Texte intégral
J'ai souhaité être parmi vous ce matin pour cette restitution de l'expertise collective de l'INSERM sur les déficiences intellectuelles car j'attache une grande importance aux travaux que vous avez menés.
Car il faut être réalistes, nous manquons globalement en France d'études scientifiques portant sur le handicap et c'est particulièrement vrai dans le domaine des troubles du neurodéveloppement, des troubles de la cognition et des apprentissages.
Quand je suis arrivée aux fonctions de Secrétaire d'État en charge du handicap, j'ai été frappée par la rareté des données épidémiologiques, de données statistiques sur les différentes situations de handicap. Je ne dis pas que rien n'existe. Mais dans un milieu où nous raisonnons souvent en nombre de places, nous avons encore beaucoup à faire. J'ai aussi été frappée par le manque de synergie entre les équipes de recherches notamment des Centre hospitaliers universitaires (CHU), les établissements et services médico-sociaux et les associations représentatives des personnes et des familles. Je souligne juste que nous pourrions et nous devons progresser ensemble pour avoir une véritable stratégie de recherche appliquée au handicap.
L'expertise collective de l'INSERM, soutenue par la CNSA, que vous avez menée dans le domaine des déficiences intellectuelles contribue donc à éclairer un champ méconnu de connaissances et donc viendra, j'en suis certaine, éclairer les politiques publiques pour les années à venir. Nous en avons besoin.
Je sais qu'il a fallu beaucoup d'énergie, de temps, de conviction et de détermination aux associations et aux experts pour organiser ce travail d'analyse de la littérature scientifique et de consensus sur des préconisations.
Il y a dans votre travail des éléments d'information essentiels sur la prévalence, l'étiologie et la diversité des formes d'expression clinique et développementale des déficiences intellectuelles. Je crois qu'il conviendra d'en faire une large communication, il faut la diffuser, et vous pouvez compter sur mon écoute et ma disponibilité pour soutenir les initiatives que vous souhaiteriez prendre.
Dans le grand public, la déficience intellectuelle souffre d'une forte stigmatisation, de stéréotypes négatifs. Nous le savons et il est temps de changer les représentations.
J'attache une grande importance à ce changement de regard et c'est pour cela que j'ai lancé en 2015 la campagne « Plus belle la vie » qui a rencontré un très grand succès d'audience télé et sur Internet. C'est 6 millions de téléspectateurs et 1 millions de visionnage sur internet. De la même façon, je vais très prochainement lancer une campagne de communication pour dépasser les préjugés et les idées fausses concernant les troubles du spectre de l'autisme.
Je souhaite que ces campagnes d'information, même si elles ne sont pas suffisantes à elles-seules, se renouvellent dans les années à venir.
Mais je veux maintenant revenir sur quelques unes de vos préconisations en vue d'améliorer le parcours et les réponses aux besoins des enfants et adultes présentant une déficience intellectuelle plus ou moins sévère.
Vos préconisations recoupent pleinement les réformes et les mesures que j'ai souhaitées mettre en oeuvre dans le domaine du handicap, en cohérence avec les orientations fixées par le Président de la République lors de la dernière conférence nationale du handicap.
La déficience intellectuelle fait partie de très nombreuses situations de handicap et c'est pour cela que nous avons à progresser en termes de pratiques professionnelles, d'organisation et de fonctionnement de l'ensemble des différents dispositifs de diagnostic, d'accompagnement et de soins.
Je ne vais pas les détailler ici, nous les connaissons tous mais il est évident que vos préconisations ont matière à s'intégrer à la mise en oeuvre du projet « une réponse accompagnée pour tous », qui vous le savez, met en oeuvre les préconisations du rapport « zéro sans solution ». Vous soulignez une série d'éléments qui sont particulièrement vrais : la participation, la formation des professionnels, le diagnostic précoce, l'aide à la communication et au langage, l'aide aux familles . En effet, 260 000 enfants sont scolarisés à l'école ordinaire, que j'appelle l'école de la république. Nous avons notamment demandé que des classes d'Institut Médico-Educatif (IME) soient transférées dans des écoles. L'objectif est que tous les enfants puissent aller à l'école et se mélangent, pas seulement en classe mais aussi à la récréation ou à la cantine.
C'est dans ce cadre que vos préconisations trouveront leur mise en oeuvre la plus efficace car le projet « la réponse accompagnée pour tous » est une réforme de grande ampleur, de longue durée de notre système médico-social qui impliquera de renforcer les coopérations en faveur de l'inclusion et de la participation sociale des personnes handicapées.
Je veux maintenant en venir à l'une de vos propositions : la création de centres ressources dédiés à la déficience intellectuelle.
J'ai été intéressée par la façon dont vous présentez cette proposition car vous insistez sur la mutualisation des compétences sous la forme d'équipes pluridisciplinaires et non pas tant dans la création de centres ressources spécifiques à la déficience intellectuelle.
Je partage cette approche car il faut tirer toutes les conséquences du fait que les déficiences intellectuelles traversent de nombreuses situations de handicap, et donc de centres ou dispositifs ressources au niveau national, régional ou local.
Dans la réalité, je sais que des professionnels, des équipes du sanitaire et du médico-social, ont su développer des pratiques partagées à la fois pour l'évaluation, le diagnostic et les interventions.
C'est cela que je souhaite voir se développer dans l'avenir. Je pense qu'il y a donc de nouvelles organisations de travail à mettre en uvre allant dans le sens d'une approche transversale des troubles du neuro-développement, fondée sur les données scientifiques.
C'est une question majeure de santé publique comme vous l'avez dit et d'efficacité des réponses et des interventions. C'est aussi un facteur d'émulation collective concernant les outils d'évaluation et les stratégies d'interventions dès le plus jeune âge.
Il y a des champs communs évidents entre les déficiences intellectuelles, les troubles du spectre de l'autisme et les troubles Dys, et donc plus globalement les troubles de la cognition et des apprentissages.
Et d'ailleurs les associations concernées par ces différents handicaps, les professionnels coopèrent déjà. C'est ce mouvement là que je souhaite soutenir. Car il s'agit d'un rapprochement « sur mesure » dans l'intérêt des enfants, des adultes et des familles.
Je ne fixe pas de cadre de fonctionnement, ni de contrainte mais je serai particulièrement attentive et favorable aux initiatives prises par vous tous.
Je crois à la coopération, à l'intégration des pratiques entre les équipes de CHU et des établissements de santé et le secteur médico-social. C'est quelque chose d'essentiel. Je veux rappeler, mais je sais que vous en êtes déjà convaincu, que rien ne peut et ne doit se faire sans les personnes handicapées et les familles. C'est bien par ces expertises croisées que nous pouvons avancer.
A titre d'exemple, je porte à la réflexion de tous les opportunités de coopération à renforcer entre les centres ressources autisme, les centres de références pour les troubles du langage et des apprentissages et bien évidemment l'ensemble du dispositif relatif aux handicaps rares.
Il nous faut maintenant établir une cohérence d'action entre l'intrication clinique des troubles, des déficiences, des besoins qui en découlent pour les personnes et les réponses concrètes à proposer par les professionnels ainsi que par les dispositifs locaux.
Voilà les messages que je souhaitais vous adresser ce matin.
Mesdames, messieurs, je serai pour toutes ces raisons particulièrement attentive aux résultats de vos débats d'aujourd'hui et aux propositions que vous me ferez en retour.
Je tiens à saluer l'implication de la CNSA et de l'INSERM dans vos travaux.
Ma porte vous sera toujours ouverte et vous pouvez compter sur ma volonté et ma détermination pour continuer à avancer avec vous sur l'ensemble de ces sujets.
C'est à vous, les experts engagés dans ces sujets de montrer l'exemple à d'autres pays et de positionner en pilote. Et quand je vois autant de personnes rassemblées aujourd'hui, je suis convaincue que nous pourrons montrer cet exemple.
Bravo pour l'excellence de vos travaux et la qualité des préconisations.
Je vous remercie.
Source http://social-sante.gouv.fr, le 2 mars 2016