Texte intégral
Jeudi 23 juin, le Royaume-Uni, par un vote de ses citoyens, a décidé de quitter l'Union européenne (UE). C'est une décision historique dont la suite n'est pas écrite. Elle peut mener à la dislocation de l'UE mais elle peut aussi être le moment d'un ressaisissement. Cela dépend de nous. Cela dépend des peuples européens et de leurs dirigeants. Cela dépend de notre volonté de prolonger cet héritage de paix et de progrès, de tirer les leçons des échecs et des insuffisances de la construction européenne, de notre volonté d'améliorer et de léguer quelque chose de plus grand encore, adapté aux nouveaux défis de notre époque.
Parmi ceux-là, l'avenir de la jeunesse et sa place dans le projet européen sont des priorités. L'indispensable relance du projet européen passera nécessairement par la jeunesse.
51,9% des électeurs britanniques ont voté pour le «Leave», mais la majorité des 18-24 ans a choisi le «Remain». Ils savent trop bien ce que l'Europe incarne, en termes d'opportunités, de solidarité, de valeurs, de projet. Ces jeunes font partie de la génération Erasmus d'aujourd'hui, qui verra 4 millions de ses membres partir à l'étranger pour aller étudier, se former, faire du bénévolat, au cours de la période 2014-2020. C'est à cette génération que s'adresse la Garantie pour la jeunesse, qui vise à lutter contre le chômage des jeunes de moins de 25 ans. Pour eux, il nous faut à la fois consolider l'action de l'Europe et l'étendre encore, afin de redonner espoir.
Consolider son action, c'est ce que nous avons fait en obtenant une augmentation du budget d'Erasmus +, qui permet la mobilité à des fins d'apprentissage en Europe et hors d'Europe, de 40% sur la période 2014-2020. C'est ce que nous souhaitons également quand nous demandons à l'UE de tirer tous les enseignements de la réussite de la Garantie pour la jeunesse, en prolongeant et finançant l'initiative pour l'emploi des jeunes jusqu'en 2020.
En France, le dispositif national de la Garantie jeunes, mis en place en 2013 et financé pour partie par l'UE, a été étendu progressivement pour couvrir à ce jour 91 départements. Tous les jeunes Européens devraient pouvoir profiter de cette initiative exceptionnelle.
Mais il faut aller encore plus loin. Nous devons donner à la jeunesse l'occasion d'enthousiasmer notre continent. Nous devons lui permettre d'être mobile, de se former, de s'engager, de travailler partout en Europe. La jeunesse, c'est l'aspiration à la découverte.
* Un Erasmus des apprentis
Erasmus est l'un des programmes emblématiques de l'UE. Il symbolise le savoir, la vitalité, la volonté d'échanges, la prise de conscience de ce qu'est être européen. Nous devons apporter à la mobilité une nouvelle dimension, universelle : chaque jeune Européen doit pouvoir vivre une expérience éducative ou professionnelle dans un autre pays avant ses 25 ans.
Pour faciliter la vie des étudiants européens, chacun d'entre eux devrait pouvoir bénéficier d'une carte européenne, pour pouvoir faire valoir ses droits au sein de l'UE. Un projet en ce sens devrait être expérimenté à la rentrée universitaire 2016 par quatre pays européens volontaires : la France, l'Italie, l'Allemagne et l'Irlande.
Mais il faut aussi soutenir la mobilité des jeunes apprentis et en formation professionnelle, car la mobilité ne peut pas être réservée à certains. Il faut donc renforcer la dimension professionnelle d'Erasmus +. C'est le sens du projet que la France a lancé avec plus de dix grandes entreprises françaises et allemandes pour développer un Erasmus des apprentis.
Une forte mobilisation des institutions européennes est nécessaire pour assurer la démocratisation de la mobilité, à travers notamment des financements européens accrus. La jeunesse, c'est l'âge de l'engagement et de l'accès à la citoyenneté. Parce que l'exercice de la citoyenneté ne s'arrête pas au vote, nous voulons encourager l'engagement des jeunes Européens en généralisant le principe du volontariat, qu'ils le réalisent dans leur propre pays ou dans un pays voisin. La montée en charge des crédits européens destinés au service volontaire européen, qui doit intervenir à partir de 2017, va dans le sens de l'engagement civique à l'échelle européenne.
* Un salaire minimum partout
La jeunesse, enfin, c'est l'âge des idéaux. C'est l'âge où la volonté politique s'accommode le moins bien des conservatismes, des habitudes, des contraintes techniques. C'est l'âge où l'on espère le changement en grand, autour de causes qui passionnent. L'une d'elles, c'est assurément la solidarité et la lutte contre les inégalités sociales à l'échelle de l'Europe. Afin de mettre un terme à la concurrence des marchés du travail au sein de l'UE, donner de la chair à l'idée d'une communauté européenne solidaire et lutter contre le dumping social, nous promouvons l'idée d'un -salaire minimum dans chaque pays européen.
Être à la hauteur des aspirations de notre jeunesse européenne constitue une urgence. Le «Brexit» est un choc pour l'Europe, une remise en cause profonde. Il peut annoncer le délitement de l'idée européenne ou, au contraire, en marquer une nouvelle étape, vers plus de solidarité. Nous n'aurons plus d'autres occasions de nous poser la question. Ne trahissons pas l'espoir des jeunes. Pour les citoyens de demain, c'est le moment ou jamais.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 1er juillet 2016