Texte intégral
Discours devant la communauté française le 17 juin 1998
Mesdames et Messieurs les Représentants au CSFE,
Monsieur l'Ambassadeur, Mme Bujon de l'Estang,
Mesdames et Messieurs,
Je tiens tout d'abord à vous dire la joie qui est la mienne de vous rencontrer ici, à l'ambassade de France, aux toutes premières heures de ma visite officielle aux Etats-Unis, en compagnie de mon épouse, des ministres Claude Allègre et Dominique Strauss-Kahn, et du président du Groupe d'amitié France-Etats-Unis à l'Assemblée nationale, André Vallini. Hubert Védrine nous rejoindra demain, car il représente aujourd'hui à Rome la France à l'importante Conférence internationale qui doit créer une Cour pénale internationale permanente.
Je sais que beaucoup d'entre vous résidez depuis de longues années ici en terre américaine et que, si vous y avez vos habitudes, vous n'en demeurez pas moins attachés à la France, à sa culture et à ses traditions et que vous continuez à en suivre l'actualité politique, économique et sociale. Vos activités s'étendent à tous les secteurs et en particulier aux activités de pointe. Vous êtes donc naturellement un trait d'union, un maillon essentiel dans la relation entre nos deux pays.
Et vous êtes bien placés pour juger de son caractère unique, de sa solidité comme de ses aléas. Ces relations franco-américaines reposent sur une tradition de valeurs partagées, de liberté et de démocratie et sur une solidarité profonde qui ne s'est jamais démentie dans les heures d'épreuves majeures.
Etablis dans un pays immense, puissant et dynamique, vous formez une communauté particulièrement qualifiée et pleine d'allant, une communauté importante par le nombre - on l'estime à plus de 250.000 personnes - qui figure au premier rang de celles établies hors d'Europe.
Trop souvent encore, la France est perçue ici avant tout sous, au contraire, son aspect traditionnel du pays de l'élégance et du bien-vivre. Sans être négative, cette image est un peu réductrice, elle ne rend pas compte de la réalité française d'aujourd'hui et ne fait pas justice à notre pays. Elle ne reflète ni la modernité technologique et industrielle de notre économie, ni le haut niveau de notre recherche scientifique, ni la vitalité de notre culture.
A travers votre action, au contact quotidien d'interlocuteurs américains avec qui vous traitez d'égal à égal, vous démontrez que la France est, pour les Etats-Unis, un partenaire sérieux, efficace, avec qui peuvent être développés des échanges mutuellement bénéfiques.
A tous et à toutes, je voudrais dire la reconnaissance et l'estime de nos compatriotes de métropole pour le rôle que vous jouez, de ce côté-ci de l'Atlantique, afin de faire connaître et respecter la France.
Les Etats-Unis ont toujours été un lieu de curiosité et d'enrichissement pour les jeunes Européens et je constate que les jeunes Français sont aujourd'hui plus nombreux à comprendre que la mobilité est un atout pour eux. Mais elle est aussi un atout pour notre pays, parce que nos jeunes compatriotes expatriés gardent des liens étroits avec la France et qu'ils reviennent riches d'une expérience qui constitue une valeur ajoutée certaine, en particulier pour les entreprises qui les embauchent.
Le gouvernement a d'ailleurs pris des mesures pour faciliter le retour des jeunes diplômés expatriés, qu'ils soient salariés ou créateurs d'entreprises : aide au capital-risque, aide aux entreprises de croissance, notamment grâce à la mise en place d'un régime de "stock-options" spécifiques aux jeunes entreprises, mise en place aussi d'un plan d'action pour la société de l'information qui mette en valeur le gisement potientiel d'emplois que constitue le secteur des technologies de l'information et de la communication.
Le ministre de l'Education, de la Recherche et de la Technologie a décidé de faciliter le retour des jeunes chercheurs en stage post-doctoral à l'étranger. Leur nombre a presque doublé depuis 1989 et il était donc essentiel d'inverser la tendance passée : l'objectif du gouvernement est de proposer sur deux ans plus de 6.000 emplois à ces docteurs.
Mes chers compatriotes, vous devinez mon attachement à la promotion de la langue et de la culture françaises. Elles jouissent ici d'une grande estime, comme l'ont montré plusieurs expositions remarquables ou quelques films français, même si ces derniers n'ont touché que partiellement le grand public. Des efforts vigoureux doivent cependant être poursuivis pour mieux faire connaître notre art contemporain et pour développer l'enseignement de notre langue.
Ne nous y trompons pas, ce n'est pas seulement l'affaire des autorités publiques, à travers les Alliances françaises et le réseau éducatif à programme français. Il nous revient à tous, dans notre vie quotidienne comme à travers nos activités professionnelles, de contribuer à la défense de notre bien commun.
Dans le domaine universitaire, scientifique et technique, M. Claude Allègre conduit une politique destinée à faire connaître nos potentiels à nos partenaires américains et à développer les échanges entre chercheurs des deux pays.
Dois-je rappeler ici que les Etats-Unis sont, et de loin, notre premier partenaire scientifique et, qu'en sens inverse, la France est leur cinquième partenaire dans ce domaine.
Pour tenter de parfaire la connaissance de notre communauté et de ses attentes, nous souhaitons que se tissent, au-delà des mécanismes institutionnels, des liens plus directs et plus étroits entre nos Consuls et ceux de nos compatriotes qui choisissent de ne pas se faire immatriculer.
Il me paraît important de préserver la spécificité et la cohésion de notre communauté, dans ses diversités, à l'instar des autres grandes communautés européennes. Nous disposons d'un réseau consulaire très dense et nous nous efforçons de le préserver malgré les contraintes budgétaires fortes : je souhaite qu'il puisse être mieux mis à profit par tous.
C'est pourquoi ce réseau s'applique à améliorer l'accueil du public et se met à l'heure d'Internet, se rapprochant de vous et en s'efforçant de vous aider à surmonter plus aisément l'obstacle des grandes distances qu'il faut si souvent franchir dans ce pays.
Les Français des Etats-Unis sont, je le sais, confrontés à un certain nombre de problèmes concrets auxquels le gouvernement s'applique à trouver des solutions. Cela concerne en particulier la fiscalité, suite à l'adoption de la nouvelle Convention fiscale dont l'application ne doit pas avoir d'effets injustement pénalisants pour certains contribuables.
De même, le ministre de l'Economie et des Finances, Dominique Strauss-Kahn, recherche-t-il des solutions satisfaisantes aux problèmes posés, en matière de succession, aux étrangers conjoints de ressortissants américains.
Le réseau scolaire français aux Etats-Unis est important et nous savons l'effort financier souvent très lourd des parents pour assurer à leurs enfants une formation scolaire leur permettant de poursuivre un cursus normal au retour en France. L'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger apporte aussi un concours très significatif aux établissements scolaires à programme français, en prenant en charge les professeurs détachés ainsi qu'en octroyant des bourses scolaires dont l'enveloppe a été encore augmentée de 7 millions de francs en 1997 par le gouvernement. Il faut maintenant obtenir une stabilisation des frais de scolarité, dont la progression devrait être encadrée.
Rester informé de l'actualité française et mondiale en français par des média français est, je le sais, une des attentes de la communauté française et francophone aux Etats-Unis. Je souhaite donc vous redire l'importance que le gouvernement attache à l'action audiovisuelle extérieure de la France : le ministre des Affaires étrangères y porte une attention particulière et c'est l'une de ses priorités pour 1998 et 1999.Il me semble que ces efforts commencent à porter leurs fruits aux Etats-Unis. La diffusion par satellite des émissions de TV5-USA met désormais à la portée de la plupart la réception d'émissions télévisées francophones de qualité. Ceci est également vrai pour les émissions de Radio-France internationale diffusées par le même satellite que TV5-USA.
Je ne voudrais pas omettre enfin, en m'adressant à vous ici, d'insister sur l'importance que revêt le vote des Français de l'étranger et sur le rôle du Conseil supérieur des Français de l'étranger. Il s'agit d'une institution importante de la République et je compte d'ailleurs présider à l'ouverture de ses travaux à l'automne prochain.
Un mot pour finir sur l'actualité en France. La volonté de changement que j'entends porter se résume ainsi : faire entrer notre pays dans la modernité.
La France ne doit pas avoir peur de la mondialisation, même si certains de nos compatriotes sont légitimement inquiets des dérives qui peuvent l'accompagner.
La modernité n'oppose pas l'efficacité économique et la justice sociale, elle fonde l'une sur l'autre. Elle doit faire une place à chacun au sein d'une économie qui gagne. Je ne veux pas d'une société d'assistance. Je veux une société du travail : une société qui offre à tous la possibilité de s'épanouir dans une activité professionnelle et de contribuer au succès économique de la Nation.
En une année, le gouvernement a, je le crois, ouvert la voie. En nous appuyant sur le dynamisme des Français, non en vilipendant leur supposé conservatisme, nous avons mené de front modernisation économique et modernisation sociale.
Nous avons remis de l'ordre dans nos finances publiques, parce que nous savons que la dette bride la capacité d'action de l'Etat, et nous avons stabilisé le niveau des prélèvements obligatoires.
Nous avons rétabli la confiance, et avec elle est revenue la croissance économique.
Ces résultats ont permis à la France de se lancer dans de bonnes conditions, avec dix partenaires européens, dans la création d'une monnaie unique - l'euro. En Europe, l'euro servira la croissance et contribuera à la lutte contre le chômage. Au-delà de l'Europe, il a vocation à devenir un instrument de stabilité, une monnaie internationale au même titre que le dollar.
Dans le même temps, nous avons relancé la modernisation sociale de notre pays. La crise asiatique démontre, s'il en était besoin, que l'économie ne se bâtit pas contre les aspirations sociales de l'Homme. Nous avons mis un coup d'arrêt au chômage des jeunes. Nous avons enrichi le contenu de la croissance en emplois en encourageant la réduction négociée du temps de travail, avec pour objectif de parvenir aux 35 heures heddomadaires. Nous avons entrepris le retour à l'équilibre de nos comptes sociaux, conscients que la pérennité de notre système de protection sociale réside dans sa bonne gestion.
Tout ceci, nous l'avons fait selon une certaine méthode de gouvernement. Dans le respect des prérogatives constitutionnelles du président de la République, le gouvernement travaille en conservant à l'esprit une conviction forte : c'est le peuple qui fixe le cap d'une politique. Parce que c'est la règle dans une démocratie authentique, mais aussi parce que c'est efficace. La société française se crispe, se bloque, se cabre, lorsqu'elle sent que lui sont imposés des changements dont le sens ne lui a pas été expliqué. Je veux au contraire mener ce travail d'explication, d'où naît la confiance, pour que mon pays puisse connaître une évolution moins heurtée vers la modernité.
Mon gouvernement est composé de personnalités fortes - il est collégial car il débat librement et régulièrement en son sein -, il est exécutif car il décide et agit après l'arbitrage du Premier ministre. Ainsi se dessine le changement que j'ai le plus à coeur - le plus important, le plus délicat : le changement des mentalités et des comportements, nécessaire pour changer les réalités. Les réformes politiques que j'ai lancées contribueront à l'instauration d'un cadre institutionnel mieux équilibré. Je cite pour exemple la limitation stricte du cumul des mandats électifs ou le mode d'élection des sénateurs ou l'inscription de la parité hommes-femmes dans la Constitution.
Fondée sur le travail, le respect et la confiance, cette méthode veut prouver qu'il y a place en France pour la réforme. Une réforme discutée, préparée, expliquée, acceptée, puis résolument appliquée. Car je veux réduire l'écart, trop fréquent en politique, entre le discours et les actes.
Cette méthode s'appuie sur une culture du réalisme. Le réalisme, ce n'est ni le minimalisme politique, ni la fin du volontarisme, ni l'absence de vision.
C'est laisser à l'Etat ce qu'il peut seul accomplir, mais encourager les autres acteurs à prendre leurs responsabilités. Car la démocratie politique doit aller de pair, par le biais du paritarisme et de la négociation, avec la démocratie sociale.
La France est un pays prospère et dynamique, attractif et innovant, fort de ses atouts, conscient de ses faiblesses - et déterminé à y remédier -, soucieux de sa cohésion.
La France maintient sa position de quatrième puissance économique. Elle est même aujourd'hui le deuxième producteur de services. Le niveau de vie de ses habitants, leur éducation et leur espérance de vie sont parmi les plus élevés du monde.
En 1997, l'excédent de l'ensemble des échanges extérieurs de la France a dépassé 250 milliards de francs, soit 3,2 % du PIB. Voilà un indicateur fort de notre compétitivité.
Et la France est attractive. Pas seulement pour les touristes, qui la plébiscitent chaque année. La France est la troisième destination mondiale d'investissements directs.
C'est sur ce constat optimiste que je voudrais conclure : la France est un pays résolument moderne, la France ne craint pas le monde et les bouleversements économiques qui le transforment. Pour mieux tirer parti de cette globalisation, la France change. A ce changement, avec tous les Français, le gouvernement travaille, avec rigueur, avec méthode, avec application. Il inscrit son effort dans la durée.
Sans rien oublier de son passé, sans brusquer le présent, la France prépare son avenir. Un avenir en lequel je vous appelle à avoir confiance.
Vive la France !
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 juin 2001)
Intervention le 19 juin 1998 au "National Press Club"
Mesdames, Messieurs,
"J'avoue que dans l'Amérique, j'ai vu plus que l'Amérique", écrivait Alexis de Tocqueville dans "De la démocratie en Amérique". Les Français d'aujourd'hui, quand ils voient ce qu'est devenue la jeune nation américaine, restent fondés à penser que les Etats-Unis représentent, dans la réalité mondiale, plus qu'eux-mêmes.
Répondant avec plaisir à l'invitation du président Clinton, et sans prétendre que puisse être transposée la formule de Tocqueville, j'aimerais assez espérer, en vous parlant un peu de la France, en elle-même et dans ses rapports avec vous, que vous voyiez plus que la France : une ambition pour l'Europe, une conception du monde et une certaine idée de l'action politique.
Une chose n'a pas changé depuis la venue à Paris de Benjamin Franklin : l'alliance de nos deux peuples unis, en une communauté de destin qui puise sa vitalité à la source des Droits de l'Homme. Ceux que vous vous êtes donnés, le 4 juillet 1776, face à l'occupant de l'époque ; ceux que nous avons proclamés, le 26 août 1789, face à l'Europe monarchique ; ceux enfin que nous avons, ensemble, universellement déclarés, le 10 décembre 1948 . et dont nous fêtons cette année le cinquantenaire.
C'est pour défendre ces Droits de l'Homme contre l'oppression politique que nous avons, hier, combattu côte à côte. Le marquis de La Fayette à Yorktown, en 1781 ; le général Pershing sur la Marne, en 1918 ; le général Eisenhower en Normandie, en 1944 : autant de figures héroïques qui incarnent les temps forts de notre histoire partagée.
La France se souvient avec émotion et gratitude de ce qu'elle doit aux combattants américains qui, par deux fois, l'ont secourue contre l'envahisseur. Chaque Français porte en lui sa reconnaissance et son admiration pour le peuple américain. Dès mon arrivée à Washington, j'ai ainsi tenu à m'incliner sur la tombe du général Pershing, au cimetière national d'Arlington, alors que nous célébrerons en novembre prochain le quatre-vingtième anniversaire de la fin de la Première guerre mondiale.
Ces épreuves ont trempé notre amitié. Forts de la conviction que la liberté est notre bien commun, que la démocratie favorise le développement économique, que la société internationale doit s'organiser pour garantir une paix durable et une plus grande solidarité entre les nations, nous continuons, ensemble, ce combat. Proche-Orient, Afrique, Asie, Amérique centrale, Europe : il n'est pas de région où nos forces n'aient, ces dernières années, combattu ensemble. Elles ont payé un lourd tribut à la paix du monde. Je tiens ici à rendre un hommage solennel à leur résolution et à leur courage.
Riche de ces moments de concorde, forte de ces valeurs partagées, fortifiée par ces épreuves, la relation entre nos deux pays est exceptionnelle. Je ne veux pas qu'elle soit entachée de doutes ou de malentendus. Je ne dois pas pour autant occulter nos différences.
Les Etats-Unis sont un immense pays, dont la géographie recèle les paysages les plus extrêmes et dont le sol concentre, à profusion, les ressources naturelles de la puissance. La France, elle, est un espace plus mesuré, fait d'équilibre, un carrefour au sein de l'Europe, une terre qui a dû, très tôt, chercher ailleurs que dans son propre "hexagone" les moyens de son développement. Les Etats-Unis restent une jeune nation, tandis que la France retrouve les traces de son effort vers l'unité dès le XIème siècle de notre ère.
Ce long travail d'unification, au sein d'un continent chargé d'ambitions et de rivalités, s'est accompli chez nous par l'Etat. Celui-ci s'est bâti et fortifié pour que la France soit une. Il a précédé et façonné notre nation. Aux Etats-Unis, c'est la société civile qui a eu le premier rôle dans le développement de l'immense territoire américain et dans l'édification de votre nation.
Si ces différences demeurent, elles se transcendent dans un projet similaire. Les Etats-Unis et la France sont en effet deux nations qui, historiquement, ont voulu s'inscrire dans une mission universelle. Pour porter leur message à travers le monde, elles se sont largement ouvertes à lui : terres d'accueil depuis les origines, elles ont intégré, chacune à leur manière, ceux qui faisaient le choix de venir contribuer à la construction de l'édifice national. Elles ont surtout développé une tradition forte d'intervention dans les affaires du monde. Souvent ces interventions nous ont réunis. Quelquefois elles ont créé le débat. Jamais elles ne nous ont conduits à nous affronter.
Mon peuple - comme le vôtre - est conscient de son passé, de sa tradition, de son art de vivre. Il a ses traits caractéristiques. Il est attaché à son identité.
La France a son histoire, sa culture, sa langue - auxquelles elle tient. Mais, ne vous laissez pas abuser par la caricature selon laquelle, sous le poids de singularités considérées comme autant de défauts, elle ne saurait s'adapter au monde qui vient. La France reconnaît la nécessité du changement. Mieux, elle le met en oeuvre et mon gouvernement en a aujourd'hui la charge.
J'entends réaliser ce changement - et c'est la condition même de son succès -en m'appuyant sur les caractères de l'identité française. Pour réformer un pays, rien ne sert de vouloir lui imposer un modèle étranger. Il faut au contraire inventer une voie propre, qui tienne compte de sa réalité économique, de sa situation sociale, de sa tradition politique et culturelle. C'est pourquoi je regarde mon pays tel qu'il est, pour le faire bouger. Je prends les Français comme ils sont. Je ne leur fais pas la leçon. Ce n'est ni contre eux, ni sans eux, mais avec eux, que j'entends conduire le changement nécessaire.
Prenons un exemple : celui des nouvelles technologies de l'information. Il s'agit là d'un enjeu économique, mais aussi culturel et politique, un enjeu pour l'avenir. Dans votre pays, ce sont les entreprises qui, d'elles-mêmes, se sont mobilisées pour relever ce défi. Chez nous, il a fallu que mon gouvernement adopte une attitude volontariste et donne l'impulsion, pour que nombre d'entreprises se mettent en mouvement. Aujourd'hui, la France est en train de rattraper son retard. Elle le fait à sa manière mais elle le fait.
La volonté de changement que j'entends porter se résume ainsi : faire entrer mon pays dans la modernité.
La France n'a pas peur de la mondialisation, même si certains de mes compatriotes sont légitimement inquiets des dérives qui peuvent l'accompagner. Je crois d'ailleurs que c'est aussi le cas chez vous.
Mon peuple veut une modernité qui concilie la raison et le coeur. Une modernité qui n'oppose pas efficacité économique et justice sociale, mais qui fonde l'une sur l'autre. Une modernité qui fasse une place à chacun au sein d'une économie qui gagne. Je ne veux pas d'une société d'assistance. Je veux une société du travail : une société qui offre à tous la possibilité de s'épanouir dans une activité professionnelle, de réussir sa vie et de contribuer au succès économique de la Nation.
En une année, mon gouvernement a, je le crois, ouvert la voie. En nous appuyant sur le dynamisme des Français, en refusant de stigmatiser leur supposé conservatisme, nous essayons de mener de front modernisation économique et évolution sociale.
Nous avons remis de l'ordre dans nos finances publiques, parce que nous savons que la dette bride la capacité d'action collective. Nous avons stabilisé le niveau des prélèvements obligatoires - et nous le baisserons dès que cela sera possible. Nous avons pris appui sur une meilleure conjoncture économique mais avons rétabli la confiance, et avec elle est revenue la croissance économique, une croissance forte, saine et que je crois durable. Nous avons mis un coup d'arrêt au chômage des jeunes. Nous avons enrichi le contenu de la croissance en emplois en encourageant la réduction négociée du temps de travail. Nous avons entrepris le retour à l'équilibre de nos comptes sociaux, conscients que la pérennité de notre système de protection sociale réside dans sa bonne gestion. Tout cela n'allait pas de soi.
Ces résultats ont permis à la France de se lancer dans de bonnes conditions, avec dix partenaires européens, dans la création d'une monnaie unique - l'euro. Pour la première fois dans l'histoire de ce siècle, des peuples souverains ont décidé de mettre en commun l'une de leurs prérogatives essentielles en se dotant d'une monnaie commune. En Europe, l'euro servira la croissance et contribuera à la lutte contre le chômage. Au-delà de l'Europe, il a vocation à devenir un instrument de stabilité, une monnaie internationale au même titre que le dollar.
Dans le même temps, nous avons relancé la modernisation sociale de notre pays. J'insiste : précisément dans le même temps - car nous devons faire marcher de concert l'économique et le social. La crise asiatique démontre, s'il en était besoin, que l'économie ne se bâtit pas contre les aspirations sociales ou démocratiques de l'Homme. La globalisation est une chose - un mouvement puissant, profond, de long terme, qui vient modifier les conditions de la production. J'en prends acte et veux que mon pays en tire parti. Le "globalisme" en est une autre - une idéologie qui cherche à s'imposer à tous les domaines de la vie sociale en se parant des attributs incontestables de l'ordre naturel. Ne confondons pas tout. Oui à l'économie de marché. Non à la société de marché.
Si mon gouvernement porte des valeurs, a des convictions, il ne fait pas d'idéologie. Il est réaliste. Il essaie d'être efficace. Les questions sont traitées au fond, et sérieusement, dans le respect des engagements pris devant le peuple, mais aussi dans l'intérêt général. Je ne crois pas que la politique doive être une profession. Mais j'essaie d'exercer avec professionnalisme les responsabilités qui m'ont été confiées par le peuple.
Aujourd'hui, il me semble que mes concitoyens ont davantage confiance en leur pays, en leur gouvernement, en leur économie, en leur propre capacité à relever les défis qui nous font face. Ils ont raison d'avoir confiance.
Car la France est un pays prospère et dynamique, attractif et innovant, fort de ses atouts, conscient de ses faiblesses et en particulier de son chômage trop élevé, avec ses conséquences sociales - mais déterminé à y remédier.
La France maintient fermement sa position de quatrième puissance économique mondiale. Elle est même aujourd'hui le deuxième producteur de services. Le niveau de vie de ses habitants, leur éducation et leur espérance de vie sont parmi les plus élevés du monde. En 1997, l'excédent de l'ensemble des échanges extérieurs de la France a dépassé 250 milliards de francs, soit 3,2 % du PIB. Voilà un indicateur fort de notre compétitivité.
D'ailleurs, la France est attractive. Pas seulement pour les touristes, qui la plébiscitent chaque année. La France est la troisième destination mondiale d'investissements directs. Ces implantations d'entreprises, qui plus est, sont de haut niveau technologique. Les entreprises étrangères font le choix de la France parce qu'elles savent qu'elles y bénéficieront d'infrastructures, d'équipements, de technologies, de services publics très performants et surtout, d'une main d'oeuvre qualifiée, grâce à une système éducatif de qualité. Tels sont nos atouts.
Certes, notre main d'oeuvre n'est pas plus chère que dans certains pays. Elle est surtout mieux formée, plus compétente, plus rapide, plus compétitive. La France n'a pas vocation à concurrencer les pays émergents par ses coûts de main d'oeuvre. Elle a par contre l'ambition de fournir une offre de travail peut être plus chère mais qualifiée et qui permet de réaliser des profits importants. Les entreprises étrangères ont bien compris leur intérêt.
Le passage progressif aux 35 heures s'inscrit dans ce contexte. Certains ont cru bon d'évoquer à ce sujet une sorte de "suicide économique". A ce compte-là, la France se serait déjà "suicidée" six fois en 150 ans, en réduisant la durée hebdomadaire du travail de 84 heures en 1848, à 39 en 1982...
Ce passage aux 35 heures se fait grâce à l'impulsion de l'Etat mais pas par l'Etat. Nos relations sociales ont toujours eu besoin de l'intervention de l'Etat. C'est ainsi. Je fais avec. L'important est que le passage aux 35 heures lance une grande vague de négociations entre patronats et syndicats, d'où ressortiront des créations d'emplois, mais aussi plus de souplesse dans le fonctionnement de l'appareil de production. Car, contrairement à ce que je lis parfois, personne ne sera obligé de travailler exactement 35 heures. Je vous le dis sereinement : les 35 heures sont un outil de modernisation qui conjugueront évolution de l'appareil productif et progrès social.
Quant aux entreprises françaises, confortées par ces atouts internes, elles se répandent à travers le monde. Des petites et moyennes entreprises, implantées dans nos terroirs, vendent leurs produits aux quatre coins de la planète. Des géants mondiaux, leaders dans leur secteur, portent nos couleurs. Nos entreprises rachètent des entreprises étrangères, y compris aux Etats-Unis.
Loin de moi, cependant, l'idée de faire un panégyrique de mon pays.Si la France peut être fière de sa recherche scientifique - toujours vive, comme en témoignent, entre autres, nos Prix Nobel successifs en physique -, une difficulté réside, par exemple, dans l'interface entre la recherche et l'appareil productif. Je n'ignore pas le dynamisme avec lequel l'économie américaine réussit à créer des emplois grâce aux innovations technologiques. C'est pourquoi mon gouvernement entend rapprocher les cultures scientifique et entrepreneuriale. La simplification des démarches administratives, l'encouragement des sociétés de capital risque, l'appui aux nouvelles technologies sont autant de mesures qui permettront à la France de demeurer à la pointe de l'innovation.
Vous voyez que la France est, en réalité, bien éloignée des constats moroses que dressent certains.
Je ne sépare pas la France de l'Europe. L'Europe est la médiation naturelle entre la France et le monde.
L'Europe est pour la France, comme pour tous les autres Etats membres, un espace partagé, une nécessité historique, un projet politique. L'Europe offre au monde l'exemple vivant d'un continent apaisé, réconcilié, fort de son unité. L'Union européenne n'est pas une forteresse. Elle n'est pas la rivale des Etats-Unis. Elle est son partenaire le plus important. Un partenaire qui a sa propre vision des choses, ses intérêts à défendre, son avenir à bâtir. Mais un partenaire, et un ami.
Le monde à la construction duquel la France et l'Europe veulent contribuer est un monde multipolaire. Un monde dans lequel nous puissions réagir promptement, dans la concertation et l'efficacité, aux crises économiques qui menacent d'effondrement des pays entiers, comme l'ont montré les crises récentes en Corée du Sud, en Thaïlande, en Indonésie.
La France ne refuse en aucune façon la mondialisation de nos économies et la globalisation des problèmes. Mais qui dit globalisation des problèmes, dit globalisation des solutions. Qui dit mondialisation, dit régulation mondiale et multilatéralisme. C'est naturellement dans la sphère économique, commerciale et financière que cette exigence est la plus forte. Les crises financières, en Asie ou ailleurs, témoignent à la fois d'un certain dérèglement des marchés, qui légitime l'action des gouvernements et la nécessité d'une régulation économique mondiale, au centre de laquelle se trouvent le FMI et le G7. La France a confiance dans l'action des institutions économiques internationales, en particulier le FMI et l'OMC.
De façon plus générale, nous réaffirmons notre soutien au système des Nations unies et un recours à des procédures agréées de règlement négocié des différends politiques ou commerciaux.
Pour construire un monde de paix, de liberté et de développement économique, les Etats-Unis se retrouveront avec leur partenaire historique, la France, et avec l'Union européenne. Tel est le sens de l'engagement de mon gouvernement depuis un an et de l'action diplomatique qu'il conduit en accord avec le président de la République, Jacques Chirac.
Depuis la disparition de l'affrontement entre l'Est et l'Ouest, un risque nous guette : celui de croire que nous pouvons créer une barrière étanche entre le Nord et le Sud. Aucun être humain, aucun groupe, aucun pays ne peut vivre retranché des autres. Nous vivons désormais au sein d'un immense réseau ou individus et sociétés sont interconnectés et s'influencent les uns les autres. Plus que jamais, l'intuition de Christopher Marlowe au XVIème siècle se vérifie : "aucun homme n'est une île" ("no man is an island"). Notre richesse, notre croissance, nos niveaux d'éducation et de santé ne nous protègent pas du malheur des autres et ne sauraient justifier que nous nous en désintéressions.
Les Droits de l'Homme, valeur universelle, constituent pour l'action de mon gouvernement une référence permanente. Leurs violations doivent être dénoncées sans restriction, où qu'elles se produisent. Mais nous devons convaincre tout autant que condamner. Le dialogue doit constituer la règle, l'affrontement l'exception.
Pour notre part, nous avons résolument défini de nouveaux modes de travail avec les Tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda et nous nous sommes prononcés sans ambiguïté pour la création d'une Cour pénale internationale permanente. Nous avons une responsabilité particulière, vous comme nous, à l'égard de la Conférence diplomatique de Rome : en assurer le succès.
Au sujet de l'Afrique, j'ai pu constater, à Washington, combien Américains et Français partagent le même souci d'éviter les concurrences stériles et la même volonté de travailler de manière convergente en faveur d'un développement durable, dans l'ouverture, la démocratie et la transparence.
Sur ce continent, la France et les Etats-Unis travaillent efficacement au développement de capacités africaines de maintien de la paix. En Centrafrique, nous avons pu, sous l'autorité du Conseil de sécurité des Nations unies, mettre en place une force qui permettra de consolider la paix civile et le développement.
Cette évolution internationale rejoint la volonté du gouvernement de réorienter sa politique de coopération à l'égard de l'ensemble des pays en développement, en particulier en Afrique, continent auquel nous attachent des liens historiques, culturels et économiques aussi profonds qu'anciens, afin d'y développer des partenariats..
Sur ce point, comme lors de nombreuses crises, le dialogue franco-américain s'est considérablement développé ces derniers mois notamment grâce aux contacts réguliers entre Mme Madeleine Albright et M. Hubert Védrine. Je m'en réjouis, car il permet, par son rôle central, de maintenir entre les Etats-Unis, la France, nos partenaires européens et la Russie et la Chine, une convergence de vues et une cohérence dans l'action. C'est à ce prix que la communauté internationale peut espérer réduire les tensions, prévenir les différends et apaiser les conflits.
S'il est vrai que nos pays ne portent pas toujours la même appréciation sur la méthode à suivre ou les moyens à mettre en oeuvre pour parvenir aux fins que nous assignent le Conseil de sécurité de l'ONU, nous partageons les mêmes objectifs et poursuivons les mêmes buts.
Cela est clair au Kossovo, où la violence de la répression menée par les autorités de Belgrade contre des populations civiles a fait renaître le spectre de l'épuration ethnique et de la guerre civile. Fidèle à son engagement en faveur de la paix et des Droits de l'Homme, la France prend et prendra toute sa part à l'action de la communauté internationale, au sein du Groupe de contact comme aux Nations unies et au sein de l'OTAN.
Il en a été de même lors de la récente crise - dite "des palais présidentiels" - avec l'Iraq. La France a cherché à agir en convergence avec les Etats-Unis, afin d'éviter que le conflit ne dégénère en guerre ouverte, tout en conduisant l'Iraq au respect de ses obligations. Nous nous sommes réjouis de l'accord intervenu en février entre M. Kofi Annan et les autorités de Bagdad. Nous pensons qu'il faut continuer à agir pour que l'Iraq reprenne progressivement sa place au sein de la communauté des Nations. Cela suppose avant tout que ce pays respecte scrupuleusement toutes ses obligations et comprenne que la coopération avec les Nations unies est plus efficace que la confrontation. Nous espérons que le Conseil de sécurité pourra prochainement prendre acte des progrès accomplis par l'Iraq.
Je voudrais marquer combien, au Proche-Orient, la situation nous semble aujourd'hui particulièrement préoccupante. Les discussions sur le redéploiement israélien s'enlisent et la tension renaît dans les Territoires. La France soutient résolument le processus de paix. Elle espère que les Etats-Unis pourront convaincre le gouvernement israélien et obtenir son accord sur les propositions qu'ils ont eux-mêmes mises en avant. L'Europe, vous le savez, a fait part de sa disponibilité pour contribuer à ce processus. Le président Jacques Chirac et le président Hosni Moubarak ont lancé un appel solennel aux parties et suggéré la tenue d'une conférence internationale. Une fois encore, nous pensons qu'il faut inlassablement rechercher les moyens de sauver la paix.
En ce qui concerne la situation nouvelle et dangereuse créée par les essais nucléaires indiens et pakistanais, nos deux pays ont défini une ligne claire : ces essais doivent être condamnés ; ils accroissent la tension en Asie du Sud ; ils relancent la course aux armements ; ils créent un risque de prolifération. Malgré un désaccord sur d'éventuelles sanctions - à l'efficacité douteuse -, le Conseil de sécurité s'est prononcé en ce sens. Il nous faut maintenant convaincre ces deux pays de rejoindre le reste de la communauté internationale en adhérant sans condition au Traité d'interdiction complète des essais nucléaires et en participant à des discussions sur l'arrêt de la production de matières fissiles à des fins nucléaires. Le régime international de non-prolifération ne saurait être remis en cause. Il nous faut trouver les moyens de nous en assurer.
Je veux dire un mot enfin de la grande échéance que constitue le Sommet de Washington en 1999. Membre à part entière de l'Alliance atlantique, la France entend saisir l'occasion qui se présente de réfléchir en commun aux objectifs et aux modalités d'intervention des Alliés dans le monde d'aujourd'hui, un monde sensiblement différent de celui dans lequel notre alliance s'est forgée. Le temps est venu de redéfinir les missions et le fonctionnement de l'Alliance pour prendre acte du lancement du processus d'élargissement à de nouveaux membres lancé à Madrid, du rôle nouveau de l'OTAN en matière de maintien de la paix notamment, dans le respect du compétence de l'ONU, ainsi que de la poursuite d'un nécessaire rééquilibrage des responsabilités entre Américains et Européens. Mon pays prend donc toute sa part aux discussions qui se sont ouvertes sur la "révision du concept stratégique" et il entend contribuer à leur succès.
Mesdames et Messieurs,
La France ne craint pas le monde et les bouleversements économiques qui le transforment. Pour mieux tirer parti de cette globalisation, la France change. A ce changement, avec tous les Français, mon gouvernement travaille. Il travaille avec rigueur, avec méthode, avec application. Il inscrit son effort dans la durée.
Sans rien oublier de son passé, sans brusquer le présent, la France prépare son avenir. Un avenir en lequel j'ai pleine confiance. Un avenir qui se fera aussi avec vous.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 juin 2001)
Entretien avec la presse à l'Organisation des Nations Unies le 19 juin 1998
Mesdames, Messieurs, je suis heureux de vous retrouver. Je viens de rencontrer le Secrétaire général des Nations unies avec Hubert Védrine, le ministre des Affaires étrangères.
Q - Monsieur le Premier ministre, quels sont les points que vous avez abordés avec le Secrétaire général ?
R - C'est la quatrième fois que je rencontre le Secrétaire général des Nations unies depuis l'année dernière. Je l'ai rencontré deux fois à Paris, je l'ai rencontré à Genève à l'occasion de la Commission des Droits de l'Homme des Nations unies, je le rencontre donc une fois encore, cette fois-ci au siège de l'organisation aux destinées desquelles il préside et nous n'avions pas besoin de revenir sur des problèmes généraux.
Donc, nous avons plutôt fait le tour, à l'initiative du Secrétaire général, d'un certain nombre de questions qui peuvent le préoccuper aujourd'hui. Les problèmes du Kossovo, les problèmes du conflit Erythrée/Ethiopie, les problèmes de la Guinée-Bissao, les problèmes de la MINURCA et de la situation en Centrafrique, le problème de la situation créée par les essais nucléaires indiens et pakistanais, le problème de l'Iraq, des relations avec l'UNSCOM et les Nations unies. Voilà un certain nombre de questions, peut-être en oublierai-je une ou deux, que nous avons évoquées pour faire le point avec lui, échanger des informations, avoir ses analyses, éventuellement lui donner les nôtres, encore que la présence de notre ambassadeur, Alain Dejammet, ici-même, fait qu'il connaît bien nos positions.
Q - Sur le Kossovo, notamment, les choses ont-elles un peu avancé ?
R - Ce sont des questions dont nous avons parlé avec les autorités américaines. Le ministre des Affaires étrangères, Hubert Védrine, était encore ce matin dans des conversations téléphoniques. Je ne dirais pas qu'il y a des éléments nouveaux massifs. Il faut que M. Milosevic accepte les obligations qui lui sont fixées par le Groupe de contact, par les exigences de la communauté internationale. On ne peut pas dire que ce soit totalement le cas. Nous attendons aussi de savoir si les Russes peuvent avoir plus d'efficacité encore dans les demandes qu'ils ont faites. Pour le reste, à la fois dans le cadre des Nations unies et dans le cadre de l'Alliance atlantique, nous nous préparons à toutes les éventualités nécessaires.
Q - A propos du Kossovo, justement, estimez-vous qu'une résolution du Conseil de sécurité est un préalable absolument nécessaire avant tout usage de la force par l'OTAN ?
R - Je ne veux pas faire trop de commentaires sur ce point parce qu'il s'agit de questions très importantes, délicates. Je ne suis pas venu à Washington pour parler de ces problèmes en soi, ni pour les évoquer publiquement. Vous savez bien que ce sont des questions sur lesquelles le président de la République et le gouvernement agissent de concert, définissent des positions et ensuite les annoncent, donc je n'ai pas spécialement envie d'en dire plus à cet égard.
Mais c'est vrai que c'est une position de principe pour nous que de considérer que l'usage de la force au nom du droit doit se faire sur la base d'un mandat de l'Organisation des Nations unies, parce que c'est elle, finalement, qui donne la légitimité, sauf cas de légitime défense dans lequel on ne peut pas dire que nous soyons exactement. Donc, cela reste une position de principe. Pour autant, nous n'avons pas l'intention de nous trouver dans une situation où nous devrions accepter passivement que justement les autorités de Belgrade enfreignent la loi internationale. Nous verrons.
Q - Vous avez sans doute évoqué le casse-tête de la trésorerie de l'ONU. La France paie ses cotisations. Le Congrès des Etats-Unis refuse de les verser. Avez-vous évoqué ce sujet avec M. Kofi Annan ?
R - De fait, non.
Q - Je voudrais vous poser la même question en français, qui est une belle langue aussi, le bilan que vous tirez de votre visite aux Etats-Unis.
R - C'était une visite de deux jours et demi qui se poursuit aux Nations unies. Il s'agissait pour moi de faire connaissance avec le président des Etats-Unis que je n'avais pas rencontré, avec le vice-président Gore, avec un certain nombre de responsables de l'administration américaine. J'ai rencontré également le président de la Federal Reserve, de la Banque centrale, si on peut trouver un équivalent américain. J'ai eu des discussions avec le directeur général du Fonds monétaire international. Nous sommes dans une situation préoccupante sur le plan monétaire et financier aujourd'hui, vous le savez, en raison de la crise asiatique et de ses développements.
Faire connaissance avec les autorités américaines, faire vivre la force de la relation franco-américaine, il y a eu depuis un an un nombre considérable de voyages qui ont été accomplis par des ministres français aux Etats-Unis. Nous avons reçu des secrétaires d'Etat américains et il était peut-être bon qu'une discussion ait lieu aussi au niveau du Premier ministre. Cela avait donc le caractère d'une visite de travail. Nous avons parlé d'un certain nombre de dossiers économiques, bilatéraux ou multilatéraux. Bien sûr, comme toujours lorsque l'on parle avec les Américains, nous avons évoqué des questions de politique internationale. Je pense que cela aura été une visite utile. En tous cas, elle m'aura apporté beaucoup.
Je pense que les Américains regardent avec intérêt ce que nous faisons en France sur le plan de la politique économique et sociale. Ils sentent que nous cherchons à opérer, avec des moyens qui sont les nôtres, en tenant compte de nos traditions, un processus de modernisation de notre pays, d'insertion intelligente dans l'économie mondiale dite globalisée et je pense que le président des Etats-Unis a aussi une vision de la transformation de la société américaine qui fait que ce que nous faisons en Europe, Tony Blair en Grande-Bretagne, ce que nous faisons nous en France, l'intéresse visiblement. Cela a été d'ailleurs au coeur de l'échange que nous avons eu ensemble. Donc, c'était important. Pour le reste, nous avons échangé sur un certain nombre de sujets bilatéraux et internationaux.
Je crois aussi que les Américains se rendent compte que ce gouvernement est capable d'avoir, par ceux qui le représentent - cela peut être le ministre de l'Economie et des Finances, Dominique Strauss-Kahn, le ministre des Affaires étrangères, Hubert Védrine, ou d'autres ministres - avec leurs homologues, des discussions cordiales, franches, dénuées de tension et de passion, menées par des gens qui respectent leurs interlocuteurs et qui en même temps, je pense, savent faire respecter les intérêts de leur pays. Donc, il est utile qu'au-delà des rencontres fréquentes qui peuvent exister entre le président de la République et le président des Etats-Unis, au-delà des échanges nombreux qu'ils ont au téléphone sur les problèmes du monde, que, sur un plan qui est celui du travail gouvernemental, de la réalité économique et sociale, bilatérale ou internationale, ces contacts aussi existent, de façon à ce que notre relation vive à tous les niveaux où elle peut vivre. Je crois que c'est un peu aussi le sens de ce voyage.
Q - Avez-vous évoqué avec le Secrétaire général, l'élargissement du Conseil de sécurité et quelle est votre position là-dessus ?
R - Non, cette question n'a pas été évoquée.
Q - Vous disiez avoir évoqué le dossier de la Guinée-Bissao. Pourrait-on savoir plus précisément en quels termes ?
R - Sur ce terrain, nous avons essentiellement essayé de croiser nos analyses sur les raisons pour lesquelles ce conflit s'était produit. Le Secrétaire général nous a indiqué comment il pensait que l'Organisation des Nations unies pouvait jouer un rôle utile. Peut-être aussi faut-il attendre encore que la situation se décante pour que ce rôle politique et diplomatique des Nations unies puisse s'accomplir.
Q - Le Secrétaire général a-t-il évoqué la création de la Cour criminelle internationale, la conférence à Rome ?
R - Oui, vous avez raison d'évoquer cette question parce que j'avais oublié de la mentionner, j'en ai peut-être oublié une ou deux autres, je ne sais. Nous l'avons évoquée, parce que le Secrétaire général était allé lui-même à Rome, et Hubert Védrine s'y était rendu, ce qui fait qu'il n'était pas là au début du voyage aux Etats-Unis. C'est un processus qui va prendre un certain temps. Je crois que cette conférence est faite pour durer un mois environ.
La France a fait évoluer ses positions sur ce sujet par rapport à l'état du dossier que j'avais trouvé et en accord avec le président de la République nous avons fait évoluer la position française. Je crois qu'on aurait mal compris que la France, cinquante ans après l'adoption de la Déclaration des Droits de l'Homme, à l'initiative du professeur Cassin, soit, sur ce terrain d'une Cour criminelle internationale, un peu en retrait de la main. Ce n'est pas le cas. Ce n'est plus le cas.
Simplement, nous voulons défendre aussi, avec d'autres pays, des positions qui soient des positions responsables. C'est-à-dire qu'il faut que cette cour puisse remplir son rôle pleinement. Il faut qu'elle s'inscrive dans le système des Nations unies et notamment qu'elle respecte les prérogatives exigeantes du Conseil de sécurité. Donc nous abordons cette conférence de façon ouverte et réaliste et nous essaierons de contribuer à une issue positive, pour ce qui nous concerne.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 juin 2001)
Intervention le 18 juin 1998 lors de la commémoration du 18 juin 1940
Monsieur l'Ambassadeur du Royaume-Uni,
Monsieur l'Ambassadeur,
Mesdames et Messieurs les Anciens combattants,
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
Traditionnellement le Premier ministre assiste le 18 juin, aux côtés du Président de la République, à une cérémonie du souvenir au Mont-Valérien, haut lieu de mémoire et symbole de la résistance française face à l'oppression nazie.
Aujourd'hui, en ce 18 juin 1998, je me trouve ici, en cette ambassade de France, entouré d'anciens combattants français et américains, en présence des représentants officiels du Royaume-Uni. Je vois dans cette triple présence un symbole emblématique de l'amitié indéfectible entre nos peuples, qui, maintes fois au cours de leur histoire et sur tous les continents, ont lutté côte à côte pour la démocratie contre la force aveugle, pour "les lumières" contre l'obscurantisme.
En visite aux Etats-Unis, j'ai voulu me joindre à vous afin qu'ensemble nous nous souvenions. C'est à cette fin que je me suis rendu ce matin sur la tombe du général Pershing en cette année du 80ème anniversaire de la fin de la Première guerre mondiale, afin d'exprimer au peuple américain la reconnaissance de la France et du peuple français. C'est dans cet esprit également que je salue avec vous l'homme du 18 juin qui a su allumer dans les coeurs de nos compatriotes terrassés, aux heures les plus noires de notre histoire, la flamme de l'espérance et de la résistance.
Que représente donc cette date pour la France ?
Georges Bernanos écrivait : "ce que nous faisons de grand se fait d'abord en nous, par cette force intérieure qui semble répondre à un appel mystérieux ; il ne dépend pas de nous d'être appelé, mais il dépend de nous de ne pas répondre à l'appel."
L'Appel du général de Gaulle, le 18 juin, que peu de Français entendront ce jour-là, mais qui résonnera longtemps dans la France résistante, est intervenu à un moment dramatique pour notre pays, une nouvelle fois vaincu, à nouveau envahi. Un homme de courage, d'honneur et de devoir, dans un studio de la BBC préparé à la hâte, en prenant la décision d'appeler les Français à ne pas se rendre, devenait, ce 18 juin, l'incarnation de la légitimité.
Dès le mois de mai 1940, le général de Gaulle écrivait : "au spectacle de ce peuple éperdu et de cette déroute, je me sentis soulevé par une fureur sans bornes".
L'appel à la résistance, l'appel à l'espérance lancé sur les ondes puis reproduit sur les fameuses affichettes distribuées plus tard sur le territoire envahi, reposait sur une évidence que seul un esprit visionnaire pouvait distinguer au-delà de la débâcle : la France n'était pas seule !
Dès son appel du 18 juin, le général de Gaulle avait appréhendé le caractère mondial de ce conflit et déclarait : " cette guerre n'est pas limitée au territoire malheureux de notre pays ; cette guerre est une guerre mondiale ", il savait aussi que la France n'était pas seule et qu'elle pouvait "utiliser sans limites, l'immense industrie des Etats-Unis".
L'Histoire lui a donné raison et le 6 juin 1944 l'immense armada alliée prenait pied sur les plages de Normandie. Le peuple américain tout entier s'engageait, au coeur des forces alliées, avec un courage et une foi inébranlables, dans une véritable "croisade" pour la libération de la France puis de l'Europe toute entière.
Je veux ici rendre hommage à tous ces combattants pour la liberté.
Je veux leur dire à nouveau l'admiration et la reconnaissance du peuple français.
La paix dont nos Nations jouissent aujourd'hui, et depuis plusieurs années, n'est pas un dû définitivement acquis. Sachons chérir la mémoire de ceux qui se sont élevés contre la tyrannie, au prix de leur vie.
Pour que plus jamais le monde ne connaisse autant de haine, de folie, de barbarie, sachons rester mobilisés pour la défense de la liberté, de la démocratie, de la paix et des Droits de l'Homme.
Vive le Royaume-Uni! Vive les Etats-Unis d'Amérique ! Vive la France !
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 juin 2001)
Mesdames et Messieurs les Représentants au CSFE,
Monsieur l'Ambassadeur, Mme Bujon de l'Estang,
Mesdames et Messieurs,
Je tiens tout d'abord à vous dire la joie qui est la mienne de vous rencontrer ici, à l'ambassade de France, aux toutes premières heures de ma visite officielle aux Etats-Unis, en compagnie de mon épouse, des ministres Claude Allègre et Dominique Strauss-Kahn, et du président du Groupe d'amitié France-Etats-Unis à l'Assemblée nationale, André Vallini. Hubert Védrine nous rejoindra demain, car il représente aujourd'hui à Rome la France à l'importante Conférence internationale qui doit créer une Cour pénale internationale permanente.
Je sais que beaucoup d'entre vous résidez depuis de longues années ici en terre américaine et que, si vous y avez vos habitudes, vous n'en demeurez pas moins attachés à la France, à sa culture et à ses traditions et que vous continuez à en suivre l'actualité politique, économique et sociale. Vos activités s'étendent à tous les secteurs et en particulier aux activités de pointe. Vous êtes donc naturellement un trait d'union, un maillon essentiel dans la relation entre nos deux pays.
Et vous êtes bien placés pour juger de son caractère unique, de sa solidité comme de ses aléas. Ces relations franco-américaines reposent sur une tradition de valeurs partagées, de liberté et de démocratie et sur une solidarité profonde qui ne s'est jamais démentie dans les heures d'épreuves majeures.
Etablis dans un pays immense, puissant et dynamique, vous formez une communauté particulièrement qualifiée et pleine d'allant, une communauté importante par le nombre - on l'estime à plus de 250.000 personnes - qui figure au premier rang de celles établies hors d'Europe.
Trop souvent encore, la France est perçue ici avant tout sous, au contraire, son aspect traditionnel du pays de l'élégance et du bien-vivre. Sans être négative, cette image est un peu réductrice, elle ne rend pas compte de la réalité française d'aujourd'hui et ne fait pas justice à notre pays. Elle ne reflète ni la modernité technologique et industrielle de notre économie, ni le haut niveau de notre recherche scientifique, ni la vitalité de notre culture.
A travers votre action, au contact quotidien d'interlocuteurs américains avec qui vous traitez d'égal à égal, vous démontrez que la France est, pour les Etats-Unis, un partenaire sérieux, efficace, avec qui peuvent être développés des échanges mutuellement bénéfiques.
A tous et à toutes, je voudrais dire la reconnaissance et l'estime de nos compatriotes de métropole pour le rôle que vous jouez, de ce côté-ci de l'Atlantique, afin de faire connaître et respecter la France.
Les Etats-Unis ont toujours été un lieu de curiosité et d'enrichissement pour les jeunes Européens et je constate que les jeunes Français sont aujourd'hui plus nombreux à comprendre que la mobilité est un atout pour eux. Mais elle est aussi un atout pour notre pays, parce que nos jeunes compatriotes expatriés gardent des liens étroits avec la France et qu'ils reviennent riches d'une expérience qui constitue une valeur ajoutée certaine, en particulier pour les entreprises qui les embauchent.
Le gouvernement a d'ailleurs pris des mesures pour faciliter le retour des jeunes diplômés expatriés, qu'ils soient salariés ou créateurs d'entreprises : aide au capital-risque, aide aux entreprises de croissance, notamment grâce à la mise en place d'un régime de "stock-options" spécifiques aux jeunes entreprises, mise en place aussi d'un plan d'action pour la société de l'information qui mette en valeur le gisement potientiel d'emplois que constitue le secteur des technologies de l'information et de la communication.
Le ministre de l'Education, de la Recherche et de la Technologie a décidé de faciliter le retour des jeunes chercheurs en stage post-doctoral à l'étranger. Leur nombre a presque doublé depuis 1989 et il était donc essentiel d'inverser la tendance passée : l'objectif du gouvernement est de proposer sur deux ans plus de 6.000 emplois à ces docteurs.
Mes chers compatriotes, vous devinez mon attachement à la promotion de la langue et de la culture françaises. Elles jouissent ici d'une grande estime, comme l'ont montré plusieurs expositions remarquables ou quelques films français, même si ces derniers n'ont touché que partiellement le grand public. Des efforts vigoureux doivent cependant être poursuivis pour mieux faire connaître notre art contemporain et pour développer l'enseignement de notre langue.
Ne nous y trompons pas, ce n'est pas seulement l'affaire des autorités publiques, à travers les Alliances françaises et le réseau éducatif à programme français. Il nous revient à tous, dans notre vie quotidienne comme à travers nos activités professionnelles, de contribuer à la défense de notre bien commun.
Dans le domaine universitaire, scientifique et technique, M. Claude Allègre conduit une politique destinée à faire connaître nos potentiels à nos partenaires américains et à développer les échanges entre chercheurs des deux pays.
Dois-je rappeler ici que les Etats-Unis sont, et de loin, notre premier partenaire scientifique et, qu'en sens inverse, la France est leur cinquième partenaire dans ce domaine.
Pour tenter de parfaire la connaissance de notre communauté et de ses attentes, nous souhaitons que se tissent, au-delà des mécanismes institutionnels, des liens plus directs et plus étroits entre nos Consuls et ceux de nos compatriotes qui choisissent de ne pas se faire immatriculer.
Il me paraît important de préserver la spécificité et la cohésion de notre communauté, dans ses diversités, à l'instar des autres grandes communautés européennes. Nous disposons d'un réseau consulaire très dense et nous nous efforçons de le préserver malgré les contraintes budgétaires fortes : je souhaite qu'il puisse être mieux mis à profit par tous.
C'est pourquoi ce réseau s'applique à améliorer l'accueil du public et se met à l'heure d'Internet, se rapprochant de vous et en s'efforçant de vous aider à surmonter plus aisément l'obstacle des grandes distances qu'il faut si souvent franchir dans ce pays.
Les Français des Etats-Unis sont, je le sais, confrontés à un certain nombre de problèmes concrets auxquels le gouvernement s'applique à trouver des solutions. Cela concerne en particulier la fiscalité, suite à l'adoption de la nouvelle Convention fiscale dont l'application ne doit pas avoir d'effets injustement pénalisants pour certains contribuables.
De même, le ministre de l'Economie et des Finances, Dominique Strauss-Kahn, recherche-t-il des solutions satisfaisantes aux problèmes posés, en matière de succession, aux étrangers conjoints de ressortissants américains.
Le réseau scolaire français aux Etats-Unis est important et nous savons l'effort financier souvent très lourd des parents pour assurer à leurs enfants une formation scolaire leur permettant de poursuivre un cursus normal au retour en France. L'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger apporte aussi un concours très significatif aux établissements scolaires à programme français, en prenant en charge les professeurs détachés ainsi qu'en octroyant des bourses scolaires dont l'enveloppe a été encore augmentée de 7 millions de francs en 1997 par le gouvernement. Il faut maintenant obtenir une stabilisation des frais de scolarité, dont la progression devrait être encadrée.
Rester informé de l'actualité française et mondiale en français par des média français est, je le sais, une des attentes de la communauté française et francophone aux Etats-Unis. Je souhaite donc vous redire l'importance que le gouvernement attache à l'action audiovisuelle extérieure de la France : le ministre des Affaires étrangères y porte une attention particulière et c'est l'une de ses priorités pour 1998 et 1999.Il me semble que ces efforts commencent à porter leurs fruits aux Etats-Unis. La diffusion par satellite des émissions de TV5-USA met désormais à la portée de la plupart la réception d'émissions télévisées francophones de qualité. Ceci est également vrai pour les émissions de Radio-France internationale diffusées par le même satellite que TV5-USA.
Je ne voudrais pas omettre enfin, en m'adressant à vous ici, d'insister sur l'importance que revêt le vote des Français de l'étranger et sur le rôle du Conseil supérieur des Français de l'étranger. Il s'agit d'une institution importante de la République et je compte d'ailleurs présider à l'ouverture de ses travaux à l'automne prochain.
Un mot pour finir sur l'actualité en France. La volonté de changement que j'entends porter se résume ainsi : faire entrer notre pays dans la modernité.
La France ne doit pas avoir peur de la mondialisation, même si certains de nos compatriotes sont légitimement inquiets des dérives qui peuvent l'accompagner.
La modernité n'oppose pas l'efficacité économique et la justice sociale, elle fonde l'une sur l'autre. Elle doit faire une place à chacun au sein d'une économie qui gagne. Je ne veux pas d'une société d'assistance. Je veux une société du travail : une société qui offre à tous la possibilité de s'épanouir dans une activité professionnelle et de contribuer au succès économique de la Nation.
En une année, le gouvernement a, je le crois, ouvert la voie. En nous appuyant sur le dynamisme des Français, non en vilipendant leur supposé conservatisme, nous avons mené de front modernisation économique et modernisation sociale.
Nous avons remis de l'ordre dans nos finances publiques, parce que nous savons que la dette bride la capacité d'action de l'Etat, et nous avons stabilisé le niveau des prélèvements obligatoires.
Nous avons rétabli la confiance, et avec elle est revenue la croissance économique.
Ces résultats ont permis à la France de se lancer dans de bonnes conditions, avec dix partenaires européens, dans la création d'une monnaie unique - l'euro. En Europe, l'euro servira la croissance et contribuera à la lutte contre le chômage. Au-delà de l'Europe, il a vocation à devenir un instrument de stabilité, une monnaie internationale au même titre que le dollar.
Dans le même temps, nous avons relancé la modernisation sociale de notre pays. La crise asiatique démontre, s'il en était besoin, que l'économie ne se bâtit pas contre les aspirations sociales de l'Homme. Nous avons mis un coup d'arrêt au chômage des jeunes. Nous avons enrichi le contenu de la croissance en emplois en encourageant la réduction négociée du temps de travail, avec pour objectif de parvenir aux 35 heures heddomadaires. Nous avons entrepris le retour à l'équilibre de nos comptes sociaux, conscients que la pérennité de notre système de protection sociale réside dans sa bonne gestion.
Tout ceci, nous l'avons fait selon une certaine méthode de gouvernement. Dans le respect des prérogatives constitutionnelles du président de la République, le gouvernement travaille en conservant à l'esprit une conviction forte : c'est le peuple qui fixe le cap d'une politique. Parce que c'est la règle dans une démocratie authentique, mais aussi parce que c'est efficace. La société française se crispe, se bloque, se cabre, lorsqu'elle sent que lui sont imposés des changements dont le sens ne lui a pas été expliqué. Je veux au contraire mener ce travail d'explication, d'où naît la confiance, pour que mon pays puisse connaître une évolution moins heurtée vers la modernité.
Mon gouvernement est composé de personnalités fortes - il est collégial car il débat librement et régulièrement en son sein -, il est exécutif car il décide et agit après l'arbitrage du Premier ministre. Ainsi se dessine le changement que j'ai le plus à coeur - le plus important, le plus délicat : le changement des mentalités et des comportements, nécessaire pour changer les réalités. Les réformes politiques que j'ai lancées contribueront à l'instauration d'un cadre institutionnel mieux équilibré. Je cite pour exemple la limitation stricte du cumul des mandats électifs ou le mode d'élection des sénateurs ou l'inscription de la parité hommes-femmes dans la Constitution.
Fondée sur le travail, le respect et la confiance, cette méthode veut prouver qu'il y a place en France pour la réforme. Une réforme discutée, préparée, expliquée, acceptée, puis résolument appliquée. Car je veux réduire l'écart, trop fréquent en politique, entre le discours et les actes.
Cette méthode s'appuie sur une culture du réalisme. Le réalisme, ce n'est ni le minimalisme politique, ni la fin du volontarisme, ni l'absence de vision.
C'est laisser à l'Etat ce qu'il peut seul accomplir, mais encourager les autres acteurs à prendre leurs responsabilités. Car la démocratie politique doit aller de pair, par le biais du paritarisme et de la négociation, avec la démocratie sociale.
La France est un pays prospère et dynamique, attractif et innovant, fort de ses atouts, conscient de ses faiblesses - et déterminé à y remédier -, soucieux de sa cohésion.
La France maintient sa position de quatrième puissance économique. Elle est même aujourd'hui le deuxième producteur de services. Le niveau de vie de ses habitants, leur éducation et leur espérance de vie sont parmi les plus élevés du monde.
En 1997, l'excédent de l'ensemble des échanges extérieurs de la France a dépassé 250 milliards de francs, soit 3,2 % du PIB. Voilà un indicateur fort de notre compétitivité.
Et la France est attractive. Pas seulement pour les touristes, qui la plébiscitent chaque année. La France est la troisième destination mondiale d'investissements directs.
C'est sur ce constat optimiste que je voudrais conclure : la France est un pays résolument moderne, la France ne craint pas le monde et les bouleversements économiques qui le transforment. Pour mieux tirer parti de cette globalisation, la France change. A ce changement, avec tous les Français, le gouvernement travaille, avec rigueur, avec méthode, avec application. Il inscrit son effort dans la durée.
Sans rien oublier de son passé, sans brusquer le présent, la France prépare son avenir. Un avenir en lequel je vous appelle à avoir confiance.
Vive la France !
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 juin 2001)
Intervention le 19 juin 1998 au "National Press Club"
Mesdames, Messieurs,
"J'avoue que dans l'Amérique, j'ai vu plus que l'Amérique", écrivait Alexis de Tocqueville dans "De la démocratie en Amérique". Les Français d'aujourd'hui, quand ils voient ce qu'est devenue la jeune nation américaine, restent fondés à penser que les Etats-Unis représentent, dans la réalité mondiale, plus qu'eux-mêmes.
Répondant avec plaisir à l'invitation du président Clinton, et sans prétendre que puisse être transposée la formule de Tocqueville, j'aimerais assez espérer, en vous parlant un peu de la France, en elle-même et dans ses rapports avec vous, que vous voyiez plus que la France : une ambition pour l'Europe, une conception du monde et une certaine idée de l'action politique.
Une chose n'a pas changé depuis la venue à Paris de Benjamin Franklin : l'alliance de nos deux peuples unis, en une communauté de destin qui puise sa vitalité à la source des Droits de l'Homme. Ceux que vous vous êtes donnés, le 4 juillet 1776, face à l'occupant de l'époque ; ceux que nous avons proclamés, le 26 août 1789, face à l'Europe monarchique ; ceux enfin que nous avons, ensemble, universellement déclarés, le 10 décembre 1948 . et dont nous fêtons cette année le cinquantenaire.
C'est pour défendre ces Droits de l'Homme contre l'oppression politique que nous avons, hier, combattu côte à côte. Le marquis de La Fayette à Yorktown, en 1781 ; le général Pershing sur la Marne, en 1918 ; le général Eisenhower en Normandie, en 1944 : autant de figures héroïques qui incarnent les temps forts de notre histoire partagée.
La France se souvient avec émotion et gratitude de ce qu'elle doit aux combattants américains qui, par deux fois, l'ont secourue contre l'envahisseur. Chaque Français porte en lui sa reconnaissance et son admiration pour le peuple américain. Dès mon arrivée à Washington, j'ai ainsi tenu à m'incliner sur la tombe du général Pershing, au cimetière national d'Arlington, alors que nous célébrerons en novembre prochain le quatre-vingtième anniversaire de la fin de la Première guerre mondiale.
Ces épreuves ont trempé notre amitié. Forts de la conviction que la liberté est notre bien commun, que la démocratie favorise le développement économique, que la société internationale doit s'organiser pour garantir une paix durable et une plus grande solidarité entre les nations, nous continuons, ensemble, ce combat. Proche-Orient, Afrique, Asie, Amérique centrale, Europe : il n'est pas de région où nos forces n'aient, ces dernières années, combattu ensemble. Elles ont payé un lourd tribut à la paix du monde. Je tiens ici à rendre un hommage solennel à leur résolution et à leur courage.
Riche de ces moments de concorde, forte de ces valeurs partagées, fortifiée par ces épreuves, la relation entre nos deux pays est exceptionnelle. Je ne veux pas qu'elle soit entachée de doutes ou de malentendus. Je ne dois pas pour autant occulter nos différences.
Les Etats-Unis sont un immense pays, dont la géographie recèle les paysages les plus extrêmes et dont le sol concentre, à profusion, les ressources naturelles de la puissance. La France, elle, est un espace plus mesuré, fait d'équilibre, un carrefour au sein de l'Europe, une terre qui a dû, très tôt, chercher ailleurs que dans son propre "hexagone" les moyens de son développement. Les Etats-Unis restent une jeune nation, tandis que la France retrouve les traces de son effort vers l'unité dès le XIème siècle de notre ère.
Ce long travail d'unification, au sein d'un continent chargé d'ambitions et de rivalités, s'est accompli chez nous par l'Etat. Celui-ci s'est bâti et fortifié pour que la France soit une. Il a précédé et façonné notre nation. Aux Etats-Unis, c'est la société civile qui a eu le premier rôle dans le développement de l'immense territoire américain et dans l'édification de votre nation.
Si ces différences demeurent, elles se transcendent dans un projet similaire. Les Etats-Unis et la France sont en effet deux nations qui, historiquement, ont voulu s'inscrire dans une mission universelle. Pour porter leur message à travers le monde, elles se sont largement ouvertes à lui : terres d'accueil depuis les origines, elles ont intégré, chacune à leur manière, ceux qui faisaient le choix de venir contribuer à la construction de l'édifice national. Elles ont surtout développé une tradition forte d'intervention dans les affaires du monde. Souvent ces interventions nous ont réunis. Quelquefois elles ont créé le débat. Jamais elles ne nous ont conduits à nous affronter.
Mon peuple - comme le vôtre - est conscient de son passé, de sa tradition, de son art de vivre. Il a ses traits caractéristiques. Il est attaché à son identité.
La France a son histoire, sa culture, sa langue - auxquelles elle tient. Mais, ne vous laissez pas abuser par la caricature selon laquelle, sous le poids de singularités considérées comme autant de défauts, elle ne saurait s'adapter au monde qui vient. La France reconnaît la nécessité du changement. Mieux, elle le met en oeuvre et mon gouvernement en a aujourd'hui la charge.
J'entends réaliser ce changement - et c'est la condition même de son succès -en m'appuyant sur les caractères de l'identité française. Pour réformer un pays, rien ne sert de vouloir lui imposer un modèle étranger. Il faut au contraire inventer une voie propre, qui tienne compte de sa réalité économique, de sa situation sociale, de sa tradition politique et culturelle. C'est pourquoi je regarde mon pays tel qu'il est, pour le faire bouger. Je prends les Français comme ils sont. Je ne leur fais pas la leçon. Ce n'est ni contre eux, ni sans eux, mais avec eux, que j'entends conduire le changement nécessaire.
Prenons un exemple : celui des nouvelles technologies de l'information. Il s'agit là d'un enjeu économique, mais aussi culturel et politique, un enjeu pour l'avenir. Dans votre pays, ce sont les entreprises qui, d'elles-mêmes, se sont mobilisées pour relever ce défi. Chez nous, il a fallu que mon gouvernement adopte une attitude volontariste et donne l'impulsion, pour que nombre d'entreprises se mettent en mouvement. Aujourd'hui, la France est en train de rattraper son retard. Elle le fait à sa manière mais elle le fait.
La volonté de changement que j'entends porter se résume ainsi : faire entrer mon pays dans la modernité.
La France n'a pas peur de la mondialisation, même si certains de mes compatriotes sont légitimement inquiets des dérives qui peuvent l'accompagner. Je crois d'ailleurs que c'est aussi le cas chez vous.
Mon peuple veut une modernité qui concilie la raison et le coeur. Une modernité qui n'oppose pas efficacité économique et justice sociale, mais qui fonde l'une sur l'autre. Une modernité qui fasse une place à chacun au sein d'une économie qui gagne. Je ne veux pas d'une société d'assistance. Je veux une société du travail : une société qui offre à tous la possibilité de s'épanouir dans une activité professionnelle, de réussir sa vie et de contribuer au succès économique de la Nation.
En une année, mon gouvernement a, je le crois, ouvert la voie. En nous appuyant sur le dynamisme des Français, en refusant de stigmatiser leur supposé conservatisme, nous essayons de mener de front modernisation économique et évolution sociale.
Nous avons remis de l'ordre dans nos finances publiques, parce que nous savons que la dette bride la capacité d'action collective. Nous avons stabilisé le niveau des prélèvements obligatoires - et nous le baisserons dès que cela sera possible. Nous avons pris appui sur une meilleure conjoncture économique mais avons rétabli la confiance, et avec elle est revenue la croissance économique, une croissance forte, saine et que je crois durable. Nous avons mis un coup d'arrêt au chômage des jeunes. Nous avons enrichi le contenu de la croissance en emplois en encourageant la réduction négociée du temps de travail. Nous avons entrepris le retour à l'équilibre de nos comptes sociaux, conscients que la pérennité de notre système de protection sociale réside dans sa bonne gestion. Tout cela n'allait pas de soi.
Ces résultats ont permis à la France de se lancer dans de bonnes conditions, avec dix partenaires européens, dans la création d'une monnaie unique - l'euro. Pour la première fois dans l'histoire de ce siècle, des peuples souverains ont décidé de mettre en commun l'une de leurs prérogatives essentielles en se dotant d'une monnaie commune. En Europe, l'euro servira la croissance et contribuera à la lutte contre le chômage. Au-delà de l'Europe, il a vocation à devenir un instrument de stabilité, une monnaie internationale au même titre que le dollar.
Dans le même temps, nous avons relancé la modernisation sociale de notre pays. J'insiste : précisément dans le même temps - car nous devons faire marcher de concert l'économique et le social. La crise asiatique démontre, s'il en était besoin, que l'économie ne se bâtit pas contre les aspirations sociales ou démocratiques de l'Homme. La globalisation est une chose - un mouvement puissant, profond, de long terme, qui vient modifier les conditions de la production. J'en prends acte et veux que mon pays en tire parti. Le "globalisme" en est une autre - une idéologie qui cherche à s'imposer à tous les domaines de la vie sociale en se parant des attributs incontestables de l'ordre naturel. Ne confondons pas tout. Oui à l'économie de marché. Non à la société de marché.
Si mon gouvernement porte des valeurs, a des convictions, il ne fait pas d'idéologie. Il est réaliste. Il essaie d'être efficace. Les questions sont traitées au fond, et sérieusement, dans le respect des engagements pris devant le peuple, mais aussi dans l'intérêt général. Je ne crois pas que la politique doive être une profession. Mais j'essaie d'exercer avec professionnalisme les responsabilités qui m'ont été confiées par le peuple.
Aujourd'hui, il me semble que mes concitoyens ont davantage confiance en leur pays, en leur gouvernement, en leur économie, en leur propre capacité à relever les défis qui nous font face. Ils ont raison d'avoir confiance.
Car la France est un pays prospère et dynamique, attractif et innovant, fort de ses atouts, conscient de ses faiblesses et en particulier de son chômage trop élevé, avec ses conséquences sociales - mais déterminé à y remédier.
La France maintient fermement sa position de quatrième puissance économique mondiale. Elle est même aujourd'hui le deuxième producteur de services. Le niveau de vie de ses habitants, leur éducation et leur espérance de vie sont parmi les plus élevés du monde. En 1997, l'excédent de l'ensemble des échanges extérieurs de la France a dépassé 250 milliards de francs, soit 3,2 % du PIB. Voilà un indicateur fort de notre compétitivité.
D'ailleurs, la France est attractive. Pas seulement pour les touristes, qui la plébiscitent chaque année. La France est la troisième destination mondiale d'investissements directs. Ces implantations d'entreprises, qui plus est, sont de haut niveau technologique. Les entreprises étrangères font le choix de la France parce qu'elles savent qu'elles y bénéficieront d'infrastructures, d'équipements, de technologies, de services publics très performants et surtout, d'une main d'oeuvre qualifiée, grâce à une système éducatif de qualité. Tels sont nos atouts.
Certes, notre main d'oeuvre n'est pas plus chère que dans certains pays. Elle est surtout mieux formée, plus compétente, plus rapide, plus compétitive. La France n'a pas vocation à concurrencer les pays émergents par ses coûts de main d'oeuvre. Elle a par contre l'ambition de fournir une offre de travail peut être plus chère mais qualifiée et qui permet de réaliser des profits importants. Les entreprises étrangères ont bien compris leur intérêt.
Le passage progressif aux 35 heures s'inscrit dans ce contexte. Certains ont cru bon d'évoquer à ce sujet une sorte de "suicide économique". A ce compte-là, la France se serait déjà "suicidée" six fois en 150 ans, en réduisant la durée hebdomadaire du travail de 84 heures en 1848, à 39 en 1982...
Ce passage aux 35 heures se fait grâce à l'impulsion de l'Etat mais pas par l'Etat. Nos relations sociales ont toujours eu besoin de l'intervention de l'Etat. C'est ainsi. Je fais avec. L'important est que le passage aux 35 heures lance une grande vague de négociations entre patronats et syndicats, d'où ressortiront des créations d'emplois, mais aussi plus de souplesse dans le fonctionnement de l'appareil de production. Car, contrairement à ce que je lis parfois, personne ne sera obligé de travailler exactement 35 heures. Je vous le dis sereinement : les 35 heures sont un outil de modernisation qui conjugueront évolution de l'appareil productif et progrès social.
Quant aux entreprises françaises, confortées par ces atouts internes, elles se répandent à travers le monde. Des petites et moyennes entreprises, implantées dans nos terroirs, vendent leurs produits aux quatre coins de la planète. Des géants mondiaux, leaders dans leur secteur, portent nos couleurs. Nos entreprises rachètent des entreprises étrangères, y compris aux Etats-Unis.
Loin de moi, cependant, l'idée de faire un panégyrique de mon pays.Si la France peut être fière de sa recherche scientifique - toujours vive, comme en témoignent, entre autres, nos Prix Nobel successifs en physique -, une difficulté réside, par exemple, dans l'interface entre la recherche et l'appareil productif. Je n'ignore pas le dynamisme avec lequel l'économie américaine réussit à créer des emplois grâce aux innovations technologiques. C'est pourquoi mon gouvernement entend rapprocher les cultures scientifique et entrepreneuriale. La simplification des démarches administratives, l'encouragement des sociétés de capital risque, l'appui aux nouvelles technologies sont autant de mesures qui permettront à la France de demeurer à la pointe de l'innovation.
Vous voyez que la France est, en réalité, bien éloignée des constats moroses que dressent certains.
Je ne sépare pas la France de l'Europe. L'Europe est la médiation naturelle entre la France et le monde.
L'Europe est pour la France, comme pour tous les autres Etats membres, un espace partagé, une nécessité historique, un projet politique. L'Europe offre au monde l'exemple vivant d'un continent apaisé, réconcilié, fort de son unité. L'Union européenne n'est pas une forteresse. Elle n'est pas la rivale des Etats-Unis. Elle est son partenaire le plus important. Un partenaire qui a sa propre vision des choses, ses intérêts à défendre, son avenir à bâtir. Mais un partenaire, et un ami.
Le monde à la construction duquel la France et l'Europe veulent contribuer est un monde multipolaire. Un monde dans lequel nous puissions réagir promptement, dans la concertation et l'efficacité, aux crises économiques qui menacent d'effondrement des pays entiers, comme l'ont montré les crises récentes en Corée du Sud, en Thaïlande, en Indonésie.
La France ne refuse en aucune façon la mondialisation de nos économies et la globalisation des problèmes. Mais qui dit globalisation des problèmes, dit globalisation des solutions. Qui dit mondialisation, dit régulation mondiale et multilatéralisme. C'est naturellement dans la sphère économique, commerciale et financière que cette exigence est la plus forte. Les crises financières, en Asie ou ailleurs, témoignent à la fois d'un certain dérèglement des marchés, qui légitime l'action des gouvernements et la nécessité d'une régulation économique mondiale, au centre de laquelle se trouvent le FMI et le G7. La France a confiance dans l'action des institutions économiques internationales, en particulier le FMI et l'OMC.
De façon plus générale, nous réaffirmons notre soutien au système des Nations unies et un recours à des procédures agréées de règlement négocié des différends politiques ou commerciaux.
Pour construire un monde de paix, de liberté et de développement économique, les Etats-Unis se retrouveront avec leur partenaire historique, la France, et avec l'Union européenne. Tel est le sens de l'engagement de mon gouvernement depuis un an et de l'action diplomatique qu'il conduit en accord avec le président de la République, Jacques Chirac.
Depuis la disparition de l'affrontement entre l'Est et l'Ouest, un risque nous guette : celui de croire que nous pouvons créer une barrière étanche entre le Nord et le Sud. Aucun être humain, aucun groupe, aucun pays ne peut vivre retranché des autres. Nous vivons désormais au sein d'un immense réseau ou individus et sociétés sont interconnectés et s'influencent les uns les autres. Plus que jamais, l'intuition de Christopher Marlowe au XVIème siècle se vérifie : "aucun homme n'est une île" ("no man is an island"). Notre richesse, notre croissance, nos niveaux d'éducation et de santé ne nous protègent pas du malheur des autres et ne sauraient justifier que nous nous en désintéressions.
Les Droits de l'Homme, valeur universelle, constituent pour l'action de mon gouvernement une référence permanente. Leurs violations doivent être dénoncées sans restriction, où qu'elles se produisent. Mais nous devons convaincre tout autant que condamner. Le dialogue doit constituer la règle, l'affrontement l'exception.
Pour notre part, nous avons résolument défini de nouveaux modes de travail avec les Tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda et nous nous sommes prononcés sans ambiguïté pour la création d'une Cour pénale internationale permanente. Nous avons une responsabilité particulière, vous comme nous, à l'égard de la Conférence diplomatique de Rome : en assurer le succès.
Au sujet de l'Afrique, j'ai pu constater, à Washington, combien Américains et Français partagent le même souci d'éviter les concurrences stériles et la même volonté de travailler de manière convergente en faveur d'un développement durable, dans l'ouverture, la démocratie et la transparence.
Sur ce continent, la France et les Etats-Unis travaillent efficacement au développement de capacités africaines de maintien de la paix. En Centrafrique, nous avons pu, sous l'autorité du Conseil de sécurité des Nations unies, mettre en place une force qui permettra de consolider la paix civile et le développement.
Cette évolution internationale rejoint la volonté du gouvernement de réorienter sa politique de coopération à l'égard de l'ensemble des pays en développement, en particulier en Afrique, continent auquel nous attachent des liens historiques, culturels et économiques aussi profonds qu'anciens, afin d'y développer des partenariats..
Sur ce point, comme lors de nombreuses crises, le dialogue franco-américain s'est considérablement développé ces derniers mois notamment grâce aux contacts réguliers entre Mme Madeleine Albright et M. Hubert Védrine. Je m'en réjouis, car il permet, par son rôle central, de maintenir entre les Etats-Unis, la France, nos partenaires européens et la Russie et la Chine, une convergence de vues et une cohérence dans l'action. C'est à ce prix que la communauté internationale peut espérer réduire les tensions, prévenir les différends et apaiser les conflits.
S'il est vrai que nos pays ne portent pas toujours la même appréciation sur la méthode à suivre ou les moyens à mettre en oeuvre pour parvenir aux fins que nous assignent le Conseil de sécurité de l'ONU, nous partageons les mêmes objectifs et poursuivons les mêmes buts.
Cela est clair au Kossovo, où la violence de la répression menée par les autorités de Belgrade contre des populations civiles a fait renaître le spectre de l'épuration ethnique et de la guerre civile. Fidèle à son engagement en faveur de la paix et des Droits de l'Homme, la France prend et prendra toute sa part à l'action de la communauté internationale, au sein du Groupe de contact comme aux Nations unies et au sein de l'OTAN.
Il en a été de même lors de la récente crise - dite "des palais présidentiels" - avec l'Iraq. La France a cherché à agir en convergence avec les Etats-Unis, afin d'éviter que le conflit ne dégénère en guerre ouverte, tout en conduisant l'Iraq au respect de ses obligations. Nous nous sommes réjouis de l'accord intervenu en février entre M. Kofi Annan et les autorités de Bagdad. Nous pensons qu'il faut continuer à agir pour que l'Iraq reprenne progressivement sa place au sein de la communauté des Nations. Cela suppose avant tout que ce pays respecte scrupuleusement toutes ses obligations et comprenne que la coopération avec les Nations unies est plus efficace que la confrontation. Nous espérons que le Conseil de sécurité pourra prochainement prendre acte des progrès accomplis par l'Iraq.
Je voudrais marquer combien, au Proche-Orient, la situation nous semble aujourd'hui particulièrement préoccupante. Les discussions sur le redéploiement israélien s'enlisent et la tension renaît dans les Territoires. La France soutient résolument le processus de paix. Elle espère que les Etats-Unis pourront convaincre le gouvernement israélien et obtenir son accord sur les propositions qu'ils ont eux-mêmes mises en avant. L'Europe, vous le savez, a fait part de sa disponibilité pour contribuer à ce processus. Le président Jacques Chirac et le président Hosni Moubarak ont lancé un appel solennel aux parties et suggéré la tenue d'une conférence internationale. Une fois encore, nous pensons qu'il faut inlassablement rechercher les moyens de sauver la paix.
En ce qui concerne la situation nouvelle et dangereuse créée par les essais nucléaires indiens et pakistanais, nos deux pays ont défini une ligne claire : ces essais doivent être condamnés ; ils accroissent la tension en Asie du Sud ; ils relancent la course aux armements ; ils créent un risque de prolifération. Malgré un désaccord sur d'éventuelles sanctions - à l'efficacité douteuse -, le Conseil de sécurité s'est prononcé en ce sens. Il nous faut maintenant convaincre ces deux pays de rejoindre le reste de la communauté internationale en adhérant sans condition au Traité d'interdiction complète des essais nucléaires et en participant à des discussions sur l'arrêt de la production de matières fissiles à des fins nucléaires. Le régime international de non-prolifération ne saurait être remis en cause. Il nous faut trouver les moyens de nous en assurer.
Je veux dire un mot enfin de la grande échéance que constitue le Sommet de Washington en 1999. Membre à part entière de l'Alliance atlantique, la France entend saisir l'occasion qui se présente de réfléchir en commun aux objectifs et aux modalités d'intervention des Alliés dans le monde d'aujourd'hui, un monde sensiblement différent de celui dans lequel notre alliance s'est forgée. Le temps est venu de redéfinir les missions et le fonctionnement de l'Alliance pour prendre acte du lancement du processus d'élargissement à de nouveaux membres lancé à Madrid, du rôle nouveau de l'OTAN en matière de maintien de la paix notamment, dans le respect du compétence de l'ONU, ainsi que de la poursuite d'un nécessaire rééquilibrage des responsabilités entre Américains et Européens. Mon pays prend donc toute sa part aux discussions qui se sont ouvertes sur la "révision du concept stratégique" et il entend contribuer à leur succès.
Mesdames et Messieurs,
La France ne craint pas le monde et les bouleversements économiques qui le transforment. Pour mieux tirer parti de cette globalisation, la France change. A ce changement, avec tous les Français, mon gouvernement travaille. Il travaille avec rigueur, avec méthode, avec application. Il inscrit son effort dans la durée.
Sans rien oublier de son passé, sans brusquer le présent, la France prépare son avenir. Un avenir en lequel j'ai pleine confiance. Un avenir qui se fera aussi avec vous.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 juin 2001)
Entretien avec la presse à l'Organisation des Nations Unies le 19 juin 1998
Mesdames, Messieurs, je suis heureux de vous retrouver. Je viens de rencontrer le Secrétaire général des Nations unies avec Hubert Védrine, le ministre des Affaires étrangères.
Q - Monsieur le Premier ministre, quels sont les points que vous avez abordés avec le Secrétaire général ?
R - C'est la quatrième fois que je rencontre le Secrétaire général des Nations unies depuis l'année dernière. Je l'ai rencontré deux fois à Paris, je l'ai rencontré à Genève à l'occasion de la Commission des Droits de l'Homme des Nations unies, je le rencontre donc une fois encore, cette fois-ci au siège de l'organisation aux destinées desquelles il préside et nous n'avions pas besoin de revenir sur des problèmes généraux.
Donc, nous avons plutôt fait le tour, à l'initiative du Secrétaire général, d'un certain nombre de questions qui peuvent le préoccuper aujourd'hui. Les problèmes du Kossovo, les problèmes du conflit Erythrée/Ethiopie, les problèmes de la Guinée-Bissao, les problèmes de la MINURCA et de la situation en Centrafrique, le problème de la situation créée par les essais nucléaires indiens et pakistanais, le problème de l'Iraq, des relations avec l'UNSCOM et les Nations unies. Voilà un certain nombre de questions, peut-être en oublierai-je une ou deux, que nous avons évoquées pour faire le point avec lui, échanger des informations, avoir ses analyses, éventuellement lui donner les nôtres, encore que la présence de notre ambassadeur, Alain Dejammet, ici-même, fait qu'il connaît bien nos positions.
Q - Sur le Kossovo, notamment, les choses ont-elles un peu avancé ?
R - Ce sont des questions dont nous avons parlé avec les autorités américaines. Le ministre des Affaires étrangères, Hubert Védrine, était encore ce matin dans des conversations téléphoniques. Je ne dirais pas qu'il y a des éléments nouveaux massifs. Il faut que M. Milosevic accepte les obligations qui lui sont fixées par le Groupe de contact, par les exigences de la communauté internationale. On ne peut pas dire que ce soit totalement le cas. Nous attendons aussi de savoir si les Russes peuvent avoir plus d'efficacité encore dans les demandes qu'ils ont faites. Pour le reste, à la fois dans le cadre des Nations unies et dans le cadre de l'Alliance atlantique, nous nous préparons à toutes les éventualités nécessaires.
Q - A propos du Kossovo, justement, estimez-vous qu'une résolution du Conseil de sécurité est un préalable absolument nécessaire avant tout usage de la force par l'OTAN ?
R - Je ne veux pas faire trop de commentaires sur ce point parce qu'il s'agit de questions très importantes, délicates. Je ne suis pas venu à Washington pour parler de ces problèmes en soi, ni pour les évoquer publiquement. Vous savez bien que ce sont des questions sur lesquelles le président de la République et le gouvernement agissent de concert, définissent des positions et ensuite les annoncent, donc je n'ai pas spécialement envie d'en dire plus à cet égard.
Mais c'est vrai que c'est une position de principe pour nous que de considérer que l'usage de la force au nom du droit doit se faire sur la base d'un mandat de l'Organisation des Nations unies, parce que c'est elle, finalement, qui donne la légitimité, sauf cas de légitime défense dans lequel on ne peut pas dire que nous soyons exactement. Donc, cela reste une position de principe. Pour autant, nous n'avons pas l'intention de nous trouver dans une situation où nous devrions accepter passivement que justement les autorités de Belgrade enfreignent la loi internationale. Nous verrons.
Q - Vous avez sans doute évoqué le casse-tête de la trésorerie de l'ONU. La France paie ses cotisations. Le Congrès des Etats-Unis refuse de les verser. Avez-vous évoqué ce sujet avec M. Kofi Annan ?
R - De fait, non.
Q - Je voudrais vous poser la même question en français, qui est une belle langue aussi, le bilan que vous tirez de votre visite aux Etats-Unis.
R - C'était une visite de deux jours et demi qui se poursuit aux Nations unies. Il s'agissait pour moi de faire connaissance avec le président des Etats-Unis que je n'avais pas rencontré, avec le vice-président Gore, avec un certain nombre de responsables de l'administration américaine. J'ai rencontré également le président de la Federal Reserve, de la Banque centrale, si on peut trouver un équivalent américain. J'ai eu des discussions avec le directeur général du Fonds monétaire international. Nous sommes dans une situation préoccupante sur le plan monétaire et financier aujourd'hui, vous le savez, en raison de la crise asiatique et de ses développements.
Faire connaissance avec les autorités américaines, faire vivre la force de la relation franco-américaine, il y a eu depuis un an un nombre considérable de voyages qui ont été accomplis par des ministres français aux Etats-Unis. Nous avons reçu des secrétaires d'Etat américains et il était peut-être bon qu'une discussion ait lieu aussi au niveau du Premier ministre. Cela avait donc le caractère d'une visite de travail. Nous avons parlé d'un certain nombre de dossiers économiques, bilatéraux ou multilatéraux. Bien sûr, comme toujours lorsque l'on parle avec les Américains, nous avons évoqué des questions de politique internationale. Je pense que cela aura été une visite utile. En tous cas, elle m'aura apporté beaucoup.
Je pense que les Américains regardent avec intérêt ce que nous faisons en France sur le plan de la politique économique et sociale. Ils sentent que nous cherchons à opérer, avec des moyens qui sont les nôtres, en tenant compte de nos traditions, un processus de modernisation de notre pays, d'insertion intelligente dans l'économie mondiale dite globalisée et je pense que le président des Etats-Unis a aussi une vision de la transformation de la société américaine qui fait que ce que nous faisons en Europe, Tony Blair en Grande-Bretagne, ce que nous faisons nous en France, l'intéresse visiblement. Cela a été d'ailleurs au coeur de l'échange que nous avons eu ensemble. Donc, c'était important. Pour le reste, nous avons échangé sur un certain nombre de sujets bilatéraux et internationaux.
Je crois aussi que les Américains se rendent compte que ce gouvernement est capable d'avoir, par ceux qui le représentent - cela peut être le ministre de l'Economie et des Finances, Dominique Strauss-Kahn, le ministre des Affaires étrangères, Hubert Védrine, ou d'autres ministres - avec leurs homologues, des discussions cordiales, franches, dénuées de tension et de passion, menées par des gens qui respectent leurs interlocuteurs et qui en même temps, je pense, savent faire respecter les intérêts de leur pays. Donc, il est utile qu'au-delà des rencontres fréquentes qui peuvent exister entre le président de la République et le président des Etats-Unis, au-delà des échanges nombreux qu'ils ont au téléphone sur les problèmes du monde, que, sur un plan qui est celui du travail gouvernemental, de la réalité économique et sociale, bilatérale ou internationale, ces contacts aussi existent, de façon à ce que notre relation vive à tous les niveaux où elle peut vivre. Je crois que c'est un peu aussi le sens de ce voyage.
Q - Avez-vous évoqué avec le Secrétaire général, l'élargissement du Conseil de sécurité et quelle est votre position là-dessus ?
R - Non, cette question n'a pas été évoquée.
Q - Vous disiez avoir évoqué le dossier de la Guinée-Bissao. Pourrait-on savoir plus précisément en quels termes ?
R - Sur ce terrain, nous avons essentiellement essayé de croiser nos analyses sur les raisons pour lesquelles ce conflit s'était produit. Le Secrétaire général nous a indiqué comment il pensait que l'Organisation des Nations unies pouvait jouer un rôle utile. Peut-être aussi faut-il attendre encore que la situation se décante pour que ce rôle politique et diplomatique des Nations unies puisse s'accomplir.
Q - Le Secrétaire général a-t-il évoqué la création de la Cour criminelle internationale, la conférence à Rome ?
R - Oui, vous avez raison d'évoquer cette question parce que j'avais oublié de la mentionner, j'en ai peut-être oublié une ou deux autres, je ne sais. Nous l'avons évoquée, parce que le Secrétaire général était allé lui-même à Rome, et Hubert Védrine s'y était rendu, ce qui fait qu'il n'était pas là au début du voyage aux Etats-Unis. C'est un processus qui va prendre un certain temps. Je crois que cette conférence est faite pour durer un mois environ.
La France a fait évoluer ses positions sur ce sujet par rapport à l'état du dossier que j'avais trouvé et en accord avec le président de la République nous avons fait évoluer la position française. Je crois qu'on aurait mal compris que la France, cinquante ans après l'adoption de la Déclaration des Droits de l'Homme, à l'initiative du professeur Cassin, soit, sur ce terrain d'une Cour criminelle internationale, un peu en retrait de la main. Ce n'est pas le cas. Ce n'est plus le cas.
Simplement, nous voulons défendre aussi, avec d'autres pays, des positions qui soient des positions responsables. C'est-à-dire qu'il faut que cette cour puisse remplir son rôle pleinement. Il faut qu'elle s'inscrive dans le système des Nations unies et notamment qu'elle respecte les prérogatives exigeantes du Conseil de sécurité. Donc nous abordons cette conférence de façon ouverte et réaliste et nous essaierons de contribuer à une issue positive, pour ce qui nous concerne.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 juin 2001)
Intervention le 18 juin 1998 lors de la commémoration du 18 juin 1940
Monsieur l'Ambassadeur du Royaume-Uni,
Monsieur l'Ambassadeur,
Mesdames et Messieurs les Anciens combattants,
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
Traditionnellement le Premier ministre assiste le 18 juin, aux côtés du Président de la République, à une cérémonie du souvenir au Mont-Valérien, haut lieu de mémoire et symbole de la résistance française face à l'oppression nazie.
Aujourd'hui, en ce 18 juin 1998, je me trouve ici, en cette ambassade de France, entouré d'anciens combattants français et américains, en présence des représentants officiels du Royaume-Uni. Je vois dans cette triple présence un symbole emblématique de l'amitié indéfectible entre nos peuples, qui, maintes fois au cours de leur histoire et sur tous les continents, ont lutté côte à côte pour la démocratie contre la force aveugle, pour "les lumières" contre l'obscurantisme.
En visite aux Etats-Unis, j'ai voulu me joindre à vous afin qu'ensemble nous nous souvenions. C'est à cette fin que je me suis rendu ce matin sur la tombe du général Pershing en cette année du 80ème anniversaire de la fin de la Première guerre mondiale, afin d'exprimer au peuple américain la reconnaissance de la France et du peuple français. C'est dans cet esprit également que je salue avec vous l'homme du 18 juin qui a su allumer dans les coeurs de nos compatriotes terrassés, aux heures les plus noires de notre histoire, la flamme de l'espérance et de la résistance.
Que représente donc cette date pour la France ?
Georges Bernanos écrivait : "ce que nous faisons de grand se fait d'abord en nous, par cette force intérieure qui semble répondre à un appel mystérieux ; il ne dépend pas de nous d'être appelé, mais il dépend de nous de ne pas répondre à l'appel."
L'Appel du général de Gaulle, le 18 juin, que peu de Français entendront ce jour-là, mais qui résonnera longtemps dans la France résistante, est intervenu à un moment dramatique pour notre pays, une nouvelle fois vaincu, à nouveau envahi. Un homme de courage, d'honneur et de devoir, dans un studio de la BBC préparé à la hâte, en prenant la décision d'appeler les Français à ne pas se rendre, devenait, ce 18 juin, l'incarnation de la légitimité.
Dès le mois de mai 1940, le général de Gaulle écrivait : "au spectacle de ce peuple éperdu et de cette déroute, je me sentis soulevé par une fureur sans bornes".
L'appel à la résistance, l'appel à l'espérance lancé sur les ondes puis reproduit sur les fameuses affichettes distribuées plus tard sur le territoire envahi, reposait sur une évidence que seul un esprit visionnaire pouvait distinguer au-delà de la débâcle : la France n'était pas seule !
Dès son appel du 18 juin, le général de Gaulle avait appréhendé le caractère mondial de ce conflit et déclarait : " cette guerre n'est pas limitée au territoire malheureux de notre pays ; cette guerre est une guerre mondiale ", il savait aussi que la France n'était pas seule et qu'elle pouvait "utiliser sans limites, l'immense industrie des Etats-Unis".
L'Histoire lui a donné raison et le 6 juin 1944 l'immense armada alliée prenait pied sur les plages de Normandie. Le peuple américain tout entier s'engageait, au coeur des forces alliées, avec un courage et une foi inébranlables, dans une véritable "croisade" pour la libération de la France puis de l'Europe toute entière.
Je veux ici rendre hommage à tous ces combattants pour la liberté.
Je veux leur dire à nouveau l'admiration et la reconnaissance du peuple français.
La paix dont nos Nations jouissent aujourd'hui, et depuis plusieurs années, n'est pas un dû définitivement acquis. Sachons chérir la mémoire de ceux qui se sont élevés contre la tyrannie, au prix de leur vie.
Pour que plus jamais le monde ne connaisse autant de haine, de folie, de barbarie, sachons rester mobilisés pour la défense de la liberté, de la démocratie, de la paix et des Droits de l'Homme.
Vive le Royaume-Uni! Vive les Etats-Unis d'Amérique ! Vive la France !
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 juin 2001)