Texte intégral
ARLETTE CHABOT Bonjour Hélène GEOFFROY. HELENE GEOFFROY
Bonjour.
ARLETTE CHABOT
Alors, oui, vous êtes secrétaire d'Etat en charge de la Ville, vous êtes née à Creil, élevée en Guadeloupe, vous étiez députée socialiste, maire de Vaulx-en-Velin, et donc depuis le 11 février, secrétaire d'Etat. Vous avez été prévenue à la dernière minute.
HELENE GEOFFROY
Oui, j'ai eu un coup de fil, je l'avoue, un peu inattendu du Président de la République, le jeudi matin, jour du remaniement, qui m'a proposé d'être secrétaire d'Etat à la Ville.
ARLETTE CHABOT
Et vous n'avez pas hésité.
HELENE GEOFFROY
Et j'ai accepté, parce que j'avoue que c'est un sujet que je porte depuis que je suis élue locale, ça fait maintenant près de 15 ans, et c'est vrai que c'est des sujets pour lesquels, je pense que je peux aussi être utile.
ARLETTE CHABOT
Alors, vous êtes compétente, mais on a été étonné de ce choix du président de la République, parce que vous aviez voté contre le projet de déchéance de nationalité, une parmi les 92 députés socialistes qui ont voté contre. Alors, pourquoi avoir accepté d'entrer dans un gouvernement qui fait de ce projet, quand même, un élément essentiel ?
HELENE GEOFFROY
Moi j'ai dit, j'ai été jusqu'au bout de ma logique de parlementaire, aujourd'hui je suis dans ce gouvernement dont je partage évidemment l'ensemble des sujets, de la façon de porter les projets, parce que je crois que sur la ville, il y a des choses, et dans nos banlieues et quartiers populaires il y a des choses à faire
ARLETTE CHABOT
D'accord, mais ne vous échappez pas sur la déchéance de nationalité, vous aviez dit : « On ne peut pas fuir nos responsabilités, quand nous avons-nous-mêmes enfanté des montres ». Vous maintenez cette phrase.
HELENE GEOFFROY
Je ne fuis pas mes responsabilités, ce que je dis, et je ne fuis pas, je n'essaie pas d'évacuer un sujet. Ce que je dis aujourd'hui, c'est que je veux porter, moi, en tant que secrétaire d'Etat à la ville, c'est comment nous pouvons mieux inscrire l'appartenance à la Nation, pour nos enfants des villes et des quartiers
ARLETTE CHABOT
Vous ne voulez pas me répondre. Vous avez changé d'avis sur la déchéance de nationalité ou pas ? Emmanuelle COSSE dit qu'elle n'a pas changé d'avis sur le sujet, vous non plus.
HELENE GEOFFROY
Moi j'ai tout dit quand j'étais parlementaire, tout est sur le site de l'Assemblée nationale.
ARLETTE CHABOT
D'accord. Donc vous ne changez rien
HELENE GEOFFROY
De toute façon, ce qu'a dit le président de la République a été assez clair, et je crois, quand il a été lui-même interrogé sur ses choix, il n'a pas souhaité, il ne souhaite pas caporaliser les députés, et c'est bien, et en même temps je suis dans un gouvernement dont je suis parfaitement solidaire aujourd'hui, parce que je pense que nous avons des choses. Et l'urgence aujourd'hui, et j'espère pouvoir le porter, c'est comment, dans nos quartiers, nos villes populaires, nous pouvons dire quelles sont nos chances et qu'elles sont porteuses de France, désormais.
ARLETTE CHABOT
Ça veut dire que la première chose qu'on vous a demandé, c'est de la solidarité gouvernementale, absolument ? Vous êtes solidaire de tout, c'est ça qu'on vous demande ?
HELENE GEOFFROY
Est c'est logique. Quand vous êtes dans une équipe, il faut qu'elle soit cohérente, il faut qu'on porte ensembles des choses, sinon ça devient un peu cacophonique et on peut craindre que nos citoyens se disent : mais finalement, pourquoi travaillent-ils ensemble ? Donc évidemment que le président de la République, le Premier ministre, ont demandé à l'ensemble des ministres et secrétaires d'Etat, d'être solidaires, mais aussi d'être dans l'action et de dire comment ils allaient rentre visible et lisible l'action du gouvernement, parce qu'il y a une action dans nos quartiers populaires.
ARLETTE CHABOT
Solidaire, donc on peut « caporaliser », je reprends votre expression, on ne peut pas caporaliser un groupe de parlementaires, mais on peut caporaliser un gouvernement ?
HELENE GEOFFROY
Il ne s'agit pas de caporaliser un gouvernement, mais il s'agit de faire les choses ensemble, et moi je suis très attachée. Vous savez, je suis, enfin, j'ai été maire de Vaulx-en-Velin, j'ai moi-même animé une équipe, l'essentiel malgré tout c'est qu'on puisse tous tirer dans la même direction, sinon vous devenez parfaitement inaudible. C'est une évidence pour moi.
ARLETTE CHABOT
Ça veut dire que vous comprenez très bien Christiane TAUBIRA, au fond, quand on n'est pas d'accord on s'en va, à votre avis ?
HELENE GEOFFROY
Elle a fait ses choix, moi je pense que j'ai été dans une grande honnêteté aussi, dans tout ce que j'ai pu dire, et je le suis encore aujourd'hui, quand je dis finalement, tant mieux pour nos quartiers, nos villes nos quartiers populaires et nos villes populaires, si aujourd'hui en tant qu'élue locale, et je le dis peut-être sans trop de fausse modestie, mais une élue locale qui a été imprégnée de ces sujets, qui les vit, aujourd'hui, apporter un regard et une lecture au gouvernement, et je pense que je peux le faire.
ARLETTE CHABOT
Très franchement, vous êtes solidaire de la loi El Khomri telle qu'elle est aujourd'hui, ou telle qu'elle sera demain, puisqu'on ne sait pas très bien ce qu'il y aura dedans au bout du compte.
HELENE GEOFFROY
Moi je serai solidaire de la loi El Khomri, pour une raison simple et parce que je pense que les discussions vont permettre aussi d'avancer, de converger avec les organisations syndicales. Je suis très solidaire, parce que je viens de territoires où le chômage frappe rudement. On est dans des rapports de un à deux. Moi, il y a des jeunes qui n'ont jamais accédé au marché du travail, mais dont les parents non plus n'ont pas accédé au marché du travail. Et donc on ne peut pas se satisfaire de cette situation qui est en train de gangréner nos quartiers, et je ne peux pas me satisfaire d'une position qui serait de dire : on a tout essayé, tout a été tenté. Il faut faire les choses autrement, parce qu'on ne peut pas laisser sur le bord du chemin, tout notre jeunesse de France aujourd'hui. Moi j'ai des jeunes, dans nos quartiers, le taux de chômage est de 40 %. Je ne sais pas si vous imaginez, près d'un jeune sur deux ou d'un adulte sur trois qui ne travaille pas.
ARLETTE CHABOT
Donc même si vous étiez parlementaire, vous auriez la même position, c'est-à-dire que vous diriez : attention, elle est déséquilibrée cette loi. Il y a moins de droits pour les salariés, plus pour les entreprises, et ça ne va pas ?
HELENE GEOFFROY
Moi, j'aurais fait le débat en tant que parlementaire, en plus j'étais à la commission Affaires sociales, mais j'aurais voté la loi El Khomri, et je vais même aller plus loin, s'il n'y avait pas eu le 49.3, j'aurais voté la loi d'Emmanuel MACRON, parce que ne considérais encore une fois, qu'il faut aussi renverser la table pour nos jeunes et ceux qui sont au chômage aujourd'hui, tout en évidemment, protégeant les droits des travailleurs, des salariés d'aujourd'hui, mais je crois que la loi, avec le compte personnel d'activité, a des choses très fortes, qui n'ont jamais été faite dans notre pays.
ARLETTE CHABOT
Donc, entre la gauche dite archaïque et la gauche dite moderne, que veut incarner Manuel VALLS, vous êtes plutôt du côté de la gauche moderne de Manuel VALLS.
HELENE GEOFFROY
Ah moi je suis
ARLETTE CHABOT
Il faut déverrouiller l'économie.
HELENE GEOFFROY
Oui, il faut déverrouiller les choses, parce que pendant qu'on s'enferre dans des débats sur les dimanches, moi j'ai des personnes qui n'ont jamais travaillé aucun jour de la semaine, donc peut-être qu'il faut aussi reconsidérer les choses sous cet angle-là, et en tant que maire, j'avoue que j'ai adopté un certain nombre d'ouvertures dominicales, simplement en disant aux entreprises : il faut embaucher des jeunes de nos communes. C'est ça aussi notre rôle de pouvoirs publics, pouvoir accompagner, donner du réseau à tous ceux qui n'en ont pas aujourd'hui, et qui n'arrivent pas à rentrer sur le marché du travail, les jeunes mais aussi ceux que l'on appelle les séniors, parce que ça commence assez tôt, dans le monde de l'emploi, qui sont sans travail aujourd'hui.
ARLETTE CHABOT
Alors, vous le disiez, vous être maire de Vaulx-en-Velin, vous avez mis fin à une longue longue période dominée par les communistes, ils avaient été élus en 1929, c'est ça ?
HELENE GEOFFROY
C'est ça.
ARLETTE CHABOT
Et vous avez gagné, une des seules à gagner, d'ailleurs, socialiste, à gagner une ville en 2014.
HELENE GEOFFROY
J'étais d'ailleurs la seule députée à gagner une ville socialiste en 2014. Oui, effectivement, une ville qui était depuis 85 ans communiste. Ça a été le fruit, c'est vrai, d'une longue histoire dans la commune, avec un rassemblement, finalement, de citoyens, de partis politiques, qui avaient envie de faire de la politique autrement.
ARLETTE CHABOT
Alors, Vaulx-en-Velin, c'est une ville qui a marqué l'esprit de l'histoire des banlieues, parce qu'il y a eu les émeutes, en 90, il y a eu KELKAL, c'était le premier djihadiste français abattu, après les attentats du RER à Paris. Ça vous a marqué, parce que même si vous étiez à l'époque à Paris, et pas du tout dans cette région, ça vous a marqué cette affaire KELKAL ?
HELENE GEOFFROY
En tout cas, ça m'a marqué, forcément, comme tous les Français, et puis ça a marqué notre ville, et puis surtout les émeutes de 1990. Je rappelle que la politique de la Ville nait à Vaulx-en-Velin, après ces émeutes, François MITTERRAND, à ce moment-là, annonce ce ministère, et c'est vrai que du coup, nous avons vécu tous les dispositifs de la politique de la ville, et aujourd'hui
ARLETTE CHABOT
Vous savez tout ce qui ne marche pas, c'est ça que ça veut dire ?
HELENE GEOFFROY
Voilà, aujourd'hui nous savons que le renouvellement urbain a permis d'apporter un cadre de vie plus agréable, mais nous savons aussi qu'il faut axer les choses sur l'humain, sur la participation des citoyens, sur l'éducation, sur l'accès à l'emploi dont nous parlions tout à l'heure.
ARLETTE CHABOT
Ce n'est pas juste la rénovation urbaine. C'est-à-dire que si on se concentre sur ça, on a raté le reste. C'est ça qui n'a pas marché ces dernières années ?
HELENE GEOFFROY
Ce qui n'a pas fonctionné, c'est qu'on a changé le cadre de vie des habitants, mais leur vie au quotidien n'a pas forcément assez évolué, les habitants des quartiers populaires, ils sont comme tous les Français, ce qu'ils souhaitent c'est que leurs enfants réussissent à l'école, et trouvent du travail, et ça, aujourd'hui, nous ne l'avons pas bien réussi, et c'est tout l'enjeu de la nouvelle loi qu'avait porté François LAMY, et Myriam El KHOMRI et Patrick KANNER, c'est comment aujourd'hui, concrètement, changer la partie humaine de la politique de la ville.
ARLETTE CHABOT
Est-ce que vous seriez d'accord, mais non, vous êtes d'accord avec Emmanuel MACRON, qui parle beaucoup des banlieues, des quartiers, et qui disait par exemple, le terreau sur lequel nait ou prospère le djihadisme, la société française a une part de responsabilités, vous êtes d'accord avec ça ?
HELENE GEOFFROY
Ce qui est sûr c'est qu'il faut que nous comprenions les mécanismes qui sont à l'oeuvre, même si évidemment on n'excuse pas, parce que le mécanisme n'entraine pas forcément de devenir terroriste, après il y a des parcours individuels, mais
ARLETTE CHABOT
On n'excuse pas, mais ça explique en partie ?
HELENE GEOFFROY
Ce qui est soeur en tout cas, c'est que le chômage, le manque de perspectives, le sentiment de ne pas être pleinement dans la Nation, sont des sujets qu'on doit traiter frontalement, qu'il faut nommer, il faut accompagner. Quand le Premier ministre a parlé d'apartheid, il y a un an, après les attentats de Charlie, j'ai parfaitement partagé son point de vue. Il faut dire les choses quand elles sont difficiles. Et si je veux mettre la question de l'école au coeur des politiques publiques dans les quartiers populaires, c'est parce que tout se joue là, avec des parents qu'on doit réinscrire dans l'école. Et puis si je veux que les citoyens, avec les conseils citoyens ce qui est très nouveau, je pense que demain c'est la banlieue qui montre l'exemple au centre-ville, avec des citoyens qui co-construisent les politiques publiques, c'est que désormais nous disons aux habitants « nous ne venons pas simplement démolir et reconstruire les villes, nous les réfléchissons avec vous, parce que vous êtes experts de vos propres vies », et puis j'espère comme ça que nous inverserons une tendance forte d'abstentions aussi dans nos quartiers, qui est un signal de détresse, quand les gens ne vont plus voter.
ARLETTE CHABOT
Oui, vous êtes en train de me dire que vous êtes là pour ramener des électeurs qui avaient voté pour François HOLLANDE en 2012 et qu'ils l'auront peut être oublié en 2017 ?
HELENE GEOFFROY
Je vous dirai, évidemment
ARLETTE CHABOT
la gauche.
HELENE GEOFFROY
Je ne suis pas, enfin, je ne suis pas là pour ça. Évidemment, moi j'espère toujours que la gauche Moi je pense que c'est la gauche qui porte le meilleur espoir, je continue à le dire avec conviction, parce que nous sommes les seuls à penser que les habitants des quartiers populaires sont pleinement français et pleinement citoyens de notre pays, qu'ils n'ont plus à prouver qu'ils le sont, en revanche nous devons ensemble se redire qu'on a un destin commun, c'est ça l'enjeu pour moi, majeur aujourd'hui, et le reste ce sont des outils pour y arriver.
ARLETTE CHABOT
Vous avez accepté d'entrer dans le gouvernement, il y en a d'autres qui ont refusé en disant que c'était « on ne monte pas sur le Radeau de la Méduse ». Vous n'avez pas l'impression, vous, d'être dans un navire qui est en train de sombrer, vous êtes optimiste ?
HELENE GEOFFROY
Moi je suis toujours optimiste et enthousiaste, j'ai gagné des victoires j'ai eu des victoires qui étaient inattendues, et puis surtout, je pense que quand on est un responsable politique, il y a des urgences, il faut se mettre au travail et retrousser les manches, parce que nous n'avons pas le choix. Si nous ne réussissons pas, quel message après aurions-nous vis-à-vis des plus défavorisés ? Nous avons une obligation de réussir et je vais m'y atteler pendant ces 14 mois.
ARLETTE CHABOT Merci Hélène GEOFFROY.
HELENE GEOFFROY
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 mars 2016