Déclaration de Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, sur le projet de loi travail sur le statut de travailleur détaché, Paris le 11 mai 2016.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral


Monsieur le Député (...), je partage tout à fait l'objectif de lutte contre la fraude au détachement. Je crois essentiel de rappeler dans cet hémicycle que ce qui est en jeu, ce n'est pas la liberté de circulation des travailleurs dans l'espace européen - la France étant le troisième pays d'envoi de travailleurs dans cet espace, nous n'avons pas de leçons à donner -, mais bien la lutte contre les fraudes au détachement, lesquelles minent notre modèle social et représentent une concurrence déloyale pour les employeurs.
C'est pour cela qu'au-delà des paroles, nous agissons ! Nous avons défini, dans la loi Savary puis dans la loi Macron, un régime plus strict. Mais nous avons également imposé de nombreux contrôles sur l'ensemble du territoire. Nous agissons aussi au niveau européen pour rectifier la directive de 1996.
Je vais répondre précisément. Si nous n'avons pas accepté cet amendement, c'est parce qu'il prévoit l'obligation pour un travailleur détaché de parler ou de comprendre le français ou, à défaut, pour son employeur de prévoir les services d'un interprète. Je suis d'accord avec vous sur le fond, car la question de la langue est essentielle, notamment en termes d'accès au droit ou pour comprendre les consignes de sécurité. Mais cet amendement posait des problèmes juridiques. Par ailleurs, comment imaginer qu'un employeur qui envoie un seul travailleur détaché envoie en même temps un interprète ?
Depuis la loi Savary, notre code de travail prévoit l'obligation de désigner un représentant en France parlant le français.
Par ailleurs, le projet de loi travail définit des obligations pour surmonter le problème de la langue, dont celle d'avoir l'ensemble des éléments d'accès au droit dans les différentes langues./.
Monsieur le Député, je voudrais tout d'abord vous féliciter de l'action que vous menez dans la lutte contre la fraude au détachement. Nous avons certes dans notre pays une des législations es plus strictes en ce domaine. Est-elle suffisante ? «Non», avez-vous déclaré en substance, et il y a un combat à mener à la fois au niveau national, en termes bien sûr de contrôle pour lutter contre la fraude au détachement mais aussi au niveau européen pour une révision ciblée de la directive de 1996. Je l'ai déjà dit : il s'agit de mieux lutter contre la concurrence déloyale parce que c'est un facteur d'érosion de notre modèle social et, qu'au-delà, il y va de la dignité des travailleurs dans l'espace européen.
C'est pourquoi le projet de loi que vous avez évoqué renforce encore notre arsenal législatif en matière de travail détaché : nous renforçons les sanctions en permettant de suspendre une prestation de service internationale lorsqu'il n'y a pas de déclaration du détachement. Jusqu'à présent, nous pouvions appliquer des sanctions en cas de non-respect des horaires de travail ou du salaire, mais pour absence de déclaration du détachement. Nous améliorons aussi l'efficacité des services de contrôle en offrant la possibilité de disposer d'un interprète lors desdits contrôles - je complète ainsi ma réponse à la question de M. Moreau. De plus, nous renforçons la responsabilité du maître d'ouvrage et du donneur d'ordre ; déjà considérablement étoffées par la loi que vous avez portée et par la loi Macron, ainsi que notre arsenal pour lutter contre les fraudes à l'intérim - je partage tout à fait votre avis sur ce point. La révision ciblée de la directive de 1996 doit nous permettre d'aller encore bien au-delà.
Les droits des salariés détachés vont par ailleurs être renforcés en prévoyant, sur les grands chantiers, une obligation d'affichage dans leur langue des règles du droit du travail.
Vous le voyez, Monsieur le Député : notre détermination est totale.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 mai 2016