Texte intégral
PATRICK COHEN
Bonjour Michel SAPIN.
MICHEL SAPIN
Oui, bonjour.
PATRICK COHEN
La France est en retard en matière de lutte anticorruption ?
MICHEL SAPIN
Elle est présentée comme tel par un certain nombre d'organisations internationales, je pense à l'OCDE, ou par de grandes ONG, qui, à juste titre, veulent lutter et qu'on soit exemplaire dans la lutte contre la corruption internationale. Nous avons beaucoup fait, beaucoup avancé, au fond je crois que nous avons toutes les armes aujourd'hui pour lutter contre la corruption sur notre propre territoire, il peut toujours y avoir des corrompus, et des corrupteurs, mais on sait aujourd'hui voir les choses et les combattre. Par contre au niveau international, aujourd'hui nous sommes mal classés, nous sommes soupçonnés, et il n'y a rien de pire que le soupçon. On doit laver la France de ce soupçon, et pour ça il faut des mesures fortes.
PATRICK COHEN
D'où le projet que vous présenterez demain en Conseil des ministres. Il y avait besoin, d'abord, d'une structure de plus, une Agence nationale de prévention et de détection de la corruption ?
MICHEL SAPIN
Alors, si je voulais dire les choses, elle n'est pas de plus, elle remplace une autre agence, service, qui avait été créé en 1993, pour rendre plus fort, plus puissant, et en particulier, par exemple, faire en sorte que soient protégés un certain nombre de gens qui sont très utiles dans la lutte contre la corruption, je pense en particulier à ceux qu'on appelle parfois des donneurs d'alerte, qui nous permettent d'agir. Donc il y avait besoin d'un service puissant, indépendant, ayant la capacité de donner des lignes de conduite aux entreprises, en disant voilà comment il faut former, voilà comment il faut faire en sorte que quelqu'un qui est soumis à une pression de corruption, je ne sais pas où, quelque part dans le monde, puisse s'adresser au sein de l'entreprise à quelqu'un qui va l'aider, le protéger. Il fallait aussi avoir la possibilité de détecter, et à partir de là, de poursuivre.
PATRICK COHEN
C'est cette agence qui devra protéger les lanceurs d'alerte, de quelle façon ?
MICHEL SAPIN
D'abord il y aura c'est en tout cas le travail que je souhaite voir approfondi au Parlement un statut de ces lanceurs d'alerte, pour que, au-delà de ce qui existe aujourd'hui puisqu'il qu'il y a plusieurs types de protections il puisse y avoir une protection globale pour les lanceurs d'alerte, c'est-à-dire ceux qui prennent le risque de dénoncer des faits, parfaitement dommageables, pour l'intérêt général, dans l'entreprise ou éventuellement dans leur administration, si c'était le cas.
PATRICK COHEN
Donc ils pourront s'adresser à cette agence.
MICHEL SAPIN
Donc ils peuvent s'adresser pour, en particulier protéger leur anonymat. Et puis ensuite - je prends juste un exemple souvent ces personnes sont soumises ensuite à des procédures judiciaires de la part de leur entreprise, de leur employeur, qui peuvent leur coûter extrêmement cher, tous ces frais de justice seront portés par cette agence.
PATRICK COHEN
Vous voulez encadrer le lobbying. Est-il toujours question d'un répertoire national de lobbyistes, avec inscription obligatoire ?
MICHEL SAPIN
La réponse est oui. Alors, on est sur un autre domaine
PATRICK COHEN
Inscription obligatoire ?
MICHEL SAPIN
Oui, avec inscription obligatoire, pour pouvoir, ensuite, jouer son rôle de lobbyiste. Je ne vois pas de mal à être lobbyiste, c'est-à-dire à défendre les intérêts privés, à expliquer les intérêts d'une entreprise ou d'un groupe, de quel professionnel, de quelle que nature que ce soit, par contre il faut que ce soit transparent, il faut qu'on sache qui fait quoi, quels sont les intérêts qu'il défend. Et aussi il faut respecter un certain nombre de principes, qui vont d'eux-mêmes, ce sont des principes éthiques, c'est-à-dire on ne doit pas, d'une manière ou d'une autre, influencer une décision par je ne sais trop quel déjeuner ou pas je ne sais trop quel cadeau.
PATRICK COHEN
Alors, je reviens à la corruption, on en parlait tout à l'heure dans le journal. Il y avait dans votre projet, au départ, un dispositif qui devait permettre aux entreprises soupçonnées de corruption de signer une transaction pénale, une amende, indexée en quelque sorte sur le chiffre d'affaires de l'entreprise, pour éviter le procès. Vous avez retiré cette mesure après avis du Conseil d'État. Ça ne verra pas le jour ?
MICHEL SAPIN
Je n'en sais rien, nous verrons, mais c'est une nouveauté, qui n'est pas nouvelle dans le monde puisque c'est exactement ce qui est applicable en Allemagne, en Grande-Bretagne, aux États-Unis, avec beaucoup d'efficacité. On sait qu'aux États-Unis
PATRICK COHEN
Mais dans des systèmes judiciaires très différents du nôtre.
MICHEL SAPIN
Dans des systèmes judiciaires qui sont différents, très différent pour ce qui est des États-Unis, différents, mais pas si différents que ça, que d'autres pays. Donc je pense que c'est une proposition, qui a été faite en particulier par un certain nombre d'ONG, de lutte contre la corruption, qui me paraît être intéressante. Elle pose des questions, elle pose des problèmes dans le système, vous le dites vous-même, judiciaire français. Elle était aussi critiquée par un certain nombre d'autres organisations, donc il y a débat, tant mieux, mais ce n'est pas un débat entre le gouvernement et je ne sais qui, c'est un débat entre spécialistes, qui sont très engagés dans la lutte contre la corruption. Je souhaite que ce débat continue et nous verrons au Parlement, moi je fais énormément confiance aux capacités des députés et des sénateurs à travailler sur un texte comme celui-ci, pour trouver les bonnes solutions.
PATRICK COHEN
Donc ce n'est pas définitivement enterré, le Parlement peut se saisir à nouveau de la mesure et de l'opportunité. Vous, vous êtes en tout cas favorable à cette solution.
MICHEL SAPIN
Je pense que si on regarde du point de vue de l'efficacité, le système actuel n'est pas efficace, c'est très simple, ça se constate. Il existe un délit de corruption de, agents étrangers, en France, pas une entreprise n'a été condamnée pour ce délit, et les mêmes entreprises sont condamnées aux États-Unis, pour ces faits-là, mais aux États-Unis par les juridictions américaines. Il y a quelque chose un peu, je trouve choquant pour nous-mêmes, presque insultant pour notre dispositif judiciaire, on doit reprendre aussi cette souveraineté. Si une entreprise française commet des actes répréhensibles à l'étranger, elle doit pouvoir être condamnée en France. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, non pas parce qu'on n'a pas les dispositions, mais parce que c'est tellement compliqué, c'est tellement lent, qu'au bout du compte elles ne le font pas, donc un autre dispositif pourrait être éventuellement plus efficace.
PATRICK COHEN
Il y a d'autres dispositions dont on parle moins dans ce projet de loi qui sera présenté demain donc, des dispositions dont la paternité est attribuée à votre collègue de l'Économie Emmanuel MACRON, notamment la création de fonds de pension à la française. Expliquez-nous Michel SAPIN.
MICHEL SAPIN
Je n'aime pas le terme
PATRICK COHEN
Est-ce que le terme est
MICHEL SAPIN
Je n'aime pas le terme lui-même
PATRICK COHEN
Vous n'aimez pas le terme, mais la chose.
MICHEL SAPIN
Mais je vais vous expliquer de quoi il s'agit, c'est très technique. Vous avez aujourd'hui, par exemple des assurances qui ont beaucoup d'argent, les assurances-vie, où elles beaucoup d'argent, il y a des obligations de placer cet argent, grosso-modo ça pousse à le placer dans les emprunts d'État, donc on prête de l'argent à la France ou à d'autres. C'est très bien, comme on diminue notre déficit on va avoir de moins en moins besoin qu'on nous prête de l'argent, mais ce n'est pas utile à l'économie. Donc, ce que nous souhaitons, c'est modifier un certain nombre de règles pour que ces assurances, françaises, et en particulier les assurances sur la vie, qui sont une forme de retraite pour beaucoup de Français, de précaution, puissent être utilisées pour soutenir les entreprises et l'économie française.
PATRICK COHEN
Pas plus que ça ?
MICHEL SAPIN
Non, mais pas moins.
PATRICK COHEN
Pas moins. La loi va clarifier également les qualifications professionnelles obligatoires, là où il fallait un bac pro pour installer un commerce de coiffure, un simple CAP suffira à l'avenir.
MICHEL SAPIN
Non, ça on n'en sait rien, ça sera décidé de savoir quel est le niveau de qualification
PATRICK COHEN
Ah bon !
MICHEL SAPIN
Oui, ah bon ! Quel était le problème
PATRICK COHEN
Pas besoin de qualification pour un prothésiste ongulaire, ai-je vu aussi, non ?
MICHEL SAPIN
Non
PATRICK COHEN
Ce n'est pas dans le projet ?
MICHEL SAPIN
Non, ça c'est ce qui a existé à un moment donné, mais ce n'est pas dans le texte que je porte. Dans le texte que je porte, où j'ai beaucoup dialogué avec les représentants des artisans et des commerçants, parce que ça me paraît être utile, tout le monde a reconnu qu'il était nécessaire d'avoir des qualifications, y compris des qualifications de niveau élevé, lorsqu'il s'agit de protéger les personnes, d'utiliser des produits dangereux, de protéger, je ne sais pas, la qualité de la construction d'un bâtiment, et que dans certains autres domaines ce n'était pas forcément nécessaire. Mais le travail est encore devant nous.
PATRICK COHEN
Donc dans les bars à ongles il faudra encore des qualifications. Très bien. La baisse des dotations aux collectivités locales a des conséquences directes, on en parlait dans le journal, Michel SAPIN. Certains départements ne savent pas comment boucler leur budget, il y a une date butoir qui est fixée dans quelques jours, au 31 mars. La Seine-Saint-Denis, on l'a entendu, a décidé de sacrifier ses routes pour continuer à payer ses aides sociales, le Calvados va facturer certains interventions de pompiers, vous le savez, 460 euros pour un déblocage d'ascenseur, 240 euros pour un relevage à domicile après un malaise. Vous allez continuer le mouvement de baisse des dotations aux collectivités ?
MICHEL SAPIN
Oui. Pourquoi est-ce qu'il y aurait des mauvaises dépenses publiques, ce seraient forcément celles de l'Etat, et des bonnes dépenses publiques, par nature, et forcément qui seraient celles des collectivités locales ? nous faisons un effort, ce n'est pas par hasard si le déficit de l'année 2015 a été inférieur à celui que nous avions prévu, 3,5 %, 0,3 % de mieux, ce n'est pas par hasard
PATRICK COHEN
Ça génère une cagnotte ça ?
MICHEL SAPIN
Non, ce n'est pas une cagnotte, vous voulez qu'on revienne sur la cagnotte, je vais y revenir dans quelques instants, mais je réponds juste à votre question sur l'effort des collectivités locales. Tout le monde a fait des efforts, la Sécurité sociale, l'État, les collectivités locales, ont fait des efforts, c'est comme ça qu'on doit diminuer les déficits, donc les collectivités locales, comme l'État, doivent continuer à faire des efforts d'économies sur leurs dépenses. Il peut y avoir des départements, en particulier, qui sont dans des situations extrêmement difficiles, et pour ça nous avons mis en place un fonds d'urgence qui vient aider ces départements-là. Mais il y en a beaucoup d'autres, je pourrais les citer, qui ont beaucoup de capacités de faire des économies parce qu'ils ont parfois, aussi, beaucoup de recettes par ailleurs, tous les départements, je ne sais pas moi, les Hauts-de-Seine, ou toute une série de départements où la valeur des biens ne cesse d'augmenter et où les transactions, aujourd'hui, se multiplient. Il y a ce qu'on appelle des droits, sur ces mutations, qui sont touchés par les départements.
PATRICK COHEN
Donc ils ne sont pas à plaindre et leurs responsables n'ont pas de raison à se plaindre.
MICHEL SAPIN
Il faut éviter, là comme ailleurs, l'amalgame. Certains départements, ou certaines communes, peuvent être en difficulté, il faut les aider, mais globalement les communes, les départements, les régions, font l'effort qui est nécessaire et vont devoir continuer à faire cet effort nécessaire.
PATRICK COHEN
Le mouvement de baisse va-t-il se poursuivre pour les collectivités ?
MICHEL SAPIN
Oui, oui, bien sûr. On a programmé cela sur 3 ans, et ça continuera à se faire. La cagnotte ?
PATRICK COHEN
D'un mot, parce que nous devons passer à la revue de presse, d'un mot la cagnotte. Il y a une cagnotte ?
MICHEL SAPIN
On nous a déjà fait le coup une fois, avec Jacques CHIRAC, en 2000, on est tombé dans le panneau, on ne va pas tomber dans le panneau deux fois.
PATRICK COHEN
Donc il n'y a pas cagnotte.
MICHEL SAPIN
Il n'y a pas de cagnotte. Quand vous êtes avec un déficit de 3,5 %, même si c'est beaucoup mieux que précédemment, c'est toujours un déficit, et pour combler un déficit il faut s'endetter. Donc, ceux qui comparent un déficit, un endettement, avec une cagnotte, j'avoue que je ne leur confierai pas 1 euro de mes économies.
PATRICK COHEN
Et pourtant les fonctionnaires vont être servis avec le relèvement du point d'indice.
MICHEL SAPIN
Le terme de « servis » ne me paraît pas justifié parce que les fonctionnaires ont fait un effort depuis 5 ans, depuis 2010, eux aussi ont contribué à cet effort dont je parlais, les collectivités locales, mais c'est aussi des fonctionnaires dans les collectivités locales, ça fait 5 ans que le point des rémunérations n'a pas augmenté. Qu'il y ait aujourd'hui, parce que justement nous maîtrisons bien nos finances publiques, une possibilité de voir 0,6, puis 0,6, une augmentation de ce point d'indice, ça me paraît parfaitement légitime et juste.
PATRICK COHEN
Michel SAPIN, on vous retrouve dans quelques minutes avec les auditeurs d'Inter.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 avril 2016
Bonjour Michel SAPIN.
MICHEL SAPIN
Oui, bonjour.
PATRICK COHEN
La France est en retard en matière de lutte anticorruption ?
MICHEL SAPIN
Elle est présentée comme tel par un certain nombre d'organisations internationales, je pense à l'OCDE, ou par de grandes ONG, qui, à juste titre, veulent lutter et qu'on soit exemplaire dans la lutte contre la corruption internationale. Nous avons beaucoup fait, beaucoup avancé, au fond je crois que nous avons toutes les armes aujourd'hui pour lutter contre la corruption sur notre propre territoire, il peut toujours y avoir des corrompus, et des corrupteurs, mais on sait aujourd'hui voir les choses et les combattre. Par contre au niveau international, aujourd'hui nous sommes mal classés, nous sommes soupçonnés, et il n'y a rien de pire que le soupçon. On doit laver la France de ce soupçon, et pour ça il faut des mesures fortes.
PATRICK COHEN
D'où le projet que vous présenterez demain en Conseil des ministres. Il y avait besoin, d'abord, d'une structure de plus, une Agence nationale de prévention et de détection de la corruption ?
MICHEL SAPIN
Alors, si je voulais dire les choses, elle n'est pas de plus, elle remplace une autre agence, service, qui avait été créé en 1993, pour rendre plus fort, plus puissant, et en particulier, par exemple, faire en sorte que soient protégés un certain nombre de gens qui sont très utiles dans la lutte contre la corruption, je pense en particulier à ceux qu'on appelle parfois des donneurs d'alerte, qui nous permettent d'agir. Donc il y avait besoin d'un service puissant, indépendant, ayant la capacité de donner des lignes de conduite aux entreprises, en disant voilà comment il faut former, voilà comment il faut faire en sorte que quelqu'un qui est soumis à une pression de corruption, je ne sais pas où, quelque part dans le monde, puisse s'adresser au sein de l'entreprise à quelqu'un qui va l'aider, le protéger. Il fallait aussi avoir la possibilité de détecter, et à partir de là, de poursuivre.
PATRICK COHEN
C'est cette agence qui devra protéger les lanceurs d'alerte, de quelle façon ?
MICHEL SAPIN
D'abord il y aura c'est en tout cas le travail que je souhaite voir approfondi au Parlement un statut de ces lanceurs d'alerte, pour que, au-delà de ce qui existe aujourd'hui puisqu'il qu'il y a plusieurs types de protections il puisse y avoir une protection globale pour les lanceurs d'alerte, c'est-à-dire ceux qui prennent le risque de dénoncer des faits, parfaitement dommageables, pour l'intérêt général, dans l'entreprise ou éventuellement dans leur administration, si c'était le cas.
PATRICK COHEN
Donc ils pourront s'adresser à cette agence.
MICHEL SAPIN
Donc ils peuvent s'adresser pour, en particulier protéger leur anonymat. Et puis ensuite - je prends juste un exemple souvent ces personnes sont soumises ensuite à des procédures judiciaires de la part de leur entreprise, de leur employeur, qui peuvent leur coûter extrêmement cher, tous ces frais de justice seront portés par cette agence.
PATRICK COHEN
Vous voulez encadrer le lobbying. Est-il toujours question d'un répertoire national de lobbyistes, avec inscription obligatoire ?
MICHEL SAPIN
La réponse est oui. Alors, on est sur un autre domaine
PATRICK COHEN
Inscription obligatoire ?
MICHEL SAPIN
Oui, avec inscription obligatoire, pour pouvoir, ensuite, jouer son rôle de lobbyiste. Je ne vois pas de mal à être lobbyiste, c'est-à-dire à défendre les intérêts privés, à expliquer les intérêts d'une entreprise ou d'un groupe, de quel professionnel, de quelle que nature que ce soit, par contre il faut que ce soit transparent, il faut qu'on sache qui fait quoi, quels sont les intérêts qu'il défend. Et aussi il faut respecter un certain nombre de principes, qui vont d'eux-mêmes, ce sont des principes éthiques, c'est-à-dire on ne doit pas, d'une manière ou d'une autre, influencer une décision par je ne sais trop quel déjeuner ou pas je ne sais trop quel cadeau.
PATRICK COHEN
Alors, je reviens à la corruption, on en parlait tout à l'heure dans le journal. Il y avait dans votre projet, au départ, un dispositif qui devait permettre aux entreprises soupçonnées de corruption de signer une transaction pénale, une amende, indexée en quelque sorte sur le chiffre d'affaires de l'entreprise, pour éviter le procès. Vous avez retiré cette mesure après avis du Conseil d'État. Ça ne verra pas le jour ?
MICHEL SAPIN
Je n'en sais rien, nous verrons, mais c'est une nouveauté, qui n'est pas nouvelle dans le monde puisque c'est exactement ce qui est applicable en Allemagne, en Grande-Bretagne, aux États-Unis, avec beaucoup d'efficacité. On sait qu'aux États-Unis
PATRICK COHEN
Mais dans des systèmes judiciaires très différents du nôtre.
MICHEL SAPIN
Dans des systèmes judiciaires qui sont différents, très différent pour ce qui est des États-Unis, différents, mais pas si différents que ça, que d'autres pays. Donc je pense que c'est une proposition, qui a été faite en particulier par un certain nombre d'ONG, de lutte contre la corruption, qui me paraît être intéressante. Elle pose des questions, elle pose des problèmes dans le système, vous le dites vous-même, judiciaire français. Elle était aussi critiquée par un certain nombre d'autres organisations, donc il y a débat, tant mieux, mais ce n'est pas un débat entre le gouvernement et je ne sais qui, c'est un débat entre spécialistes, qui sont très engagés dans la lutte contre la corruption. Je souhaite que ce débat continue et nous verrons au Parlement, moi je fais énormément confiance aux capacités des députés et des sénateurs à travailler sur un texte comme celui-ci, pour trouver les bonnes solutions.
PATRICK COHEN
Donc ce n'est pas définitivement enterré, le Parlement peut se saisir à nouveau de la mesure et de l'opportunité. Vous, vous êtes en tout cas favorable à cette solution.
MICHEL SAPIN
Je pense que si on regarde du point de vue de l'efficacité, le système actuel n'est pas efficace, c'est très simple, ça se constate. Il existe un délit de corruption de, agents étrangers, en France, pas une entreprise n'a été condamnée pour ce délit, et les mêmes entreprises sont condamnées aux États-Unis, pour ces faits-là, mais aux États-Unis par les juridictions américaines. Il y a quelque chose un peu, je trouve choquant pour nous-mêmes, presque insultant pour notre dispositif judiciaire, on doit reprendre aussi cette souveraineté. Si une entreprise française commet des actes répréhensibles à l'étranger, elle doit pouvoir être condamnée en France. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, non pas parce qu'on n'a pas les dispositions, mais parce que c'est tellement compliqué, c'est tellement lent, qu'au bout du compte elles ne le font pas, donc un autre dispositif pourrait être éventuellement plus efficace.
PATRICK COHEN
Il y a d'autres dispositions dont on parle moins dans ce projet de loi qui sera présenté demain donc, des dispositions dont la paternité est attribuée à votre collègue de l'Économie Emmanuel MACRON, notamment la création de fonds de pension à la française. Expliquez-nous Michel SAPIN.
MICHEL SAPIN
Je n'aime pas le terme
PATRICK COHEN
Est-ce que le terme est
MICHEL SAPIN
Je n'aime pas le terme lui-même
PATRICK COHEN
Vous n'aimez pas le terme, mais la chose.
MICHEL SAPIN
Mais je vais vous expliquer de quoi il s'agit, c'est très technique. Vous avez aujourd'hui, par exemple des assurances qui ont beaucoup d'argent, les assurances-vie, où elles beaucoup d'argent, il y a des obligations de placer cet argent, grosso-modo ça pousse à le placer dans les emprunts d'État, donc on prête de l'argent à la France ou à d'autres. C'est très bien, comme on diminue notre déficit on va avoir de moins en moins besoin qu'on nous prête de l'argent, mais ce n'est pas utile à l'économie. Donc, ce que nous souhaitons, c'est modifier un certain nombre de règles pour que ces assurances, françaises, et en particulier les assurances sur la vie, qui sont une forme de retraite pour beaucoup de Français, de précaution, puissent être utilisées pour soutenir les entreprises et l'économie française.
PATRICK COHEN
Pas plus que ça ?
MICHEL SAPIN
Non, mais pas moins.
PATRICK COHEN
Pas moins. La loi va clarifier également les qualifications professionnelles obligatoires, là où il fallait un bac pro pour installer un commerce de coiffure, un simple CAP suffira à l'avenir.
MICHEL SAPIN
Non, ça on n'en sait rien, ça sera décidé de savoir quel est le niveau de qualification
PATRICK COHEN
Ah bon !
MICHEL SAPIN
Oui, ah bon ! Quel était le problème
PATRICK COHEN
Pas besoin de qualification pour un prothésiste ongulaire, ai-je vu aussi, non ?
MICHEL SAPIN
Non
PATRICK COHEN
Ce n'est pas dans le projet ?
MICHEL SAPIN
Non, ça c'est ce qui a existé à un moment donné, mais ce n'est pas dans le texte que je porte. Dans le texte que je porte, où j'ai beaucoup dialogué avec les représentants des artisans et des commerçants, parce que ça me paraît être utile, tout le monde a reconnu qu'il était nécessaire d'avoir des qualifications, y compris des qualifications de niveau élevé, lorsqu'il s'agit de protéger les personnes, d'utiliser des produits dangereux, de protéger, je ne sais pas, la qualité de la construction d'un bâtiment, et que dans certains autres domaines ce n'était pas forcément nécessaire. Mais le travail est encore devant nous.
PATRICK COHEN
Donc dans les bars à ongles il faudra encore des qualifications. Très bien. La baisse des dotations aux collectivités locales a des conséquences directes, on en parlait dans le journal, Michel SAPIN. Certains départements ne savent pas comment boucler leur budget, il y a une date butoir qui est fixée dans quelques jours, au 31 mars. La Seine-Saint-Denis, on l'a entendu, a décidé de sacrifier ses routes pour continuer à payer ses aides sociales, le Calvados va facturer certains interventions de pompiers, vous le savez, 460 euros pour un déblocage d'ascenseur, 240 euros pour un relevage à domicile après un malaise. Vous allez continuer le mouvement de baisse des dotations aux collectivités ?
MICHEL SAPIN
Oui. Pourquoi est-ce qu'il y aurait des mauvaises dépenses publiques, ce seraient forcément celles de l'Etat, et des bonnes dépenses publiques, par nature, et forcément qui seraient celles des collectivités locales ? nous faisons un effort, ce n'est pas par hasard si le déficit de l'année 2015 a été inférieur à celui que nous avions prévu, 3,5 %, 0,3 % de mieux, ce n'est pas par hasard
PATRICK COHEN
Ça génère une cagnotte ça ?
MICHEL SAPIN
Non, ce n'est pas une cagnotte, vous voulez qu'on revienne sur la cagnotte, je vais y revenir dans quelques instants, mais je réponds juste à votre question sur l'effort des collectivités locales. Tout le monde a fait des efforts, la Sécurité sociale, l'État, les collectivités locales, ont fait des efforts, c'est comme ça qu'on doit diminuer les déficits, donc les collectivités locales, comme l'État, doivent continuer à faire des efforts d'économies sur leurs dépenses. Il peut y avoir des départements, en particulier, qui sont dans des situations extrêmement difficiles, et pour ça nous avons mis en place un fonds d'urgence qui vient aider ces départements-là. Mais il y en a beaucoup d'autres, je pourrais les citer, qui ont beaucoup de capacités de faire des économies parce qu'ils ont parfois, aussi, beaucoup de recettes par ailleurs, tous les départements, je ne sais pas moi, les Hauts-de-Seine, ou toute une série de départements où la valeur des biens ne cesse d'augmenter et où les transactions, aujourd'hui, se multiplient. Il y a ce qu'on appelle des droits, sur ces mutations, qui sont touchés par les départements.
PATRICK COHEN
Donc ils ne sont pas à plaindre et leurs responsables n'ont pas de raison à se plaindre.
MICHEL SAPIN
Il faut éviter, là comme ailleurs, l'amalgame. Certains départements, ou certaines communes, peuvent être en difficulté, il faut les aider, mais globalement les communes, les départements, les régions, font l'effort qui est nécessaire et vont devoir continuer à faire cet effort nécessaire.
PATRICK COHEN
Le mouvement de baisse va-t-il se poursuivre pour les collectivités ?
MICHEL SAPIN
Oui, oui, bien sûr. On a programmé cela sur 3 ans, et ça continuera à se faire. La cagnotte ?
PATRICK COHEN
D'un mot, parce que nous devons passer à la revue de presse, d'un mot la cagnotte. Il y a une cagnotte ?
MICHEL SAPIN
On nous a déjà fait le coup une fois, avec Jacques CHIRAC, en 2000, on est tombé dans le panneau, on ne va pas tomber dans le panneau deux fois.
PATRICK COHEN
Donc il n'y a pas cagnotte.
MICHEL SAPIN
Il n'y a pas de cagnotte. Quand vous êtes avec un déficit de 3,5 %, même si c'est beaucoup mieux que précédemment, c'est toujours un déficit, et pour combler un déficit il faut s'endetter. Donc, ceux qui comparent un déficit, un endettement, avec une cagnotte, j'avoue que je ne leur confierai pas 1 euro de mes économies.
PATRICK COHEN
Et pourtant les fonctionnaires vont être servis avec le relèvement du point d'indice.
MICHEL SAPIN
Le terme de « servis » ne me paraît pas justifié parce que les fonctionnaires ont fait un effort depuis 5 ans, depuis 2010, eux aussi ont contribué à cet effort dont je parlais, les collectivités locales, mais c'est aussi des fonctionnaires dans les collectivités locales, ça fait 5 ans que le point des rémunérations n'a pas augmenté. Qu'il y ait aujourd'hui, parce que justement nous maîtrisons bien nos finances publiques, une possibilité de voir 0,6, puis 0,6, une augmentation de ce point d'indice, ça me paraît parfaitement légitime et juste.
PATRICK COHEN
Michel SAPIN, on vous retrouve dans quelques minutes avec les auditeurs d'Inter.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 avril 2016