Déclaration de Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées et à la lutte contre l'exclusion, sur l'insertion professionnelle des personnes handicapées ayant une capacité réduite de travail, Paris le 24 mars 2016.

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Je tiens à vous remercier, Monsieur le Président, Gérard Zribi, de m'avoir invitée à clôturer les journées nationales d'Andicat.
C'est un événement qui pour moi est important : il vous réunit pour approfondir des thématiques qui font l'actualité des établissements et services d'aide par le travail, les ESAT ; le tout dans un esprit de dialogue constructif avec les pouvoirs publics.
Cette année, vous avez souhaité mettre en exergue le rôle des ESAT en matière de citoyenneté professionnelle des personnes handicapées. C'est le fil rouge de vos journées d'études.
Ce choix est, de toute évidence, en parfaite résonance avec la direction donnée par le Gouvernement à sa politique du handicap. La notion de citoyenneté professionnelle illustre par ailleurs parfaitement la dynamique des missions dévolues aux ESAT :
- offrir aux personnes handicapées ayant une capacité réduite de travail, une insertion professionnelle la plus proche possible des conditions du milieu ordinaire ;
- leur apporter les soutiens adéquats pour acquérir une meilleure autonomie sociale ;
- et enfin, œuvrer à l'intégration, chaque fois que possible, des travailleurs d'ESAT en milieu ordinaire.
Ce troisième axe, qui fait partie des valeurs défendues par Andicat, prend tout son sens lorsqu'il s'agit de permettre à chacun d'exercer sa pleine citoyenneté.
Je veux d'abord vous rappeler que, lors de la Conférence nationale du handicap de décembre 2014, le Président de la République a donné de nouvelles orientations à sa feuille de route en matière de politique du handicap. Deux d'entre elles concernent le secteur de travail protégé, mais aussi le secteur adapté.
La première consiste à renforcer les efforts des pouvoirs publics pour une société plus inclusive, ce qui, en matière d'emploi des personnes handicapées, consiste à concevoir des réponses et des prises en charge adaptées à la situation de chacun.
La seconde renvoie à la construction de cette société plus accueillante à la différence. Elle nous donne collectivement pour objectif de faire en sorte que les travailleurs handicapés puissent « vivre et travailler comme les autres, avec les autres ».
C'est en conservant à l'esprit ces deux principes que je vous présenterai l'action et l'ambition du Gouvernement concernant les ESAT, ainsi que la citoyenneté sociale et professionnelle des personnes handicapées.
Nous avons progressé pour ce qui concerne la première orientation assignée par le Président de la République : concevoir, pour les usagers en ESAT, des conditions les plus proches possibles de celles offertes aux salariés en milieu ordinaire.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 a prévu de sécuriser la mise en situation professionnelle au sein des ESAT, comme c'est déjà le cas en milieu ordinaire de travail. Elle étend à cette période la couverture du risque accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP). Il s'agit là de fournir aux MDPH un outil leur permettant de travailler à une orientation plus pertinente et plus proche du milieu ordinaire des personnes en situation de handicap.
Je vous sais impatients de connaître la date de publication du décret en Conseil d'Etat d'application de cette mesure. Il est à ce jour en cours de rédaction et sera bien présenté au Conseil national consultatif des personnes handicapées.
Je souhaite aussi vous dire quelques mots sur la formation.
Le droit à la formation professionnelle continue pour les usagers d'ESAT s'est beaucoup développé : plus de 80% d'entre eux contribuaient en 2014 à un OPCA, ce qui a permis de financer des actions de formation pour plus de 21 000 travailleurs handicapés en ESAT.
La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle complète le dispositif de formation existant, en reconnaissant aux travailleurs handicapés d'ESAT un droit personnel à la formation, en sus du droit collectif à l'accès à cette dernière. Ce faisant, elle leur permet de monter en compétences et de se donner les moyens d'une insertion en milieu ordinaire de travail, ou encore d'une progression personnelle.
La loi de 2014, en effet, ouvre le bénéfice du compte professionnel de formation (CPF) aux usagers d'ESAT. Vous le savez, la prise du décret prévu par la loi tarde. Cela s'explique par des difficultés de financement liées à la rédaction de la disposition législative. Pour les lever, j'étudie aujourd'hui avec la ministre du travail, Myriam El Khomri, la possibilité de retoucher la loi, et d'étendre les règles d'alimentation et de mobilisation du compte en vigueur pour les salariés.
Il apparaît également nécessaire d'adapter la liste des formations éligibles aux spécificités des travailleurs handicapés accueillis en ESAT. Ce sera fait. La réglementation les concernant doit être tout simplement la plus proche possible du droit du travail.
Je voudrais maintenant vous dire comment nous pouvons collectivement progresser vers l'emploi accompagné et positionner les ESAT dans cet exercice de la citoyenneté professionnelle.
Cet objectif s'inscrit en droite ligne de l'esprit de la loi du 11 février 2005, et prend en compte les dispositions en matière d'emploi contenues dans la convention des Nations-Unies relative aux droits des personnes handicapées ratifiée par la France en 2010. Il s'agit en effet de permettre le développement de l'insertion en milieu ordinaire de travail des travailleurs handicapés d'ESAT qui le souhaitent et dont les compétences le permettent.
La simplification du dispositif de reconnaissance de la lourdeur du handicap (RLH), intervenue par décret en début d'année, rend désormais automatique l'attribution de cette reconnaissance aux sortants d'ESAT et d'entreprises adaptées. Cela rend plus aisée leur insertion dans le milieu ordinaire de travail.
Mais, au delà, je souhaite vous parler d'un autre projet à ce jour à l'étude. Je proposerai, très prochainement, un amendement au projet de loi « travail » porté par Myriam El Khomri. Cet amendement rendra possible pour les ESAT, à partir de leur savoir-faire en matière d'appui aux personnes handicapées, d'organiser, en relation avec les ARS et le service public de l'emploi, des services de soutien à l'emploi en milieu ordinaire. J'y proposerai de surcroît une définition législative de la notion d'emploi accompagné. L'amendement précisera enfin la notion de droit au retour, laquelle est essentielle pour sécuriser les personnes handicapées souhaitant se diriger vers le milieu ordinaire de travail.
Je souhaite que vous fassiez le meilleur accueil à ma proposition encore en gestation. J'ai en effet la profonde conviction que chacun pourra en tirer parti :
- les personnes elles-mêmes, bien sûr et avant tout ;
- les ESAT, reconnus ainsi dans leur compétence « citoyenne » ;
- la société, plus ouverte à l'accueil du handicap.
Nous savons tous que créer les conditions favorables à une société plus ouverte à l'accueil du handicap dans tous ces aspects - dont l'emploi - est essentiel pour lui permettre de se saisir des questions de la conception et l'accessibilité universelles.
Enfin, l'action du Gouvernement en faveur des usagers d'ESAT ne saurait négliger les besoins et les attentes des gestionnaires des structures elles-mêmes. Ces derniers sont nombreux à dire leur souhait de se voir donner les moyens de s'adapter.
La nécessité d'adapter le métier de moniteur d'atelier à la réalité des ESAT, fait partie des demandes que j'ai entendues. L'idée est que ceux-ci ne peuvent plus se borner à aider les travailleurs handicapés, mais qu'ils doivent aussi leur faire comprendre et apprendre. C'est la raison pour laquelle une nouvelle formation des moniteurs d'atelier en ESAT est expérimentée.
Je précise qu'il s'agit d'une décision acceptée par les partenaires sociaux de la branche et qui sera financée par UNIFAF, organisme paritaire collecteur agréé par l'Etat pour collecter et gérer les fonds de la formation professionnelle continue des entreprises de la branche professionnelle sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif.
Enfin, je veux vous parler de cette réforme structurelle importante votée en loi de finances pour 2016 : l'« ondamisation » des ESAT et à la généralisation des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM).
L'objectif est de permettre, à compter du 1er janvier 2017, le financement du budget de fonctionnement des ESAT par l'ONDAM médico-social, comme les autres structures du secteur. Cela permettra d'accentuer l'évolution des ESAT ; cela leur permettra en quelque sorte de vivre ce que tous les autres établissements vivent.
Les ESAT en effet font partie de la « réponse accompagnée pour tous » et sont en conséquence appelés à adapter leur offre et leur plateau technique. Ce mouvement, je le sais, est bien engagé au sein du réseau Andicat.
Nous avons le temps et le devoir de revenir sur cette dynamique pour lui donner toute sa dimension, à la fois concertée et raisonnée. La contractualisation par les CEPOM est à la fois l'outil et l'occasion d'un dialogue sur l'évolution de l'offre d'ESAT et de coopération territoriale mettant l'accent sur l'inclusion accompagnée. Bien sûr, cela comprend en premier lieu l'analyse des besoins territoriaux ; bien sûr, cela comprend des orientations.
Pour éclairer ces évolutions, les soutenir et en tirer toutes les conséquences, j'ai souhaité engager la réforme de la tarification des établissements médico-sociaux.
Cette réforme, nommée Serafin-PH, a pour objectif, non pas de réaliser des économies, mais au contraire d'introduire plus de souplesse et d'être plus adaptée aux besoins des personnes, ainsi qu'au mode de fonctionnement des ESAT. Cette réforme est dans l'esprit des valeurs qu'Andicat défend ; je vous invite à en être partenaires.
Nous avons déjà franchi une étape majeure, car la nomenclature des besoins et des orientations est établie.
Elle va être testée en 2016 auprès des différentes catégories d'établissements et services sur la base du volontariat. Parallèlement, une étude de coûts est lancée, toujours sur la base du volontariat : l'objectif est de voir si ces nomenclatures permettent de refléter la réalité des dépenses engagées pas les établissements et services sociaux et médico-sociaux.
Cette nomenclature des besoins et des prestations est dynamique ; elle prend la mesure des prestations directes et indirectes nécessaires pour couvrir les besoins des personnes, en faisant une large place à l'inclusion et à la participation sociale. Elle sera bien sûr expérimentée et adaptée si nécessaire aux ESAT. Là encore, je ne doute pas de votre engagement sans faille.
Je ne vois pas à ce jour à quel modèle tarifaire nous aboutirons ensemble ; il est clair qu'il nous faut sortir de la situation actuelle où nous n'avons pas d'outils partagés, pas de dialogue… et en conséquence pas d'équité dans l'attribution des moyens.
Pour conclure, il me reste, Monsieur le Président, à vous dire que je serai toujours à vos côtés pour conforter les ESAT dans l'ensemble de leurs dimensions. Les ESAT sont au cœur de la politique que nous menons pour que les personnes handicapées soient pleinement intégrées dans la société ; je connais votre capacité d'innovation !
Je vous remercie personnellement pour votre implication et remercie vos adhérents pour leur action au quotidien en faveur de l'exercice de la citoyenneté des personnes handicapées.
Source http://social-sante.gouv.fr, le 12 avril 2016