Texte intégral
Monsieur le consul dArménie,
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Député, cher Patrick,
Monsieur le conseiller départemental,
Monsieur ladjoint au maire, Monsieur Didier Parakian,
Monsieur le Directeur départemental de lOffice National des Anciens Combattants et des Victimes de guerre,
Monsieur le gouverneur militaire, mon général,
Monsieur le président du Conseil de Coordination des Organisations Arméniennes de France,
Monsieur le président de lAssociation des Anciens Combattants de la Résistance,
Madame et Messieurs les porte-drapeaux,
Mesdames et messieurs,
Nous célébrons, à travers Missak Manouchian, lengagement de milliers détrangers dans la Résistance. En 1939, la France compte près de 2,2 millions détrangers, dont beaucoup sont des réfugiés politiques et économiques. Des Allemands et des Autrichiens, notamment, ressortissants juifs qui avaient fui le nazisme ; des Républicains espagnols qui fuyaient le franquisme ; des Arméniens, enfin, rescapés du génocide de 1915. Tous ces étrangers admiraient la France et les valeurs démocratiques quelle incarnait dans une Europe de plus en plus dominée par les fascismes.
Il faut rechercher dans la générosité de la France, la raison pour laquelle tant détrangers se battirent contre les nazis au sein de la Résistance : il sagissait non seulement de défendre leur patrie dadoption, mais encore la nation qui incarnait des valeurs universelles alors menacées de mort par les totalitarismes. Pour tous ces étrangers, la libération de la France était le prélude nécessaire à la libération de lEurope.
Parmi les grandes figures de cet engagement figure sans nul doute le « groupe Manouchian ». Missak Manouchian est né dans une famille de paysans arméniens. Son père trouve la mort lors du génocide et sa mère succombe à la famine.
En 1925, Missak et son frère Karabet débarquent à Marseille. Missak sintègre peu à peu dans la communauté nationale. Il traduit en arménien Baudelaire, Rimbaud, Verlaine et sinscrit à la Sorbonne. Son parcours intellectuel est un modèle dintégration.
En 1934, Missak Manouchian adhère au parti communiste ainsi quau Comité de secours pour lArménie. Sans jamais renier son engagement, après avoir été volontaire durant la guerre de 1939-1940, Missak Manouchian rejoint la Résistance suite à linvasion de lURSS par lAllemagne nazie, le 22 juin 1941. Affecté dans les FTP-MOI, groupe des Francs-tireurs et partisans Main-duvre immigrée de Paris, il mène de nombreuses actions résistantes et devient un cadre du mouvement.
Au matin du 16 novembre 1943, Missak Manouchian, ainsi que 23 de ses camarades, sont arrêtés et livrés aux Allemands. La propagande nazie placarde alors 15 000 exemplaires de la célèbre « Affiche rouge ». Cette Affiche, créée pour semer la terreur, déclenche tout au contraire un mouvement de sympathie.
Missak Manouchian, quelques heures avant dêtre fusillé au Mont-Valérien, écrivit dans une dernière lettre à sa femme, le 21 février 1944 : « Je mourrai avec mes 23 camarades tout à lheure avec le courage et la sérénité dun homme qui a la conscience bien tranquille, car personnellement, je nai fait mal à personne et, si je lai fait, je lai fait sans haine. » Il refusa de se bander les yeux pour affronter la mort en face.
Lexemple du « groupe Manouchian » nous oblige.
Le Président de la République, en déplacement au Mont-Valérien pour commémorer le 70ème anniversaire de lexécution du « groupe Manouchian », rappela que ces résistants étrangers furent « lhonneur de la France » car ils sétaient « battus pour elle, pour ses valeurs, pour sa liberté ».
Lhistoire du « groupe Manouchian » sinscrit dans les étroites relations qui ont uni la France et lArménie au cours dun XXème siècle qui commença par un génocide. Des milliers dArméniens, qui avaient fui lagonie et lanéantissement, trouvèrent refuge en France, en partie à Marseille, qui leur offrit aide et secours.
La France continue dhonorer la mémoire du génocide arménien et de faire en sorte que jamais elle ne soublie ou ne soit combattue par les mensonges et les falsifications historiques.
Cest pourquoi je me suis rendu, le 24 avril 2015, avec le Président de la République, à Erevan, pour commémorer le centenaire du génocide. Le Président réaffirma alors sa volonté de ne jamais oublier cette tragédie.
Lors de mon déplacement à Vaulx-en-Velin comme lors de mon déplacement en Arménie, jai mesuré la puissance de cette mémoire et réalisé combien elle constituait votre identité. Je veux remercier toutes celles et tous ceux qui la font vivre.
Je suis très attaché à la transmission de cette mémoire. Cest pourquoi je rencontre régulièrement des membres de la communauté arménienne et les félicite pour leur travail de mémoire, comme à loccasion du Dîner du Conseil de coordination des organisations arméniennes de France auquel jai assisté ces deux dernières années.
Mesdames et messieurs, la mémoire du « groupe Manouchian » nest pas que celle dun groupe résistant ; elle est celle des milliers dArméniens, des milliers détrangers, qui prirent les armes pour défendre un pays dans lequel ils nétaient pas nés, parce que ce pays, la France, incarnait pour ces hommes et ces femmes la liberté sur terre, le pays des valeurs universelles sans lesquelles lhumanité ne pourrait continuer despérer en son avenir.
En évoquant la mémoire du « groupe Manouchian », il me vient à lesprit ces vers dAragon, tirés des « Strophes pour se souvenir ». Ce poème rend un hommage admirable aux martyrs de lAffiche Rouge. Permettez-moi de citer ce passage :
« Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur cur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant. »
Je vous remercie.*
Source : http://www.defense.gouv.fr, le 30 mai 2016