Déclaration de M. Michel Sapin, ministre du budget et des comptes publics, sur la reprise de la croissance économique et la réduction des déficits pour 2015, Paris le 25 mars 2016.

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Circonstance : Point presse à l'occasion de la publication des chiffres du déficit public 2015, Paris le 25 mars 2016

Texte intégral

Monsieur le ministre, cher Christian,
Mesdames et messieurs,
Peu après mon arrivée à ce ministère, il y a près de deux ans, lorsque j'avais constaté que la croissance de 2014 allait, une fois encore, décevoir nos attentes, j'avais voulu mener une opération "vérité" concernant la situation économique et budgétaire.
La longueur et la profondeur de la crise que notre pays avait traversée, ses conséquences sur la croissance et sur nos finances publiques, et les besoins d'assainissement auxquels nous faisions face avaient alors mis en péril nos prévisions de croissance et de réduction du déficit.
La capacité des Français à accepter de nouvelles hausses d'impôts était en outre émoussée par plusieurs années de hausses successives – commencées en 2010, continuées en 2012 et 2013 – dans un contexte de croissance anémiée. L'érosion de la compétitivité de nos entreprises entre 2002 et 2012, bien documentée par Louis GALLOIS, nécessitait pour sa part de poursuivre la baisse des prélèvements que nous avions entamée avec le CICE. Le besoin s'imposait donc de maîtriser plus encore nos dépenses pour simultanément baisser les prélèvements et assainir la situation de nos finances publiques.
J'avais alors dit que nous devions regarder la situation de la France, comme celle de l'Europe, avec réalisme, construire désormais nos exercices budgétaires sur des bases prudentes et constater à terme les résultats plutôt que d'annoncer par avance des choses que nous ne saurions tenir. J'avais ainsi revu nos objectifs de réduction du déficit, à un rythme approprié avec la nécessité de voir repartir la croissance, et convaincu nos partenaires européens de leur bien-fondé.
Deux ans plus tard, nous sommes heureux ce matin, avec Christian, de pouvoir constater que si nous devons encore permettre à la croissance d'accélérer et de créer plus d'emplois et si nous devons poursuivre notre politique de sérieux budgétaire, nous avons en 2015 fait mieux que prévu sur la croissance et mieux que prévu sur les finances publiques.
En 2015, la croissance s'est élevée à 1,2%, meilleure que l'hypothèse initiale que certains jugeaient au départ optimiste. La réduction du déficit se fait désormais à un rythme compatible avec le redémarrage de notre économie. Je confirme pour cette année l'objectif d'une croissance de 1,5%, cohérente avec la prévision de l'Insee, qui anticipe une progression de 0,4% pour chacun des deux premiers trimestres.
Cette croissance est désormais bien ancrée.
L'arrêt des hausses d'impôt – et la réduction entamée en 2014 – ont permis, avec la baisse du prix du pétrole, de redonner du pouvoir d'achat aux ménages (+1,8% l'an dernier, hausse jamais atteinte depuis 2007) et la consommation est dynamique.
Le CICE et le Pacte ont contribué à la restauration des marges des entreprises, avec les évolutions des matières premières et du taux de change : les marges progressent continûment (+2 points en 2 ans, contre 3 perdus avec la crise) et dans ce contexte, avec des taux d'intérêt favorables, l'investissement accélère.
La France a retrouvé le chemin d'une croissance qui repose sur des bases solides. Cette croissance permet d'ores et déjà d'augmenter le nombre des emplois : 80 000 emplois créés dans le secteur marchand en 2015, et au total 160 000 emplois dans l'ensemble de l'économie, si nous y incluons aussi l'effet de nos politiques de l'emploi.
C'est évidemment encore insuffisant – on l'a vu avec le nombre d'inscrits à Pôle emploi dont l'évolution procède encore par à-coups d'un mois sur l'autre –, mais c'est un premier début sachant que le secteur privé n'avait pas créé autant d'emplois en un an depuis 2007.
S'agissant du déficit public, mon message est simple : nous avons fait nos preuves. Nous pouvons aujourd'hui baisser les déficits, tout en finançant nos priorités et en réduisant les impôts et nous stabilisons la dette.
En 2014, déjà, ce sérieux budgétaire nous a permis de limiter ce déficit à 4,0%, lorsque la Commission européenne et nous-mêmes anticipions 4,3-4,4% compte tenu d'une croissance très faible.
En 2015, nous avons fortement réduit le déficit public à -3,5% contre 3,8% prévus au printemps.
Ce résultat, nous l'avons atteint tout en baissant les prélèvements : en 2015, le CICE et le Pacte de responsabilité ont atteint 24 milliards d'euros, soit 14 de plus que l'année précédente, tandis que les ménages ont vu les effets des baisses de l'impôt sur le revenu, qui ont représenté 3 milliards en deux ans, pour déjà 9 millions de ménages. En conséquence, le taux de prélèvements obligatoires a baissé à 44,5% du PIB (après s'être stabilisé à 44,8% en 2014). Il s'agit de la première baisse depuis 2009 !
Ce résultat, nous l'avons atteint tout en finançant nos priorités, et en faisant face aux imprévus, comme la hausse des dépenses de sécurité, parce que nous avons été sérieux sur l'ensemble de la dépense : les dépenses publiques n'ont augmenté en valeur que de 0,9% (hors crédits d'impôts) en 2015, à comparer avec une augmentation de +3,2% en moyenne entre 2007 et 2012. Pour dire les choses autrement, le ratio de dépenses publiques dans le PIB a baissé de 56,1% à 55,3%.
Enfin, la dette se stabilise à 95,7% du PIB fin 2015, en deçà de nos prévisions de loi de finances (96,3%). Elle progresse à peine sur un an (+0,4 point de PIB). A ce stade, elle n'aura augmenté que de 6,1 points depuis fin 2012, contre une augmentation de 25,2 points, soit 5 points par an, entre fin 2007 et fin 2012.
Nous menons à bien la mission qui nous est confiée : la dette est contenue, le déficit recule et les impôts des Français ont entamé une baisse. Et ce sérieux budgétaire, la maîtrise des dépenses, n'implique nullement de renoncer au financement de nos priorités. Des grandes priorités qui viennent de loin : le renforcement des effectifs de l'Education nationale, le déploiement du plan pauvreté, l'accès à la santé pour tous, l'attention portée à des politiques de l'emploi qui vont chercher les personnes en difficulté pour les aider à s'insérer durablement … comme des urgences auxquelles l'actualité nous impose de répondre : lutte contre le terrorisme, plan d'urgence à nos agriculteurs, etc…
Permettez que je m'arrête un instant sur la sécurité de nos concitoyens, confrontés à une menace terroriste sans précédent, une menace qui reste aujourd'hui extrêmement élevée. On l'a encore vu mardi à Bruxelles. Au cours de l'année 2015, les moyens de la lutte contre le terrorisme ont été relevés de plus de 500 millions d'euros. En 2016, ces moyens sont renforcés à hauteur d'1,6 milliards d'euros, avec notamment plus de 15 000 recrutements supplémentaires par rapport à ce qui était prévu, dont plus de 9 000 pour le ministère de la Défense. Soyez assurés que l'Etat ne baissera pas la garde en la matière.
Ce chiffre du déficit n'est pas un chiffre à prendre isolément dans le contexte économique qui est le nôtre. Notre économie ne s'est pas encore redressée avec suffisamment de force, mais la cohérence et la continuité de l'action de redressement menée depuis 2012 produisent de premiers résultats. Les efforts consentis par les Français depuis quatre ans portent leurs premiers fruits.
Il nous faut désormais poursuivre et amplifier l'action menée pour conforter la reprise économique, dans le respect de nos engagements et dans le souci de la justice sociale. Il n'y a pas de contradiction entre le financement des priorités du Gouvernement, la réponse aux attentes légitimes des Français, les baisses d'impôts, et l'assainissement de nos comptes publics.
Là où le déficit allait dépasser 5%, il y a quatre ans en 2012, nous le ramènerons, conformément à l'objectif que nous nous sommes fixés, sous la barre des 3% en 2017.
Le sérieux dans la conduite de nos politiques budgétaires continuera à prévaloir. Nous l'avons démontré en 2014 et 2015, nous en poursuivrons la démonstration jusqu'au bout. Ces bons résultats nous donnent ainsi confiance dans la capacité du Gouvernement à tenir ses engagements de réduction des déficits cette année, comme l'année prochaine. Nous viendrons mi-avril vous présenter, comme il est d'usage, le Programme de Stabilité qui détaillera nos prévisions. Vous pourrez constater qu'elles resteront conformes aux engagements européens, tout en intégrant et finançant les nouvelles mesures décidées par le Gouvernement.
Je vous remercie.