Déclaration de Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication, sur les Journées du patrimoine, notamment le patrimoine culturel et les associations, Paris le 5 septembre 2001.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Conférence de presse sur les 18 èmes journées du patrimoine à Paris le 5 septembre 2001

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Michel Duffour et moi-même sommes heureux de vous accueillir en cette rentrée, avec à nos côtés Wanda Diebolt, directrice de l'architecture et du patrimoine.
Je suis heureuse de vous accueillir pour vous présenter cette 18ème édition des Journées du Patrimoine. Vous savez, les 15 et 16 septembre prochains, ce sont très certainement des millions de visiteurs qui partiront à la découverte de notre patrimoine - ils étaient 11 millions l'année dernière, 13000 dans cette maison, pourtant les locaux ne sont pas très vastes - et, ils vont, comme chaque année sillonner le pays pour découvrir l'extraordinaire diversité de notre patrimoine. Je crois qu'on peut dire que c'est un grand rendez-vous citoyen dont le succès témoigne de l'appétit croissant des Français pour la découverte de cet héritage extraordinaire, témoignage aussi de leur intérêt pour l'histoire des lieux et l'histoire de l'art de notre pays.
Vous le savez, ces journées sont devenues européennes et elles associent cette année, quarante-six pays de la grande Europe et même au-delà. Elles contribuent en fait à la prise de conscience d'une communauté de vie en Europe, d'un espace de vie européen qui est aussi l'expression d'une histoire et d'un projet. Des politiques communautaires d'ailleurs, se mettent en place, pour donner accès aux savoirs, pour conjuguer patrimoine et urbanisme, cela n'est pas une petite affaire - les élus et les architectes le savent - pour conjuguer lieux de mémoire et économie touristique et associer les habitants aux choix qui conditionnent leur cadre de vie. Je crois que le patrimoine, et c'est sans doute un acquis des dernières décennies, est véritablement devenu l'affaire de tous et parfois dans de petites communes, de petits territoires, c'est même le patrimoine qui sert de point de départ et de socle à une politique de développement culturel.
Le thème de cette année, vous le connaissez, c'est " Patrimoine et association ". J'ai le plaisir de saluer la présence parmi nous de Jean-Michel Belorgey qui a présidé cette commémoration du centenaire de la loi de 1901 qui est la loi pour la liberté d'association. Merci d'être à nos côtés. Cette célébration du centenaire de la loi de 1901 me permet de rendre très sincèrement hommage à des milliers d'hommes et de femmes qui se mobilisent au sein de très nombreuses associations pour sauvegarder le patrimoine, pour le redécouvrir souvent d'abord, pour le sauvegarder, pour sensibiliser les élus, les décideurs, la population à ces extraordinaires ressources patrimoniales de notre territoire.
Ces associations, elles sont pas moins de 18000 allant de très grandes comme de plus modestes, attachées à sauvegarder, à faire découvrir et partager un patrimoine parfois grandiose, parfois modeste, elles déploient leurs activités dans ce domaine et elles représentent 12 % des associations à vocation culturelle. C'est dire à quel point cette thématique du patrimoine importe à nos concitoyens. On peut d'ailleurs rapprocher ce pourcentage - cela n'est évidemment pas un hasard - de la part du budget du Ministère de la culture consacrée au patrimoine, qui est de 11 - 12 % justement.
Ces associations sont le porte-parole des habitants, elles sont très souvent à l'interface entre l'Etat et les collectivités. La vitalité du mouvement associatif qui évidemment ne représente ni les pouvoirs régaliens de l'Etat ni le dynamisme et l'intérêt commerçant, cette vitalité est au service d'une certaine idée du bien public qui, je crois, nous rassemble ici et qui anime la plupart de ces associations.
Le champ patrimonial, sa géographie, ses limites ont beaucoup bougé depuis quelques années, c'est en tout cas une géographie qui est en permanente évolution, et aujourd'hui on y inclut aussi bien les grands monuments, les édifices traditionnels et le patrimoine récent, en particulier ce patrimoine du XXème siècle que nous nous étions attachés à mettre particulièrement en valeur l'an dernier, le patrimoine industriel ou artisanal qui constitue la mémoire du monde du travail. En fait, on constate qu'une nouvelle acception du patrimoine se fait jour, pas seulement chez nous mais dans le monde entier. Ainsi, l'UNESCO en classant tout récemment l'ensemble du Val de Loire, a introduit dans ses propres critères la notion de paysage culturel. De plus en plus les collectivités territoriales développent de nouvelles politiques du patrimoine. Elles sont prêtes à le valoriser et, en fait, elles dissocient de moins en moins - et c'est heureux - les qualités architecturales, les qualités urbaines, les qualités paysagères et j'ajouterai, les qualités aussi du " vivre ensemble ". Le patrimoine, je le répète, étant souvent le lieu, le point de départ de cette prise de conscience.
Le patrimoine au sens large donne sens à toute une dynamique d'expression identitaire, culturelle mais aussi une dynamique économique d'aménagement du territoire et nous sommes, avec les réformes de la décentralisation, à un moment où on voit bien que se refondent en s'élargissant les démarches territoriales. Beaucoup s'interrogent sur les conséquences de ces évolutions. Je veux souligner que, pour le Gouvernement, aborder une nouvelle étape de la décentralisation ne veut évidemment pas dire affranchir l'Etat de ses responsabilités propres. Il s'agit d'associer plus largement les collectivités territoriales, à travers elles les populations - à l'identification, à la protection juridique, à la conservation et à la mise en uvre du patrimoine. Michel Duffour, Secrétaire d'Etat à la décentralisation et au patrimoine, vous présentera tout à l'heure les lignes fortes, mais aussi les acquis de son travail et de notre action commune dans ce domaine.
Le devoir de l'Etat, dans ce domaine, est de développer de nouveaux outils participatifs, administratifs, juridiques. Il est de redéfinir les rôles, c'est-à-dire de renforcer la protection de ce patrimoine et sa maîtrise réglementaire, mais il est aussi je crois profondément, de favoriser le dialogue entre les différents acteurs de cette promotion du patrimoine et les différents acteurs de la vie collective. Ce sont en fait les conditions de réussite de l'intégration du patrimoine dans les projets et les réalités locales. Nous le savons tous, le patrimoine c'est bien sûr un héritage, ce sont les traces multiples de notre passé, mais c'est aussi le support de projets, le support d'un développement local qui prend de plus en plus appui sur la qualité de nos richesses culturelles.
Il faut noter, dans les mois qui viennent de s'écouler, des avancées législatives tout à fait notables en la matière : tout d'abord, la loi sur l'archéologie préventive qui fut présentée par Michel Duffour et dont il reparlera tout à l'heure je pense, et qui concilie au sein de la mission de l'Etat, les contraintes propres à la recherche scientifique et les impératifs inhérents à l'aménagement et la construction. L'Etablissement Public sera créé en 2002, il associera tous les acteurs de l'archéologie, les collectivités, les universitaires, les chercheurs et les bénévoles.
Deuxième avancée dans cet encadrement juridique, c'est la loi Solidarité et Renouvellement Urbain qui place la concertation avec les habitants au premier rang de ce processus d'aménagement et d'urbanisme et qui assouplit le périmètre des abords patrimoniaux.
Ensuite, pour répondre aux besoins de protection du patrimoine national le plus menacé face au vandalisme et aux vols - plus de 6000 oeuvres du patrimoine sont volées en France chaque année, c'est le plus fort taux européen après la situation italienne - une proposition de loi a donc été votée à l'unanimité par l'Assemblée Nationale, qui vise à améliorer la protection des ensembles mixtes immobiliers et les objets mobiliers. Je crois que tous les défenseurs du patrimoine se sont réjouis de l'arrivée de ce texte et ne peuvent que souhaiter son adoption rapide. Cela veut dire mener à bien les navettes entre nos deux Assemblées.
Enfin, nous travaillons à l'amélioration du cadre d'intervention des Services départementaux de l'architecture et du patrimoine (SDAP) et de leur dialogue avec les collectivités locales et les citoyens. Ces services, qui sont un outil de l'action de l'Etat de très grande qualité, sont aussi de plus en plus sollicités par les collectivités territoriales et peuvent mettre leur capacité d'expertise au service de la réflexion et de l'élaboration de ces projets, de ces collectivités ; il est donc essentiel que nous trouvions la bonne manière de travailler ensemble, collectivités et services.
C'est donc toute une gamme de nouveaux outils qui viendront compléter l'arsenal actuel, dans cet arsenal que vous connaissez bien je rappelle le réseau des Villes et Pays d'Art et d'Histoire qui désormais va travailler avec les Pôles d'Economie et du Patrimoine, en collaboration avec la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, mais j'évoque aussi les Conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement, les CAUE qui sont bien connus, eux aussi, dans les collectivités territoriales et qui je le souligne, mènent par exemple un travail de très grand intérêt avec le monde scolaire dans bien des cas, pour accompagner des projets de constructions et faire le lien entre les utilisateurs futurs : collectivités, enseignants et enfants et c'est l'occasion d'une magnifique initiation au travail architectural et patrimonial.
Je cite aussi, parmi tous ces acteurs sur le terrain, bien sûr les associations. Actuellement, celles-ci siègent dans de nombreuses instances nationales aux côtés des pouvoirs publics et de la communauté scientifique et elles contribuent véritablement aux réflexions en cours. Je souhaite que cette " association " avec le monde associatif soit de plus en plus étroite, confiante et donc fructueuse. Vous le savez sans doute, le Premier ministre, Lionel Jospin, a signé le 1er juillet dernier une Charte d'engagement réciproque entre l'Etat et les associations qui clarifie bien le cadre juridique et économique des associations, qui les reconnaît évidemment pleinement comme interlocuteurs. Et je dois dire que Jean-Michel Belorgey tout comme Hubert Prévot, ont beaucoup contribué à cette redécouverte de l'intérêt commun du monde associatif et des pouvoirs publics et que, grâce à cette année exceptionnelle du centenaire, nous avons pu rebâtir une liaison qui est extrêmement précieuse dans beaucoup de champs d'intervention des pouvoirs publics.
Avec cette Charte, le Premier ministre a ouvert la possibilité d'une contractualisation avec les associations. Pour ma part, je m'efforcerai de mettre en uvre cette contractualisation avec les principales associations partenaires dans le domaine du patrimoine. Cela, je l'espère, facilitera non seulement leur reconnaissance mais leur participation active à la politique du patrimoine avec une perspective pluriannuelle mieux assurée.
Pour conforter cette reconnaissance, j'ai décidé d'attribuer - je devrais dire, à nouveau - un prix annuel du Ministère de la culture et de la communication aux associations de chantiers bénévoles, c'est une politique qui a été menée mais qui était tombée en désuétude depuis dix ans, or vous le savez, l'intervention des bénévoles dans la vie culturelle active de notre pays me paraît être, avec l'éducation aux arts à l'école, le socle d'une véritable démocratisation culturelle et d'un véritable accès égal à la culture dans notre pays. C'est donc pour moi très important de redonner aux bénévoles, aux associations des chantiers bénévoles, l'occasion d'être distinguées, d'être mises en valeur plus, peut-être, qu'elles ne l'ont été au moins dans les années récentes.
Le succès croissant des Journées du Patrimoine va évidemment bien au-delà du domaine des loisirs, même si celui-ci est important surtout à un moment où le temps libre s'accroît, au moins pour une partie d'entre nous. Ces Journées traduisent un formidable besoin de connaissance au-delà du loisir, un besoin aussi d'appropriation du patrimoine, comme élément de vie collective.
Les chercheurs, les historiens, les architectes, les ethnologues, les archéologues ont beaucoup progressé depuis les premières sociétés savantes. Le travail de l'Inventaire, de l'Atlas du Patrimoine, bientôt la carte archéologique, les connaissances scientifiques sur les techniques constructives et sur les matériaux ont fait beaucoup évoluer les doctrines, les méthodes de conservation et il est essentiel que ce corpus théorique soit accessible et qu'on ne laisse pas se creuser plus le fossé entre les experts d'un côté et les citoyens qui, de l'autre, auraient le sentiment de subir les règles et les choix de protection de ce patrimoine ; protection qui souvent dans un premier temps, vient heurter des projets individuels qui, évidemment, leur paraissent tout aussi légitimes.
Nous avons donc à faire un véritable travail pédagogique sur ce qui guide ces règles collectives d'abord dans le cadre scolaire. Le plan d'éducation artistique, que nous menons avec Jack Lang, permettra de l'école primaire jusqu'à l'université de généraliser les programmes de sensibilisation à l'architecture et au patrimoine que conduit ce ministère depuis plusieurs années, mais surtout, c'est avec l'ensemble des réseaux publics : les Directions régionales des Affaires Culturelles, les services départementaux de l'architecture et du patrimoine, les Conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement, les écoles d'architecture, les universités sur tout le territoire, c'est aussi avec les collectivités territoriales et avec les réseaux associatifs que nous développons cette culture de notre histoire commune, prenant appui sur la valorisation du patrimoine.
Ce sera un des rôles, une des missions de la Cité de l'Architecture et du Patrimoine de Chaillot (le programme est à votre disposition) qui doit ouvrir ses portes en 2003, ce sera une de ses missions que de constituer une tête de réseau national et inter régional. La Cité s'appliquera à renforcer les relations entre les régions, les Villes et Pays d'Art et d'Histoire, les Pôles d'économie du patrimoine, les maisons de ville et aussi tout simplement et très directement avec les citoyens et les associations.
Je crois qu'une véritable politique du patrimoine, comme celle que nous menons, contribue de façon tout à fait décisive à l'accès de tous à la culture, parce qu'il est souvent plus facile d'entrer dans le domaine de la culture par les racines, celles que l'on cultive ou que l'on découvre, par l'histoire que par la création contemporaine. Et depuis 1981, cette politique pour un développement culturel égal pour tous, touche aussi bien la mise en valeur de l'architecture et du patrimoine, l'aménagement du cadre bâti dans lequel vient s'inscrire bien souvent tel ou tel élément du patrimoine, mais aussi l'art contemporain, l'image, le spectacle et engage de plus en plus aussi des pratiques pluridisciplinaires.
De véritables projets culturels dans des lieux patrimoniaux permettent, au-delà bien sûr de la présentation de l'objet patrimonial lui-même, de sensibiliser un public de plus en plus nombreux à toute cette vitalité de la création contemporaine. C'est une des missions mise en uvre par le Centre des monuments nationaux. C'est aussi ce que font de plus en plus souvent, des collectivités territoriales, des associations et même, des propriétaires privés qui ont à cur de donner sens à leur travail de préservation du patrimoine et qui s'engagent, eux et elles aussi, dans ce travail d'accueil du public et d'animation de ces lieux.
Cette métamorphose de l'usage des lieux patrimoniaux rend ceux-ci bien évidemment plus attractifs, favorise aussi le développement du tourisme culturel avec toute ces retombées économiques et c'est, je crois, une des belles portes d'accès à la culture. Je sais que les Journées, celles qui viennent, les 15 et le 16 septembre, font revivre les lieux, les édifices mais aussi - et nous le constatons dans nos propres murs - suscitent véritablement des rencontres, un lien social, une qualité particulièrement chaleureuse, elles sont aussi l'occasion de l'expression de la diversité et la mémoire partagée.
L'enthousiasme, la compétence de tous ceux qui, chaque année, renouvellent le succès de ce rendez-vous qui est vraiment plébiscité par les Français, mérite, je crois, notre reconnaissance et je tiens vraiment à les remercier toutes et tous.
Pour réussir ces Journées, nous bénéficions de l'appui, du concours très actif, très engagé de très fidèles partenaires, nombreux et fidèles. Je tiens à les saluer. Je pense aux nombreuses associations partenaires, comme la Demeure Historique, les Vieilles Maisons Françaises, les Amoureux des parcs et jardins qui ont aussi un rôle très important dans ce domaine et qui sont - ces grandes associations - bien représentées aujourd'hui à nos côtés. Je veux également saluer le réseau des villes et pays d'art et d'histoire, mais aussi RTL, radio qui s'est complètement engagée dans l'organisation de ces Journées, France Loisirs, le groupe Carrefour, la Caisse nationale du Crédit agricole, la Fondation du Crédit agricole / Pays de France.
Je vais maintenant donner la parole à Michel Duffour, et je vous donne à tous bien sûr, rendez-vous les 15 et 16 septembre dans tous les points du territoire qui sont en train de briquer les parquets et tous les objets pour y accueillir un grand public et, évidemment, nous serions particulièrement heureux, à cette occasion, de vous accueillir ici, rue de Valois où je le redis, un public très nombreux parcourt ces lieux chaque année.
(source http://www.culture.gouv.fr, le 10 septembre 2001)