Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Je vous remercie pour cette invitation.
Vous avez bien raison de poser cette question : « je suis aidant.e et moi qui m'aide ? Ce rôle, tenu par les membres de la famille ou par des proches, est à la fois indispensable et épuisant. C'est pour cela que la loi d'adaptation de la société au vieillissement a pris en compte l'existence des proches aidant.e.s, fondamentale.
En France, vous êtes près de 8,3 millions à occuper cette fonction. A vous occuper d'un proche. Près de 4,3 millions d'entre vous donnent de leur temps et de leur énergie en direction des personnes âgées de 60 ans ou plus, vivant à domicile. Pour 3,4 millions d'entre vous, cette aide est quotidienne et embrasse tous les champs de la vie.
A cela, s'ajoutent encore 4 millions de personnes qui elles, s'occupent de personnes de moins de 60 ans.
Ces chiffres sont impressionnants. Surtout lorsque l'on sait l'impact que peut avoir une telle responsabilité sur la vie personnelle, professionnelle et sur la santé de ces millions d'aidant.e.s.
Et, derrière ces chiffres et ces statistiques, ce sont des conjoints, des enfants, des membres de la famille, des proches, qui voient, du jour au lendemain, leur vie transformée.
Il n'y a pas de profil type de l'aidant.e : vous êtes de tous les âges, vous connaissez des situations professionnelles ou personnelles diverses. Prenez en charge vos proches, en perte d'autonomie ou gravement malades. Et cela, bien sûr, a un impact énorme sur vos propres vies, votre quotidien. Et, quand on sait que 57% d'entre vous êtes des femmes, on imagine très bien les doubles, les triples charges à assumer.
Ici, et partout en France, les besoins de nos aînés ont un impact considérable. Je sais que vous imaginez très bien quel bouleversement se produit, surtout lorsqu'en plus, on travaille. C'est le cas de 47% des aidant.e.s, qui occupent un emploi ou sont apprentis.
Dès lors, comment faire pour concilier vie professionnelle et aide, en direction d'un proche qui en a besoin ? Comment ne pas s'oublier ? Comment continuer à être présent de manière concrète et effective, affective, lorsque la fatigue guette ? Lorsqu'aucun répit n'est permis ? Lorsque la culpabilité s'en mêle ? Lorsqu'aucun relais n'est envisageable ?
C'est à ces questions (et bien d'autres) que la loi d'adaptation de la société au vieillissement répond. Car oui, nous devons avoir le courage de regarder en face les bouleversements qui s'annoncent, partout dans le monde. Et chez nous en particulier. Nous devons avoir en tête que le vieillissement de notre population est inéluctable. Demain, nous serons nous-mêmes vieillissants. Qui nous aidera ? Avec quels moyens ?
Ces questions, d'ordre humain, politique, n'avaient, jusque-là, pas été posées. Avec autant d'acuité. Lorsqu'on parlait vieillissement, on parlait soins, entrée en maison de retraite, attente de la fin
Mais le vieillissement, ce n'est pas attendre, sur sa chaise longue, de s'endormir et de disparaître. Poser la question du bien vieillir, c'est se demander quelle place on accorde à nos aînés. Quelle place on accorde à ceux qui, professionnels et proches, s'occupent au quotidien de toutes ces questions. C'est pour cela que la loi d'adaptation de la société au vieillissement porte en elle des avancées majeures. Qui profiteront à toutes et à tous. Dès aujourd'hui et pour demain.
Car il n'est pas acceptable de devoir sacrifier sa carrière, sa vie, sans avoir de recours possible. Sans trouver des soutiens et des relais bienveillants, professionnels.
Lorsqu'on sait que les aidant.e.s perdent, pour 70% en vie sociale, en loisirs.
Lorsqu'on sait que 56% d'entre eux font part de dégradations de leur situation financière.
Lorsqu'on sait que cette implication a un impact sur leur santé, physique et mentale.
Lorsqu'on sait enfin qu'être aidant a un impact sur l'emploi (44% ont eu recours à un aménagement de leur temps de travail), on ne peut pas, quand on est en responsabilités politiques, éluder ces questions. Les mettre sous le tapis en espérant que rien ne se voie, que personne ne se plaigne et que tout continue comme si de rien n'était.
Moi, ce n'est pas ma vision de la politique. La politique est au service des citoyennes et des citoyens. Elle se doit d'inventer, d'anticiper et de répondre aux défis avec humanité, pragmatisme et vision à long terme. Ni plus, ni moins.
C'est pour cela que la loi d'adaptation de la société au vieillissement a développé un certain nombre de dispositions, venant compléter et renforcer les dispositifs déjà existants. Elle va plus loin puisque cette loi crée de nouveaux droits, de nouvelles reconnaissances.
La reconnaissance du statut de proche aidant, tout d'abord.
Pour la première fois, une définition de l'aidant est donnée et inscrite dans la loi. Sont ainsi reconnu.e.s tou.te.s les proches de la famille exerçant ce rôle. Mais aussi les personnes ayant des liens étroits et stables, tout en n'appartenant pas à la famille. L'aide, régulière et fréquente, peut prendre différentes formes, du ménage à la préparation des repas. De la toilette à la présence physique, en passant par l'aide financière ou morale.
Il était important de reconnaître le rôle de ces personnes, sans qui les personnes âgées ne pourraient vivre à domicile, qui se débrouillent, mettant souvent leur santé, leur travail, leur équilibre personnel en péril.
En parallèle de cette reconnaissance, la loi apporte enfin un nouveau droit social pour les aidant.e.s. Vos besoins sont ainsi pris en compte dans le cadre de l'Allocation personnalisée d'autonomie, à travers 3 dispositifs :
Le premier, c'est le droit au répit. Dorénavant, lorsque l'équipe médico-sociale du conseil départemental définit le plan d'aide APA de la personne âgée, elle évalue également vos besoins et peut alors mettre en place des dispositifs répondant à vos besoins de répit.
Le plan d'aide APA de la personne âgée peut ainsi être majoré jusqu'à près de 500 euros pas an, au-delà des plafonds de l'APA, pour financer par exemple le recours à de l'accueil temporaire en établissement ou en accueil familial ou des heures d'aide à domicile supplémentaires. Cette mesure est entrée en vigueur le 1er mars 2016.
Le deuxième dispositif, c'est un relais auprès de la personne aidée, en cas d'hospitalisation de son proche aidant. Il s'agit ici de décharger l'aidant hospitalisé, qui n'aura plus le souci de savoir qui pourrait le remplacer. C'est donc un « confort » pour celles et ceux d'entre vous qui ne comptent que sur eux-mêmes, étant seuls à prendre en charge un ou une aîné.e. Cette aide ponctuelle, dont le montant peut atteindre jusqu'à 992 euros au-delà des plafonds de l' Allocation personnalisée d'autonomie, pourra ainsi servir à financer un hébergement temporaire de la personne aidée, ou un relais à domicile. Cette mesure est elle-aussi entrée en vigueur le 1er mars 2016.
Le troisième dispositif enfin, c'est un assouplissement et élargissement du congé de soutien familial en congé au proche aidant. Le congé est donc désormais ouvert aux aidant.e.s sans lien de parenté avec la personne qu'ils aident. Il faut néanmoins que l'aidant réside avec la personne âgée ou entretienne avec elle des liens étroits. Et qu'il vienne en aide de manière régulière et fréquente à titre non professionnel, pour accomplir tout ou partie des actes et des activités de la vie quotidienne.
Vous le voyez, le gouvernement, suite à de larges consultations, à de nombreux échanges avec toutes les personnes concernées par le vieillissement, a pris la mesure de ces défis. Aucun n'a été négligé. Car cette loi repose sur un principe fondamental : c'est l'humain, son bien être et la possibilité qui lui est donnée de bien vieillir, qui comptent par-dessus tout.
Votre rôle est primordial. Il est fondamental, humainement. Il était temps que cela soit reconnu. Que l'on prenne la mesure de ce que vous accomplissez. Tout en tenant compte d'une réalité simple : vos parcours d'aidant.e.s peuvent être très différents, d'une personne à l'autre. Mais les réponses apportées peuvent correspondre aux attentes et aux besoins de toutes et de tous.
Je crois savoir qu'ici, l'Association de soutien et service d'aide à domicile (ASSAD) du Pays de Redon a installé, depuis plusieurs années, des dispositifs dans le but de soutenir les aidant.e.s de personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou d'une maladie apparentée. Dès 2006, une Equipe Mobile de Soutien aux Aidant.e.s (EMSA) a été mise en place. En 2008, l'ASSAD a ouvert un accueil de jour. Et en 2012, votre association met en place une plateforme d'accompagnement et de répit à destination des aidant.e.s proches de personnes atteintes de maladies neuro dégénératives. Je ne peux que vous féliciter pour avoir pris très tôt la mesure de ce qui se joue et avoir apporté des réponses adaptées.
Aujourd'hui, grâce à l'adoption de la loi d'adaptation de la société au vieillissement, nous franchissons un nouveau cap. National. C'est en mutualisant les connaissances, les bonnes pratiques que nous pourrons répondre au mieux à cette demande, bien légitime, d'être pris en compte, quel que soit son degré d'autonomie ou sa perte. C'est en reconnaissant le rôle de chacun, qu'il soit un professionnel, une institution privée ou publique, une association, un membre de la famille ou un proche, que nous pouvons répondre le plus justement possible. Et le plus humainement.
La collaboration entre les institutions publiques, nationales et territoriales, les établissements privés, les professionnels et les aidant.e.s proches est, je pense, la meilleure réponse que nous pouvons apporter. Pour faire en sorte que chacune et chacun vieillisse mieux. Pour faire en sorte que nos parents, nos amis, nos enfants, puissent prendre le relais, si besoin, sans pour autant sacrifier leur propre vie.
Je sais que cette journée, un grand nombre d'entre vous l'attendait. Car elle permet d'échanger, de faire une pause, mais aussi de prendre connaissance des nouveaux dispositifs, qu'ils soient nationaux ou au plus près es territoires.
N'en doutez pas, vous pouvez compter sur le gouvernement. Vous pouvez compter sur mon implication. Pour qu'ensemble, nous fassions vivre cette République du respect sans laquelle il ne sera pas possible de faire avancer notre société. Je sais pouvoir compter sur vous et vous avoir convaincusque chacune et chacun d'entre nous est un maillon indispensable à ce défi qui consiste à faire progresser la solidarité dans son ensemble.
Merci à vous pour votre courage et votre bienveillance à l'égard des plus fragiles. Vous êtes la France, celle que l'on aime, celle des solidarités.
Source http://social-sante.gouv.fr, le 15 avril 2016