Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Je sais que vous êtes nombreux comme présidents d'association, Mesdames, Messieurs de façon plus large, oui, j'ai accepté avec plaisir de venir à l'ouverture de cette demi-journée consacrée à l'accessibilité numérique, organisée par Microsoft, parce que, effectivement, je crois, comme vous l'avez dit, qu'il est important que les acteurs privés jouent leur rôle dans la question de l'accessibilité numérique. Et j'ai pour coutume de dire que, vous le savez, en France, on a pris un certain retard sur l'accessibilité du bâti, puisque la loi de 2005 disait que tous les bâtiments devaient être accessibles à tout type de handicap d'ici 2015 et que ça n'a pas été le cas. Il y a actuellement un mouvement pour compenser ce retard.
Mais ce que je souhaite, ce que nous souhaitons, c'est que pour l'accessibilité numérique, nous puissions être en avance et non pas prendre du retard, et anticiper ce mouvement justement parce que le numérique constitue, pour les personnes en situation de handicap, clairement un moyen supplémentaire de compenser le handicap, d'acquérir plus d'autonomie et donc, de pouvoir participer complètement à la vie sociale, que ce soit à l'école, dans le travail, dans les loisirs, dans tous les domaines de la vie.
Cela n'est pas, pour le gouvernement, une façon de dire une sorte de supplément d'âme, non, pas du tout. C'est finalement simplement permettre de donner l'accès à un droit : le droit, comme tout le monde, de pouvoir vivre de la façon la plus indépendante possible, de pouvoir participer le plus possible à tous les aspects de la vie, et cela, vous le savez, c'est simplement les engagements que nous avons pris en ratifiant la convention des Nations unis en 2010 sur les droits des personnes en situation de handicap. La meilleure façon de prouver l'apport du numérique pour l'accessibilité, c'est bien souvent par des exemples, parce que les exemples sont extrêmement parlant et même plus que parlant, ils sont souvent extrêmement impressionnant.
On sait que le numérique peut faciliter l'accès à l'apprentissage pour les enfants qui communiquent exclusivement par des images, par exemple, puisqu'il y a une application qui permet de passer du pictogramme au signe.
J'ignorais qu'il y avait maintenant des applications qui permettent de traduire de la langue des signes à n'importe quelle langue, et c'est vrai que c'est un outil formidable. Il y a aussi évidemment, pour les personnes qui ont une déficience visuelle, un outil qui est un afficheur braille ou un synthétiseur vocal. Et puis vous avez aussi, pour les personnes qui ont un lourd handicap moteur, la possibilité, sans l'aide d'un tiers, à l'aide d'un eye tracking, c'est-à-dire un contrôle oculaire du pointeur de la souris d'ordinateur, de pouvoir consommer en ligne sans l'aide d'un tiers, ce qui est aussi assez extraordinaire. Le secteur est donc extrêmement créatif dans le domaine. Et c'est dans ce sens-là qu'il nous faut aller.
Bien sûr, on peut se réjouir de ce caractère prolifique sur l'innovation, mais il est vrai que la France n'est tout de même pas, pour l'instant, parmi les pays qui sont les plus en pointe sur le sujet. Il y a effectivement un certain nombre de pays qui ont pris les devants. Et moi, je crois que, avec le mouvement de la French Tech notamment, on peut aller plus loin. Nous travaillons évidemment de concert avec la secrétaire d'Etat au numérique, Axelle Lemaire, sur ce sujet.
La première de nos exigences, c'est que le secteur public puisse servir d'exemple et être une sorte de moteur, même si l'innovation vient effectivement du secteur privé. Le secteur public doit d'abord montrer qu'il est accessible. C'est pour ça que nous avons réactualisé les critères du référentiel général pour l'accessibilité des administrations, le RGAA, de façon à ce que les sites Web publics, des administrations, soient accessibles.
Nous travaillons à ce qu'ils le soient aussi en utilisant les smartphones. Il y a le projet de loi porté par Axelle Lemaire sur le numérique, dans lequel il y a un certain nombre d'avancées, même si le texte n'est pas encore totalement voté. Je ne voudrais pas m'avancer sur ce qui va sortir définitivement, mais il arrive sur la fin de son parcours parlementaire. La première de ses mesures, c'est de rendre accessibles les sites Web des organismes publics et privés délégataires des missions de service public. Cette définition est très large et valable pour tous les types de handicap. Vous voyez que c'est extrêmement large.
En parallèle, vous savez que, pour les salariés en général, notamment du secteur privé, il peut y avoir des difficultés dans le travail. Par exemple, pour quelqu'un qui est malvoyant, il peut arriver que, à un moment donné dans son travail - et cela arrive aussi dans le secteur public - un logiciel soit changé, pour des raisons X ou Y. Si le logiciel n'est pas adapté, accessible aux personnes malvoyantes, cette personne ne pourra plus faire son travail comme auparavant. C'est pourquoi il y a l'obligation dans cette loi pour les employeurs de veiller à l'accessibilité des logiciels de travail. C'est inscrit dans cette loi et complété par l'obligation pour les éditeurs de logiciel d'intégrer la question de l'accessibilité dans le développement de tous leurs nouveaux projets.
La deuxième mesure qui est inscrite dans ce projet de loi, c'est la mise en accessibilité des conversations téléphoniques aux personnes sourdes et malentendantes, grâce à l'appel en visio, l'interprétariat en langue des signes française, en langage parlé complété ou en transcription écrite. C'était un besoin très concret des personnes pour le quotidien, et en particulier, prendre des renseignements auprès des services publics, contacter des services client, appeler l'hôpital, etc., et également, quand on consomme dans son entreprise. Ce qui a été retenu par les parlementaires, c'est qu'il ne doit pas y avoir de surcoût pour les utilisateurs, sinon, cela empêcherait un certain nombre de personnes d'y avoir accès.
Finalement, ce dispositif de téléphonie ne sera pas porté entièrement par l'Etat, mais il reposera à la fois sur les services publics, les entreprises au-delà d'un certain seuil et les opérateurs. De cette façon, on pourra véritablement développer une filière économique de cette accessibilité du téléphone à tous. Cela me permet d'enchaîner sur le fait que, en créant ce type d'innovation, quelle qu'elle soit, quel que soit le type de handicap, on est susceptible de créer de nouveaux métiers, de nouvelles filières économiques.
Il y a quelques mois, nous étions ensemble avec Axelle Lemaire et Thierry Mandon pour signer une charte avec l'ensemble des écoles du numérique pour justement intégrer la question de l'accessibilité dans leurs programmes de formation, pour que les codeurs de demain intègrent cette question de l'accessibilité universelle à tout type de handicap dans les conceptions qu'ils feront ensuite tout au long de leur carrière professionnelle.
On voit que cela concerne vraiment énormément de domaines, et surtout, qu'on ouvre des tas de possibilités. Bien sûr, dans les innovations, je ne peux pas ne pas parler des ordinateurs qui peuvent servir aussi pour tous les enfants, et même les adultes qui ont des troubles qu'on appelle les troubles dys, puisque je sais que vous aurez la démonstration tout à l'heure, mais la réalité, c'est qu'à chaque fois qu'on voit une nouvelle démonstration pour un nouveau type de handicap, on est à la fois surpris et émerveillé de l'usage qui peut en être fait pour compenser le handicap.
Pendant longtemps, en réalité, le handicap n'a pu être compensé que par des moyens humains, un accompagnement humain. Mettre en uvre du numérique qui compense le handicap ne va pas remplacer l'accompagnement humain, mais c'est un apport considérable qui permet d'améliorer de façon extrêmement importante l'autonomie, notamment pour la scolarisation des enfants, puisque c'est l'usage aussi de ces ordinateurs pour les enfants qui ont des troubles dys.
Et si ça permet l'accès à l'école et aux apprentissages, ça peut permettre aussi l'accès ensuite à l'emploi et à la vie professionnelle. Donc, on en revient à la question de la vie professionnelle et du travail pour les personnes en situation de handicap. Vous êtes nombreux ici à savoir, je pense, que le chômage des personnes en situation de handicap est plus important que le chômage des personnes qui n'ont pas de handicap, puisqu'il est, en France, aux alentours de 20%.
Et une des raisons, c'est le fait qu'il y a un déficit de formation professionnelle, que le niveau de formation est inférieur pour les personnes en situation de handicap, bien souvent parce qu'elles n'ont pas pu aller à l'école très loin souvent parce que l'accessibilité n'était pas au rendez-vous, mais il y a aussi, dans le travail, au-delà de la formation, des questions d'accessibilité, notamment numérique, et on voit qu'avec ces innovations, on pourra améliorer à la fois la scolarisation mais aussi l'accès à la vie professionnelle.
C'est aussi de ces questions que nous discutions à l'instant avec le président de Microsoft, l'accès à la vie professionnelle des personnes en situation de handicap, notamment dans des entreprises comme Microsoft qui, je crois, est vraiment très active sur ce sujet.
Voilà ce que je voulais vous dire aujourd'hui. C'est vraiment en toute amitié et en toute sincérité que je suis venue vous dire, vous encourager en réalité, dans la démarche que vous engagez. Parce que j'ai coutume de dire, pour l'accessibilité de façon générale, que rendre accessible un restaurant, un hôtel, un lieu de tourisme, ce n'est pas une charge, en fait, c'est un investissement.
Car quand on rend accessible, le bâti ou le numérique, on rend service bien sûr aux personnes en situation de handicap, mais également à toute la société. Car ces innovations seront réutilisées pour toute la population, et au-delà de ça, quand on permet aux 5
personnes en situation de handicap de communiquer par un système adéquat, elles communiquent avec des personnes qui ne sont pas forcément en situation de handicap. On rend ainsi service à l'ensemble de la société. Donc, c'est réellement, non pas une charge, mais bien un investissement pour ouvrir de nouveaux marchés pour une entreprise, pour effectivement créer de nouvelles envies, de nouveaux besoins.
Moi, je suis de celles et ceux qui disent que les personnes handicapées ne sont pas différentes des autres. Dans le numérique, il y a sans arrêt des nouvelles innovations. Nous sommes tous tentés par de nouvelles applications, de nouveaux appareils. C'est pareil quand on est en situation de handicap. Il faut donc que tous ces objets-là, tous ces objets connectés, toutes ces innovations soient prévus aussi pour les personnes en situation de handicap, parce que ce sont, comme nous tous en fait, des personnes qui peuvent avoir des projets, des envies, des compétences.
Vous êtes vraiment sur cette logique de l'inclusion aujourd'hui, et je vous en remercie, et vous remercie de m'avoir invitée pour ouvrir cet après-midi, qui sera riche, et je serai bien sûr attentive à tout ce qui sera dit aujourd'hui.
Merci.
Source http://social-sante.gouv.fr, le 28 juin 2016