Interview de M. Jean-Louis Debré, président du groupe parlementaire RPR à l'Assemblée nationale, à RTL le 28 novembre 2001, sur le rejet par l'Assemblée nationale de la dérogation sur la loi littoral en Corse et sur les candidatures à l'élection présidentielle.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


R. Elkrief Cette nuit, à 1h30, l'Assemblée nationale a rejeté, dans l'article 1, les dispositions qui prévoyaient que la Corse pouvait déroger à la loi Littoral. Cette loi protège les côtes de l'urbanisation. Est-ce que cela va influencer le vote du RPR sur ce projet de loi Corse ?
- "Trois petites remarques rapides. D'abord, c'est l'expression d'une stratégie que je ne comprends pas, qui consiste à faire la loi en fonction du contexte politique. On a cédé aux Verts et on cède aux communistes pour obtenir je-ne-sais-pas-quoi. On voit bien que nous sommes en période électorale. Deuxième remarque : où en est le processus de Matignon maintenant ? On a déjà les indépendantistes qui se sont retirés du processus de Matignon et voilà maintenant les élus de l'île qui contestent ces dispositions."
J. Rosi n'est pas content...
- "J. Rossi et l'ensemble des élus. Troisièmement : cela ne change pas le fond. Car quel est le problème de cette loi et de ce processus de Matignon ? On dit que c'est pour les indépendantistes le chemin vers l'indépendance."
C'est vous qui le dites...
- "Ce sont les indépendantistes qui le disent. Ce n'est pas moi. Parce que je ne suis pas pour l'indépendance de la Corse. Le Gouvernement ne dit rien. Premièrement : est-ce que le Gouvernement va nous dire si, pour lui, ce processus de Matignon est une étape finale ou est le début du chemin vers l'indépendance ? Deuxièmement : les indépendantistes ne font jamais aucune concession. Le Gouvernement fait toutes les concessions. Troisièmement : ce processus de Matignon, ou cette disposition qui a été votée, ne règle pas le problème de la langue corse et du fait qu'on va la rendre obligatoire. Enfin, c'est le transfert du pouvoir législatif à l'assemblée corse..."
Ce que je comprends, c'est que cela ne change rien. C'est-à-dire que les députés de l'opposition, et notamment du RPR, voteront contre. Le groupe RPR appellera à voter contre cette loi, sans prise en compte du contexte ? Je vous donne l'exemple de N. Sarkozy qui disait qu'il ne votait pas pour ce projet et qu'il abstenait en première lecture, parce qu'il y avait cet article sur la loi Littoral. Maintenant qu'il est retiré, il pourrait voter pour ?
- "Vous pouvez l'interroger. Ce que je constate simplement, c'est qu'il y a, derrière cette loi et derrière le processus de Matignon, un risque extrêmement grave : l'indépendance de la Corse. Si on veut aller à l'indépendance de la Corse, qu'on consulte l'ensemble des Français, parce que c'est une question qui ne doit pas se régler comme cela, un soir, à Matignon, ou dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale."
Ce n'est pas un discours électoral ?
- "Non, parce que je n'ai jamais été partisan de l'indépendance de la Corse."
On parle de F. Bayrou qui a déclaré sa candidature hier : il a des mots assez durs sur les équipes en place. Il dit que J. Chirac est une équipe dont tout le monde sait qu'elle a 25 ans et qu'elle ne se renouvellera pas.
- "Au-delà des mots que je regrette et des expressions qui sont utilisées, nous rentrons dans cette campagne électorale : la nature du vote de scrutin, les ambitions des uns et des autres font qu'il y aura, comme il y a toujours eu, une multiplicité de candidatures à droite comme à gauche. Pour ce qui concerne la droite, que M. Bayrou ne se trompe pas d'adversaire. Les Français ont besoin d'unité et de rassemblement."
Vous regrettez sa candidature ou vous trouvez qu'elle est légitime ?
- "Je pense que chacun a le droit d'avoir les ambitions qu'il souhaite et qu'il a. Elle est donc légitime à son regard, mais je pense qu'aujourd'hui, le message qu'il faut envoyer à nos électrices et à nos électeurs est un message d'union et de rassemblement."
Finalement, ce n'est peut-être pas lui qui vous inquiète, mais plutôt J.-P. Chevènement qui va vous "dépouiller" de certains gaullistes ?
- "Je vais vous dire un mot là-dessus tout à l'heure. Ce qui m'inquiète, ce n'est pas la candidature de F. Bayrou ni celle d'A. Madelin, mais ce sont les mots qu'ils utilisent pour exister. Je souhaite qu'ils soient des hommes de rassemblement, et non des hommes de division. Or, quand j'entends un certain nombre de discours de ces personnalités, je constate simplement qu'ils sont des éléments de division de l'opposition et non pas des éléments qui rassemblent cette opposition. Au second tour, nous devrons tous nous retrouver. Par conséquent, évitons d'exister les uns par rapport aux autres. Défendons nos idées. J'attends de connaître les idées de M. Bayrou pour savoir s'il se situe dans cette union ou dans cette division."
C'est J.-P. Chevènement qui vous inquiète plutôt, car il rallie beaucoup d'anciens gaullistes ?
- "Je constate simplement que M. Chevènement a toujours été anti-gaulliste. Il a participé à tous les gouvernements de gauche, à toutes les oppositions au gaullisme. Aujourd'hui, pour des raisons électorales, il se dit gaulliste ! Cela ne trompe personne. Je ne comprends pas très bien sa campagne électorale."
Elle marche pourtant - dans les sondages, bien sûr...
- "On verra bien les résultats. Je ne comprends pas cette campagne qui consiste à dire du mal de ses amis socialistes, alors qu'il a participé à tous les gouvernements ou à la plupart de ces gouvernements, à dire du mal de ces alliés communistes - or, il a gouverné avec les communistes - et d'essayer de dire du bien des gaullistes qu'il a toujours combattus. Tout cela n'est pas d'une limpidité. C'est plus exactement l'expression d'une hypocrisie. Aujourd'hui, sur le fond, je crois qu'il a un certain nombre d'idées que nous partageons."
Vous le reconnaissez alors ?
- "Ce sont des idées que nous défendons depuis longtemps. Ce que regrette simplement, c'est que lorsque nous les défendions, M. Chevènement ne nous soutenait pas."
Sur la loi de présomption d'innocence : vous l'avez dénoncée vigoureusement, alors que J. Chirac y était extrêmement favorable. En 1998, il disait que le projet de loi Guigou était un texte important et nécessaire.
- "Seulement, nous avons dit qu'il fallait pour cette loi des moyens matériels, notamment en terme de magistrats et de policiers. Or, on n'a pas ces moyens matériels et, par conséquent, la loi ne fonctionne pas."
(Source http://Sig.premier-ministre.gouv.fr, le 28 novembre 2001)