent.
Après les attentats de janvier 2015, j'ai impulsé une grande mobilisation de l'école et de ses partenaires pour les valeurs de la République à l'école. Parmi les onze mesures du plan que j'ai annoncé, le parcours citoyen prend en compte l'EMI et l'EMC comme composantes essentielles de la construction de la citoyenneté de l'élève, mais vise également à valoriser l'engagement des jeunes afin de permettre de favoriser un sentiment d'appartenance à une société.
Engagement au sein des établissements qui est essentiel car il évite la rupture. Nous le savons, les discours de propagande terroriste ont un contenu idéologique totalitaire et totalisant qui offre une vision simpliste et globalisante du monde.
C'est par un processus progressif que des jeunes vont adhérer à cette idéologie radicalisée. L'isolement joue un rôle clé dans ce processus.
En permettant chaque jour à nos jeunes de se socialiser au sein de leur établissement scolaire, en ayant des équipes attentives aux signaux faibles qui peuvent nous alerter sur un mal être éventuel, en étudiant avec attention les indicateurs de basculement vers la radicalisation et en mettant en oeuvre des stratégies collectives de prise en charge, nous pouvons participer, peut être, à éviter ce basculement vers la radicalité.
Au-delà de nos actions socio-éducatives, j'ai souhaité que l'ensemble de nos personnels aient à leur disposition des outils nécessaires pour repérer les élèves en déshérence et éventuellement en voie de radicalisation. Nous avons créé un livret simple pour les y aider. Une fois ce repérage effectué, les équipes éducatives signalent via l'Inspecteur d'Académie - Directeur académique des services de l'éducation nationale (IA-Dasen) à la cellule de suivi préfectorale les situations qui les préoccupent. Ces cellules peuvent avec leur expertise juger de l'opportunité de suivre ou non ce jeune et éventuellement sa famille.
J'ai également souhaité structurer notre politique en nommant dans chaque département et dans chaque académie un référent « radicalisation ». Régulièrement formés dans le cadre de notre plan national de formation, ces derniers sont ensuite en mesure de construire localement, en lien avec les services déconcentrés des autres ministères, des formations pour nos personnels. Beaucoup reste à faire mais ces formations témoignent de notre volonté de répondre aux mieux aux interrogations de nos personnels.
Enfin, j'ai élargi cet été les prérogatives de la mission de prévention des phénomènes sectaires qui peut appuyer les recteurs pour structurer leur politique académique mais aussi aider au contrôle de l'instruction à domicile ou d'établissement privés hors contrat sur lesquels nous aurions des doutes éventuels.
Au-delà de ces actions, la question posée aujourd'hui concerne notre rôle pour accompagner un élève en voie de radicalisation suivi par les cellules préfectorales.
Quand cette situation existe, nos personnels, en lien étroit avec les services de l'État et les associations d'aide à la parentalité, de prévention des dérives sectaires, ou encore de prévention spécialisée, mettent en place, dans le cadre d'une cellule de veille interne à l'établissement un suivi éducatif de qualité pour l'élève concerné. L'établissement offre aussi un soutien à la famille qui en a besoin en lien étroit avec les associations mobilisées et spécialisées pour soutenir ces parents souvent désoeuvrés et inquiets devant la déshérence et l'emprise dans lesquelles se trouve leur enfant.
Cette cellule de veille, à laquelle participent le conseiller principal d'éducation, l'assistant de service social, l'infirmier, le médecin, sous le pilotage du chef d'établissement, va être à la fois attentive aux indicateurs habituels : appétence scolaire, capacité de concentration en classe et d'investissement dans le travail personnel, absentéisme, rupture avec les modalités antérieures de comportement, troubles de la sociabilité, perte d'estime de soi, repli sur soi mais aussi analyser les problématiques individuelles et collectives des élèves repérés, préconiser des typologies de prise en charge pédagogique et éducative, proposer un accompagnement personnalisé, aider à l'élaboration des projets scolaires et personnels des élèves, suivre, évaluer et ajuster les accompagnements mis en place.
Le chef d'établissement en lien avec le référent radicalisation rend compte à la cellule de suivi de l'évolution scolaire de l'élève et reçoit de la part de la cellule de suivi les informations nécessaires à une prise en charge éducative de qualité.
Je souhaite aussi rappeler la possibilité pour les jeunes de 16 à 25 ans de bénéficier du droit au retour en formation développée dans le cadre du service public régional d'orientation.
La mise en oeuvre effective de ce droit s'appuie sur chacun d'entre vous. Il me semble que cela constitue une possibilité intéressante pour certains de ces jeunes en déshérence.
L'intervention de Laurence Rossignol sur le nécessaire accompagnement des familles et les témoignages vidéo récents, très poignants des familles de jeunes qui sont partis en Syrie, me font penser au rôle que pourrait jouer notre réserve citoyenne. Cela pourrait être un moyen pour que ces familles puissent venir témoigner dans certaines écoles ou devant d'autres parents d'élèves à la demande de nos établissements scolaires. Nous allons étudier cette possibilité.
Voici en quelques mots un aperçu de la contribution de l'éducation nationale à la prévention de la radicalisation et plus précisément à la resocialisation de jeunes en voie de radicalisation.
Source http://www.interieur.gouv.fr, le 1er mars 2016