Interview de Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social à I-Télé le 2 juin 2016, sur l'éventuelle reprise des négociations dans le cadre de la réforme du droit du travail et les relations du Gouvernement avec les partenaires sociaux.

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Texte intégral


BRUCE TOUSSAINT
Myriam EL KHOMRI est l'invitée d'iTélé ce matin. Bonjour.
MYRIAM EL KHOMRI
Bonjour.
BRUCE TOUSSAINT
Merci d'être avec nous. On suit depuis de la matinée et depuis plusieurs jours l'évolution des intempéries et des inondations dans de nombreux départements. Tout cela se télescope avec une situation sociale extrêmement tendue, notamment autour de votre loi Travail. Est-ce que vous demandez d'une certaine façon aux syndicats de faire une pause ? D'arrêter leur mouvement compte tenu des inondations dramatiques et des intempéries qui se déroulent depuis plusieurs jours ?
MYRIAM EL KHOMRI
Il faut bien sûr à la fois exprimer toute notre solidarité à tous les Français et Françaises qui sont touchés par ces inondations. Vous le savez bien, les services de l'Etat sont particulièrement mobilisés aux côtés des maires et des élus ; je pense notamment à Bernard CAZENEUVE. Les pompiers ont fait plus de dix mille interventions. Bien évidemment, c'est une situation qui est particulièrement difficile, une femme est décédée et c'est toute la solidarité qu'on exprime bien évidemment à sa famille. A côté de ça, il y a tout l'enjeu autour du projet de loi Travail et des cas que nous travaillons au cas par cas. Je pense notamment aux difficultés qu'il peut y avoir dans les stations-service où nous voyons bien que nous avons une amélioration depuis lundi. Tout ceci est dans ce cadre-là. Il y a une discussion qui est menée actuellement avec certaines organisations syndicales.
BRUCE TOUSSAINT
Mais les inondations par exemple ont causé des perturbations dans les transports franciliens qui n'avaient pas besoin de ça. RER B, D, E, tramways, aucun train Transilien – ça, c'est du côté de la SNCF – ne circule entre Paris Montparnasse et Versailles Chantiers à cause des intempéries, plus les grèves puisque le trafic est toujours perturbé aujourd'hui même s'il reste normal à la RATP. Est-ce que vous demandez ce matin à la CGT d'attendre la fin des intempéries pour continuer leur mouvement et poursuivre le mouvement ? Ou est-ce que vous considérez qu'il n'y a pas lieu de créer un lien entre tout ça ?
MYRIAM EL KHOMRI
Non. Ce que je considère, et vous l'avez bien vu ces derniers jours, c'est que la CGT a dit qu'ils étaient prêts à discuter. C'est bien. C'est bien, et ma porte a toujours été et restera toujours ouverte. Mais créer aussi l'esprit de la discussion, c'est mieux. En effet, nous sommes à un moment un peu particulier où ce que je peux lire est parfois contradictoire de ce point de vue-là. C'est-à-dire que d'un côté, et je le dis de façon très claire, d'un côté vous avez une ouverture de discussion et en même temps, il y a encore des appels à des blocages, il y a des inquiétudes au moment où nous avons en effet des inondations. Des inquiétudes, des annonces qui peuvent inquiéter les Français – je pense par exemple sur les centres de traitement des déchets qui sont bloqués par des fonctionnaires qui ne sont pas concernés par la loi Travail, donc bien évidemment.
Vous savez, la CGT a appelé à une nouvelle manifestation le 14 juin prochain. Nous, ce que le gouvernement est en train de faire avec Alain VIDALIES notamment, c'est réglé chacune des situations notamment la question de la réforme ferroviaire qui n'a pas grand-chose avec la loi Travail. Il y a en effet un contexte particulier ces derniers jours en raison des inondations. Après, à chacun de prendre ses responsabilités bien évidemment dans ce cadre-là.
BRUCE TOUSSAINT
Justement, je vous pose la question à vous aussi. Est-ce que compte tenu des circonstances, de ces intempéries qui n'ont rien à voir avec évidemment votre loi mais qui, malgré tout, créent une situation dans le pays qui peut être d'une certaine façon angoissante, est-ce que vous n'avez pas l'intention de retirer votre texte de loi pour commencer à apaiser un peu la situation ? Est-ce que vous allez retirer le texte ?
MYRIAM EL KHOMRI
Non, nous n'allons pas retirer le texte. Il y a un processus parlementaire, la discussion s'engagera au Sénat à partir du 13 juin prochain. La commission sénatoriale a commencé à travailler sur ce texte dès hier. Il y a un processus parlementaire et donc nous allons suivre ce processus parlementaire. Après nous avons toujours - et je pense être très claire de ce point de vue-là – ma porte a toujours été ouverte. Je reçois et je reçois régulièrement, j'ai reçu et je reçois régulièrement des organisations syndicales et je continuerai à le faire.
BRUCE TOUSSAINT
Quels contacts avez-vous avec la CGT depuis on va dire quarante-huit heures ? Soixante-douze heures ?
MYRIAM EL KHOMRI
Ecoutez, c'est très clair. Dans les médias, la CGT ne semble plus appeler au retrait du texte, donc fait preuve d'une ouverture à la discussion. Moi je le dis très clairement : ma porte est ouverte. J'attends des propositions précises de la CGT puisqu'aujourd'hui, en effet ce que je vous dis…
BRUCE TOUSSAINT
Avez-vous un contact avec la CGT depuis quelques jours ?
MYRIAM EL KHOMRI
Non. Je n'ai pas de contact avec la CGT depuis quelques jours. Je vous dis les choses très clairement. Nous avions eu une rencontre en janvier qui était prévue sur le fond du texte, la CGT n'a pas souhaité s'y rendre. En mars dernier, Philippe MARTINEZ n'a pas souhaité s'y rendre non plus.
BRUCE TOUSSAINT
Le Premier ministre a appelé monsieur MARTINEZ samedi. Depuis ce coup de fil samedi, y a-t-il eu un contact entre le gouvernement et la CGT à votre connaissance ?
MYRIAM EL KHOMRI
Il y a des contacts par exemple dans le cadre de la réforme ferroviaire. Il y a des contacts.
BRUCE TOUSSAINT
Mais avec monsieur MARTINEZ ?
MYRIAM EL KHOMRI
Non. Il n'y a pas eu de contacts et, je vous le dis, ma porte est tout à fait ouverte.
BRUCE TOUSSAINT
Oui, mais la porte est ouverte, c'est une chose. Mais vous pourriez décrocher votre téléphone et appeler monsieur MARTINEZ pour essayer de trouver une solution. Ou vous considérez que c'est à lui de le faire, je ne sais pas. Peut-être qu'il n'a pas de votre numéro, pardon de sourire avec ça.
MYRIAM EL KHOMRI
Ce n'est pas une histoire de numéro, de contact ou de message. On va dire les choses très clairement. Aujourd'hui, j'entends la CGT dire qu'ils souhaitent discuter. Je vous le dis très clairement, c'est bien. Mais il y a aussi comment on crée un esprit de discussion. Lorsque dans le même temps, et je vais être très précise, lorsque dans le même temps il y a des appels au blocage – blocage notamment dans des centrales nucléaires – des inquiétudes, des annonces qui peuvent inquiéter les Français – je pense aux usines de traitement des déchets -, tout ceci ne crée pas un esprit de discussion. Donc ce que je vais vous dire très précisément : moi, j'attends avec précision les propositions de la CGT. Ils n'appellent plus au retrait du texte, c'est une bonne chose. Si aujourd'hui le préalable c'est de retirer l'article 2, de retirer l'article 11 ou l'article 30 et j'en oublie sans doute, vous voyez bien que l'évolution de la CGT n'est que sémantique.
BRUCE TOUSSAINT
Parce que par exemple retirer l'article 2, c'est une option pour vous ?
MYRIAM EL KHOMRI
Non. Moi je veux parler du fond, je veux parler du contenu, je veux parler du contenu du texte.
BRUCE TOUSSAINT
Mais c'est du contenu, l'article 2.
MYRIAM EL KHOMRI
Tout à fait. Je veux parler du fond, je veux parler du contenu, donc je ne joue pas sur les mots. Donc moi ma porte, et je le dis très précisément ici Bruce TOUSSAINT, ma porte a été ouverte et elle restera toujours ouverte, et j'attends avec précision les propositions de la CGT sur le fond du texte.
BRUCE TOUSSAINT
OK. Vous dites ce matin à plusieurs reprises et avec force qu'effectivement votre porte est ouverte mais dans le même temps, vous dites : « De toute façon, on ne retirera rien ». Donc est-ce qu'il y a vraiment de la place pour une discussion ? Si c'est juste pour prendre un café, ce n'est peut-être pas la peine de venir vous embêter. Vous voyez ce que je veux dire ? Il n'y a pas de marge de négociation visiblement sur ce texte. Vous ne voulez pas retirer l'article 2 ni l'article 11, vous ne voulez rien toucher à la loi. Donc quelle est la marge de négociation qui permettrait éventuellement aux syndicats de venir discuter avec vous de quelque chose ?
MYRIAM EL KHOMRI
J'attends les propositions, c'est bien ce que je vous dis. Bruce TOUSSAINT, ce projet de loi n'a-t-il pas évolué sur les trois derniers mois ?
BRUCE TOUSSAINT
Si.
MYRIAM EL KHOMRI
Nous avons fait un premier temps avec les organisations syndicales qui a permis – et il y avait plusieurs organisations dans une plateforme revendicative qui demandaient beaucoup d'évolutions. Ces évolutions, nous les avons intégrées dans ce projet de loi, ce qui a fait que des organisations syndicales soulignent les avancées de ce texte de loi. Suite à cela, nous avons été à l'Assemblée nationale et nous avons en effet intégré près de huit cents amendements. Donc vous voyez bien qu'il n'y a pas seulement du dialogue, il y a une évolution du projet de loi à chaque fois. Ce que je veux dire, c'est que si le préalable c'est le retrait de l'article 2, le 11 et le 30, c'est la même chose que la question du retrait du texte. Voilà.
BRUCE TOUSSAINT
OK. De quoi aimeriez-vous discuter ? Vous dites : « J'attends des propositions » effectivement, mais de quoi aimeriez-vous discuter ? Quel est le sujet que vous pourriez mettre ? C'est ça une négociation, trouver un compromis.
MYRIAM EL KHOMRI
Tout à fait. Moi je souhaite être beaucoup plus dans le dialogue que dans l'affrontement, c'est très clair. Ce que je souhaite, c'est que nous puissions discuter de la place de la négociation collective, de la place de la négociation d'entreprise au sein de notre système aujourd'hui.
BRUCE TOUSSAINT
Myriam EL KHOMRI, vous ne croyez pas que ça serait bien que ça s'arrête là maintenant ?
MYRIAM EL KHOMRI
Nous souhaitons tous une sortie de crise. Nous souhaitons tous une sortie de crise et si ce texte, comme je viens de vous le dire, a profondément évolué, c'est justement parce que nous souhaitons une sortie de crise, et nous traitons chacune des situations. Vous remarquez bien que depuis lundi, la situation dans les stations-service s'est vraiment améliorée donc nous traitons chacune des situations. Mais est-ce que retirer l'article 2 a un lien avec la grève actuellement qu'il y a à la SNCF ? Non. Nous sommes sur une réforme catégorielle notamment de la réforme ferroviaire.
BRUCE TOUSSAINT
Il y a la réforme ferroviaire mais les cheminots protestent aussi contre la loi Travail. Après tout, ils ont le droit. Il y a deux revendications, on va dire, il y a deux sujets.
MYRIAM EL KHOMRI
Oui. Mais ce que je veux dire, c'est est-ce que retirer l'article 2 du projet de loi Travail permettrait de lever le préavis de grève qu'il y a chez les pilotes dans l'aérien ? Non. Nous sommes sur quelque chose qui est différent. Donc nous traitons – parce que nous ne souhaitons pas que notre pays soit bloqué – nous traitons chacune des situations telle qu'elle se pose.
BRUCE TOUSSAINT
Il y a urgence parce que ce conflit dure depuis très longtemps, mais il y a urgence politique aussi. Ce matin, iTélé révèle un sondage, un baromètre Yougov où on voit les dégâts dans l'opinion pour l'exécutif. Regardez, le président de la République est à 11 % de satisfaits. Le Premier ministre dégringole de huit points en un mois à 14 %. La fermeté affichée par l'exécutif, ça ne paye pas dans l'opinion.
MYRIAM EL KHOMRI
On est en plein dans une crise, donc c'est légitime que ça se retrouve dans ces sondages. Je crois que ce que ces sondages rappellent à chaque fois, c'est que dans notre pays les Français attendent des résultats. Actuellement, nous sommes en train d'avoir des résultats sur le front économique, sur le front de l'emploi. C'est pour cela que nous nous battons, pour que notre pays ne soit pas bloqué et j'en appelle à une forme de patriotisme économique actuellement. Au moment où les indicateurs économiques sont en train justement de remonter la pente, au moment où nous avons eu deux mois successifs de baisse du chômage que nous n'avions pas connue depuis cinq ans, que cette baisse du chômage concerne toutes les catégories d'âge, qu'elle concerne également les chômeurs de longue durée ; au moment où nous allons recevoir le troisième événement sportif mondial avec des répercussions à près de 1,2 milliard d'euros pour notre pays - quatre mille emplois dans la sécurité, trois mille emplois en matière d'hôtellerie et de restauration ; à ce moment-là, moi j'ai bien sûr une pensée pour les chefs d'entreprise, des plus petites entreprises, actuellement qui ont subi des difficultés. Donc au moment où nous avons une reprise de l'activité économique, il ne faut absolument pas l'affaiblir.
BRUCE TOUSSAINT
L'Euro, vous le citiez à l'instant, commence dans huit jours, le vendredi 10 juin. Est-ce que le conflit sera réglé d'ici-là ?
MYRIAM EL KHOMRI
Nous faisons bien sûr tout pour que le conflit soit réglé d'ici-là. Je pense que vous avez remarqué que nous prenons un à un, une à une chacune des situations et que nous essayons d'y apporter une réponse.
BRUCE TOUSSAINT
Y a-t-il un risque sur l'Euro ? Un risque de perturbations majeures ? Est-ce que vous prenez en compte ce risque ?
MYRIAM EL KHOMRI
Nous le prenons bien sûr toujours en compte et nous travaillons justement à régler chacune des situations pour que nous puissions donner au monde entier une belle image à un moment qui est une vraie fête populaire pour notre pays et qui nous permet justement de créer de l'emploi. En effet, nous sommes mobilisés pour que l'Euro 2016 se passe particulièrement bien dans notre pays.
BRUCE TOUSSAINT
On sent bien que ce bras de fer doit se terminer avant cet Euro, ne serait-ce que pour l'image que la France va donner dans le monde, vous avez raison. Et donc s'il le faut, c'est vous qui lâcherez au dernier moment ?
MYRIAM EL KHOMRI
Non mais, il n'y a pas question. Je crois que c'est un sujet de fond, c'est un sujet et ce qui est en cause aujourd'hui et ce qui est en lien…
BRUCE TOUSSAINT
L'Euro est un sujet de fond aussi.
MYRIAM EL KHOMRI
Bien sûr, mais ce qui est en jeu aujourd'hui, c'est à la fois comment nous pouvons mettre plus de démocratie sociale dans l'entreprise. C'est l'enjeu. C'est-à-dire que nous considérons que les acteurs au niveau de l'entreprise sont les plus à même notamment pour négocier sur les sujets les plus structurants. C'est important pour la compétitivité de notre économie, mais c'est aussi important pour revitaliser le syndicalisme. Donc il y a deux voies de syndicalisme un peu différentes qui s'expriment aujourd'hui et donc nous devons bien sûr traiter cette situation.
BRUCE TOUSSAINT
Lorsque vous voyez le président de la République à 11 % d'opinions favorables dans ce sondage, qu'est-ce que vous vous dites pour la présidentielle de 2017 ? Vous avez déjà dit que vous souhaitiez qu'il soit candidat mais avec un tel chiffre, franchement…
MYRIAM EL KHOMRI
Vous savez, chaque chose en son temps. Cette question se posera au moment où le président de la République souhaitera se la poser, mais aujourd'hui ce qu'attendent les Français c'est des résultats. C'est pour ça – et c'est pour ça – qu'il faut réformer jusqu'au bout. Lorsqu'une loi est à la fois nécessaire, juste pour les salariés parce qu'elle créée des nouveaux droits, il faut la porter bien évidemment jusqu'au bout. Donc dialoguer, oui, dénaturer le texte, non.
BRUCE TOUSSAINT
Myriam EL KHOMRI, je vous interromps un instant. Regardez ces images en direct. Le Premier ministre vient d'arriver à Nemours, qui est vraiment l'une des communes les plus touchées par les inondations. Vous le savez, depuis hier le Loiret et la Seine-et-Marne depuis hier soir sont en alerte orange de Météo France. Le Premier ministre avait fait un premier point ce matin vers sept heures et demie et avait indiqué que la situation était extrêmement tendue et difficile dans plusieurs secteurs, et qu'il y avait encore de nombreuses inquiétudes. On le sait aussi, et vous le rappeliez d'ailleurs Myriam EL KHOMRI, le corps d'une femme de quatre-vingt-six ans a été découvert en Seine-et-Marne, à Souppes-sur-Loing, dans son pavillon inondé. On voit que le préfet est en train d'informer le Premier ministre de la situation. On va suivre évidemment la visite de Manuel VALLS dans quelques instants, qui est à Nemours et qui est sur place pour faire le point sur la situation.
Encore deux questions d'actualité avec vous, Myriam EL KHOMRI. J'aimerais avoir votre sentiment sur ce qui est en train de devenir une affaire d'Etat comme on les aime en France, une polémique qui n'en finit pas autour de Karim BENZEMA et de ses déclarations. Vous vous souvenez de ce qu'il a dit hier matin dans ce journal espagnol ? BENZEMA dit que Didier DESCHAMPS, le sélectionneur, a cédé à la pression d'une partie raciste de la France. Qu'est-ce que ça vous inspire cette phrase ? Est-ce qu'au-delà du cas sportif, il y a quelque chose de vrai dans ce que dit BENZEMA ?
MYRIAM EL KHOMRI
Je crois que cette polémique est aussi injuste qu'inutile. Karim BENZEMA est indéniablement un grand joueur mais je crois que l'affaire dite de la sextape, quand on porte le maillot de la France, il y a une forme de devoir d'exemplarité. Et donc, je pense que c'est plus le comportement qui a été jugé et je crois que le racisme a bon dos après.
BRUCE TOUSSAINT
Oui, mais... Alors voilà…
MYRIAM EL KHOMRI
Et je crois que le racisme a bon dos dans cette affaire. A mes yeux, c'est comme ça. Et je crois qu'en plus l'équipe de France, on ne peut pas dire qu'elle est monolithique. Il y a des talents, il y a des compétences de toutes origines et c'est très bien. C'est notre chance. Après, il y a une question dans notre pays qui sont les discriminations que peuvent subir une partie de la population en raison des origines. Je suis ministre du Travail, je ne suis absolument pas là pour vous dire que ça n'existe pas. Elles sont là et elles sont inquiétantes dans notre pays.
Il y a un peu plus d'un mois, j'ai lancé avec Emmanuel MACRON et Patrick KANNER une grande campagne de lutte contre les discriminations, dans les métros, qui s'appelait « les compétences d'abord ». C'était une campagne de lutte contre les discriminations liées aux origines. Actuellement, ça fait quinze ans dans le pays qu'on tourne autour du pot, j'ai lancé un testing des entreprises, des groupes de plus de mille salariés, en envoyant des mêmes CV. Il y a une réalité, il y a une étude qui l'a montré.
BRUCE TOUSSAINT
Ça veut dire qu'il y a un problème.
MYRIAM EL KHOMRI
Lorsqu'on s'appelle Mohammed, on a quatre fois moins de chances d'avoir un entretien d'embauche. Donc s'agissant de l'affaire Benzema, je pense que le racisme a bon dos dans cette affaire, mais il y a bien évidemment, et elles sont présentes, et il faut les combattre sans relâche, il y a des discriminations liées à l'origine dans notre pays. Séparons les choses.
BRUCE TOUSSAINT
Et lorsqu'on s'appelle EL KHOMRI ?
MYRIAM EL KHOMRI
J'en ai subies. Je ne vais pas vous dire le contraire. Oui, j'en ai subies. Oui.
BRUCE TOUSSAINT
Y compris depuis que vous êtes ministre ?
MYRIAM EL KHOMRI
[long silence]
BRUCE TOUSSAINT
Répondez-moi, franchement.
MYRIAM EL KHOMRI
Non. Non, depuis que je suis ministre j'en ai moins subies. Mais par contre, je subis beaucoup…
BRUCE TOUSSAINT
Il y a des questions de journalistes qui vous ont heurtée ?
MYRIAM EL KHOMRI
Ça m'est arrivé mais au-delà de ça, je pense par exemple aux réseaux sociaux. Je reçois des insultes racistes, des injures et je ne manque pas de les signaler à chaque fois. Donc oui, je crois que le sujet et le ressenti de certains jeunes, ce qui doit compter dans ce pays c'est les compétences. Je le dis en tant que ministre du Travail et donc, de ce point de vue-là, il y a en effet du racisme et il y a des discriminations qui se répandent aussi en la matière.
BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup Myriam EL KHOMRI.
MYRIAM EL KHOMRI
Merci à vous.
BRUCE TOUSSAINT
Bonne journée à vous
source : Service d'information du Gouvernement, le 3 juin 2016