Interview de M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du gouvernement, à "LCI" le 16 mars 2016, sur la coopération policière franco-belge, sur les mesures permettant de contenir la surproduction de lait, sur le projet gouvernemental sur le travail.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : La Chaîne Info

Texte intégral

RLETTE CHABOT
Bonjour Stéphane LE FOLL.
STEPHANE LE FOLL
Bonjour.
ARLETTE CHABOT
D'abord, que pouvez-vous nous dire de l'opération de police qui a lieu en ce moment même encore en Belgique, dans la banlieue de Bruxelles, et qui visiblement a un lien avec les attentats commis en France en novembre dernier ?
STEPHANE LE FOLL
Visiblement, et clairement, ça a lien, il y a une policière française. C'est une enquête et une perquisition qui ont sûrement du tomber sur des gens qui avaient des choses à se reprocher, puisqu'il y a eu une fusillade, il y a eu un mort. Alors, je n'ai pas d'autres informations sur le fond, l'enquête est en cours, la police et la coordination avec la police française sont parfaitement évidentes, maintenant on va attendre les informations que donnera le Parquet belge, sur ce qui s'est passé, qui a pu être repéré et qui a peut-être été identifié et tué, puisqu'il y a eu un des suspects qui a été abattu.
ARLETTE CHABOT
Donc, ce que vous nous dites aussi, derrière tout ça, c'est que contrairement à ce que l'on dit parfois, la collaboration ou la coopération franco-belge, marche.
STEPHANE LE FOLL
Je pense que la collaboration et la coopération franco-belge, s'est considérablement renforcée. Je vais être extrêmement diplomatique, mais considérablement renforcée, et c'était très important.
ARLETTE CHABOT
Oui, ça veut dire que ça ne marchait pas si bien avant, on l'a compris, c'est ça la diplomatie. Alors, le débat sur la loi travail, a éclipsé la réunion des ministres de l'Agriculture, de Bruxelles lundi, d'où vous êtes sorti, je vous vois déjà sourire, effectivement satisfait, puisque la France a obtenu ce qu'elle demandait depuis longtemps. Justement, il en a fallu du temps pour faire bouger l'Europe, ou il vous a fallu du temps pour convaincre et être efficace ?
STEPHANE LE FOLL
Il faut les deux. D'abord l'Europe a été convaincue de la crise dès septembre dernier, en 2015, et la première étape à l'échelle européenne, parce que c'était une demande de nombreux pays, c'était de débloquer des fonds. Tout le monde pouvait penser qu'avec 500 millions d'euros à l'échelle européenne, on allait passer la crise. J'avais prévenu à l'époque, je l'avais dit, ces 500 millions d'euros, évidemment on va les accepter, mais il y a des sujets beaucoup plus importants et structurels qui ne sont pas traités, et vous verrez, à mon avis, que nous ne serons pas sortis de la crise avant la fin de l'année. Et c'est ce qui s'est passé, et donc à la fin de l'année, donc au début de l'année 2016, j'ai été obligé de repartir, reprendre une démarche offensive, que ça soit en début février, au premier conseil de l'agriculture, qu'ils n'avaient pas prévu de discuter de la crise, je le rappelle, mais c'est à la demande de la France qu'on l'a fait, et en un mois, là, compte tenu du côté structurel de cette crise, on a fini par débloquer, déblocage qui était lié au choix qui avait été fait à l'échelle européenne, la libéralisation au niveau des quotas, prendre conscience…
ARLETTE CHABOT
Donc là on met de la régulation, notamment sur le lait, la production du lait.
STEPHANE LE FOLL
On remet temporairement un peu de gestion, pour faire en sorte qu'on évite la surproduction.
ARLETTE CHABOT
Six, mois, six mois pour limiter la surproduction pour le lait.
STEPHANE LE FOLL
Six mois, et s'il faut plus, on mettra plus.
ARLETTE CHABOT
Six mois, et vous êtes arrivé à Bruxelles en disant : je tape du poing sur la table. Et on l'a dit, « ben dis donc, il aurait pu le faire avant Stéphane LE FOLL ».
STEPHANE LE FOLL
Je tape du poing sur la table quand je sais que je peux faire bouger les choses. S'agiter pour s'agiter, ça n'a jamais été ma façon de faire. Donc, quand j'ai cherché à trouver une solution, que j'ai parfaitement, à la fois identifié, analysé, les causes structurelles de cette crise et les solutions qu'on pouvait mettre en face, puisqu'il ne s'agit pas de faire de l'agitation pour de l'agitation, j'avais là une ligne et on l'a suivie, et j'ai été suivi d'ailleurs par beaucoup de pays, c'est ça qui est plus important.
ARLETTE CHABOT
Ça veut dire que pendant six mois, il y a quoi ? Une pause, les prix du lait vont pouvoir remonter, le prix du lait va pouvoir remonter ?
STEPHANE LE FOLL
Non, ça veut dire que… Juste, pour être le plus simple possible, aujourd'hui il y a une production laitière qui va en stockage, d'accord, et ce qu'on a vu au début de l'année, c'est que ce stockage de la poudre et du beurre ne cesse d'augmenter, ça veut donc dire que ce qu'on produit, ne trouve pas de débouchés sur le marché.
ARLETTE CHABOT
Donc il y a surproduction.
STEPHANE LE FOLL
Donc on est bien en surproduction. Donc pour arriver à gérer ça, il faut non seulement se donner des possibilités de stockage supplémentaire, et en même temps qu'on nous (coupure son) possibilités de stockage supplémentaire, on essaie de dire à tous ceux qui produisent et qui mettent de la poudre et du beurre en stockage : attention, maintenant, le signal qu'on vous envoie, c'est qu'il faut stabiliser cette production, sinon on ouvre des possibilités de stockage, vous amenez de plus en plus en stockage, et qu'est-ce qui se passera à la fin ? C'est qu'on va se retrouver avec des tonnes de poudre et de beurre, dont on ne saura pas quoi en faire. Donc on dit stop. C'est ça qui a été très important. Et quand je dis ça comme ça, on me dit : « Ben oui, c'est évident », mais avant d'y arriver, il faut que tout le monde prenne conscience et que chacun accepte, et le constat, et les mesures.
ARLETTE CHABOT
Donc vous avez bien fait de faire venir le commissaire européen chargé de l'Agriculture, au Salon de l'Agriculture, il a compris la détresse des agriculteurs et des producteurs français. Il y a eu une deuxième victoire importante pour les consommateurs, c'est l'étiquetage des produits transformés qui contiennent de la viande et du lait, ça aussi c'est une expérimentation, et ça devrait éviter qu'on mange du cheval en pensant qu'on mange des lasagnes au boeuf, c'est ça ?
STEPHANE LE FOLL
Ça devrait surtout, oui, permettre de tracer l'origine des viandes qu'il y a dans les produits transformés. L'expérimentation sera faite en France, conduite en France, mais là je le sais aussi, qu'il y a une dizaine de pays qui, lors du Conseil européen, demandent la même chose. Donc on est bien dans un processus d'ailleurs qui, au-delà même de ce qu'on a obtenu au niveau de la France, et c'est très important, eh bien est partagé par d'autres pays, donc c'est aussi des signes que devrait entendre la Commission. On a besoin, en fait… De quoi on a besoin ? D'une coopération, d'une coordination européenne. Il faut que la commission repense son rôle, comme un rôle d'animation de l'Europe. Aujourd'hui chacun peut penser que dans son coin, dans son pays, il va régler les problèmes, et ça, ça a été la tendance. Chacun a laissé faire, et je crois que, aujourd'hui, on est arrivé à un moment, ça vaut sur la question des migrants, où la question du projet européen est reposée, avec des termes très simples. On ne peut pas vouloir tous les bénéficies de l'Europe, sans vouloir en même temps faire des efforts ou accepter la solidarité, c'est ça le sujet, des bénéfices, mais avec des efforts et de la solidarité, voilà les termes du débat européen et ça vaut pour l'agriculture.
ARLETTE CHABOT
Vous avez été beaucoup critiqué, on se souvient du passage avec le président de la République au Salon de l'Agriculture, la droite a fait de vous une cible.
STEPHANE LE FOLL
Critique, sifflé, insulté.
ARLETTE CHABOT
Ça vous a blessé ou finalement vous avez le cuir tellement dur, que ça vous a…
STEPHANE LE FOLL
Je suis… ça m'a blessé, ça touche toujours, parce qu'on ne peut pas dire que d'avoir entendu ce que j'ai entendu, ça soit très sympathique. Je considère que ceux qui le font, je les laisse de côté. Donc j'avance et je continue d'avancer. Mais dans ces débats, ce que je pense au fond de moi-même, c'est qu'on renvoie sur le ministre, et souvent sur la politique, d'ailleurs, beaucoup de contradictions que personne individuellement chercher à gérer. Donc on dit : c'est de la faute du ministre, on tombe sur le ministre. Et je l'ai bien vu dans les yeux de ceux qui m'insultaient, qui me couraient d'ailleurs après, c'était carrément pour aller plus loin, même, que les insultes. Donc je leur dis : « Vous savez, ça c'est une facilité, mais ça ne résout pas les problèmes. Si chacun ne se met pas aussi à faire sa propre autocritique et assume sa part de responsabilités, modeste, mais elle est toute importante, que ça soit les chefs d'entreprise, dans le domaine de l'agroalimentaire, que ça soit les présidents de coopérative, et j'en ai rencontré encore un il n'y a pas longtemps, qui me faisait reproches à moi. Je lui dis : mais vous me faites reproches à moi, ce n'est pas moi qui préside votre coopérative. Je pense que si tout le monde ne fait pas cet effort-là, c'est une facilité, mais cette facilité ne permet pas de sortir avec des solutions.
ARLETTE CHABOT
Alors, il y a un autre dossier qui arrive, parce que vous n'en avez jamais fini, dans la loi biodiversité, on pose le problème des pesticides et des fameux néonicotinoïdes. Alors, on s'interroge, parce que vous avez envoyé une lettre aux députés, leur demandant de ne pas supprimer, de ne pas interdire l'utilisation de ces insecticides. Vous n'aimez pas les abeilles ? Parce qu'effectivement, ces insecticides tuent les abeilles et donc c'est dangereux. Pourquoi vous faites ça ?
STEPHANE LE FOLL
D'abord, parce que moi j'ai un principe, c'est de rester cohérent. Le principe c'est que je n'ai, et ça a été une demande, les Français soutiennent les agriculteurs quand ils manifestent, les agriculteurs disent : on ne veut pas de surtranposition, on en a marre des normes. Moi je n'ai rien surtransposé au niveau européen. Si on interdit aujourd'hui, uniquement en France, les néonicotinoïdes, ça sera uniquement en France et pas dans les autres pays européens, donc là on est pris, je serais pris moi-même dans la contradiction, alors qu'on a répété et je l'ai assumé, même si je fais avancer l'agro-écologie, si… Sur la question des abeilles, je rappelle que j'ai pris des décisions. Si on discute aujourd'hui des néonicotinoïdes, c'est parce que quand je suis arrivé, j'ai interdit l'utilisation d'un de ces produits…
ARLETTE CHABOT
Cruiser.
STEPHANE LE FOLL
Oui, parce que c'était sur le colza, colza c'est des fleurs, et les abeilles étaient directement concernées. Mais quand j'ai fait ça, j'ai tout de suite été à l'échelle européenne, et aujourd'hui il y a un moratoire à l'échelle européenne, donc ceux qui discutent aujourd'hui de l'interdiction, ils devraient quand même rappeler que le ministre de l'Agriculture français, en l'occurrence Stéphane LE FOLL, a été le premier à parler des abeilles. Deuxième point, sur les abeilles, j'ai fait un plan de 40 millions d'euros, jamais un ministre de l'Agriculture, jamais, vous m'entendez bien, n'avait engagé de l'argent pour remettre un peu aussi de perspective, d'organisation dans la filière miel française. La preuve a été faite que cette année, enfin, l'an dernier en 2015, on a eu une augmentation de la production, je m'en satisfais, mais ça ne me satisfait pas, ni la situation des abeilles, et il n'y a pas que les néonicotinoïdes, parce que la mortalité des cheptels d'abeilles est liée à plusieurs facteurs, et dans ces facteurs il y a aussi une question qui est liée à la situation sanitaire de l'ensemble du cheptel des abeilles. Je voudrais rappeler que 90 % des reines, qui sont celles qui sont les reines des essaims, sont importées aujourd'hui en France. Que chacun mesure bien aussi, là aussi sa responsabilité.
ARLETTE CHABOT
Donc, moi je retiens que vous ne voulez pas faire de peine, alourdir la barque encore des agriculteurs, avec de nouvelles normes environnementales.
STEPHANE LE FOLL
Ce n'est pas que je ne veux pas faire de peine, c'est que si j'interdis les néonicotinoïdes en France, dans les autres pays européens ça sera encore autorisé. Je dis simplement : là où j'ai des alternatives, je suis prêt à mettre en place ces alternatives, mais en plus quand j'ai pas d'alternative, il faut qu'on ait un débat à l'échelle européenne, pour pouvoir avoir une solution et une décision à l'échelle européenne, sinon on l'applique nous-mêmes, mais derrière, le ministre de l'Agriculture, il se retrouve lui avec les agriculteurs. Vous avez pas d'alternative, qu'est-ce que je peux vous proposer ?
ARLETTE CHABOT
La loi Travail, Manuel VALLS finit par reconnaître qu'il y a eu des ratés dans la présentation du texte. On se demande comment une réforme aussi importante peut-être aussi mal annoncée, présentée, expliquée ? Vous, le porte-parole, vous avez une explication ?
STEPHANE LE FOLL
Je n'ai pas d'explication. J'ai simplement un constat à faire : c'est que le Premier ministre et la ministre Myriam EL KHOMRI ont présenté après un débat, une négociation, une discussion, sur un premier avant-projet de texte – puisqu'en fait, il n'avait même pas été débattu au Conseil des ministres – un nouveau texte qui marque un nouveau départ. C'est ça qu'il faut prendre en compte. Avec un certain nombre de propositions nouvelles, je pense à la garantie jeune, et puis globalement avec une situation où les points les plus discutés ont été corrigés.
ARLETTE CHABOT
Oui. Vous avez remarqué qu'Emmanuel MACRON disait hier qu'il espère que dans le débat parlementaire, on pourra réintroduire des dispositions de bon sens retirées à la demande des syndicats réformistes. Qu'est-ce que vous lui dites ?
STEPHANE LE FOLL
Le débat parlementaire va s'engager et je fais confiance aux parlementaires pour que, dans le débat justement, il y ait encore aussi des améliorations et des discussions qui doivent avoir un seul principe : faire le mieux pour pouvoir créer de l'emploi et sécuriser les salariés. Je rappellerai juste un point. Hier a été annoncé le niveau du déficit de la Sécurité sociale. Quand nous sommes arrivés, on était à vingt milliards, dix-sept, dix-huit milliards d'euros de déficit. Aujourd'hui, nous sommes à 6,6 milliards et la perspective est d'aller à l'équilibre. Je dis un grand bravo au travail qu'a fait Marisol TOURAINE. C'est une très bonne nouvelle parce que diminuer et réduire le déficit de la Sécurité sociale, c'est assurer la Sécurité sociale pour tous.
ARLETTE CHABOT
Oui, mais vous ne m'avez pas répondu. Emmanuel MACRON qui revient derrière et qui rejoue les Monsieur Plus, il a tort ?
STEPHANE LE FOLL
Emmanuel MACRON, il faut, je l'ai dit, toujours bien avoir en tête qu'on est dans un débat parlementaire et c'est le groupe parlementaire. Je ne crois pas qu'aujourd'hui, sur un débat comme celui-là, on puisse dire : « Je vais demander au groupe de faire telle et telle chose ». Ce sera beaucoup plus compliqué.
ARLETTE CHABOT
Oui. François HOLLANDE est totalement engagé dans cette réforme ? C'est la dernière de son quinquennat. On a l'impression qu'il était un peu en retrait. C'est vrai ou c'est faux ?
STEPHANE LE FOLL
François HOLLANDE est totalement engagé dans cette réforme. Vous le savez, sur cette question il y a l'emploi derrière et en particulier l'emploi des jeunes. Le président de la République a fait de cette grande question de l'emploi, de la lutte contre le chômage et de l'emploi des jeunes une priorité. Donc, il est concerné.
ARLETTE CHABOT
Et la condition d'une nouvelle candidature, donc il est vraiment concerné.
STEPHANE LE FOLL
Mais ça, c'est un autre sujet ! Aujourd'hui la responsabilité que nous avons, c'est de redresser dans la justice un grand pays qui s'appelle la France.
ARLETTE CHABOT
Merci Stéphane LE FOLL.
STEPHANE LE FOLL
Merci. Nicolas HERBEAUX
NICOLAS HERBEAUX
Merci à vous et très bonne journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 mars 2016