Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Heureux de vous retrouver même si avec le Premier ministre, M. Costas Simitis, à l'issue de notre entretien de ce matin et avant le déjeuner, nous avons essayé de vous rendre compte des points principaux que nous avions évoqués. Je suis heureux de vous retrouver, journalistes français ou de la presse hellénique, pour répondre à vos questions. Je suis très heureux d'être ici.
Ce déplacement est bref, mais les chefs de gouvernements européens se voient maintenant très souvent et donc nous n'avons pas besoin de donner à nos déplacements l'ampleur et tout le décorum qui peuvent exister dans d'autres voyages. J'ai souhaité, à l'invitation de M. Simitis, qui souhaitait que nous nous voyons, plutôt le faire en Grèce, car j'ai pensé qu'il est bon, aussi pour moi agréable, compte tenu de l'amour que j'ai pour ce pays de venir ici. J'ai eu le plaisir de rencontrer comme vous le savez le président de la République et le président de l'Assemblée nationale. Nous avons, les deux Premiers ministres et les ministres des Affaires étrangères, pu dialoguer à la fois des questions européennes, d'un certain nombre de points qui intéressent nos relations bilatérales et d'un certain nombre de questions qui au plan international nous soucient beaucoup aujourd'hui. Voilà l'essentiel et maintenant je suis près à répondre à vos questions.
Q - Monsieur le Premier ministre, pensez-vous que l'Europe va continuer à être une union de pays gouvernée plutôt par le mouvement social-démocrate ? Est-ce que vous pensez que l'Europe sociale-démocrate peut contrer les effets négatifs de la mondialisation ?
R - Sur la première question, c'est au peuple de répondre, à l'occasion d'un certain nombre d'échéances électorales. La dernière qui a eu lieu en Grèce a confirmé, de peu c'est vrai, mais a confirmé à la tête du pays une équipe d'inspiration socialiste, social-démocrate.
En ce qui concerne la mondialisation, je pense qu'il faut d'abord que l'Europe veuille s'affirmer comme instance politique et comme espace de civilisation, si nous voulons que notre vision de la mondialisation, c'est-à-dire d'une mondialisation régulée, organisée, tournée vers les besoins des peuples, se développe. Nous avons besoin d'une Europe qui s'affirme, quelle que soit la couleur des gouvernements qui président aux destinées des peuples européens.
Dans le message des sociaux démocrates, il y a cette volonté de ne pas laisser le libéralisme régler l'ensemble des problèmes, mais d'organiser la société dans le respect de l'économie de marché, selon les intérêts des peuples et donc ce message des sociaux démocrates nous continuerons à le porter, c'est évident. Que ce soit dans le parti socialiste européen ou que ce soit, même si le cercle est plus large à l'occasion, lors de la réunion qui aura lieu par exemple à Stockholm la semaine prochaine et que Costas Simitis a évoquée devant vous brièvement tout à l'heure.
Q - Est-ce que vous pensez que l'Europe marche plus lentement maintenant dans la direction d'une confédération ? Est-ce que vous pensez que les conséquences de l'euro seront les mêmes pour tous les pays européens ? Peut-être que les économies plus faibles vont payer le prix de cette transition ?
R - Je pense d'abord que les conséquences de l'euro se manifesteront d'abord pour les pays qui ont choisi l'euro, c'est-à-dire pour douze d'entre eux aujourd'hui. Je vous ai dit ce matin que je pensais que l'euro avait déjà, comme monnaie des banques et institutions financières, joué un rôle protecteur. Je pense que face à la crise asiatique, à la crise russe, peut-être aujourd'hui à la crise qui peut menacer certains pays d'Amérique latine. Je pense aux évolutions du dollar. Si nous n'avions pas eu l'euro, nous aurions déjà eu des accidents monétaires à l'intérieur de la zone : des dévaluations, des réévaluations ; et que cela aurait pesé sur nos politiques économiques. Donc je crois que si nous avons pu avoir une période de croissance économique en Europe, l'euro y a contribué car il nous a interdit les accidents monétaires et les ajustements de politique économique qui auraient été nécessaires. Je pense simplement, je l'ai dit, que le passage à l'euro pour l'ensemble des citoyens, les Grecs ou les Français par exemple, va être évidemment un changement fort, psychologique, pratique. Mais que ce qui est un problème, c'est le passage à l'euro et non pas l'euro et qu'une fois ce passage fait, et à chaque gouvernement de la préparer aussi bien que possible, nous aurons des raisons d'en tirer bénéfice.
Voilà ce que je pense, alors c'est un facteur d'intégration de plus dans le marché et ça justifie également que l'Europe soit conduite également politiquement de façon cohérente.
Q - Monsieur le Premier ministre, récemment, l'évolution de la conjoncture économique mondiale a donné lieu à une large discussion sur notre gestion de la mondialisation et particulièrement en Europe. Est-ce que vous pensez, au moment où l'Europe commence une négociation déjà lourde sur les réformes institutionnelles, que cette problématique a des chances de devenir une politique européenne ?
R - Je séparerais un peu les deux choses. Il y a un problème de la conjoncture mondiale, nous devons l'analyser correctement, et nous devons si c'est nécessaire réagir. Et puis il y a un phénomène de moyen ou long terme, structurel, qu'on appelle la mondialisation. Les deux choses ne sont pas tout à fait identiques.
En ce qui concerne la conjoncture internationale, elle est un peu moins bonne, parce que la croissance s'est ralentie aux Etats-Unis et que par ailleurs, nous le savons, le Japon reste dans une situation de récession, parce qu'un certain nombre de problèmes structurels, notamment bancaires, ne sont pas pour le moment surmontés. Nous espérons bien que la croissance américaine va reprendre. En tout état de cause, l'Europe n'est pas en récession, mais en croissance un peu plus faible qu'elle ne l'était l'année dernière.
Je constate avec plaisir que la France a eu une croissance plutôt plus forte que ses partenaires en conjoncture haute, et a eu une croissance plutôt moins faible que ses partenaires, alors que la conjoncture est moins favorable. Et la coordination des politiques économiques doit nous servir à traverser correctement cette période de quelques mois peut-être.
Puis, il y a le phénomène de la mondialisation. La France, sur ce sujet, depuis 4 ans, c'est-à-dire notamment depuis que mon gouvernement est en place, a multiplié les propositions. Nous sommes tout à fait respectueux des messages que peuvent faire passer un certain nombre d'organisations non gouvernementales, mais les gouvernements légitimes n'ont pas attendu pour faire des propositions. Nous avons fait très tôt, par la bouche de M. Strauss-Kahn qui était alors ministre de l'Economie et des Finances, des propositions en ce qui concerne la gestion du FMI, la création d'un comité politique capable de gérer les problèmes, la capacité du FMI de réagir aux crises monétaires, la capacité du FMI à imposer ou à suggérer aux institutions financières internationales de prendre leur part aussi de réaction à ces crises monétaires. Nous avons fait des propositions sur les fonds de pension, sur les paradis fiscaux. Nous avons également fait des propositions dans l'OMC, la façon dont nous abordons le prochain cycle est une manière qui veut centrer ce cycle sur ce qu'on appelle le développement. Donc des relations équilibrées entre les pays développés et ceux en développement. Nous posons les problèmes de l'environnement avec nos partenaires, comme à Kyoto ; les questions des normes sociales dans les discussions commerciales internationales. Donc en tant que gouvernement français et nous avons l'impression que le gouvernement grec, sur ce sujet a une vision très proche, en tout cas c'est ce qui m'est apparu dans l'échange renouvelé avec Costas Simitis, ont cette même volonté de réguler et d'harmoniser la mondialisation. Donc travaillons sur le court terme, la conjoncture et sur le moyen et long terme, une évolution progressive de cette mondialisation, qui par ailleurs est un fait technologique, lié à la révolution des transports, des moyens de communication et d'information.
Q - Dans cette recherche d'harmoniser la mondialisation, il y a quelques années, les Etats-Unis étaient votre interlocuteur, je sais qu'ils ont participé à Florence puis à Megève aux rencontres des partis socio-démocrates européens. Aujourd'hui, voyez vous un divorce entre les Etats-Unis et l'Europe ?
R - Effectivement, je n'ai pas été informé que le président Bush entende venir à Stockholm comme son prédécesseur l'avait fait à Berlin ou à Florence. Mais certaines des évolutions de l'attitude américaine sur les questions internationales, qu'on peut qualifier d'unilatéralisme voire de souverainisme, effectivement nous préoccupent. Nous voulons des Etats-Unis qui assument leur responsabilité de première puissance mondiale dans la communauté internationale et qui participent effectivement de la vie des grandes organisations internationales pleinement. Donc nous ne voulons pas moins de présence américaine aux grandes questions du monde, nous voulons au contraire qu'ils prennent leur part. Mais ce dialogue nous allons le nouer progressivement avec nos amis américains et avec la nouvelle administration au cours des mois qui viennent. Nous avons d'ailleurs commencé à le faire, à Stockholm déjà, lorsque le nouveau président Bush était venu rencontrer les chefs d'Etats et de gouvernements européens.
Q - Concernant l'affaire des réfugiés économiques à Sangatte, quelle peut-être la réponse de l'Union européenne face à ce problème là ?
R - Vous savez que l'Union européenne réfléchit beaucoup sur ces problèmes d'immigration. Nous voulons harmoniser nos politiques, les aborder de concert, nous voulons aussi que dans l'Espace Schengen, chaque gouvernement, chaque Etat, soit vigilant des mouvements qui peuvent traverser ses frontières. Nous posons ces questions auprès des nouveaux pays candidats, car une partie de l'immigration se fait par le Centre ou l'Est de l'Europe. Nous en discutons aussi avec nos partenaires britanniques parce que nous sommes directement concernés puisque cela se situe sur le passage du tunnel. Voilà l'essentiel de ce que je peux vous dire aujourd'hui, ce n'est en tout cas pas une question dont nous avons parlé avec M. Costas Simitis. Nos préoccupations n'étaient pas tournées dans cette direction.
Q - Cela vous pose-t-il un problème la présence croissante des Etats-Unis aux Balkans depuis cette dernière décennie, présence de plus en plus marquée ?
R - On peut avoir les appréciations qu'on veut, moi ce qui me frappe au cours des derniers événements, c'est une présence intelligente, active et utile de l'Europe. Je pense que ce qui a été décidé au Kosovo a porté ses fruits, et nous n'avions pas d'autres choix. Et quand je vois ce qui se produit à Skopje, il s'agit là essentiellement des Européens qui s'engagent pour faire en sorte que l'intégrité de l'Ancienne République Yougoslave de Macédoine, le respect des frontières dans cette région, le souci de régler les conflits par le dialogue, le refus des illusions ethniques, que tout cela effectivement soit assuré. Donc, on peut autant parler d'une capacité de l'Europe à agir là où nous sommes, en Europe finalement, que d'une puissance américaine, aussi utile qu'elle puisse l'être à certains moments.
Q - Monsieur le Premier ministre, vous aviez souhaité une initiative européenne sur la taxe Tobin, qui doit être examinée en Conseil Ecofin à Liège les 22-23 septembre. Est-ce que le gouvernement grec s'est présenté comme soutenant cette initiative ou est-il plus réservé ?
R - D'abord je voudrais rappeler que le président Bugnon a lui-même décidé que cette question serait examinée. Donc je suis parti de cette affirmation, que le Premier ministre belge avait formulée et dont il m'avait informé, notamment lorsqu'il était venu me voir dans le cadre de sa tournée avant les vacances. Par ailleurs, vous l'avez vu avec ce qu'a dit Costas Simitis ce matin, les problèmes de la mondialisation nous préoccupent. Nous avons décidé avec le chancelier Schröder que serait créé un groupe de travail franco-allemand sur les problèmes de la mondialisation et la question de la taxe Tobin mérite d'être étudiée dans ce cadre. Donc, le président Chirac et moi-même avons donné notre accord à la création d'un tel groupe de travail. Donc je souhaite que ces questions soient examinées, j'ai entendu le point de vue de M. Tobin aussi, c'est quand même un élément nouveau dans le débat, que le père de la taxe y reste sans doute fidèle mais ait son opinion sur ceux qui la cultivent, en défendent le culte. C'est quand même un élément intellectuel dans la discussion. Vous savez je n'aime pas trop la pensée magique et j'aimerais bien qu'on creuse comme ça un certain nombre d'instruments et d'idées et qu'on les examine dans les instances internationales compétentes et je pense que cela doit partir d'une suggestion en Europe, parce que ces questions concernent désormais l'Europe. Ce n'est pas la peine d'avoir un Eurogroupe, l'euro, d'appeler à des politiques économiques coordonnées ; et puis en même temps de prendre des initiatives seuls. Comme j'avais entendu que certains souhaitaient que ces questions soient portées devant des instances internationales, ma contribution provisoire à ce débat a été de dire : voyons avec les européens si une initiative peut être prise au plan européen. Mais comme chacun l'a dit, y compris le professeur Tobin, il existe des instruments différents. La mondialisation ne pose pas que la question d'une taxe faible sur les mouvements spéculatifs très volatiles. Il y a bien d'autres questions dans la mondialisation et pas qu'une question monétaire à la surface des mouvements financiers puisque, comme vous le savez, il s'agit de capitaux très volatiles et non pas des flux de ressources, notamment vers les pays en développement qui sont une question fondamentale ; plus les problèmes commerciaux, plus les problèmes d'environnement. Donc, cette réduction des débats, des formules autour desquelles on mobilise, c'est quelque chose qui me paraît un peu dommageable. Alors j'ai voulu manifester que moi je ne récusais pas par principe un instrument, d'autant que je l'avais évoqué moi-même à une autre époque, mais je veux qu'on l'examine dans les instances faites pour cela.
Pour répondre totalement à votre question, Costas Simitis ce matin, notamment lors de notre tête-à-tête m'a interrogé sur cette question ; il ne se détermine pas par rapport à ça en soi, mais par rapport à tous les problèmes liés à la mondialisation et ça c'est un débat qui l'intéresse et qu'il souhaite porter. Je lui ai donné mon accord là-dessus, à Stockholm la semaine prochaine.
Q - J'ai une double question Monsieur le Premier ministre, portant sur la Macédoine. D'abord, Richard Holbrooke, qui connaît bien le sujet, a vivement critiqué l'opération de l'OTAN en disant que c'était complètement absurde d'avoir prévu un délai de 30 jours pour la collecte des armes, il dit que collecter 3300 armes en un mois c'est quelque chose de symbolique et il dit en plus qu'on peut remplacer les armes collectées en une semaine. Donc, je voulais savoir ce que vous en pensez. Et l'autre question, toujours sur la Macédoine, sur la question du nom, est-ce que vous pensez possible ou souhaitable une évolution sur ce dossier qui continue d'être une pomme de discorde entre la Grèce et l'ARYM ?
R - Ecoutez, sur ce deuxième point, je pense que c'est d'abord aux acteurs entre eux, et donc justement l'ARYM et la Grèce d'en parler et tout naturellement les pays européens s'en préoccupent et accompagnent ce processus. Au moment où je vous parle, on en est là, à cette appellation. Je m'y tiens, en particulier ici.
Sur l'autre point, je n'ai pas vocation ici en Grèce, à débattre avec lui. Ce que je peux dire simplement c'est que cette question de la suite en fait de la collecte des armes est une question qui nous apparaît posée, les chefs d'Etats et de gouvernements en parlent entre eux. Nous en avons parlé aussi au sein de l'exécutif français, nous l'avons évoqué avec le chancelier Schroeder, M. Fischer, M. Védrine, le président de la République et moi-même, je l'ai évoqué avec Costas Simitis. Un des intérêts de ce voyage d'ailleurs, indépendamment de ce qu'il avait de justifications en soi, c'est aussi que dans un moment où les Balkans sont troublés, entendre le point de vue de nos amis grecs et notamment du Premier ministre est quelque chose de tout à fait utile et important. Les deux ministres des Affaires étrangères, Georges Papandréou et Hubert Védrine, en ont discuté longtemps. Il nous ont ramené les derniers éléments issus du Gymnich, de la réunion des ministres des Affaires étrangères. Et donc, nous nous sommes engagés dans une opération de collecte des armes, de courte durée, sur la base d'un accord politique qui avait été réalisé. C'était là le sens du mandat qui a été défini par les chefs d'Etats et de gouvernements légitimes pour le faire. C'est vrai que la question est posée de savoir s'il ne peut pas être utile et peut-être nécessaire, les esprits n'étant sans doute pas totalement pacifiés, de prolonger cette mission. Quelle forme prendra-t-elle, sous quel statut, par quelle décision, c'est ce dont nous sommes en train de débattre et nous en avons notamment parlé avec le Premier ministre grec, les ministres des Affaires étrangères.
Voilà, c'est tout ce que j'ai à dire, je crois que l'Europe a démontré sa capacité à agir, il faut qu'elle continue à le faire. Le reste concernant la collecte des armes et le fait qu'elles puissent être remplacées ne nous avait pas échappé, il suffit de regarder les avions arriver parfois.
Q - Monsieur le Premier ministre, vous nous avez confirmé ce matin avoir discuté du dossier des chars Leclerc. Est-ce que vous pouvez nous en dire davantage ?
R - Evidemment je n'ai pas parlé que de ce dossier, ni même des deux dossiers que j'ai évoqués tout à l'heure, mais d'un certain nombre de dossiers. J'ai évoqué le dossier des privatisations qui sont en cours, j'ai évoqué le dossier des Jeux Olympiques et la part que nous pouvons y prendre, un certain nombre de dossiers culturels, notamment le problème de la reconnaissance de diplômes, le problème de la langue française, non de la langue en Grèce en soi, même si nous avons vocation à la défendre parce que je crois qu'elle progresse plutôt, ça c'est une très bonne nouvelle ; mais de la place du français au moment des Jeux Olympiques en 2004. Un certain nombre d'autres questions, j'ai évoqué aussi celle-ci. Vous vous doutez bien de ce que j'ai dit, j'ai fait valoir la qualité de l'offre française, je ne peux pas m'exprimer à la place du Premier ministre grec sur ce sujet. Naturellement je sais ce qu'il m'a dit, mais il m'est difficile de le dire à sa place. Je n'ai pas eu l'impression que la décision était imminente, peut-être que je peux dire les choses ainsi.
Q - Pour revenir à l'avenir de l'Europe, vous avez dit tout à l'heure, lors de la conférence de presse avec M. Simitis, que les visions des deux pays ne sont pas très éloignées. Pouvez-vous nous dire quels sont les points de convergence et de divergence entre la France et la Grèce ?
R - Honnêtement, si je vous disais que nos positions sont identiques, ce serait ne pas prendre en compte, d'abord la personnalité des pays et la personnalité des hommes aussi. Nous ne parlons pas d'une voix totalement uniforme, c'est pourquoi j'ai dit que nos visions étaient proches. J'ai parlé d'une fédération Etats-nations, le Premier ministre Simitis a parlé d'un fédéralisme évolutif, d'un fédéralisme à fondement communautaire. J'ai eu l'impression que sur la question de la convention par exemple, sur le fait que l'Europe c'était d'abord un contenu avant d'être un contenant, j'ai eu l'impression que cette vision nous était assez proche. L'idée aussi que M. Simitis, comme nous, ne souhaitait pas une renationalisation des politiques existantes, qu'elles soient agricoles ou qu'elles soient régionales. Parce qu'on voit mal comment on proposerait au gouvernement de faire des pas en avant nouveaux dans l'Europe en revenant en arrière par rapport à des politiques existantes. Sur un certain équilibre entre l'économique et le social, dans l'économie entre le monétaire et l'économique. Sur toutes ces questions, j'ai eu l'impression que nos visions étaient assez proches de l'idée aussi d'une Europe qui s'affirme, notamment en politique étrangère, dans la vision des rapports avec l'OTAN. Enfin je pourrais trouver beaucoup d'exemples d'attitudes qui sont peu éloignées, maintenant nous sommes deux pays différents et donc sur un certain nombre de sujets nous avons aussi des approches qui peuvent être aussi différentes. Puis, il faut tenir compte aussi du fait que le débat commence seulement. Il commence en France, je présume qu'il commence nationalement dans les autres pays, en tout cas nous, nous l'organisons et il commence entre les Parlements européens nationaux, entre les gouvernements, c'est en tout cas ce que nous suggérons à travers une convention. Chacun démarre avec ses mots, ses concepts, mais enfin entre la Grèce et la France, il y a une assez grande communauté de pensée.
Q - Vous parliez à l'instant des Jeux Olympiques de 2004. Un homme d'affaires français, André Guelfi a déclaré récemment qu'il avait convaincu certains membres du CIO de voter contre la candidature de Paris en 2008. J'aimerais connaître votre réaction à ce sujet.
R - Vous savez, ce n'est jamais là que j'ai mis ma conviction. Non voilà. Cela veut dire que les efforts de conviction que j'ai pu développer, je les ai mis au service de causes plus nobles. Par des moyens également transparents et clairs, c'est tout. On ne peut pas en dire plus sur les déclarations de M. Guelfi.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 septembre 2001)
Heureux de vous retrouver même si avec le Premier ministre, M. Costas Simitis, à l'issue de notre entretien de ce matin et avant le déjeuner, nous avons essayé de vous rendre compte des points principaux que nous avions évoqués. Je suis heureux de vous retrouver, journalistes français ou de la presse hellénique, pour répondre à vos questions. Je suis très heureux d'être ici.
Ce déplacement est bref, mais les chefs de gouvernements européens se voient maintenant très souvent et donc nous n'avons pas besoin de donner à nos déplacements l'ampleur et tout le décorum qui peuvent exister dans d'autres voyages. J'ai souhaité, à l'invitation de M. Simitis, qui souhaitait que nous nous voyons, plutôt le faire en Grèce, car j'ai pensé qu'il est bon, aussi pour moi agréable, compte tenu de l'amour que j'ai pour ce pays de venir ici. J'ai eu le plaisir de rencontrer comme vous le savez le président de la République et le président de l'Assemblée nationale. Nous avons, les deux Premiers ministres et les ministres des Affaires étrangères, pu dialoguer à la fois des questions européennes, d'un certain nombre de points qui intéressent nos relations bilatérales et d'un certain nombre de questions qui au plan international nous soucient beaucoup aujourd'hui. Voilà l'essentiel et maintenant je suis près à répondre à vos questions.
Q - Monsieur le Premier ministre, pensez-vous que l'Europe va continuer à être une union de pays gouvernée plutôt par le mouvement social-démocrate ? Est-ce que vous pensez que l'Europe sociale-démocrate peut contrer les effets négatifs de la mondialisation ?
R - Sur la première question, c'est au peuple de répondre, à l'occasion d'un certain nombre d'échéances électorales. La dernière qui a eu lieu en Grèce a confirmé, de peu c'est vrai, mais a confirmé à la tête du pays une équipe d'inspiration socialiste, social-démocrate.
En ce qui concerne la mondialisation, je pense qu'il faut d'abord que l'Europe veuille s'affirmer comme instance politique et comme espace de civilisation, si nous voulons que notre vision de la mondialisation, c'est-à-dire d'une mondialisation régulée, organisée, tournée vers les besoins des peuples, se développe. Nous avons besoin d'une Europe qui s'affirme, quelle que soit la couleur des gouvernements qui président aux destinées des peuples européens.
Dans le message des sociaux démocrates, il y a cette volonté de ne pas laisser le libéralisme régler l'ensemble des problèmes, mais d'organiser la société dans le respect de l'économie de marché, selon les intérêts des peuples et donc ce message des sociaux démocrates nous continuerons à le porter, c'est évident. Que ce soit dans le parti socialiste européen ou que ce soit, même si le cercle est plus large à l'occasion, lors de la réunion qui aura lieu par exemple à Stockholm la semaine prochaine et que Costas Simitis a évoquée devant vous brièvement tout à l'heure.
Q - Est-ce que vous pensez que l'Europe marche plus lentement maintenant dans la direction d'une confédération ? Est-ce que vous pensez que les conséquences de l'euro seront les mêmes pour tous les pays européens ? Peut-être que les économies plus faibles vont payer le prix de cette transition ?
R - Je pense d'abord que les conséquences de l'euro se manifesteront d'abord pour les pays qui ont choisi l'euro, c'est-à-dire pour douze d'entre eux aujourd'hui. Je vous ai dit ce matin que je pensais que l'euro avait déjà, comme monnaie des banques et institutions financières, joué un rôle protecteur. Je pense que face à la crise asiatique, à la crise russe, peut-être aujourd'hui à la crise qui peut menacer certains pays d'Amérique latine. Je pense aux évolutions du dollar. Si nous n'avions pas eu l'euro, nous aurions déjà eu des accidents monétaires à l'intérieur de la zone : des dévaluations, des réévaluations ; et que cela aurait pesé sur nos politiques économiques. Donc je crois que si nous avons pu avoir une période de croissance économique en Europe, l'euro y a contribué car il nous a interdit les accidents monétaires et les ajustements de politique économique qui auraient été nécessaires. Je pense simplement, je l'ai dit, que le passage à l'euro pour l'ensemble des citoyens, les Grecs ou les Français par exemple, va être évidemment un changement fort, psychologique, pratique. Mais que ce qui est un problème, c'est le passage à l'euro et non pas l'euro et qu'une fois ce passage fait, et à chaque gouvernement de la préparer aussi bien que possible, nous aurons des raisons d'en tirer bénéfice.
Voilà ce que je pense, alors c'est un facteur d'intégration de plus dans le marché et ça justifie également que l'Europe soit conduite également politiquement de façon cohérente.
Q - Monsieur le Premier ministre, récemment, l'évolution de la conjoncture économique mondiale a donné lieu à une large discussion sur notre gestion de la mondialisation et particulièrement en Europe. Est-ce que vous pensez, au moment où l'Europe commence une négociation déjà lourde sur les réformes institutionnelles, que cette problématique a des chances de devenir une politique européenne ?
R - Je séparerais un peu les deux choses. Il y a un problème de la conjoncture mondiale, nous devons l'analyser correctement, et nous devons si c'est nécessaire réagir. Et puis il y a un phénomène de moyen ou long terme, structurel, qu'on appelle la mondialisation. Les deux choses ne sont pas tout à fait identiques.
En ce qui concerne la conjoncture internationale, elle est un peu moins bonne, parce que la croissance s'est ralentie aux Etats-Unis et que par ailleurs, nous le savons, le Japon reste dans une situation de récession, parce qu'un certain nombre de problèmes structurels, notamment bancaires, ne sont pas pour le moment surmontés. Nous espérons bien que la croissance américaine va reprendre. En tout état de cause, l'Europe n'est pas en récession, mais en croissance un peu plus faible qu'elle ne l'était l'année dernière.
Je constate avec plaisir que la France a eu une croissance plutôt plus forte que ses partenaires en conjoncture haute, et a eu une croissance plutôt moins faible que ses partenaires, alors que la conjoncture est moins favorable. Et la coordination des politiques économiques doit nous servir à traverser correctement cette période de quelques mois peut-être.
Puis, il y a le phénomène de la mondialisation. La France, sur ce sujet, depuis 4 ans, c'est-à-dire notamment depuis que mon gouvernement est en place, a multiplié les propositions. Nous sommes tout à fait respectueux des messages que peuvent faire passer un certain nombre d'organisations non gouvernementales, mais les gouvernements légitimes n'ont pas attendu pour faire des propositions. Nous avons fait très tôt, par la bouche de M. Strauss-Kahn qui était alors ministre de l'Economie et des Finances, des propositions en ce qui concerne la gestion du FMI, la création d'un comité politique capable de gérer les problèmes, la capacité du FMI de réagir aux crises monétaires, la capacité du FMI à imposer ou à suggérer aux institutions financières internationales de prendre leur part aussi de réaction à ces crises monétaires. Nous avons fait des propositions sur les fonds de pension, sur les paradis fiscaux. Nous avons également fait des propositions dans l'OMC, la façon dont nous abordons le prochain cycle est une manière qui veut centrer ce cycle sur ce qu'on appelle le développement. Donc des relations équilibrées entre les pays développés et ceux en développement. Nous posons les problèmes de l'environnement avec nos partenaires, comme à Kyoto ; les questions des normes sociales dans les discussions commerciales internationales. Donc en tant que gouvernement français et nous avons l'impression que le gouvernement grec, sur ce sujet a une vision très proche, en tout cas c'est ce qui m'est apparu dans l'échange renouvelé avec Costas Simitis, ont cette même volonté de réguler et d'harmoniser la mondialisation. Donc travaillons sur le court terme, la conjoncture et sur le moyen et long terme, une évolution progressive de cette mondialisation, qui par ailleurs est un fait technologique, lié à la révolution des transports, des moyens de communication et d'information.
Q - Dans cette recherche d'harmoniser la mondialisation, il y a quelques années, les Etats-Unis étaient votre interlocuteur, je sais qu'ils ont participé à Florence puis à Megève aux rencontres des partis socio-démocrates européens. Aujourd'hui, voyez vous un divorce entre les Etats-Unis et l'Europe ?
R - Effectivement, je n'ai pas été informé que le président Bush entende venir à Stockholm comme son prédécesseur l'avait fait à Berlin ou à Florence. Mais certaines des évolutions de l'attitude américaine sur les questions internationales, qu'on peut qualifier d'unilatéralisme voire de souverainisme, effectivement nous préoccupent. Nous voulons des Etats-Unis qui assument leur responsabilité de première puissance mondiale dans la communauté internationale et qui participent effectivement de la vie des grandes organisations internationales pleinement. Donc nous ne voulons pas moins de présence américaine aux grandes questions du monde, nous voulons au contraire qu'ils prennent leur part. Mais ce dialogue nous allons le nouer progressivement avec nos amis américains et avec la nouvelle administration au cours des mois qui viennent. Nous avons d'ailleurs commencé à le faire, à Stockholm déjà, lorsque le nouveau président Bush était venu rencontrer les chefs d'Etats et de gouvernements européens.
Q - Concernant l'affaire des réfugiés économiques à Sangatte, quelle peut-être la réponse de l'Union européenne face à ce problème là ?
R - Vous savez que l'Union européenne réfléchit beaucoup sur ces problèmes d'immigration. Nous voulons harmoniser nos politiques, les aborder de concert, nous voulons aussi que dans l'Espace Schengen, chaque gouvernement, chaque Etat, soit vigilant des mouvements qui peuvent traverser ses frontières. Nous posons ces questions auprès des nouveaux pays candidats, car une partie de l'immigration se fait par le Centre ou l'Est de l'Europe. Nous en discutons aussi avec nos partenaires britanniques parce que nous sommes directement concernés puisque cela se situe sur le passage du tunnel. Voilà l'essentiel de ce que je peux vous dire aujourd'hui, ce n'est en tout cas pas une question dont nous avons parlé avec M. Costas Simitis. Nos préoccupations n'étaient pas tournées dans cette direction.
Q - Cela vous pose-t-il un problème la présence croissante des Etats-Unis aux Balkans depuis cette dernière décennie, présence de plus en plus marquée ?
R - On peut avoir les appréciations qu'on veut, moi ce qui me frappe au cours des derniers événements, c'est une présence intelligente, active et utile de l'Europe. Je pense que ce qui a été décidé au Kosovo a porté ses fruits, et nous n'avions pas d'autres choix. Et quand je vois ce qui se produit à Skopje, il s'agit là essentiellement des Européens qui s'engagent pour faire en sorte que l'intégrité de l'Ancienne République Yougoslave de Macédoine, le respect des frontières dans cette région, le souci de régler les conflits par le dialogue, le refus des illusions ethniques, que tout cela effectivement soit assuré. Donc, on peut autant parler d'une capacité de l'Europe à agir là où nous sommes, en Europe finalement, que d'une puissance américaine, aussi utile qu'elle puisse l'être à certains moments.
Q - Monsieur le Premier ministre, vous aviez souhaité une initiative européenne sur la taxe Tobin, qui doit être examinée en Conseil Ecofin à Liège les 22-23 septembre. Est-ce que le gouvernement grec s'est présenté comme soutenant cette initiative ou est-il plus réservé ?
R - D'abord je voudrais rappeler que le président Bugnon a lui-même décidé que cette question serait examinée. Donc je suis parti de cette affirmation, que le Premier ministre belge avait formulée et dont il m'avait informé, notamment lorsqu'il était venu me voir dans le cadre de sa tournée avant les vacances. Par ailleurs, vous l'avez vu avec ce qu'a dit Costas Simitis ce matin, les problèmes de la mondialisation nous préoccupent. Nous avons décidé avec le chancelier Schröder que serait créé un groupe de travail franco-allemand sur les problèmes de la mondialisation et la question de la taxe Tobin mérite d'être étudiée dans ce cadre. Donc, le président Chirac et moi-même avons donné notre accord à la création d'un tel groupe de travail. Donc je souhaite que ces questions soient examinées, j'ai entendu le point de vue de M. Tobin aussi, c'est quand même un élément nouveau dans le débat, que le père de la taxe y reste sans doute fidèle mais ait son opinion sur ceux qui la cultivent, en défendent le culte. C'est quand même un élément intellectuel dans la discussion. Vous savez je n'aime pas trop la pensée magique et j'aimerais bien qu'on creuse comme ça un certain nombre d'instruments et d'idées et qu'on les examine dans les instances internationales compétentes et je pense que cela doit partir d'une suggestion en Europe, parce que ces questions concernent désormais l'Europe. Ce n'est pas la peine d'avoir un Eurogroupe, l'euro, d'appeler à des politiques économiques coordonnées ; et puis en même temps de prendre des initiatives seuls. Comme j'avais entendu que certains souhaitaient que ces questions soient portées devant des instances internationales, ma contribution provisoire à ce débat a été de dire : voyons avec les européens si une initiative peut être prise au plan européen. Mais comme chacun l'a dit, y compris le professeur Tobin, il existe des instruments différents. La mondialisation ne pose pas que la question d'une taxe faible sur les mouvements spéculatifs très volatiles. Il y a bien d'autres questions dans la mondialisation et pas qu'une question monétaire à la surface des mouvements financiers puisque, comme vous le savez, il s'agit de capitaux très volatiles et non pas des flux de ressources, notamment vers les pays en développement qui sont une question fondamentale ; plus les problèmes commerciaux, plus les problèmes d'environnement. Donc, cette réduction des débats, des formules autour desquelles on mobilise, c'est quelque chose qui me paraît un peu dommageable. Alors j'ai voulu manifester que moi je ne récusais pas par principe un instrument, d'autant que je l'avais évoqué moi-même à une autre époque, mais je veux qu'on l'examine dans les instances faites pour cela.
Pour répondre totalement à votre question, Costas Simitis ce matin, notamment lors de notre tête-à-tête m'a interrogé sur cette question ; il ne se détermine pas par rapport à ça en soi, mais par rapport à tous les problèmes liés à la mondialisation et ça c'est un débat qui l'intéresse et qu'il souhaite porter. Je lui ai donné mon accord là-dessus, à Stockholm la semaine prochaine.
Q - J'ai une double question Monsieur le Premier ministre, portant sur la Macédoine. D'abord, Richard Holbrooke, qui connaît bien le sujet, a vivement critiqué l'opération de l'OTAN en disant que c'était complètement absurde d'avoir prévu un délai de 30 jours pour la collecte des armes, il dit que collecter 3300 armes en un mois c'est quelque chose de symbolique et il dit en plus qu'on peut remplacer les armes collectées en une semaine. Donc, je voulais savoir ce que vous en pensez. Et l'autre question, toujours sur la Macédoine, sur la question du nom, est-ce que vous pensez possible ou souhaitable une évolution sur ce dossier qui continue d'être une pomme de discorde entre la Grèce et l'ARYM ?
R - Ecoutez, sur ce deuxième point, je pense que c'est d'abord aux acteurs entre eux, et donc justement l'ARYM et la Grèce d'en parler et tout naturellement les pays européens s'en préoccupent et accompagnent ce processus. Au moment où je vous parle, on en est là, à cette appellation. Je m'y tiens, en particulier ici.
Sur l'autre point, je n'ai pas vocation ici en Grèce, à débattre avec lui. Ce que je peux dire simplement c'est que cette question de la suite en fait de la collecte des armes est une question qui nous apparaît posée, les chefs d'Etats et de gouvernements en parlent entre eux. Nous en avons parlé aussi au sein de l'exécutif français, nous l'avons évoqué avec le chancelier Schroeder, M. Fischer, M. Védrine, le président de la République et moi-même, je l'ai évoqué avec Costas Simitis. Un des intérêts de ce voyage d'ailleurs, indépendamment de ce qu'il avait de justifications en soi, c'est aussi que dans un moment où les Balkans sont troublés, entendre le point de vue de nos amis grecs et notamment du Premier ministre est quelque chose de tout à fait utile et important. Les deux ministres des Affaires étrangères, Georges Papandréou et Hubert Védrine, en ont discuté longtemps. Il nous ont ramené les derniers éléments issus du Gymnich, de la réunion des ministres des Affaires étrangères. Et donc, nous nous sommes engagés dans une opération de collecte des armes, de courte durée, sur la base d'un accord politique qui avait été réalisé. C'était là le sens du mandat qui a été défini par les chefs d'Etats et de gouvernements légitimes pour le faire. C'est vrai que la question est posée de savoir s'il ne peut pas être utile et peut-être nécessaire, les esprits n'étant sans doute pas totalement pacifiés, de prolonger cette mission. Quelle forme prendra-t-elle, sous quel statut, par quelle décision, c'est ce dont nous sommes en train de débattre et nous en avons notamment parlé avec le Premier ministre grec, les ministres des Affaires étrangères.
Voilà, c'est tout ce que j'ai à dire, je crois que l'Europe a démontré sa capacité à agir, il faut qu'elle continue à le faire. Le reste concernant la collecte des armes et le fait qu'elles puissent être remplacées ne nous avait pas échappé, il suffit de regarder les avions arriver parfois.
Q - Monsieur le Premier ministre, vous nous avez confirmé ce matin avoir discuté du dossier des chars Leclerc. Est-ce que vous pouvez nous en dire davantage ?
R - Evidemment je n'ai pas parlé que de ce dossier, ni même des deux dossiers que j'ai évoqués tout à l'heure, mais d'un certain nombre de dossiers. J'ai évoqué le dossier des privatisations qui sont en cours, j'ai évoqué le dossier des Jeux Olympiques et la part que nous pouvons y prendre, un certain nombre de dossiers culturels, notamment le problème de la reconnaissance de diplômes, le problème de la langue française, non de la langue en Grèce en soi, même si nous avons vocation à la défendre parce que je crois qu'elle progresse plutôt, ça c'est une très bonne nouvelle ; mais de la place du français au moment des Jeux Olympiques en 2004. Un certain nombre d'autres questions, j'ai évoqué aussi celle-ci. Vous vous doutez bien de ce que j'ai dit, j'ai fait valoir la qualité de l'offre française, je ne peux pas m'exprimer à la place du Premier ministre grec sur ce sujet. Naturellement je sais ce qu'il m'a dit, mais il m'est difficile de le dire à sa place. Je n'ai pas eu l'impression que la décision était imminente, peut-être que je peux dire les choses ainsi.
Q - Pour revenir à l'avenir de l'Europe, vous avez dit tout à l'heure, lors de la conférence de presse avec M. Simitis, que les visions des deux pays ne sont pas très éloignées. Pouvez-vous nous dire quels sont les points de convergence et de divergence entre la France et la Grèce ?
R - Honnêtement, si je vous disais que nos positions sont identiques, ce serait ne pas prendre en compte, d'abord la personnalité des pays et la personnalité des hommes aussi. Nous ne parlons pas d'une voix totalement uniforme, c'est pourquoi j'ai dit que nos visions étaient proches. J'ai parlé d'une fédération Etats-nations, le Premier ministre Simitis a parlé d'un fédéralisme évolutif, d'un fédéralisme à fondement communautaire. J'ai eu l'impression que sur la question de la convention par exemple, sur le fait que l'Europe c'était d'abord un contenu avant d'être un contenant, j'ai eu l'impression que cette vision nous était assez proche. L'idée aussi que M. Simitis, comme nous, ne souhaitait pas une renationalisation des politiques existantes, qu'elles soient agricoles ou qu'elles soient régionales. Parce qu'on voit mal comment on proposerait au gouvernement de faire des pas en avant nouveaux dans l'Europe en revenant en arrière par rapport à des politiques existantes. Sur un certain équilibre entre l'économique et le social, dans l'économie entre le monétaire et l'économique. Sur toutes ces questions, j'ai eu l'impression que nos visions étaient assez proches de l'idée aussi d'une Europe qui s'affirme, notamment en politique étrangère, dans la vision des rapports avec l'OTAN. Enfin je pourrais trouver beaucoup d'exemples d'attitudes qui sont peu éloignées, maintenant nous sommes deux pays différents et donc sur un certain nombre de sujets nous avons aussi des approches qui peuvent être aussi différentes. Puis, il faut tenir compte aussi du fait que le débat commence seulement. Il commence en France, je présume qu'il commence nationalement dans les autres pays, en tout cas nous, nous l'organisons et il commence entre les Parlements européens nationaux, entre les gouvernements, c'est en tout cas ce que nous suggérons à travers une convention. Chacun démarre avec ses mots, ses concepts, mais enfin entre la Grèce et la France, il y a une assez grande communauté de pensée.
Q - Vous parliez à l'instant des Jeux Olympiques de 2004. Un homme d'affaires français, André Guelfi a déclaré récemment qu'il avait convaincu certains membres du CIO de voter contre la candidature de Paris en 2008. J'aimerais connaître votre réaction à ce sujet.
R - Vous savez, ce n'est jamais là que j'ai mis ma conviction. Non voilà. Cela veut dire que les efforts de conviction que j'ai pu développer, je les ai mis au service de causes plus nobles. Par des moyens également transparents et clairs, c'est tout. On ne peut pas en dire plus sur les déclarations de M. Guelfi.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 septembre 2001)