Texte intégral
PATRICK COHEN
Bonjour Matthias FEKL
MATTHIAS FEKL
Bonjour Patrick COHEN.
PATRICK COHEN
Secrétaire d'Etat chargé du Commerce extérieur et donc du projet de traité transatlantique TTIP ou TAFTA. Vous avez dit stop il y a une semaine et François HOLLANDE juste après, le même François HOLLANDE qui il y a trois ans disait : « nous avons tout à gagner à aller vite, sinon nous savons qu'il y aura une accumulation de peurs, de menaces, de crispations », qu'est-ce qui s'est passé depuis ?
MATTHIAS FEKL
Je n'ai pas commencé il y a une semaine à travailler sur ce sujet mais il y a plus d'un an et demi lors de ma nomination
PATRICK COHEN
Non, mais il se trouve qu'il y a une semaine vous avez dit : « il faut arrêter les négociations ».
MATTHIAS FEKL
Oui, mais je me suis exprimé dans les mêmes termes en septembre dernier avec les mêmes critères, les mêmes conditions je reconnais que ça n'a pas fait le buzz médiatique de la même manière à l'époque mais la position de la France n'a pas varié depuis.
PATRICK COHEN
C'était une position de méfiance ou de critique ! Qu'est-ce qui s'est passé depuis trois ans tout de même, Matthias FEKL, je répète ma question
MATTHIAS FEKL
Pas grand-chose ! Pas grand-chose.
PATRICK COHEN
HOLLANDE disait qu'il fallait aller vite pour signer avec les Etats-Unis ?
MATTHIAS FEKL
Non ! Le président de la République lorsqu'il était en février 2014 en visite d'état aux États-Unis, c'était au début des négociations, a indiqué un volontarisme politique comme il est normal en début de négociation, mais depuis les choses n'ont pas bougé ou alors dans le mauvais sens, l'ambition initiale de ces négociations c'est de fixer entre l'Europe et les Etats-Unis des règles pour l'économie mondiale sur toute une série de sujets et de poser ensemble les bases pour l'économie internationale et donc ce n'est pas ce qui se passe dans les négociations.
PATRICK COHEN
Il n'y avait pas de réciprocité de la part des Américains ?
MATTHIAS FEKL
Il n'y a pas de réciprocité. Nous ce qu'on souhaite c'est d'abord la transparence, il y a eu des progrès, notamment sur demande française l'accès des parlementaires à l'ensemble des documents de négociation dans les mêmes conditions que les parlementaires européens - à la fois au Parlement européen et les parlementaires nationaux la démocratie, le respect des choix démocratiques avec la proposition que j'ai portée au nom de la France de cour de justice commerciale internationale pour remplacer les fameux tribunaux d'arbitrage privés et puis la défense de secteurs économiques : la diplomatie des terroirs, l'agriculture, les indications géographiques, nos appellations, des règles communes sur la finance, l'accès pour nos petites et moyennes entreprises aux marchés américains qui sont aujourd'hui très largement fermés ; et plus généralement la réciprocité, nous négocions avec les Américains avec les partenaires et les alliés, nous négociations aussi entre puissances qui ont des intérêts à défendre et cela suppose de la réciprocité dans les discussions, dans les négociations et dans les résultats.
PATRICK COHEN
Pour qu'on ne se retrouve pas envahi par du Champagne californien par exemple. Quand vous dites arrêt ou gel des négociations ça veut dire quoi, puisque c'est la Commission européenne qui négocie ?
MATTHIAS FEKL
Ça c'est juridique ! Il y a un mandat qui est donné à la Commission, elle doit revenir devant les États avec un résultat, mais, si la France demain constate que les choses continuent à ne pas bouger dans le sens que nous souhaitons et demande l'arrêt des négociations, personne ne peut imaginer qu'elles continuent.
PATRICK COHEN
Donc la Commission européenne se pliera à la volonté française puisque de toute façon il faut l'unanimité pour
MATTHIAS FEKL
Il faut l'unanimité et puis
PATRICK COHEN
Ratifier ce genre de traité ?
MATTHIAS FEKL
Moi j'ai pris soin sur ce sujet de travailler depuis le début avec nos partenaires européens et en particulier avec l'Allemagne, avec le vice-chancelier Sigmar GABRIEL nous avons publié de nombreuses déclarations communes sur ce sujet qui rappellent des principes, principes fondamentaux et puis des règles que nous souhaitons voir respecter.
PATRICK COHEN
Le TAFTA est donc quasiment enterré. Mais il a un cousin, le CETA, projet d'accord de libre-échange entre l'U.E et le Canada, dont les négociations ont été achevées il y a un an et demi - en septembre 2014 et dont les détracteurs disent qu'il est tout aussi néfaste que le TAFTA, la France va le ratifier ce CETA ?
MATTHIAS FEKL
Je ne partage pas cette analyse ! Autant je suis extrêmement réservé et dur - et la position française est extrêmement offensive sur les questions de TAFTA autant sur le CETA nous considérons que c'est d'une certaine manière l'anti TAFTA, parce que sur toute une série de problèmes de principes les Canadiens ont fait strictement l'inverse de ce qui se passe dans les négociations avec les Etats-Unis, sur la démocratie ils sont le premier Etat à accepter la proposition française et européenne de Cour de justice commerciale internationale ; et ce n'est pas un hasard s'ils le font après l'accession au pouvoir du gouvernement TRUDEAU, pour le gouvernement d'avant c'était impensable, c'est un gouvernement
PATRICK COHEN
Ça veut dire quoi ? Ça veut dire des tribunaux d'arbitrage ?
MATTHIAS FEKL
Ça veut dire une cour publique ! Ça veut dire une cour publique avec des juges publics rémunérés par les États et non plus par les entreprises
PATRICK COHEN
Et des experts privés, disent les ONG.
MATTHIAS FEKL
Non ! Mais avec un mécanisme d'appel, avec des règles de transparence, avec l'interdiction d'avoir des conflits d'intérêt, l'interdiction d'attaquer des politiques publiques, parce que ce qui est problématique dans l'arbitrage c'est lorsque vous avez des grands groupes qui viennent attaquer des choix de politiques publiques : paquet de cigarettes neutre, décision de sortir du nucléaire, que sais-je
PATRICK COHEN
Mais ce ne sont pas des juridictions ordinaires, Matthias FEKL?
MATTHIAS FEKL
Non ! Ce que la France porte c'est l'idée d'une juridiction commerciale internationale, c'est la première fois que c'est proposé sur ce sujet, j'ai été très heureux de voir que alors que nous étions quasiment seuls au début la Commission européenne a repris cette proposition et que le Canada depuis TRUDEAU est le premier Etat au monde à la reprendre aussi, donc c'est un tournant important dans les négociations commerciales.
PATRICK COHEN
Les ONG disent aussi que c'est la remise en cause du principe de précaution, de normes sociales, sanitaires et environnementales, etc. ?
MATTHIAS FEKL
Rien dans le traité avec le Canada tel qu'il est aujourd'hui ne permet de dire cela.
PATRICK COHEN
Une trentaine d'appellations sont protégées, or il en existe une centaine au moins en France ?
MATTHIAS FEKL
42 indications géographiques sont protégées par le Canada, concernant principalement des appellations laitières et charcutières, qui s'ajoutent à des appellations dans le vin et dans les spiritueux qui avaient déjà été reconnues par le Canada en 2004 et donc pour la diplomatie des terroirs que nous portons, que je porte avec Stéphane LE FOLL c'est une victoire très importante, si on veut protéger nos terroirs, protéger nos agriculteurs et les produits qui résultent de leur travail, ça passe aussi par ces négociations internationales - on ne va pas les protéger entre nous et à une économie mondiale doit correspondre des règles mondiales
PATRICK COHEN
Mais ce que disent les ONG c'est qu'il y a des appellations qui ne sont pas protégées par l'accord
MATTHIAS FEKL
Oui, bien sûr, c'est incontestable.
PATRICK COHEN
Il pourrait y avoir du Mont d'Or made in Canada par exemple ? Voilà !
MATTHIAS FEKL
D'abord nous avons ciblé les appellations où il y a des problèmes concurrentiels très forts et encore une fois 42 indications c'est extrêmement important, ce n'est pas parfait - mais aucun n'est parfait c'est un progrès très important. Si nous voulons nous battre pour ce système de protection par les appellations contrôlées qui sont propres à notre pays contre un système de marques, si nous voulons éviter le Champagne de Californie 96 millions de bouteilles chaque année dont vous parliez tout à l'heure - contre des usurpations dans toute une série de domaines, nous devons passer par ce type de négociation, à une économie doit correspondre des règles mondiales ; et notre agriculture française, qui est exportatrice, a besoin de ce type d'accord lorsqu'ils sont bien négociés, à l'évidence lorsqu'ils nous fragilisent il ne faut pas y aller, c'est ce qui se passe avec les États-Unis.
PATRICK COHEN
Donc les craintes de la Fondation Nicolas Hulot et d'autres ONG sont infondées, excessives, concernant le CETA ?
MATTHIAS FEKL
Je le pense ! Et je suis prêt à débattre, je fais de nombreux déplacements sur le terrain, j'étais hier en Seine-Maritime à l'invitation de Christophe BOUILLON et d'autres pour en débattre, je serai demain dans l'Eure, et je suis tout à fait prêt à poser les choses. Je reçois régulièrement au quai d'Orsay les ONG, les syndicats, les parlementaires qui travaillent sur ce sujet et la Fondation Hulot peut tout à fait participer à ces travaux pour que nous échangions, mais l'analyse de la France sur le CETA aujourd'hui ne va pas dans ce sens.
PATRICK COHEN
Deux sujets rapidement avant d'écouter la revue de presse d'Hélène JOUAN, vous êtes aussi secrétaire dEtat à la Promotion du tourisme, est-ce que c'est un problème pour l'activité touristique que les grands magasins parisiens du boulevard Hausmann restent fermés le dimanche ?
MATTHIAS FEKL
Oui ! Bien sûr. C'est pour ça qu'il y avait eu des débats là-dessus
PATRICK COHEN
Eh bien oui ! Mais ça ne me dit pas grand-chose.
MATTHIAS FEKL
Oui ! Bien sûr. Parce qu'il y a des difficultés, vous avez vu qu'il y a toute une série de processus et de votes qui doivent être faits, qui parfois n'interviennent pas, c'est un sujet et la loi dailleurs sur la croissance et l'activité portait en bonne partie sur ce sujet-là, il faut que ça avance là-dessus, c'est incontestable. Moi autant je ne suis pas favorable au travail du dimanche par principe de manière généralisée, autant dans les grandes zones touristiques internationales c'est un besoin qui me semble indispensable.
PATRICK COHEN
D'où le constat du tout ça pour ça, ces centaines d'heures de débat qui n'aboutissent à aucun effet d'application pour ça fait partie de la loi Macron ?
MATTHIAS FEKL
Oui, mais ça pose la question de nos institutions, du fonctionnement de nos institutions et moi ça fait longtemps que je considère qu'il faut revoir le fonctionnement de notre République, qu'il y a trop de perte de temps sur beaucoup de choses, que par ailleurs les institutions ne permettent plus d'avancer vite sur des sujets qui pourtant sont simples et, donc, on a l'art d'ouvrir des grands débats de fond, des débats idéologiques, au lieu de régler des problèmes qui là étaient quand même très circonspects.
PATRICK COHEN
On y reviendra peut-être à propos de la loi Travail. Vous êtes aussi secrétaire d'Etat aux Français de l'étranger Matthias FEKL et puis vous avez été rapporteur du groupe de travail pour une primaire française au PS, vous voyez où je veux en venir, vous avez un avis sur le vote des expatriés pour la primaire de la droite et du centre ?
MATTHIAS FEKL
Ca chaque parti est là pour organiser les choses, ce n'est pas au gouvernement de donner des conseils.
PATRICK COHEN
Mais l'avis technique !
MATTHIAS FEKL
L'avis technique, c'est qu'il faut qu'une primaire soit incontestable et lorsqu'en 2008 nous avions porté parmi les tous premiers l'idée de cette primaire on partait du principe que les partis tels qu'ils sont ne fonctionnent plus doivent s'ouvrir très largement ça été le cas en 2011 et doivent pouvoir travailler dans des conditions de désignation incontestables. Est-ce que c'est le cas aujourd'hui à l'UMP ? Chacun en est juge !
PATRICK COHEN
Matthias FEKL invité de France Inter, secrétaire d'État au Commerce extérieur et puis à d'autres sujets - vous venez de l'entendre on vous retrouve avec les auditeurs d'Inter dans quelques minutes.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 11 mai 2016