Texte intégral
Monsieur le Député, votre question porte sur deux points essentiels : d'une part, la transparence, de l'autre, ce que l'on appelle la «mixité» des accords de commerce, qui conditionne la consultation ou non des parlements nationaux en plus de celle du Parlement européen.
En ce qui concerne la transparence, M. le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger, Matthias Fekl, a eu l'occasion de rappeler à de nombreuses reprises devant l'Assemblée que le gouvernement souhaitait qu'elle soit totale. Nous avons commencé par demander à la Commission européenne de rendre publics les mandats obtenus pour négocier le TTIP et le TISA au nom des vingt-huit États membres, afin que les parlementaires et les citoyens puissent y avoir accès.
S'agissant de la mixité des accords en question, nous considérons que le CETA, en particulier, est mixte car sa ratification emporte des conséquences sur notre législation interne. Par conséquent, il doit être ratifié non seulement par le Parlement européen, comme c'est le cas pour tous les accords de commerce, mais également par les parlements nationaux.
Le Parlement européen et la Commission européenne auront à se prononcer mais nous sommes fondés à demander une ratification par l'ensemble des parlements nationaux. Concernant le TTIP, qui est encore en cours de négociation et pour lequel nous sommes très loin d'aboutir à un accord, il est absolument évident qu'il devra être ratifié par l'ensemble des parlements nationaux, donc par l'Assemblée nationale.
(Interventions des parlementaires)
Madame la Députée, votre question va me donner l'occasion de rectifier certaines informations diffusées au cours des dernières semaines. Je tiens d'abord à vous demander d'excuser l'absence de Matthias Fekl, secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, qui est en déplacement à Hong Kong.
La Commission européenne a manifesté en 2015 son souhait de voir rapidement disparaître une centaine d'accords de protection des investissements qui avaient été conclus entre les États membres de l'Union européenne, à l'époque où celle-ci n'en comptait que quinze, et des pays d'Europe centrale et orientale. La France est partie à douze de ces accords dont la Commission considère qu'ils contreviennent au droit communautaire. La fin de ces accords est l'occasion d'appliquer, au sein même de l'Union européenne, les principes que la France, notamment par la voix de Matthias Fekl, a défendus de manière ambitieuse dans les négociations sur les accords de libre-échange, en prônant - avec succès, au demeurant - la rupture avec l'ISDS, c'est-à-dire avec l'arbitrage privé.
Les principes que nous souhaitons voir appliqués sont la transparence, la lutte contre les conflits d'intérêts, la possibilité d'un appel et la protection du droit à réguler des États. Je souligne d'ailleurs que la Cour de justice des investissements, l'Investment Court System - ICS - a été accepté par le Canada et le Vietnam. À terme, l'objectif est de fonder une cour multilatérale des investissements, qui fait cruellement défaut dans la mondialisation.
À l'occasion de la fin des accords de protection des investissements intracommunautaires, la France a soutenu, dans le cadre des groupes de travail techniques du Conseil européen, un document ouvrant plusieurs pistes pour créer un mécanisme transitoire conforme aux principes de l'ICS, en vue de l'établissement d'une cour de justice des investissements au sein de l'Union européenne.
Un mécanisme spécifique est nécessaire dans des circonstances particulières, comme la défaillance de la justice d'un État membre, que la Commission identifiera très précisément. Continuer d'appliquer le droit communautaire sans créer de mécanisme spécifique serait une occasion manquée. Pour l'heure, les principes régissant l'ICS sont absents du droit communautaire aujourd'hui.
Nous appliquons donc aux accords conclus au sein de l'Union européenne les principes que nous avons voulu appliquer dans le cadre des accords multilatéraux. Il s'agit, non pas d'un arbitrage privé, mais d'un arbitrage public.
(Interventions des parlementaires)
Monsieur le Député, rassurez-vous : qu'il s'agisse du CETA, l'accord avec le Canada, ou du TAFTA, l'accord en cours de négociation avec les États-Unis, la France défend les mêmes principes et lignes rouges.
Concernant la négociation avec les États-Unis, que vous avez évoquée, nous avons plusieurs lignes rouges. Premièrement, l'offre américaine doit être beaucoup plus substantielle qu'elle ne l'est aujourd'hui. On ne peut pas, d'un côté, demander à l'Union européenne d'ouvrir de nombreux marchés quand, de l'autre, les États-Unis ne prennent aucun engagement pour ce qui est, par exemple, d'ouvrir les marchés publics subfédéraux. Deuxièmement, nous considérons que certaines règles européennes en matière de sécurité sanitaire des aliments, d'environnement, de services publics ou encore en matière sociale ne doivent pas être remises en cause par un accord de commerce. Troisièmement, nous souhaitons un engagement clair en faveur de la préservation des acquis d'autres négociations commerciales, comme la protection des indications géographiques, qui sont fondamentales pour notre agriculture.
Or, dans le cadre de la négociation du CETA, ces lignes rouges et ces engagements ont été respectés. Le CETA n'est donc pas le TAFTA, d'abord parce que celui-ci n'est aujourd'hui qu'un projet d'accord en cours de négociation et que, comme l'a dit M. le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur à plusieurs reprises, nous sommes loin d'être parvenus à définir la base d'un accord. Ensuite, nous avons obtenu, dans le cadre du CETA, de modifier le projet initial de cour d'arbitrage privée.
Nous considérons donc - pour reprendre, en l'inversant, votre formule - que non seulement le CETA n'est pas le cheval de Troie du TAFTA, mais qu'il représente même un contre-modèle : l'accord économique et commercial global de l'Union européenne avec le Canada est plutôt positif, surtout comparé aux mesures défendues par certains dans le cadre de la négociation du TAFTA.
Nous souhaitons que le CETA soit reconnu comme un accord mixte ; il sera soumis à votre assemblée pour approbation. Nous souhaitons, dans le cadre de la négociation du TAFTA avec les États-Unis, obtenir les garanties que nous avons obtenues dans le cadre du CETA.
(Interventions des parlementaires)
Monsieur le Député, je vous demande de considérer que nous défendons nos positions en toute bonne foi - c'est, du reste, ce que pensent nos partenaires dans ce débat au sein de l'Union européenne.
Les accords de protection des investissements - vous avez fait référence à des articles de presse à ce sujet - que j'ai évoqués tout à l'heure existaient dès avant que certains pays rejoignent l'Union européenne. Ces accords ont été conclus par l'Europe des Quinze et des pays d'Europe centrale et orientale qui ont à présent rejoint l'Union européenne. Ils ne sont pas conformes au droit communautaire : il faut donc les transformer pour leur donner une base juridiquement cohérente avec le fait que ces pays sont devenus membres de l'Union européenne.
Concernant l'arbitrage, nous ne soutenons absolument pas des dispositions que nous contestons par ailleurs. Nous voulons que les mécanismes d'arbitrage qui seront mis en place dans le cadre de ces nouveaux dispositifs de protection des investissements soient publics et non privés ; nous voulons qu'ils respectent les principes que nous défendons par ailleurs dans le cadre de la négociation avec les États-Unis, et que nous avons défendus dans le cadre de la négociation de l'accord avec le Canada, �� savoir la transparence et l'absence de conflits d'intérêts.
C'est sur cette base que la France, avec un certain nombre d'autres États membres, a remis des propositions à la Commission européenne. Nous souhaitons notamment instaurer une institution qui pourrait, à terme, être une cour permanente d'arbitrage au sein de l'Union européenne.
En ce qui concerne les investissements, et pour ce qui est de l'Union européenne, nous voulons éviter que le règlement des conflits éventuels soit dérogatoire du droit public - en l'occurrence, de l'arbitrage public. C'est notre position, qu'il s'agisse des accords internationaux, ou de la protection des investissements à l'intérieur de l'Union européenne, c'est-à-dire dans le cas d'un litige entre un investisseur européen et un État membre de l'Union européenne.
(Interventions des parlementaires)
Madame la Députée, vous avez raison de souligner à quel point les négociations sur le projet de traité appelé, en anglais, Trade in services agreement, c'est-à-dire «accord sur le commerce dans les services», sont importantes. Vingt-trois parties sont impliquées dans ces négociations - plus précisément, vingt-deux pays et l'Union européenne, c'est-à-dire l'ensemble de ses vingt-huit membres. C'est très important pour notre économie car l'expertise européenne - plus particulièrement française -excelle dans de nombreux domaines des services : les services financiers, les transports, la logistique, etc. Nos entreprises ont donc beaucoup à y gagner.
Dans le même temps, cette question est très sensible, comme vous l'avez dit, car lorsqu'on parle de services, on parle aussi de services publics. Des questions très sensibles liées à la souveraineté des États, ou à l'emploi, peuvent aussi se poser. Il faut donc de la transparence.
Nous avons demandé que certains documents, tels que le mandat de négociation, soient rendus publics : cela a été fait le 9 mars 2015. Vous demandez, à présent, que ces documents soient disponibles en français : nous relayons cette demande auprès de la Commission européenne. Ces textes sont déjà très techniques ; le fait de ne pouvoir y accéder dans sa propre langue complique encore le contrôle par les parlementaires, et par les parties intéressées dans le monde économique ou la société civile.
Pour nous, il ne doit pas y avoir de programme caché - cela n'aurait aucun sens. Il faut donc absolument que toutes les données de cette négociation soient rendues publiques. Certains points sont très sensibles : la protection des services audiovisuels, des services publics en général, et même du droit à réguler des États - ce dernier point est mentionné à la troisième page du mandat de négociation. Nous sommes donc tout à fait disposés - Matthias Fekl en particulier - à rendre compte, à chaque étape, devant l'Assemblée nationale, de chacun des éléments de cette négociation, de chacune des positions que nous défendons auprès de la Commission européenne et de nos partenaires, de chacune des garanties que nous voulons obtenir pour que cet accord sur les services soit bénéfique à notre économie, et ne mette pas en cause le droit à réguler de la France ni de l'Union européenne.
(Interventions des parlementaires)
Monsieur le Député, vous avez posé deux questions. La première porte sur les indications géographiques protégées agricoles, la seconde sur les indications géographiques protégées non agricoles.
Comme vous l'avez dit, la protection des indications géographiques est absolument décisive. Les traités sont importants pour cela, car ils améliorent cette protection. Ils protègent les appellations les plus exposées aux risques d'usurpation. Les indications géographiques sont un instrument de promotion et de valorisation des produits d'un terroir et de leur renommée. Leur enregistrement au niveau international permet de leur accorder une protection contre toutes les usurpations, et d'envisager leur exportation.
La France a obtenu des succès précieux, d'abord dans le cadre du CETA, comme vous l'avez dit, mais aussi avec la révision de l'arrangement de Lisbonne, qui étend la protection des indications géographiques dans vingt-huit États. Cet acte est modernisé, et plus ouvert ; il traduit l'intérêt de nombreux pays pour notre approche des savoir-faire et de la qualité.
Pour ce qui est du CETA, comme vous l'avez dit, 42 indications géographiques ont été reconnues, outre les vins et spiritueux - qui étaient déjà couverts depuis 2004. C'est un très grand progrès : appuyons-nous sur ce modèle pour mener la négociation avec les États-Unis. En ce domaine, en effet, il reste beaucoup de chemin à parcourir, et le gouvernement restera ferme.
Deuxièmement, le gouvernement soutient l'instauration, au niveau européen, d'un système unique de protection des indications géographiques pour les produits non agricoles. Cela permettrait de valoriser les productions industrielles et artisanales et de renforcer la confiance des consommateurs. La France avait accueilli favorablement la publication du Livre vert de la Commission européenne en 2014. Le Parlement européen - vous l'avez dit - a invité en octobre 2015 la Commission européenne à faire une proposition législative ; la France s'exprime régulièrement en faveur d'une relance de ces travaux. Malheureusement, il est vrai que pour l'instant la Commission européenne n'avance pas.
Nous sommes donc d'accord avec vous : cette législation serait tout à fait complémentaire et cohérente avec ce que nous avons obtenu jusqu'ici au sujet des indications géographiques ; les enjeux sont les mêmes en matière d'emploi et de défense des savoir-faire de nos territoires. Nous continuerons à plaider en ce sens.
(Interventions des parlementaires)
Monsieur le Député, vous avez tout d'abord évoqué des documents qui ont fuité, transmis par une ONG à la presse, lesquels relataient l'état des négociations entre l'Union européenne et les États-Unis. Mais ces documents ont simplement confirmé ce que le gouvernement français ne cesse de répéter, à savoir que celles-ci sont aujourd'hui déséquilibrées car il y a, d'un côté, un mandat de négociation qui permet à l'Union européenne de s'engager dans de nombreux domaines et, de l'autre, une offre des États-Unis qui n'est pas à la hauteur de ce que nous attendions de la négociation.
J'ajoute que rien dans ces informations qui ont fuité ne met en cause les lignes rouges que la France défend - qu'il s'agisse des services publics, des investissements ou encore des indications géographiques, c'est-à-dire tous les sujets que nous venons d'évoquer depuis le début de cette séance de questions.
Vous me demandez comment le gouvernement entend informer et associer le Parlement à chaque étape de la négociation. D'une part, nous avons demandé que les documents de négociation puissent être consultés beaucoup plus facilement par les parlementaires. Vous savez qu'initialement étaient prévues des salles de consultation, à Bruxelles pour les députés européens, mais réservés à ceux d'entre eux qui avaient des responsabilités au sein de la commission du commerce international, et, pour les parlementaires français, il fallait se rendre à l'ambassade des États-Unis.
Nous avons dit que ce n'était pas convenable ni même concevable, et nous avons obtenu que les consultations soient désormais possibles dans des bâtiments du secrétariat général des affaires européenne, qui dépendent donc du gouvernement français.
D'autre part, Matthias Fekl a mis en place un comité associant les parlementaires. Il réunit régulièrement ce comité auquel participent nombre d'entre vous et de vos collègues ainsi que des représentants d'ONG, et devant lequel il rend compte régulièrement de l'état des négociations, des documents disponibles, des positions défendues par la France et de celles des autres États membres, et des difficultés que nous rencontrons dans cette négociation.
Je tiens donc vraiment à vous assurer que, pour nous, un accord commercial entre l'Union européenne et les États-Unis ne peut se négocier que dans la transparence et ne pourra de toute façon voir le jour qu'avec le soutien de l'Assemblée nationale.
(Interventions des parlementaires)
Monsieur le Député, vous avez raison de dire que, compte tenu de l'importance d'une telle négociation et des préoccupations qu'elle soulève tout à fait légitimement chez nos concitoyens et dans les secteurs économiques concernés, il ne peut y avoir que la plus grande clarté et la plus grande transparence en la matière.
Vous avez soulevé quatre questions.
La première concerne l'arbitrage. Vous savez que Matthias Fekl a défendu une position maintenant reprise par la Commission européenne : il ne peut y avoir de cour d'arbitrage privée. L'ancienne proposition, dite «ISDS», a donc été mise de côté, et c'est aujourd'hui la procédure de l'arbitrage public qui est défendue, non seulement par la France mais par l'ensemble de l'Union européenne.
Vous avez aussi soulevé la question des normes, entre autres sanitaires, normes protectrices pour lesquelles nous avons obtenu des garanties au sein de l'Union : pas de poulet chloré, pas de boeuf aux hormones. Les normes de ce type devront être respectées dans le cadre d'un accord de commerce international, d'autant plus que ce sera aussi un facteur de protection de nos productions de qualité - lesquelles impliquent évidemment des coûts supplémentaires -, en empêchant une concurrence déloyale du fait de l'autorisation de normes sanitaires au rabais.
Le sujet, très sensible, des données personnelles, n'avait pas encore été évoqué. Le numérique fait partie aujourd'hui en effet des échanges économiques et la protection de ces données ne relève pas exactement des mêmes modes de régulation aux États-Unis. C'est pourquoi l'Union européenne veut que les règles qu'elle adopte en ce domaine ne soient pas remises en cause par cet accord.
S'agissant des indications géographiques, nous nous rejoignons parfaitement. Je m'en suis d'ailleurs déjà expliqué.
Enfin, vous avez souligné un dernier point : l'association du Parlement. Outre le comité qu'il a créé, Matthias Fekl était, il y a encore quelques jours, devant la commission compétente, et il est prêt à se rendre autant que nécessaire devant toutes les commissions concernées de votre assemblée car le sujet ne concerne pas qu'une seule d'entre elles : il s'agit aussi d'agriculture et d'autres volets de l'économie, sans oublier, évidemment, les affaires étrangères.
(Interventions des parlementaires)
Monsieur le Député, votre question me donne l'occasion de revenir sur ce qu'il en est de ce mécanisme d'arbitrage. Le document de travail rédigé par la France, l'Allemagne, les Pays-Bas, l'Autriche et la Finlande, auquel vous avez fait référence, a en effet été débattu dans les enceintes techniques du Conseil. Son objectif est de proposer une solution de compromis en vue de démanteler les accords de protection des investissements encore en vigueur entre les États membres de l'Union européenne et que la Commission juge contraires aux traités européens pour les raisons que j'ai déjà rappelées - lesdits accords ont été signés antérieurement à l'adhésion de certains des États concernés.
Dans ce contexte, les propositions formulées par la France et par ses partenaires sont parfaitement cohérentes avec les positions défendues à propos de l'ISDS dans le cadre du partenariat transatlantique et des autres accords commerciaux de l'Union européenne. Il s'agit en effet de réfléchir à l'instauration d'un véritable mécanisme juridictionnel complémentaire des tribunaux des États membres et qui permettrait de renforcer l'efficacité du marché intérieur. Les principes de base qui fondent ce marché étant encore souvent malmenés, il faut donc améliorer l'environnement juridique du monde des affaires au sein de l'Union tout en se conformant au droit communautaire.
Notre démarche s'inscrit pleinement dans cet objectif et ne vise en aucun cas à instaurer un ISDS au sein de l'Union européenne, puisque nous contestons ce mécanisme dans les négociations sur les autres accords de commerce international. Bien au contraire, il s'agirait d'un mécanisme d'arbitrage public.
Il y a eu des inexactitudes dans la façon dont cette question a été présentée. Les choses sont claires : la démarche de la France est de promouvoir partout, et dès que possible, les principes qui président déjà à la rupture avec l'arbitrage privé entre investisseurs et États dans les accords de libre-échange, et nous poursuivons la même logique au sein de l'Union européenne.
(Interventions des parlementaires)
Madame la Députée, je tiens à vous rassurer sur cette question, à laquelle les collectivités territoriales - et je le comprends - sont très sensibles. La position de la France, qui est aujourd'hui celle de l'Union européenne, est sans ambiguïté : il s'agit de préserver notre capacité à créer et maintenir des services publics nationaux et locaux. C'est une ligne rouge ; c'est l'un de nos impératifs.
Défendre les services publics est fondamental pour l'Union européenne. La France et d'autres États membres ont défendu cette position dans toutes les négociations commerciales, au sein de l'OMC comme dans les négociations visant à conclure des accords bilatéraux. Ni le partenariat transatlantique, ni l'accord général sur le commerce des services, ni aucun autre projet d'accord en négociation ne feront exception à cette règle.
Le point 20 du mandat de négociation du TTIP exclut d'ailleurs explicitement les services publics des négociations. En outre, plusieurs dispositions expresses précisent que les accords devront garantir le droit des parties à prendre les mesures que celles-ci estiment nécessaires pour atteindre les objectifs légitimes de protection de la santé, de la sécurité, du travail, des consommateurs, de l'environnement ou de la diversité culturelle.
Nous défendrons ces mêmes principes dans les négociations relatives à l'accord général sur le commerce des services. Cette liste n'est d'ailleurs qu'indicative, en raison du principe selon lequel les collectivités territoriales régulent elles-mêmes leurs services publics. Une négociation commerciale ne saurait remettre en cause cette libre administration, principe consacré par la Constitution dans son article 72. Cela n'est du moins ni l'intention de la Commission européenne ni celle des mandats de négociation que les États membres lui confient.
La protection des services publics constitue donc pour nous une position de principe, une ligne rouge à ne pas franchir dans la négociation et un acquis des négociations commerciales antérieures. La France s'est toujours assurée qu'un accord commercial de l'Union européenne ne puisse pas mettre en cause la capacité soit de l'Union elle-même, soit d'un État membre, soit d'une collectivité territoriale, à réguler ses services publics, en fonction d'objectifs qui sont tout simplement ceux de l'intérêt général.
(Interventions des parlementaires)
Monsieur le Député, je vous remercie d'avoir mentionné les acquis de la négociation menée par la France au sein de l'Union européenne pour promouvoir la transparence et plusieurs éléments importants pour notre pays.
Quant à la question de l'arbitrage, elle est très importante car, aujourd'hui, plus de 3.500 accords de protection des investissements dans le monde prévoient un ISDS, c'est-à-dire un mécanisme d'arbitrage privé. On voit bien pourquoi ces accords ont été signés : dans certaines parties du monde, les investisseurs internationaux considéraient que le climat des affaires et l'État de droit n'étaient pas suffisamment garantis.
L'Union européenne, en revanche, estime que, sur notre continent, les investisseurs - européens ou internationaux - peuvent s'appuyer sur l'État de droit, car celui-ci existe bel et bien. Il n'est pas envisageable qu'un système d'arbitrage privé devienne supérieur aux règles que des États auraient fixées pour tel ou tel secteur de l'économie. C'est pourquoi ces mécanismes ont contribué à éroder la capacité des États à réguler librement.
Vous avez mentionné le recours de Philip Morris contre du gouvernement australien, visant le projet d'un paquet de cigarettes neutre. On pourrait aussi mentionner la procédure qu'a intentée l'entreprise Vattenfall contre la politique énergétique de l'Allemagne, que ce pays avait librement choisie. Divers conflits d'intérêt se sont multipliés dans ces enceintes arbitrales, où la transparence n'était pas assurée. Dès le début de l'année 2015, Matthias Fekl a présenté, d'abord avec l'Allemagne, puis avec d'autres États, une position en rupture avec l'arbitrage privé. Il a identifié plusieurs points forts, tels que la transparence, la préservation du droit à réguler, la lutte contre les conflits d'intérêts et l'instauration d'un appel. La France est le seul État membre à avoir adressé une proposition officielle sur ce sujet. La Commission l'a reprise dans sa quasi-intégralité, ce qui fait de notre proposition un consensus européen.
Cette proposition consiste à créer un système de cour de justice des investissements, qui remplace les arbitres privés par des juges publics, rémunérés par les États, et non plus par les parties au litige entre un investisseur et un État. De plus, elle instaure des exigences éthiques renforcées, et un mécanisme d'appel est créé. Ce système, proposé aux Canadiens, a été repris en grande partie dans le CETA. C'est un pas décisif.
Non seulement les Canadiens ont intégré ce nouveau dispositif, mais ils ont aussi accepté de travailler pour établir à terme une cour multilatérale des investissements, dont l'ICS soit être le modèle. C'est pourquoi nous défendons la même position pour le TTIP.
(Interventions des parlementaires)
Madame la Députée, nous devons partir d'un constat, celui de la paralysie de l'Organisation mondiale du commerce. Le cycle de Doha, que l'on avait appelé «cycle du développement», dure depuis 2011 et n'est toujours pas conclu. La France est mobilisée pour redynamiser les négociations, face au blocage de certains pays, notamment les pays émergents. Force est de constater, cependant, que ces blocages persistent.
C'est en réponse à cette paralysie que les négociations commerciales bilatérales ou régionales se sont multipliées. Il est vrai que ces négociations font peser un risque sur l'unité des règles du commerce mondial et sur l'inclusion des pays les plus pauvres dans ces accords. Il faut avoir conscience de cet élément, et l'intégrer pleinement à l'analyse.
Les enjeux sont immenses : il s'agit de défendre nos valeurs dans la bataille pour la définition des normes en matière de protection du consommateur, des droits sociaux, des droits de la santé ou de l'environnement. Il est évident que ces négociations n'ont de sens que si elles complètent et renforcent l'ordre multilatéral. Ainsi, la France estime qu'il serait souhaitable de négocier l'accord TISA sur les services dans un cadre multilatéral, dès lors que lorsque les conditions seront réunies pour que tous les pays puissent en bénéficier.
Par ailleurs, l'Union européenne s'engage fortement en faveur des pays en développement. En juillet 2015, lors de la conférence d'Addis-Abeba sur le financement du développement, elle a indiqué qu'elle s'engageait à rester le marché le plus ouvert aux exportations des pays en développement. L'Union européenne importe près de 860 milliards d'euros de biens des pays en développement chaque année. Son marché est le plus ouvert aux exportations des pays les moins avancés.
Mais elle tente aussi d'apporter un soutien aux pays ACP, en introduisant certaines flexibilités, comme l'exclusion des produits sensibles - jusqu'à 25% des lignes tarifaires - ou la libéralisation progressive, jusqu'à vingt ans. L'Union européenne négocie donc avec des pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique des accords de partenariat économique qui présentent une asymétrie favorable aux pays en développement. De nombreuses lignes restent protégées pour ces pays, où les réductions des droits de douane sont offertes pour de très longues périodes. En outre, ces accords sont tous assortis d'un volet relatif au développement.
La France est donc mobilisée pour que ces pays ratifient de tels accords régionaux, afin de sécuriser leur accès préférentiel au marché européen, sur le long terme.
Madame la Députée, vous avez soulevé un sujet très vaste. Nous partageons votre préoccupation pour que les pays les moins avancés, les plus pauvres des pays en développement, ne soient pas les laissés pour compte des nouvelles règles des échanges commerciaux internationaux.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 mai 2016