Déclaration de M. Christian Eckert, secrétaire d'Etat au budget, sur les enjeux représentés par la déclaration sociale nominative (DSN) pour les entreprises, au Sénat le 21 juin 2016.

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Circonstance : Colloque sur la "déclaration sociale nominative, une réalité pour 500 000 entreprises aujourd'hui", Paris le 21 juin 2016

Texte intégral

Madame la Ministre, Marisol Touraine,
Monsieur le directeur de la sécurité sociale, les directeurs de caisses et organismes de sécurité sociale,
Mesdames et messieurs,
Il me semble utile, à quelques mois de sa généralisation et à quelques jours de l'échéance du 1er juillet à compter de laquelle la plupart des entreprises l'utiliseront, de rappeler quelques-uns des traits essentiels de la déclaration sociale nominative, la DSN.
Le principal enjeu, est de simplifier les démarches administratives des entreprises. Les travaux qui ont été menés jusqu'à présent ont permis d'atteindre cet objectif avec une méthode de travail novatrice, ouverte, sur laquelle je souhaite ensuite revenir. Je dirai enfin quelques mots des attentes et des espoirs que nous plaçons dans ce projet, mais qui ne doivent pas conduire à perdre de vue l'objectif initial.
La DSN est d'abord une démarche d'ensemble de refonte des déclarations sociales du point de vue des entreprises.
La DSN est devenue une réalité qui s'installe progressivement dans notre environnement administratif et qui structurera pour une longue période les relations entre les entreprises et l'administration.
Avec une once de provocation que vous me pardonnerez, je dois cependant dire que c'est un projet qui se caractérise, au premier abord, par sa très grande technicité.
En effet, il s'agit a priori de définir des normes techniques pour déclarer des informations issues des logiciels de paie – ce qui ne semble pas relever d'une approche politique.
Pourtant, cette technicité n'est en réalité qu'apparente. De quoi s'agit-il en effet ? Il s'agit tout simplement, pour l'ensemble des services qui ont besoin pour accomplir leurs missions de service public, de faire en sorte que la collecte de ces informations soit aussi fortement corrélée que possible aux tâches que les employeurs réalisent eux-mêmes pour la gestion de leurs salariés.
Il s'agit donc de s'interroger sur la nécessité de demander certaines informations, leur définition précise, la manière dont cette définition est comprise par les personnes chargées de remplir la déclaration, la facilité avec laquelle l'information peut être produite, calculée et déclarée.
Cette démarche a été menée à bien par les organismes de retraite, d'assurance maladie et d'assurance chômage, les administrations chargées d'études statistiques aussi bien que celles chargées de la collecte des impôts et des cotisations sociales.
Il faut un effort de volonté, car ce travail n'a rien de spontané. Il faut aussi faire preuve d'une réelle capacité à se remettre en cause et à s'interroger sur ses propres processus et éviter au départ une approche purement technique.
Il n'y a jamais eu de déclaration unique des données sociales. Depuis l'origine, en particulier, les déclarations qui servent à acquitter les cotisations d'une part sont totalement distinctes de celles qui servent ensuite à reconstituer les droits à prestations d'autre part.
Longtemps, c'est-à-dire depuis l'origine sans doute des déclarations sociales, les relations entre les administrations et les administrés ont été conçues du point de vue de l'administration. C'était vrai pour les entreprises comme pour les ménages. Au fil du temps – et il s'en est écoulé depuis la construction de notre système de protection sociale – chaque organisme qui avait besoin d'informations sur les salariés d'une entreprise ajoutait sa demande, qui se matérialisait le plus souvent par un nouveau formulaire, à celles des autres, sans égard pour les éventuelles redondances ou au contraire les particularités qui étaient ainsi introduites.
Depuis de nombreuses années des efforts ont été faits, grâce, en particulier, à la dématérialisation, qui a permis des rapprochements par blocs et, aujourd'hui, les principales déclarations sociales servent à de nombreuses administrations différentes.
La déclaration sociale nominative permet néanmoins une évolution fondamentale du système : elle ouvre une nouvelle ère, non seulement parce qu'elle remplace la quasi-totalité des déclarations pré-existantes, et qu'elle repose sur des extractions automatiques des logiciels de paie, mais aussi parce qu'elle contraint à faire converger les définitions des données.
En apparence méconnu, le projet mobilise en réalité une pluralité d'acteurs et est aussi un modèle dans sa conception.
Une autre caractéristique majeure de la DSN, qui contraste fortement avec son ambition, est la relative méconnaissance dont elle fait l'objet. En réalité, c'est un projet qui mobilise fortement, au sein des entreprises comme des administrations, les services et les personnes qui ont en charge les taches de gestion administrative et des ressources humaines.
Votre assistance en rend compte je crois assez bien, à la fois par le nombre mais aussi la variété de ceux qui participent au projet : organismes de protection sociale, administrations de l'Etat, partenaires sociaux, entreprises pilotes, éditeurs de logiciels, experts comptables, notamment.
Pour mettre en oeuvre la DSN, le Gouvernement a en effet fait le choix d'une méthode ouverte et collaborative. Les organismes et administrations ont dû trouver, par des évolutions de pratiques internes, des compromis techniques ou des modifications du cadre juridique, les solutions pour parvenir aux objectifs fixés.
La DSN est un projet « participatif », auquel ont contribué de nombreuses entreprises pionnières qui ont accepté, pour le bien collectif, de se mobiliser pour être les premières à tester chaque nouvelle étape. Cette méthode rare, unique, montre la capacité de notre pays à mener des projets innovants - et nous la transposons pour d'autres grands projets, je pense par exemple à la dématérialisation des factures des fournisseurs publics, qui entre vigueur au 1er janvier 2017 pour les plus grandes entreprises.
Cette démarche suppose une intense activité de coordination et de concertation, qui a été confiée à une maîtrise d'ouvrage déléguée sous la présidence, depuis près de 5 ans, de Jean-Louis Buhl.
Il y a 5 ans, le projet n'était encore, finalement, qu'un simple concept en devenir. Je mesure l'importance de l'engagement qu'il a fallu au responsable du projet, et à toute son équipe, en s'appuyant sur la direction de la sécurité sociale et le GIP « modernisation des déclarations sociales », pour parvenir à lui donner une réalité pour plus d'un demi-million d'entreprises aujourd'hui. Comme la plupart d'entre vous le sait sans doute, et à sa demande, Jean-Louis Buhl transmettra prochainement cette charge à son successeur. Je tiens, à l'occasion de notre rencontre d'aujourd'hui, à le remercier pour l'ensemble des travaux qui déjà été réalisés. Luc Allaire, actuel contrôleur général économique et financier de l'ACOS, qui connaît lui aussi très bien à la fois les organismes de protection sociale et les administrations, notamment celles de Bercy, a bien voulu lui succéder dans cette fonction, et je l'en remercie également.
Pour l'avenir, la DSN est un projet riche d'opportunités, mais qui doit conserver son objectif central de simplicité, au risque sinon de tomber à nouveau dans les travers antérieurs.
La DSN se caractérise enfin, et je terminerai par ce dernier point, par les multiples opportunités qu'elle nous offre pour l'avenir. Tout d'abord, l'ambition de la DSN est bien de se substituer à toutes les déclarations sociales réalisées par les employeurs. Le projet actuel prévoit de supprimer une trentaine de déclarations en 2017. Certaines formalités qui aujourd'hui ne sont pas dans le périmètre, notamment certaines qui sont liées à l'embauche d'un salarié, ou qui sont nécessaires à des contributions fiscales feront l'objet de travaux futurs.
La DSN a vocation à s'inscrire dans le temps long, pour l'avenir. Ses bénéfices ne se révéleront pleinement qu'au fil du temps même si, d'ores et déjà, les entreprises qui l'utilisent et les organismes qui la reçoivent constatent certains avantages. C'est le cas pour le versement des indemnités journalières, puisque les employeurs ne sont plus obligés de déclarer pour chaque arrêt de travail les données de salaires. Non seulement c'est un gain en termes de simplification, mais cela permet aussi de fiabiliser les données utilisées et de réduire le délai pour verser les prestations aux salariés.
La DSN aura aussi un rôle clé dans la mise en oeuvre du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu à compter de 2018. Pour les entreprises du secteur privé, elle véhiculera les informations nécessaires pour prélever l'impôt sur le revenu des salariés, facilitant ainsi considérablement la collecte. L'articulation des calendriers des deux réformes est essentielle et, sans la DSN, le prélèvement à la source n'aurait pas pu être conçu de la manière dont nous l'envisageons.
Pour que la DSN satisfasse ses objectifs de simplification à long terme, ces évolutions à venir doivent se faire dans le respect de la démarche exigeante de rationalisation que j'ai décrite. En effet, les déclarations sociales sont une matière vivante. Chaque année, pour ne pas dire chaque jour, les informations dont les administrations ont besoin se transforment, en raison des évolutions réglementaires, mais aussi des attentes nouvelles des usagers en termes de qualité de services.
C'est pourquoi je souhaite que le comité chargé de normaliser les données utilisées poursuive ses travaux après que la DSN aura été généralisée. Chaque nouvelle donnée, chaque nouvelle déclaration que la DSN aura vocation à intégrer devra être examinée et, si nécessaire, modifiée afin de ne pas alourdir le processus déclaratif. Il reviendra au responsable du projet, qui est également responsable de ce comité, de faire respecter cette discipline.
Mesdames et messieurs, vous l'avez compris, il s'agit ici de faire oeuvre pour l'avenir à travers une réforme structurante. La DSN sera bientôt le principal vecteur des relations entre les entreprises et les administrations sociales. Le Gouvernement veillera à faire en sorte que cette étape soit, comme les précédentes, un succès collectif, et à préserver, pour l'avenir, la dynamique qui nous a permis d'y parvenir.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 21 juin 2016