Texte intégral
Je suis heureuse de vous retrouver aujourd'hui pour la remise du rapport de Sylviane GIAMPINO, à qui j'ai confié, voici près d'un an, la mission de conduire un débat scientifique et public afin de dégager des consensus autour des grands principes qui doivent guider l'accueil des enfants de moins de trois ans et la formation des professionnels de la petite enfance. Ces grands principes s'articulent autour d'une ligne claire, celle du développement complet de toutes les potentialités du jeune enfant.
L'objectif était de dégager une vision cohérente et décloisonnée permettant de nourrir les projets d'établissements, d'accompagner les professionnels de l'accueil collectif comme de l'accueil individuel dans l'exercice de leurs métiers et de contribuer à l'évolution nécessaire de leurs formations.
Avant toutes choses, je tiens à saluer la richesse et la densité du document qui m'est remis aujourd'hui et que j'ai tenu à rendre public.
Je remercie tout d'abord Sylviane GIAMPINO pour son engagement total dans cette mission. Son rapport est extrêmement riche. L'ampleur de ce travail est à l'image de l'ambition de cette mission, de son caractère novateur : penser les modes d'accueil et la formation des professionnels de la petite enfance à partir des besoins de l'enfant. En plus de 200 pages (206 pages et plus de 50 pages d'annexes), c'est une réelle philosophie de la politique de la petite enfance qui est ici présentée.
Dès le début de sa carrière, Sylviane GIAMPINO s'est mobilisée pour que les besoins de l'enfant soient une préoccupation première dans la conception des politiques publiques de la petite enfance. Compte tenu de son travail de longue date en faveur de l'enfant, du soutien à la parentalité et de l'innovation sociale, il semblait donc évident de confier cette mission à Sylviane GIAMPINO.
Je souhaite aussi remercier la Direction générale de la cohésion sociale pour sa grande implication et son précieux travail d'appui à la mission et notamment Jean-Philippe VINQUANT, Isabelle GRIMAULT, Catherine LESTERPT, Clément BECK, David BLIN et son équipe.
Enfin, je tiens plus largement à remercier toutes les personnes qui ont participé à cet ouvrage et il y en a plus d'une centaine. Je souhaiterais commencer par saluer les 28 membres de la commission, les participants aux différents groupes de travail ainsi que les 120 personnalités qui ont été auditionnées : des professionnels de terrain aux représentants des familles. Tous ne sont pas présents aujourd'hui mais je sais que Sylviane GIAMPINO a particulièrement veillé à ce que la diversité des points de vue et des expériences transparaissent dans ce rapport.
Tout d'abord je souhaiterais revenir sur l'origine de cette mission. Depuis 2013, 55% des enfants de moins de trois ans bénéficient d'un mode d'accueil en France. Comme l'illustre parfaitement le rapport de mission de Sylviane GIAMPINO, ces solutions d'accueil sont diverses et variées.
C'est incontestablement un atout, pour mieux répondre aux besoins des jeunes enfants et de leurs familles. Cela représente également un défi, car il faut faire en sorte que la diversité des modes d'accueil et des professionnels issus de filières différentes soient complémentaires et uvrent dans un même objectif, celui d'un accueil pensé et organisé pour le très jeune enfant et sa famille.
Je sais que cet objectif est partagé par les professionnels et que, dans leurs pratiques, ils s'attachent de longue date à le faire vivre. Le travail conduit par Sylviane GIAMPINO en est le témoin. Son apport, essentiel à mon sens, est triple :
1/ Il renouvèle les connaissances théoriques à l'aune des enseignements les plus récents en matière développement du jeune enfant, sur les plans cognitif, affectif, émotionnel, physique. Il montre en particulier à quel point ces différents aspects du développement sont intrinsèquement liés chez le bébé.
2/ Il s'appuie sur les expériences de terrain les plus innovantes pour indiquer comment ces connaissances théoriques peuvent se décliner dans les pratiques professionnelles et les organisations.
3/ Il éclaire les points de consensus et formule une série de recommandations de nature à permettre à tous les acteurs, financeurs, élus locaux, gestionnaires, professionnels, parents de se saisir de ce travail pour le traduire en actes.
Ce rapport pose ainsi les bases d'une politique d'accueil du jeune enfant pensée dans sa globalité, depuis la formation des professionnels jusqu'à l'organisation des modes d'accueil, centrée sur les besoins de l'enfant, en association avec les parents. Il pose des jalons importants pour construire une identité commune aux professionnels de la petite enfance, en accueil collectif et en accueil individuel.
Cette mission s'inscrit ainsi dans la continuité et la complémentarité de l'action que je mène dans les domaines qui relèvent de ma compétence : droits de l'enfant, protection de l'enfance, soutien à la parentalité, droits des femmes, politique familiale.
La ligne que je me suis fixée, dans chacune de mes actions, est la même : celle du meilleur intérêt de l'enfant et son développement complet.
C'est cette ligne qui permet de décloisonner les approches. C'est elle qui permet de garantir le respect de la Convention des droits de l'enfant. Cette convention doit guider nos choix, nous permettre de penser les droits de l'enfant dans la perspective plus large d'un projet de société : l'idée est de construire un environnement qui protège et stimule chaque enfant, soutient son développement et son épanouissement, pour répondre à ses besoins.
J'ai défendu cette démarche lors de l'audition de la France par le Comité des droits de l'enfant des Nations Unies en janvier dernier. L'orientation première de la feuille de route relative à la protection de l'enfance repose aussi sur le fait de « partir des besoins de l'enfant, de la singularité de sa situation et des ressources de son environnement ». Cela se traduit, à titre d'exemple, par la valorisation du projet pour l'enfant ou un recours accru à l'environnement de l'enfant.
Les recommandations issues de la mission viendront nourrir la démarche de consensus qui sera menée d'ici quelques mois. Cet exercice, prévu par la feuille de route pour la protection de l'enfance (action 9), partira des besoins généraux de l'enfant pour définir ensuite les besoins spécifiques de l'enfant en protection de l'enfance.
Enfin, c'est bien en s'appuyant sur cette ligne claire que la mission a travaillé. En matière d'accueil du jeune enfant, elle permet d'adopter une démarche holistique, seule garante de la qualité de l'accueil et de son adéquation au développement de l'enfant. Et pour garantir cette bienveillance et cette bien-traitance des enfants, il faut également bien-traiter à la fois les professionnels et les parents.
C'est donc bien une réelle philosophie de la petite enfance qui nous est proposée. Elle est nécessaire pour compléter l'action menée sur le développement des solutions d'accueil offertes aux enfants de moins de trois ans.
Avec une natalité qui fait sa force (près de 800 000 naissances annuelle, en moyenne près de 2 enfants par femme) et un taux d'activité des femmes élevé et croissant, notre pays a un besoin évident, celui de développer les modes d'accueil.
Les modes d'accueil sont tout d'abord un enjeu pour l'enfant : c'est tout l'objet de la mission de Sylviane GIAMPINO et je reviendrai plus longuement sur ce point. Mais, en tant que ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes, je me dois de préciser que les modes d'accueil sont aussi un enjeu pour les parents, pour les aider à concilier leur vie professionnelle et familiale, et même leur vie sociale, et ainsi permettre aux mères, comme aux pères, de poursuivre leur activité professionnelle.
Encore maintenant, 40% des femmes modifient leur activité professionnelle à l'arrivée d'un enfant (contre 6% des hommes). C'est, entre autres, par l'attention que nous portons aux modes d'accueil que la France peut encourager et soutenir la carrière des femmes. C'est en poursuivant le développement et la diversification des solutions d'accueil que nous pourrons continuer à avoir un des taux de natalité les plus forts d'Europe et dans le même temps, un des taux d'activité des femmes les plus élevés.
J'ai pleinement conscience de ces problématiques. Des solutions ont été pensées en les adaptant aux réalités familiales. Par exemple, le gouvernement a souhaité développer les crèches à vocation d'insertion professionnelle (VIP) pour faciliter l'accès à l'emploi des parents de jeunes enfants, notamment les mères isolées, en leur proposant non seulement une place en crèche mais également un accompagnement renforcé à l'emploi ou à la formation professionnelle.
Pour ces différentes raisons, le gouvernement a fait le choix, dès son arrivée au pouvoir, de développer les solutions d'accueil du jeune enfant. Nous avons entrepris une réelle relance des modes d'accueil collectifs comme individuels.
Au total, en trois ans (2012-2014), 42 700 nouvelles places en crèche ont été créées. Les derniers chiffres montrent que 9 000 places de crèches supplémentaires ont été créées en 2015. Il s'agit d'un effort budgétaire considérable, de 700 M supplémentaires par an : les dépenses consacrées par la branche famille à l'accueil du jeune enfant se sont élevées à 2,9 Mds en 2015. Elles s'élevaient à 2,2 Mds en 2011.
S'agissant de l'accueil individuel, un guide ministériel relatif aux maisons d'assistants maternels vient d'être publié et diffusé à l'ensemble des acteurs de terrain. Assorti d'une aide au démarrage de 3 000, ce guide a été élaboré par la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) de façon partenariale avec les organisations d'assistants maternels, la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) et la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA). Ce guide est un véritable outil qui :
- Aide les assistants maternels porteurs de projet dans leurs démarches, et ce dès le montage du projet.
- Contribue à rapprocher les critères d'agrément et de suivi par les services de PMI.
- Diffuse les bonnes pratiques repérées au sein des MAM existantes.
Autre action du gouvernement dans le domaine : La scolarisation des enfants de moins de trois ans a été relancée par une initiative conjointe du ministère de l'Education nationale, de l'enseignement supérieur et de la Recherche et du ministère des familles, de l'enfance et des Droits des femmes. L'entrée à l'école maternelle peut être un réel atout pour certains jeunes enfants. Mais, j'en suis bien consciente : la scolarisation précoce ne convient pas à tous les enfants et doit être pensée en fonction des besoins spécifiques des tout-petits. C'est pour cela que la Convention d'objectif et de gestion (COG) de la CNAF pour 2013-2017 prévoit la création d'une centaine de classes passerelles qui facilitent la transition entre le milieu familial ou l'accueil individuel ou collectif du jeune enfant et son entrée à l'école.
Ce que dessine le rapport de mission de Sylviane GIAMPINO, c'est une refondation et des orientations nouvelles de la politique d'accueil de la petite enfance.
Ce rapport n'est donc pas un simple rapport de mission. Il est un véritable guide à destination de tous les acteurs de la petite enfance. Il sera d'ailleurs publié à la Documentation française et restera, je n'en doute pas, une référence essentielle en matière de petite enfance. Il est également mis en ligne sur le site du ministère et s'accompagnera de contributions reçues lors de la mission qui ne pouvaient pas figurer dans le rapport qui est déjà très riche et volumineux.
Les préconisations sont nombreuses (il y en a 108) et elles sont cohérentes. Chacun peut s'en saisir pour lancer de nouvelles dynamiques. Chacun peut construire sa propre politique de la petite enfance en piochant çà et là dans les constats, les analyses et les préconisations du rapport.
Ces préconisations proposent un changement de regard sur la petite enfance et sont autant de propositions faites à l'ensemble des acteurs de cette politique, qu'il s'agisse des décideurs, des gestionnaires ou des financeurs : collectivités territoriales (communes, regroupements de communes, conseils départementaux), centres communaux d'action sociale, associations, entreprises de crèches, Education nationale, caisses d'allocations familiales et caisses de mutualité sociale agricole. Ou encore qu'il s'agisse des professionnels des établissements d'accueil du jeune enfant (EAJE), professeurs des écoles, assistants maternels ou salariés à domicile,
Ce sont aussi des analyses et des propositions qui peuvent intéresser les parents eux-mêmes. La place des parents dans les solutions d'accueil du jeune enfant doit en effet être réaffirmée. Comme l'illustre parfaitement le rapport, il est nécessaire de mener des actions de soutien à la parentalité pour favoriser le bon développement de l'enfant. C'est pourquoi, j'ai par exemple souhaité qu'un livret des parents soit envoyé à toutes les familles attendant un premier enfant (au cinquième mois de grossesse). Plus qu'une simple compilation d'informations administratives, ce livret informe les parents sur les besoins de l'enfant mais aussi sur ses droits.
C'est aussi le rôle des professionnels de la petite enfance que d'accompagner les familles dans l'exercice de la parentalité, au quotidien, par un accueil bienveillant de l'enfant et de sa famille, par un accueil dénué de tout jugement.
Autres acteurs incontournables de la petite enfance : les collectivités locales ! Ce sont aussi les premières destinataires de ce rapport qui est un outil unique pour les maires qui souhaitent innover en matière de petite enfance. C'est pourquoi, je me permets de suggérer que Sylviane GIAMPINO remette également officiellement les conclusions de sa mission au Président de l'Association des Maires de France (AMF), M. François BAROIN. Et je tiens à saluer ici la présence de Mme Elizabeth Laithier, Maire adjointe de Nancy et présidente du groupe petite enfance de l'AMF qui est notre interlocutrice privilégiée sur ces questions. Les collectivités ont un rôle central à jouer dans la promotion de cette philosophie de la petite enfance.
L'architecture de certaines crèches pourrait par exemple être repensée sous le prisme des besoins de l'enfant. Et ici, tout particulièrement en matière d'architecture, qui dit prise en compte des besoins de l'enfant, dit également prise en compte des besoins des professionnels et accueil des parents avec une bien-traitance des uns comme des autres. Je l'ai vu dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes : à mesure que les besoins et les droits des personnes âgées sont pris en compte, la conception des établissements d'accueil évolue. Je ne doute pas qu'il en est de même pour les crèches.
La vision globale proposée par le rapport est en effet la porte d'entrée aux réflexions nécessaires sur la formation des professionnels de la petite enfance. C'est aussi la porte d'entrée à des réflexions et des actions qui permettent de dépasser certains cloisonnements qui ne sont pas propices aux innovations. Enfin, c'est ce qui permet de donner du sens à l'exercice de métiers dont pour reprendre une phrase de Sylviane GIAMPINO « l'art est délicat, l'exercice passionnant et la pratique éprouvante ».
Bien sûr, chaque mode d'accueil du jeune enfant poursuit un objectif de qualité et un grand nombre de professionnels et d'établissements centrent déjà leur action autour des besoins de l'enfant. Mais ce rapport permet de formaliser la diversité des pratiques et d'identifier celles qui contribuent le plus fortement à son développement complet. L'habituel clivage entre modes d'accueil collectifs et individuels n'a d'ailleurs pas lieu d'être car ces deux types d'accueil doivent s'inscrire dans la même dynamique : proposer un « accueil personnalisant et sécurisant au jeune enfant ». Des propositions sont faites par la mission, je les étudierai avec l'ensemble des partenaires.
J'ai également souhaité qu'un travail sur la professionnalisation des intervenants de la petite enfance soit conduit à tous les échelons : que ce soit au niveau de la formation continue (avec la signature d'un accord cadre national dès février 2015) comme de la formation initiale. Sur ce point, une refonte des diplômes de la petite enfance a été entreprise. Elle concerne notamment le CAP petite enfance qui proposera des modules renforcés sur le développement de l'enfant. L'organisation du diplôme est repensée pour mieux correspondre au public adulte qui y a recours dans le cadre de la validation des acquis de l'expérience.
Je tiens cependant à préciser ici que la question de la formation professionnelle ne relève pas uniquement de mon ministère. Développer l'interministérialité sur ces sujets est donc essentiel. Je travaille cette réforme avec mes collègues et suis très attentive aux évolutions en cours, d'autant que je connais les inquiétudes des professionnels de la petite enfance. Je veille par exemple à ce que la refonte du diplôme d'auxiliaire de puériculture ne perde pas sa spécialisation petite enfance. Et je peux vous assurer de mon engagement pour que, dans le cadre de la réforme du diplôme d'éducateur de jeunes enfants, le socle commun du travail social prenne en compte les besoins de l'enfant dans leur globalité mais aussi dans leur spécificité.
Le rapport constitue une étape supplémentaire vers la mise en cohérence de tous ces travaux menés sur la formation des professionnels de la petite enfance. La mission vient en effet nourrir le plan d'action sur les métiers de la petite enfance que je souhaite présenter dans les prochains mois. Son objectif sera de structurer davantage les métiers de la petite enfance en leur donnant une identité commune et une impulsion nouvelle.
Pour ce faire, je m'appuierai sur les préconisations du rapport pour :
- Élaborer un texte cadre national pour fonder une identité professionnelle commune aux acteurs de l'accueil du jeune enfant. Sa rédaction sera une des premières missions que je confierai à la formation « enfance » du Haut conseil de l'enfance, des familles et des âges de la vie qui sera mis en place prochainement.
- Organiser une journée ministérielle des professionnels de la petite enfance. Cette journée qui sera annuellement consacrée aux métiers de la petite enfance renforcera cette identité commune au plan national comme au plan local, pour les acteurs qui souhaiteront se saisir de cette idée.
Autre point mis en exergue dans le rapport, celui de la nécessité de « limiter les effets paradoxaux de la rationalisation gestionnaire dans les accueils collectifs ». Dès mercredi, mon Cabinet va réunir des représentants de l'association des maires de France et de la Caisse nationale des allocations familiales pour aborder cette question.
Ce rapport ne restera donc pas lettre morte ; il sera une référence pour l'action gouvernementale que nous menons en nous appuyant notamment sur les Caisses d'allocations familiales et les Caisses de mutualité sociale agricole. Ensemble, nous poursuivrons nos efforts pour continuer à soutenir le développement qualitatif et quantitatif des modes d'accueil des jeunes enfants, qu'ils soient individuels ou collectifs.
Je vous l'ai dit, ce rapport de mission est la formalisation de la philosophie de la petite enfance que je souhaite promouvoir au travers de toutes les actions que je mène. La mission GIAMPINO trouvera donc encore d'autres déclinaisons dont nous ne manquerons pas de vous informer.
J'insiste sur le fait que les conclusions de cette mission ne s'adressent pas aux seuls membres du gouvernement. Il s'agit d'un véritable guide pour tous les acteurs du secteur et je vous encourage toutes et tous à vous en saisir pour le faire vivre.
Je vous remercie.
Source http://www.familles-enfance-droitsdesfemmes.gouv.fr, le 13 mai 2016