Déclaration de M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, sur le renforcement du plan Vigipirate, les instructions données aux préfets pour sa mise en application et sur la coopération internationale dans la lutte contre le terrorisme, à l'Assemblée nationale le 14 septembre 2001.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Réunion de la Commission de la défense nationale et des affaires étrangères à l'Assemblée nationale, après les attentats aux Etats-Unis le 11 septembre 2001

Texte intégral

Messieurs les présidents,
Mesdames et messieurs les députés,
Je tiens bien évidemment, en ce jour de deuil national, à m'associer à la douleur du peuple américain. Je pense aux victimes innocentes et à leurs familles.
J'ai une pensée toute particulière pour tous les policiers et pompiers morts ou blessés en portant secours à ces victimes.
Ces actes effroyables de terrorisme ne peuvent qu'inspirer horreur, mais aussi colère et indignation.
Prenons garde, cependant, à ne pas mélanger cette réaction légitime avec la haine de l'autre, à ne pas confondre terrorisme fondamentaliste et Islam.
Nous avons tous ensemble un devoir de protéger la cohésion nationale.
Dès la connaissance de l'ampleur de ce drame, j'ai proposé à nos amis américains, par l'intermédiaire de mon collègue ministre des Affaires étrangères, de mettre à leur disposition nos capacités d'intervention en matière de sauvetage.
Trois détachements d'intervention de catastrophe aéromobiles ont été mobilisés à cet effet et sont prêts à partir à tout moment, dès que les autorités américaines auront donné leur accord.
Même si nous n'avons pas de menaces identifiées contre notre pays, nous avons le devoir de faire preuve de vigilance et de précaution pour assurer la sécurité des Français.
C'est pourquoi le Premier ministre a décidé sur ma proposition de déclencher, le mardi 11 septembre à 17 heures, le plan "vigipirate" renforcé.
Comme vous le savez, l'objet de ce plan est de prévenir les menaces ou de réagir aux actions susceptibles d'être engagées par des terroristes.
La procédure "vigipirate renforcé" a déjà été mise en uvre en septembre 1995 et en décembre 1996 à la suite des attentats commis dans notre pays. Ce plan n'avait pas été formellement levé, mais il était en réalité au stade simple depuis 1997.
Le dispositif est donc réactivé au plus haut niveau.
Dès le 11 septembre au soir, j'ai donné trois instructions principales aux préfets :
Renforcer la surveillance et les contrôles autour des locaux diplomatiques américains et israéliens et dans les aéroports, les gares, les transports publics et les bâtiments publics pouvant représenter des cibles.
Réunir et sensibiliser les responsables des établissements publics ou privés accueillant du public nombreux et qui doivent notamment mettre en place un contrôle des accès, adapté aux circonstances.
Rencontrer les responsables des différentes communautés afin de prendre toutes mesures préventives pour éviter des heurts intercommunautaires et assurer la sécurité des lieux de culte.
Il y a toujours en pareille circonstance un risque que des actes provocateurs soient dirigés contre des édifices cultuels. La mise en uvre du plan "vigipirate" apporte, à cet égard, des réponses bien précises en termes de protection qui sont d'autant plus nécessaires que nous approchons de deux moments forts de l'année pour le Judaïsme, à savoir Rosh Ashana et Yom Kippour.
J'ai moi-même rencontré hier les représentants des communautés juive et musulmane et je veux rendre ici un hommage à leur sens des responsabilités.
Aussitôt après ces entretiens, j'ai donné des instructions particulières aux préfets.
Par ailleurs, ceux-ci sont en contact direct et permanent avec les maires, pour la mise en place du dispositif dans les communes, et ont déjà réuni leurs partenaires institutionnels et les acteurs économiques et sociaux.
S'agissant des moyens mis en uvre, le centre opérationnel du ministère de l'Intérieur et les centres zonaux ont été activés dès mardi soir.
Au niveau national, des effectifs supplémentaires ont été mobilisés pour renforcer l'action de la sécurité publique et de la gendarmerie nationale :
2 360 CRS et 1 300 gendarmes sont aujourd'hui engagés dans "vigipirate".
910 militaires sont également venus renforcer les forces de l'ordre.
En ce qui concerne Paris et la région parisienne, les moyens supplémentaires représentent l'engagement de 1 000 fonctionnaires des CRS et gendarmes mobiles, ainsi que 600 militaires.
A cela s'ajoute la mobilisation de l'ensemble des services de police en Ile-de-France, soit l'équivalent de 5 000 hommes en permanence sur le terrain.
En ce qui concerne les policiers, j'ai reçu jeudi matin les responsables de leurs organisations syndicales pour les informer des mesures prises et des conséquences de la mise en place de "vigipirate renforcé" qui va entraîner pour eux un effort supplémentaire susceptible de s'inscrire dans la durée.
Ils ont tous adhérés aux mesures prises pour assurer la sécurité des Français.
Je souhaite, devant vous, redire ma confiance à la Police Nationale qui a toujours fait face à ses missions, notamment quand les circonstances sont exceptionnelles, et su répondre ainsi à l'attente des Français.
J'ai également réuni, mercredi matin, le comité interministériel de lutte antiterroriste, et je suis informé à tout moment de l'évolution de la situation.
Je peux vous assurer de l'intense mobilisation de nos services de renseignement qui travaillent dans un excellent esprit de coopération avec les services américains, et avec ceux des autres pays européens. Vous comprendrez que je ne puisse m'exprimer de façon plus précise sur ce sujet.
Pour m'assurer de la mise en uvre du dispositif, je suis allé sur le terrain rencontrer les personnels et j'ai réuni hier les préfets d'Ile-de-France.
A la suite de ces contacts et afin de maintenir intacte la capacité opérationnelle des forces de sécurité, j'ai demandé le report ou la suppression de plusieurs manifestations se déroulant sur la voie publique et consommatrices d'effectifs.
C'est ainsi qu'en accord avec ma collègue de la culture, la journée du patrimoine a été reportée à une date ultérieure. Il en est de même pour la techno-parade.
De plus, lors de ma rencontre avec les différentes communautés religieuses, j'ai demandé à ce que tout soit fait pour ne pas créer de situations susceptibles d'engendrer des tensions, en particulier entre communautés.
En conclusion, je voudrais vous faire part de deux enseignements que je retire de ces événements :
- d'abord, la capacité de notre pays à faire face à une situation exceptionnelle.
Les services de l'Etat, mais aussi les maires, toutes les personnes publiques ou privées ayant une part de responsabilité en matière de sécurité ont démontré une remarquable capacité de réaction pour prendre sans délai les mesures appropriées.
S'agissant plus particulièrement des services de police, je veux souligner l'atout majeur que constitue en pareil cas l'existence d'une police nationale, du fait de l'unité de commandement et de la possibilité de déployer immédiatement les moyens là où ils sont nécessaires.
- le deuxième enseignement, c'est que, quelque soit le niveau de mobilisation de tous les services publics, la sécurité des Français dépend aussi du comportement de chacun : vigilance, calme et sang froid, esprit de responsabilité, telles sont les qualités qui sont indispensables et dont les Français une nouvelle fois ont su faire preuve dès que sont survenus ces dramatiques événements.
Ce civisme sera notre principale force dans les jours et les semaines qui viennent.
(Source http://www.interieur.gouv.fr, le 20 septembre 2001)