Texte intégral
NICOLAS TEILLARD
Le Premier ministre est donc l'invité politique de France Info ce matin. Guy BIRENBAUM, Jean-François ACHILLI, c'est à vous !
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Bonjour Manuel VALLS.
MANUEL VALLS
Bonjour.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Et bienvenue ! Vous avez vu ça ce matin, un homme vous défie, il défie le gouvernement, il s'appelle Pierre GATTAZ, le patron des patrons vous donne trois semaines, trois semaines pour revenir au texte initial de la loi Travail, sinon, eh bien, le MEDEF quittera les négociations sur l'assurance-chômage. Qu'est-ce que vous répondez à cet ultimatum ce matin ?
MANUEL VALLS
Je regrette ces méthodes qui consistent à poser des ultimatums, prendre en otage la négociation de l'assurance-chômage, c'est-à-dire sur le revenu de ceux qui ont perdu un emploi, c'est, je crois, honnêtement, ne pas être à la hauteur de la responsabilité en tant que partenaire social. Ni ces négociations, celles de l'assurance-chômage, qui concernent les partenaires sociaux, ni la loi sur le Travail qui a déjà été examinée par la Commission des Affaires sociales et la Commission des Affaires économiques à l'Assemblée nationale, le débat va commencer la semaine prochaine, dans l'hémicycle ne deviendront l'otage d'enjeux internes au patronat.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Mais qu'est-ce que vous allez faire ? Vous allez l'appeler, lui dire : il faut rester, il faut ?
MANUEL VALLS
Mais, moi, je crois à la négociation
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Il y a bien un moment où il faudra se parler
MANUEL VALLS
Je crois au dialogue, je crois au rôle des partenaires sociaux, bref, je crois au paritarisme. Et quand on discute, quand on négocie, on ne pose pas des ultimatums, c'est vrai pour l'assurance-chômage, et puis, il faut par ailleurs respecter, je veux le rappeler, le Parlement qui, aujourd'hui, s'est saisi de cette loi, et qui l'enrichit, l'amende, est à l'écoute par ailleurs de l'ensemble des partenaires sociaux, à l'occasion de débats au sein de la Commission des Affaires sociales, grâce au travail fait par le rapporteur Christophe SIRUGUE, le texte par exemple a été enrichi en faveur des petites et moyennes entreprises. Et ce texte est équilibré, ce texte est dynamique, à la fois en faveur des entreprises, en faveur des entrepreneurs, comme en faveur des salariés, puisqu'il leur apporte de nouveaux droits et de nouvelles protections.
GUY BIRENBAUM
Mais vous avez dit : prise d'otage, c'est très, très lourd !
MANUEL VALLS
Oui, faisons attention aux mots, je veux bien suivre ça, mais enfin, c'est quand même ce sentiment que cela donne, quand on vous dit : vous n'avez que quelques semaines pour modifier le texte sinon, nous quittons la négociation sur l'assurance-chômage, oui, c'est ce type d'ultimatum qui ne peut pas avoir lieu entre partenaires sociaux, encore une fois, l'assurance-chômage, c'est une discussion entre partenaires sociaux, et dans le dialogue que nous avons avec le patronat. Je veux rappeler que la nation, c'est-à-dire les Français, la nation a consenti un effort de plus de quarante milliards d'euros, ils étaient nécessaires
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Apparemment, ce n'est pas assez pour personne
MANUEL VALLS
Pour faire baisser le coût du travail, la fiscalité sur les entreprises, qui avait trop augmenté entre 2008 et 2012, entre 2012 et 2014. Et donc cet effort a été fait, et d'ailleurs avec des résultats, puisque les entreprises ont retrouvé leurs marges, puisqu'elles investissent
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
C'est le « ça va mieux » du président HOLLANDE, c'est ça ?
MANUEL VALLS
Nous retrouvons de la croissance. Oui, ça va mieux. Alors, moi, je comprends tout à fait la perception que les Français peuvent avoir, je pense à ceux qui sont dans la précarité, à ceux qui ont perdu un emploi. Vous savez que même le pouvoir d'achat s'est amélioré, parce qu'il y a eu augmentation des salaires parfois, parce que l'inflation est quasiment nulle ou nulle, et parfois, les Français, quand vous parlez avec eux, ils vous disent : non, nous ne le ressentons pas. Mais ça va mieux pour une seule raison, d'abord, parce que la croissance est de retour, 1,2 % en 2015, une perspective de 1,5 % en 2016, parce que notre économie crée de nouveau de l'emploi, près de 100.000 en 2015, près de 100.000 en une année, donc ça veut bien dire que ça va mieux. Ça veut dire surtout qu'il faut continuer les efforts, les réformes, pour que nos entreprises aient plus de compétitivité, et moi, je crois au dialogue social dans l'entreprise, c'est le sens du texte de loi défendu par Myriam El KHOMRI, et je pense que progrès social et performances économiques sont liés, donc j'appelle Pierre GATTAZ à revenir tout simplement à la table des discussions, et à tenir des propos qui, au fond, j'en suis convaincu, correspondent plus à ce qu'il pense, c'est-à-dire à la nécessité d'avancer ensemble, pour le pays, et pour l'emploi.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Alors l'appel est lancé ce matin à Pierre GATTAZ. Les patrons ne sont pas contents, mais aussi toute une partie de la gauche, les jeunes sont encore dans la rue, comment faire retomber la colère ? Manuel VALLS, vous l'avez crit hier soir sur votre compte Facebook, le gouvernement envisagerait d'instaurer à terme ce que vous appelez un revenu universel. Vous allez rendre les jeunes de 18 ans éligibles au RSA, au Revenu de Solidarité Active, vous allez vraiment faire ça ?
MANUEL VALLS
Je n'ai pas dit cela, j'ai dit qu'il faut ouvrir un grand débat sur le revenu universel, à partir du rapport, toujours d'ailleurs par le même député, Christophe SIRUGUE, qui nous a été remis, il y a deux jours, et qui propose une réforme en profondeur des minima sociaux, pour plus revenus modestes, pour les handicapés
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
C'est-à-dire que vous allez refondre
MANUEL VALLS
Oui, c'est ce qu'il propose, progressivement, parce que cela induit, forcément, cela amènerait une réforme profonde de ces minima sociaux, de la politique familiale, et aussi de la fiscalité. Donc on ne peut pas prendre ces sujets à la légère
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Mais c'est quoi, c'est du long terme, c'est sur plusieurs années, c'est un vrai chantier que vous lancez aujourd'hui ?
MANUEL VALLS
C'est un chantier qui enjambe de toute façon le quinquennat, pour une application en 2018, parce que le mot solidarité, c'est une exigence. Et cette exigence, elle doit reposer aussi sur la clarté, sur la simplification, et sur des droits réels, effectifs. Moi, ce qui me frappe, c'est que, aujourd'hui, beaucoup de nos compatriotes ne sont pas éligibles à des droits dont pourtant ils devraient être appliqués.
GUY BIRENBAUM
Mais Monsieur le Premier ministre, c'est un sujet essentiel, pourquoi si tard dans le quinquennat ?
MANUEL VALLS
Mais parce que nous avons déjà beaucoup fait, je veux rappeler que, en 2013, un plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté a été adopté, que nous avons augmenté de 10 % le RSA, que nous aurons augmenté le RSA de 10 %, que la pauvreté a pour la première fois régressé, même si elle reste aujourd'hui beaucoup trop importante. Six, sept, huit millions de nos concitoyens sont aujourd'hui dans cette pauvreté. Parce que nous avons créé la prime d'activité. C'est un changement, on ne peut pas imaginer à quel point les choses sont en train d'évoluer, c'est un complément
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
L'opposition vous dit
MANUEL VALLS
La prime d'activité, c'est un complément de salaire pour tous ceux qui gagnant moins de 1.500 euros par mois peuvent avoir ce complément de salaire, incitant ainsi à la reprise de l'emploi, c'est 170 euros par ménage en moyenne, et 2,3 millions sont déjà bénéficiaires de cette prime d'activité depuis le 1er janvier, et sans doute avant l'été, nous aurons dépassé les chiffres que nous avions prévus. Donc ça veut bien dire qu'il y a des réformes en profondeur qui peuvent changer aussi la vie quotidienne de nos concitoyens.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
L'opposition vous dit : clientélisme avant la présidentielle d'ici un an, quoi...
MANUEL VALLS
Mais ces mots sont blessants
GUY BIRENBAUM
Parce que ça vient à la fin !
MANUEL VALLS
Ces mots sont blessants pour ceux qui voient leur RSA revalorisé, je le disais, de 10 % en cinq ans, pour les parents isolés, qui voient leurs prestations familiales augmenter, pour les familles nombreuses, les plus pauvres, qui voient aussi leur allocation augmenter, ce sont des Français qui ont besoin de cette solidarité. Eh bien, je crois qu'il y a un beau débat dans notre pays entre cette vision de la solidarité, que ce gouvernement porte, qu'il veut prolonger, avec ce débat que je souhaite qu'on ouvre sur ce revenu universel, et ceux qui sont toujours en train, au nom d'une vision, d'une société de vitesse, de parler d'assistanat. Au mot assistanat, qui est un mot blessant pour ceux qui sont en difficulté, pour ceux qui ont connu des accidents dans la vie, j'oppose les mots de solidarité, d'égalité et de fraternité ; c'est cette société ouverte dont on a besoin, et ça sera je n'en doute pas le grand débat de l'année 2017.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Alors, il y a un autre débat qui est sur la table, c'est celui de la sécurité, Monsieur le Premier ministre, menace d'attentat oblige, allez-vous, oui ou non, prolonger l'état d'urgence au-delà du 26 mai, durant l'Euro 2016, qui débute le 10 juin prochain ?
MANUEL VALLS
Oui. Bernard CAZENEUVE présentera dans un instant, en Conseil des ministres, une communication, nous devrons transmettre un texte je veux rappeler la méthode au conseil d'Etat, puis ensuite au Parlement, puisque c'est le Parlement qui doit voter la prolongation de l'Etat d'urgence, nous proposerons de le prolonger pour une période de deux supplémentaires à partir de la fin du mois de mai, au vu de la menace, sur le même périmètre, c'est-à-dire la France, à la fois l'hexagone, mais aussi les territoires d'Outre-mer, parce que face à cette menace, nous avons besoin de donner ces pouvoirs, ces possibilités, sous le contrôle du juge, sous le contrôle du Parlement, pour permettre une meilleure riposte face au terrorisme.
GUY BIRENBAUM
C'est difficile de l'arrêter l'état d'urgence, Monsieur le Premier ministre, vous avez parlé, vous avez eu des mots forts ces derniers mois, vous avez parlé d'une guerre, d'une lutte pendant plusieurs années, comment arrêter l'état d'urgence quand on utilise ces mots-là ?
MANUEL VALLS
Mais face à cette guerre, parce qu'il s'agit bien d'une guerre contre le terrorisme, une guerre que le terrorisme nous mène, pas seulement à la France, nous avons encore en tête les attentats terribles de Bruxelles, il y a quelques semaines, partout, en Europe, et dans le monde, il faut être fort, et ce sont les moyens que nous donnons d'abord à nos forces de l'ordre, à nos forces de sécurité, c'est les moyens que nous donnons aussi à la justice. Il y a un projet de loi actuellement en cours de discussion au Parlement, qui renforce la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et qui améliore là aussi l'efficacité et les garanties de la procdure pénale, et qui va renforcer durablement les moyens que nous donnons à la police administrative et à la police judiciaire. Mais face à un événement aussi considérable, qui est celui de l'Euro 2016, qui doit se tenir dans la sécurité et qui, en même temps, doit être une fête, avec des stades remplis, avec des fan-zones remplies
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Des fan-zones, oui
MANUEL VALLS
Avec un engouement, je l'espère, autour vous voyez, on dit bien un mot sur le football autour de l'Equipe de France de foot, autour des Bleus. Nous devons assurer pleinement la sécurité. L'état d'urgence, ça ne peut pas être un état permanent, mais à l'occasion de ces grandes manifestations, je pense à l'Euro 2016, comme au Tour de France, nous avons considéré, avec le président de la République et le ministre de l'Intérieur, qu'il fallait prolonger cet état d'urgence.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Les Nuits Debout sont une entorse à l'état d'urgence, Manuel VALLS ?
MANUEL VALLS
Non, vous avez bien remarqué que depuis que nous avons mis en place cet état d'urgence
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Ça pose un problème quand même de sécurité
MANUEL VALLS
Mais aucune manifestation n'a été interdite, aucun congrès, aucun mouvement
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Durant la COP21
MANUEL VALLS
Pendant la COP21, vous avez eu , qui était un moment exceptionnel, c'était en plus quelques semaines à peine après les attentats du 13 novembre, nous avons réussi à démontrer, comme nous le ferons à l'occasion de l'Euro 2016, la capacité de la France, et il faut en être fier, à organiser de tels événements. Nous pouvons, et c'est un message toujours très important, assurer la sécurité des Français, en tout cas, on met tous les moyens pour assurer leur sécurité, et en même temps, accueillir de grands événements, et vivre. J'ai déjà eu l'occasion de dire que nous allons vivre avec le terrorisme, combattre le terrorisme, mais nous allons vivre aussi, et c'est la plus belle des réponses à ceux qui ont voulu s'attaquer à notre mode de vie.
GUY BIRENBAUM
Je lis ce matin dans les pages saumon du Figaro que votre ministre de l'Economie, Emmanuel MACRON, dans une revue de l'assurance, qui s'appelle Risques, envisage la suppression de l'ISF. Ce n'est pas prévu, ça ?
MANUEL VALLS
Au moment où nous renforçons la prime d'activité, où nous créons cette prime d'activité, où nous avons annoncé la prolongation de cette augmentation du RSA, où nous nous attaquons pleinement à ce fléau que représente la pauvreté, où nous ouvrons ce débat sur le revenu universel, au nom même de la justice, et avec ce sentiment qui existe dans notre pays d'une forme d'injustice notamment, parfois à l'égard entre les plus pauvres et ceux qui en ont le plus, supprimer cet impôt, supprimer l'impôt sur la fortune, qu'on peut toujours améliorer, rendre plus efficace, d'un point de vue économique, serait une faute.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Il dégaine trop vite, Emmanuel MACRON, quand il parle depuis Londres, le jour de la télévision du président par exemple ?
MANUEL VALLS
Non, mais moi, je demande à chaque ministre, puisqu'il reste encore un an, d'être pleinement attelé à sa fonction, à sa mission, il y a encore beaucoup à faire pour l'économie française, pour la rendre plus compétitive, pour soutenir nos entreprises, en France et à l'étranger, que chacun soit concentré sur sa tâche dans la cohérence et dans la loyauté.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Manuel VALLS, il nous reste peu de temps, un mot sur la présidentielle, TRUMP/CLINTON, c'est une blague, la présidentielle américaine bien sûr, les deux vainqueurs des primaires à New York, c'est la bonne affiche pour vous ?
MANUEL VALLS
C'est difficile pour moi, déjà, de commenter parfois la prochaine présidentielle en France, et ça n'est pas une blague, et de commenter la présidentielle aux Etats-Unis, mais enfin, c'est un allié, c'est le pays le plus puissant au monde, et donc ce qui s'y passe a forcément des conséquences partout dans le monde, et
GUY BIRENBAUM
Au moment où la France envisage d'ailleurs de faire capoter les négociations transatlantiques, le TAFTA
MANUEL VALLS
Nous sommes inquiets de la tournure que prennent ces discussions, et le gouvernement français, le président de la République d'ailleurs ont déjà eu l'occasion de dire que nous ne pourrions pas accepter des négociations qui mettraient en cause nos services publics, un certain nombre de nos produits, notre agriculture, notre culture. Donc nous sommes extrêmement attentifs, mais comme nous sommes aussi attentifs à ce qui se passe dans le monde à travers cette élection américaine. Mais en terminant, je veux vous dire, puisque le président de la République revient d'un long déplacement au Liban, en Jordanie et en Egypte, combien l'image de la France, sa parole et son action, grâce à sa diplomatie et à ses ramées, comptent dans le monde, en Afrique comme au Proche et au Moyen-Orient. Et soyons d'ailleurs un peu plus fiers de ce que nous sommes en train de faire, et sur le plan national comme sur le plan international. Et moi, au fond, à votre micro, j'en appelle à une mobilisation de la gauche, qu'elle soit fière de ce qui a été engagé au cours de ce quinquennat. Il reste encore beaucoup à faire. Relevons la tête, arrêtons d'être toujours en train de nous excuser, soyons fiers, répondons avec force à ceux qui nous accusent de trahir nos engagements ou nos idéaux. Moi, c'est un appel à toute la gauche que je formule aujourd'hui, pour qu'elle s'engage pleinement dans le soutien à l'action qui est la nôtre.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Merci Manuel VALLS.
NICOLAS TEILLARD
Et on verra dans les prochaines minutes et dans les prochains jours si la gauche répond à l'appel. Merci Monsieur le Premier ministre d'avoir été l'invité de France Info ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 avril 2016
Le Premier ministre est donc l'invité politique de France Info ce matin. Guy BIRENBAUM, Jean-François ACHILLI, c'est à vous !
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Bonjour Manuel VALLS.
MANUEL VALLS
Bonjour.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Et bienvenue ! Vous avez vu ça ce matin, un homme vous défie, il défie le gouvernement, il s'appelle Pierre GATTAZ, le patron des patrons vous donne trois semaines, trois semaines pour revenir au texte initial de la loi Travail, sinon, eh bien, le MEDEF quittera les négociations sur l'assurance-chômage. Qu'est-ce que vous répondez à cet ultimatum ce matin ?
MANUEL VALLS
Je regrette ces méthodes qui consistent à poser des ultimatums, prendre en otage la négociation de l'assurance-chômage, c'est-à-dire sur le revenu de ceux qui ont perdu un emploi, c'est, je crois, honnêtement, ne pas être à la hauteur de la responsabilité en tant que partenaire social. Ni ces négociations, celles de l'assurance-chômage, qui concernent les partenaires sociaux, ni la loi sur le Travail qui a déjà été examinée par la Commission des Affaires sociales et la Commission des Affaires économiques à l'Assemblée nationale, le débat va commencer la semaine prochaine, dans l'hémicycle ne deviendront l'otage d'enjeux internes au patronat.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Mais qu'est-ce que vous allez faire ? Vous allez l'appeler, lui dire : il faut rester, il faut ?
MANUEL VALLS
Mais, moi, je crois à la négociation
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Il y a bien un moment où il faudra se parler
MANUEL VALLS
Je crois au dialogue, je crois au rôle des partenaires sociaux, bref, je crois au paritarisme. Et quand on discute, quand on négocie, on ne pose pas des ultimatums, c'est vrai pour l'assurance-chômage, et puis, il faut par ailleurs respecter, je veux le rappeler, le Parlement qui, aujourd'hui, s'est saisi de cette loi, et qui l'enrichit, l'amende, est à l'écoute par ailleurs de l'ensemble des partenaires sociaux, à l'occasion de débats au sein de la Commission des Affaires sociales, grâce au travail fait par le rapporteur Christophe SIRUGUE, le texte par exemple a été enrichi en faveur des petites et moyennes entreprises. Et ce texte est équilibré, ce texte est dynamique, à la fois en faveur des entreprises, en faveur des entrepreneurs, comme en faveur des salariés, puisqu'il leur apporte de nouveaux droits et de nouvelles protections.
GUY BIRENBAUM
Mais vous avez dit : prise d'otage, c'est très, très lourd !
MANUEL VALLS
Oui, faisons attention aux mots, je veux bien suivre ça, mais enfin, c'est quand même ce sentiment que cela donne, quand on vous dit : vous n'avez que quelques semaines pour modifier le texte sinon, nous quittons la négociation sur l'assurance-chômage, oui, c'est ce type d'ultimatum qui ne peut pas avoir lieu entre partenaires sociaux, encore une fois, l'assurance-chômage, c'est une discussion entre partenaires sociaux, et dans le dialogue que nous avons avec le patronat. Je veux rappeler que la nation, c'est-à-dire les Français, la nation a consenti un effort de plus de quarante milliards d'euros, ils étaient nécessaires
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Apparemment, ce n'est pas assez pour personne
MANUEL VALLS
Pour faire baisser le coût du travail, la fiscalité sur les entreprises, qui avait trop augmenté entre 2008 et 2012, entre 2012 et 2014. Et donc cet effort a été fait, et d'ailleurs avec des résultats, puisque les entreprises ont retrouvé leurs marges, puisqu'elles investissent
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
C'est le « ça va mieux » du président HOLLANDE, c'est ça ?
MANUEL VALLS
Nous retrouvons de la croissance. Oui, ça va mieux. Alors, moi, je comprends tout à fait la perception que les Français peuvent avoir, je pense à ceux qui sont dans la précarité, à ceux qui ont perdu un emploi. Vous savez que même le pouvoir d'achat s'est amélioré, parce qu'il y a eu augmentation des salaires parfois, parce que l'inflation est quasiment nulle ou nulle, et parfois, les Français, quand vous parlez avec eux, ils vous disent : non, nous ne le ressentons pas. Mais ça va mieux pour une seule raison, d'abord, parce que la croissance est de retour, 1,2 % en 2015, une perspective de 1,5 % en 2016, parce que notre économie crée de nouveau de l'emploi, près de 100.000 en 2015, près de 100.000 en une année, donc ça veut bien dire que ça va mieux. Ça veut dire surtout qu'il faut continuer les efforts, les réformes, pour que nos entreprises aient plus de compétitivité, et moi, je crois au dialogue social dans l'entreprise, c'est le sens du texte de loi défendu par Myriam El KHOMRI, et je pense que progrès social et performances économiques sont liés, donc j'appelle Pierre GATTAZ à revenir tout simplement à la table des discussions, et à tenir des propos qui, au fond, j'en suis convaincu, correspondent plus à ce qu'il pense, c'est-à-dire à la nécessité d'avancer ensemble, pour le pays, et pour l'emploi.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Alors l'appel est lancé ce matin à Pierre GATTAZ. Les patrons ne sont pas contents, mais aussi toute une partie de la gauche, les jeunes sont encore dans la rue, comment faire retomber la colère ? Manuel VALLS, vous l'avez crit hier soir sur votre compte Facebook, le gouvernement envisagerait d'instaurer à terme ce que vous appelez un revenu universel. Vous allez rendre les jeunes de 18 ans éligibles au RSA, au Revenu de Solidarité Active, vous allez vraiment faire ça ?
MANUEL VALLS
Je n'ai pas dit cela, j'ai dit qu'il faut ouvrir un grand débat sur le revenu universel, à partir du rapport, toujours d'ailleurs par le même député, Christophe SIRUGUE, qui nous a été remis, il y a deux jours, et qui propose une réforme en profondeur des minima sociaux, pour plus revenus modestes, pour les handicapés
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
C'est-à-dire que vous allez refondre
MANUEL VALLS
Oui, c'est ce qu'il propose, progressivement, parce que cela induit, forcément, cela amènerait une réforme profonde de ces minima sociaux, de la politique familiale, et aussi de la fiscalité. Donc on ne peut pas prendre ces sujets à la légère
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Mais c'est quoi, c'est du long terme, c'est sur plusieurs années, c'est un vrai chantier que vous lancez aujourd'hui ?
MANUEL VALLS
C'est un chantier qui enjambe de toute façon le quinquennat, pour une application en 2018, parce que le mot solidarité, c'est une exigence. Et cette exigence, elle doit reposer aussi sur la clarté, sur la simplification, et sur des droits réels, effectifs. Moi, ce qui me frappe, c'est que, aujourd'hui, beaucoup de nos compatriotes ne sont pas éligibles à des droits dont pourtant ils devraient être appliqués.
GUY BIRENBAUM
Mais Monsieur le Premier ministre, c'est un sujet essentiel, pourquoi si tard dans le quinquennat ?
MANUEL VALLS
Mais parce que nous avons déjà beaucoup fait, je veux rappeler que, en 2013, un plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté a été adopté, que nous avons augmenté de 10 % le RSA, que nous aurons augmenté le RSA de 10 %, que la pauvreté a pour la première fois régressé, même si elle reste aujourd'hui beaucoup trop importante. Six, sept, huit millions de nos concitoyens sont aujourd'hui dans cette pauvreté. Parce que nous avons créé la prime d'activité. C'est un changement, on ne peut pas imaginer à quel point les choses sont en train d'évoluer, c'est un complément
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
L'opposition vous dit
MANUEL VALLS
La prime d'activité, c'est un complément de salaire pour tous ceux qui gagnant moins de 1.500 euros par mois peuvent avoir ce complément de salaire, incitant ainsi à la reprise de l'emploi, c'est 170 euros par ménage en moyenne, et 2,3 millions sont déjà bénéficiaires de cette prime d'activité depuis le 1er janvier, et sans doute avant l'été, nous aurons dépassé les chiffres que nous avions prévus. Donc ça veut bien dire qu'il y a des réformes en profondeur qui peuvent changer aussi la vie quotidienne de nos concitoyens.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
L'opposition vous dit : clientélisme avant la présidentielle d'ici un an, quoi...
MANUEL VALLS
Mais ces mots sont blessants
GUY BIRENBAUM
Parce que ça vient à la fin !
MANUEL VALLS
Ces mots sont blessants pour ceux qui voient leur RSA revalorisé, je le disais, de 10 % en cinq ans, pour les parents isolés, qui voient leurs prestations familiales augmenter, pour les familles nombreuses, les plus pauvres, qui voient aussi leur allocation augmenter, ce sont des Français qui ont besoin de cette solidarité. Eh bien, je crois qu'il y a un beau débat dans notre pays entre cette vision de la solidarité, que ce gouvernement porte, qu'il veut prolonger, avec ce débat que je souhaite qu'on ouvre sur ce revenu universel, et ceux qui sont toujours en train, au nom d'une vision, d'une société de vitesse, de parler d'assistanat. Au mot assistanat, qui est un mot blessant pour ceux qui sont en difficulté, pour ceux qui ont connu des accidents dans la vie, j'oppose les mots de solidarité, d'égalité et de fraternité ; c'est cette société ouverte dont on a besoin, et ça sera je n'en doute pas le grand débat de l'année 2017.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Alors, il y a un autre débat qui est sur la table, c'est celui de la sécurité, Monsieur le Premier ministre, menace d'attentat oblige, allez-vous, oui ou non, prolonger l'état d'urgence au-delà du 26 mai, durant l'Euro 2016, qui débute le 10 juin prochain ?
MANUEL VALLS
Oui. Bernard CAZENEUVE présentera dans un instant, en Conseil des ministres, une communication, nous devrons transmettre un texte je veux rappeler la méthode au conseil d'Etat, puis ensuite au Parlement, puisque c'est le Parlement qui doit voter la prolongation de l'Etat d'urgence, nous proposerons de le prolonger pour une période de deux supplémentaires à partir de la fin du mois de mai, au vu de la menace, sur le même périmètre, c'est-à-dire la France, à la fois l'hexagone, mais aussi les territoires d'Outre-mer, parce que face à cette menace, nous avons besoin de donner ces pouvoirs, ces possibilités, sous le contrôle du juge, sous le contrôle du Parlement, pour permettre une meilleure riposte face au terrorisme.
GUY BIRENBAUM
C'est difficile de l'arrêter l'état d'urgence, Monsieur le Premier ministre, vous avez parlé, vous avez eu des mots forts ces derniers mois, vous avez parlé d'une guerre, d'une lutte pendant plusieurs années, comment arrêter l'état d'urgence quand on utilise ces mots-là ?
MANUEL VALLS
Mais face à cette guerre, parce qu'il s'agit bien d'une guerre contre le terrorisme, une guerre que le terrorisme nous mène, pas seulement à la France, nous avons encore en tête les attentats terribles de Bruxelles, il y a quelques semaines, partout, en Europe, et dans le monde, il faut être fort, et ce sont les moyens que nous donnons d'abord à nos forces de l'ordre, à nos forces de sécurité, c'est les moyens que nous donnons aussi à la justice. Il y a un projet de loi actuellement en cours de discussion au Parlement, qui renforce la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et qui améliore là aussi l'efficacité et les garanties de la procdure pénale, et qui va renforcer durablement les moyens que nous donnons à la police administrative et à la police judiciaire. Mais face à un événement aussi considérable, qui est celui de l'Euro 2016, qui doit se tenir dans la sécurité et qui, en même temps, doit être une fête, avec des stades remplis, avec des fan-zones remplies
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Des fan-zones, oui
MANUEL VALLS
Avec un engouement, je l'espère, autour vous voyez, on dit bien un mot sur le football autour de l'Equipe de France de foot, autour des Bleus. Nous devons assurer pleinement la sécurité. L'état d'urgence, ça ne peut pas être un état permanent, mais à l'occasion de ces grandes manifestations, je pense à l'Euro 2016, comme au Tour de France, nous avons considéré, avec le président de la République et le ministre de l'Intérieur, qu'il fallait prolonger cet état d'urgence.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Les Nuits Debout sont une entorse à l'état d'urgence, Manuel VALLS ?
MANUEL VALLS
Non, vous avez bien remarqué que depuis que nous avons mis en place cet état d'urgence
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Ça pose un problème quand même de sécurité
MANUEL VALLS
Mais aucune manifestation n'a été interdite, aucun congrès, aucun mouvement
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Durant la COP21
MANUEL VALLS
Pendant la COP21, vous avez eu , qui était un moment exceptionnel, c'était en plus quelques semaines à peine après les attentats du 13 novembre, nous avons réussi à démontrer, comme nous le ferons à l'occasion de l'Euro 2016, la capacité de la France, et il faut en être fier, à organiser de tels événements. Nous pouvons, et c'est un message toujours très important, assurer la sécurité des Français, en tout cas, on met tous les moyens pour assurer leur sécurité, et en même temps, accueillir de grands événements, et vivre. J'ai déjà eu l'occasion de dire que nous allons vivre avec le terrorisme, combattre le terrorisme, mais nous allons vivre aussi, et c'est la plus belle des réponses à ceux qui ont voulu s'attaquer à notre mode de vie.
GUY BIRENBAUM
Je lis ce matin dans les pages saumon du Figaro que votre ministre de l'Economie, Emmanuel MACRON, dans une revue de l'assurance, qui s'appelle Risques, envisage la suppression de l'ISF. Ce n'est pas prévu, ça ?
MANUEL VALLS
Au moment où nous renforçons la prime d'activité, où nous créons cette prime d'activité, où nous avons annoncé la prolongation de cette augmentation du RSA, où nous nous attaquons pleinement à ce fléau que représente la pauvreté, où nous ouvrons ce débat sur le revenu universel, au nom même de la justice, et avec ce sentiment qui existe dans notre pays d'une forme d'injustice notamment, parfois à l'égard entre les plus pauvres et ceux qui en ont le plus, supprimer cet impôt, supprimer l'impôt sur la fortune, qu'on peut toujours améliorer, rendre plus efficace, d'un point de vue économique, serait une faute.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Il dégaine trop vite, Emmanuel MACRON, quand il parle depuis Londres, le jour de la télévision du président par exemple ?
MANUEL VALLS
Non, mais moi, je demande à chaque ministre, puisqu'il reste encore un an, d'être pleinement attelé à sa fonction, à sa mission, il y a encore beaucoup à faire pour l'économie française, pour la rendre plus compétitive, pour soutenir nos entreprises, en France et à l'étranger, que chacun soit concentré sur sa tâche dans la cohérence et dans la loyauté.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Manuel VALLS, il nous reste peu de temps, un mot sur la présidentielle, TRUMP/CLINTON, c'est une blague, la présidentielle américaine bien sûr, les deux vainqueurs des primaires à New York, c'est la bonne affiche pour vous ?
MANUEL VALLS
C'est difficile pour moi, déjà, de commenter parfois la prochaine présidentielle en France, et ça n'est pas une blague, et de commenter la présidentielle aux Etats-Unis, mais enfin, c'est un allié, c'est le pays le plus puissant au monde, et donc ce qui s'y passe a forcément des conséquences partout dans le monde, et
GUY BIRENBAUM
Au moment où la France envisage d'ailleurs de faire capoter les négociations transatlantiques, le TAFTA
MANUEL VALLS
Nous sommes inquiets de la tournure que prennent ces discussions, et le gouvernement français, le président de la République d'ailleurs ont déjà eu l'occasion de dire que nous ne pourrions pas accepter des négociations qui mettraient en cause nos services publics, un certain nombre de nos produits, notre agriculture, notre culture. Donc nous sommes extrêmement attentifs, mais comme nous sommes aussi attentifs à ce qui se passe dans le monde à travers cette élection américaine. Mais en terminant, je veux vous dire, puisque le président de la République revient d'un long déplacement au Liban, en Jordanie et en Egypte, combien l'image de la France, sa parole et son action, grâce à sa diplomatie et à ses ramées, comptent dans le monde, en Afrique comme au Proche et au Moyen-Orient. Et soyons d'ailleurs un peu plus fiers de ce que nous sommes en train de faire, et sur le plan national comme sur le plan international. Et moi, au fond, à votre micro, j'en appelle à une mobilisation de la gauche, qu'elle soit fière de ce qui a été engagé au cours de ce quinquennat. Il reste encore beaucoup à faire. Relevons la tête, arrêtons d'être toujours en train de nous excuser, soyons fiers, répondons avec force à ceux qui nous accusent de trahir nos engagements ou nos idéaux. Moi, c'est un appel à toute la gauche que je formule aujourd'hui, pour qu'elle s'engage pleinement dans le soutien à l'action qui est la nôtre.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Merci Manuel VALLS.
NICOLAS TEILLARD
Et on verra dans les prochaines minutes et dans les prochains jours si la gauche répond à l'appel. Merci Monsieur le Premier ministre d'avoir été l'invité de France Info ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 avril 2016