Déclaration de Mme Barbara Pompili, secrétaire d'Etat aux relations internationales chargée de la biodiversité, sur le lancement de la démarche prospective d'évaluation de la situation du loup en France sur le long terme.

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Circonstance : Réunion d'un groupe de travail, associant les représentants des organisations nationales concernés par le loup, les ministères en charge de l'environnement et de l'agriculture, l'ONCFS et le MNHN, à Paris le 7 juillet 2016

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Comme vous le savez, j'ai décidé, en accord avec Ségolène ROYAL de lancer la démarche d'évaluation prospective de la situation du Loup en France à l'horizon 2025-2030. J'ai tenu à venir ouvrir personnellement la rencontre de ce matin, pour montrer clairement ma détermination à ce que le dossier loup ne soit plus traité au coup par coup mais dans le cadre d'une stratégie claire pour tout le monde.
Les politiques conduites depuis les années 90 ont, comme il est légitime, accompagné le retour du loup, en s'attachant à garantir la préservation de l'espèce et à mettre en place les mesures de soutien aux élevages confrontés à la prédation. Mais il nous faut aller plus loin.
La démarche que je vous propose aujourd'hui comprendra 2 volets : la réalisation d'une expertise collective de façon à disposer des données scientifiques qui doivent rester la base de notre action ; l'élaboration d'une stratégie pour 2025-2030 en concertation avec tous les partenaires concernés.
Pour préparer cette stratégie, j'ai souhaité qu'un groupe de travail, associant représentants des organisations nationales concernés par le loup, des Ministères en charge de l'Environnement et de l'Agriculture, de l'Office National de la Chasse et de la Faune Sauvages (ONCFS) et du Muséum National d'Histoire Naturelle (MNHN) soit constitué.
Cette journée sera donc essentiellement consacrée à jeter les bases de ce groupe et de définir les conditions du dialogue associant scientifiques, personnels de l'Etat, défenseurs et usagers de la nature, acteurs socio-professionnels, notamment les éleveurs, gestionnaires d'espaces…
Je souhaite aussi rappeler qu'il s'agit d'un sujet de nature politique.
Les politiques sont amenés à se saisir des sujets sous la pression du moment, doivent prendre des décisions dictées par des crises, doivent trancher dans l'instant entre des injonctions contradictoires, parer au plus pressé, et finalement mécontenter tout le monde ou perdre de vue l'objectif à moyen ou long terme.
Sans que cela résolve, au fond, les problèmes.
Trop souvent, faire de la politique sur la question du loup se résume à tenter de s'assurer la bienveillance de telle ou telle catégorie de la population, à communiquer sur des symboles, sans que cela apporte des réponses aux questions de fond qui sont posées.
Le loup est devenu un sujet de crise à répétition. Et si ces crises étaient la conséquence de l'absence d'un diagnostic partagé, et donc de compromis acceptés ?
Faire de la politique, c'est deux choses : c'est répondre aux questions du moment, souvent sous la pression des événements, toujours de manière imparfaite, mais de façon aussi équitable que possible ; c'est ce que tentent de faire les arrêtés fixant les prélèvements dont je signale la parution, pour 2016/2017, au Journal Officiel de ce matin.
Mais faire de la politique, c'est aussi, ce devrait être surtout, se porter garant d'un diagnostic complet, objectif, partagé, c'est tout faire pour dégager des compromis, même si c'est difficile.
J'ai la conviction que la politique a son rôle à jouer sur la question du loup, comme c'est le cas pour d'autres espèces.
Et peut-être plus encore compte tenu du symbole que représente le loup, compte tenu de l'histoire de cette espèce qui a longtemps été considérée comme devant être purement et simplement éliminée de notre territoire, avant que notre société comprenne à quel point le bon fonctionnement de l'ensemble des écosystèmes est important, à quel point retrouver équilibre et harmonie entre l'homme et la nature est essentiel. A quel point les grands prédateurs sont indispensables aux écosystèmes.
Il nous faut donc avoir une stratégie.
Cette conviction est également celle de Ségolène Royal, et c'est ce qui nous a amenées d'une part à demander au président du Muséum National d'Histoire Naturelle ainsi qu'au directeur général de l'Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage de conduire une expertise collective scientifique et technique. Cette expertise devra dégager les conditions de viabilité à long terme du loup sur notre territoire et établir des scénarios sur l'extension future des populations et des territoires occupés.
Cette expertise sera l'un des dossiers sur lequel le groupe de travail va s'appuyer et c'est la raison pour laquelle il va vous être présenté ce matin.
En ce qui concerne la politique, qui fixe les cadres d'action, il y a la volonté de répondre à deux objectifs : assurer la protection de l'espèce, y compris la reconquête du territoire, et garantir une cohabitation socialement et économiquement acceptable entre le loup et les activités humaines, notamment d'élevage.
Rappeler ces deux objectifs peut sembler une évidence mais dans la réalité, c'est loin d'être vrai.
J'assume pleinement ma volonté : des loups qui vivent en harmonie avec les habitants et les utilisateurs du territoire. Protéger les loups est un objectif incontournable de nos politiques de biodiversité.
Le retour, naturel, du loup dans notre pays n'est pas neutre : d'une part, il marque une avancée majeure, dans un contexte général de perte de biodiversité, on doit s'en féliciter ; mais d'autre part, il serait absurde de le nier, il est synonyme de bouleversements profonds et parfois très douloureux dans la gestion des troupeaux dans les zones concernées.
Si le loup est classé parmi les espèces protégées par les instances internationales compétentes, c'est bien que sa présence même sur notre planète était et demeure souvent menacée.
Respecter cette protection du loup est donc une exigence.
Et, dans le même temps, la prise en compte des conséquences du retour du loup, notamment sur l'élevage, ne peuvent être niées et doivent trouver des réponses adaptées, au-delà des mesures ponctuelles d'indemnisation et d'autorisations de tirs d'effarouchement ou de défense qui ne sont que des pis allers.
Comment pourrions-nous assurer la permanence de cette présence du loup si elle ne s'accompagnait pas d'une acceptation sociale, si elle devait demeurer un sujet de polémiques permanentes allant croissant, et potentiellement d'actes désespérés voir délictueux ?
Il y aura toujours des partisans de solutions extrêmes, des ultras.
Mais faire de la politique, dans une démocratie, c'est parier sur l'intelligence collective, c'est penser que les citoyens sont aptes aux compromis, quelle que soit leur implication sur la question, qu'elle soit liée à un intérêt matériel ou à un combat de valeurs.
Et ces compromis ne pourront être pertinents que s'ils sont réalisés sur des fondements scientifiques et techniques solides, que s'ils permettent une gestion de l'espèce différenciée selon les territoires, notamment en fonction de la sensibilité des systèmes d'exploitation des élevages à la prédation du loup, et qu'ils utilisent tous les outils disponibles de la meilleure façon possible, notamment pour protéger les troupeaux des agressions.
C'est l'objet de cette expertise collective loup, qui sera présentée ce matin.
Je tiens à remercier le président du Muséum National d'Histoire Naturelle de nous accueillir ce matin et d'avoir accepté que le Muséum s'investisse dans cette expertise. Il remplit ainsi pleinement une des 5 missions que lui confèrent ses statuts.
Je remercie également tous les participants pour votre présence et suis persuadée que les échanges qui auront lieu ce matin contribueront à la qualité des travaux à venir.
Les objectifs de l'expertise, les modalités de travail envisagés vont vous être présentés ; cette présentation sera suivie d'un temps d'échange afin de répondre à vos questions et de recueillir toute suggestion utile pour les travaux à venir.
Ma volonté, vous l'avez compris, doit être de sortir d'une gestion au coup par coup, et d'adopter une démarche prospective sur le loup à l'horizon 2025/2030 : la démarche que vous engagez aujourd'hui doit donc permettre de fixer des objectifs à atteindre et de définir des méthodes de travail, sur des bases scientifiques et techniques solides, et ceci sur chacun des sujets devant être traités.
Jusqu'ici, les mesures de suivi permettent d'évaluer les effectifs et les zones de présence. Mais il faut aller plus loin, élaborer des scénarios d'évolution, car la situation actuelle n'est pas viable dans le temps.
Nous savons tous que le coût de l'indemnisation des dégâts causés aux élevages croît d'année en année, au risque d'atteindre dans un avenir proche des niveaux où elle ne sera plus finançable.
Nous procédons à la mise en place de mesures de protection : c'est indispensable. Mais il faut en établir un bilan qui observe et analyse leur mise en oeuvre, qui évalue leur efficacité technique, qui établisse si les mesures d'indemnisation sont bien accompagnées de mesures de protection.
Le nombre d'animaux susceptibles d'être tirés augmente d'année en année : ce ne peut être la seule réponse, nous ne pouvons pas considérer que ce serait le simple corollaire de l'augmentation des populations : chacun constate que l'opinion publique ne l'accepte pas. Et pourtant les éleveurs, de leur côté, nous disent qu'il faudrait aller encore plus loin.
Nous voyons bien à quel point nous avons, tous, besoin d'évoluer dans notre appréhension de la question du loup et des moyens d'assurer protection de l'espèce et maintien du pastoralisme.
Désormais, il nous faut aborder une nouvelle étape : celle d'une cohabitation durable et acceptable entre le loup et les activités humaines, ce qui suppose d'anticiper l'évolution des populations, leur arrivée sur de nouveaux territoires dont les sensibilités face au loup sont différentes, d'imaginer des moyens d'accompagnement qui doivent s'adapter en conséquence et peut être, aussi, une autre façon de vivre les activités d'élevage tout en garantissant le maintien du pastoralisme.
Tout autant que le respect d'une espèce protégée, la préservation du dynamisme des secteurs d'élevage, qui constitue une richesse pour nos territoires, doit être pour nous, pour vous, une obsession.
Ségolène ROYAL et moi-même souhaitons que du groupe de travail qui se réunit cet après-midi émergent des propositions ou des pistes de travail : elles seront le résultat d'échanges entre tous les participants sur la base des constats effectués, des données recueillies et exploitées par le groupe d'études, mais aussi des positions de chacune des organisations représentées, qui ont toutes leur légitimité.
Le Conseil Scientifique du Patrimoine Naturel et de la Biodiversité (CSPNB) et le Conseil National de la Protection de la Nature (CNPN) seront à même de fournir des recommandations pour la conduite de l'expertise collective. Bien entendu, ce groupe de travail sera régulièrement informé et consulté lors de l'avancement de l'expertise collective.
Les résultats des travaux de l'expertise collective et du groupe de travail sont attendus pour le début de l'année 2017. Ils devront permettre de définir les actions et les axes de travail qu'il sera pertinent de mettre en oeuvre au cours des prochaines années.
Le directeur de l'eau et de la biodiversité, François Mitteault, va expliciter maintenant les objectifs techniques de l'expertise collective. Puis le MNHN et l'ONCFS présenteront quelques éléments de contexte et détailleront les modalités de travail de l'expertise.
S'en suivront alors des échanges que je souhaite à tous fructueux. Je remercie Monsieur LE MAHO d'avoir bien voulu les animer et d'en faire la synthèse.
Il est de tradition qu'une Ministre en déplacement donne une ou plusieurs bonnes nouvelles. Je ne vais pas y manquer. Elles concernent les éleveurs.
Les indemnisations des dégâts, qui n'étaient plus payées depuis le début de l'année, ne seront plus bloquées pour une raison administrative. Je trouve cette situation insupportable, c'est pourquoi j'ai agi dès que j'en ai eu connaissance.
Je peux donc vous annoncer que les premiers virements seront effectués avant la fin de ce mois et que les 580 dossiers, représentant 710 208,84 euros, vont être réglés rapidement.
En outre, le solde des aides pour les mesures de protection mises en place en 2015 sera également versé d'ici la fin du mois. Et les difficultés rencontrées ne se reproduiront plus pour 2016, les outils étant maintenant opérationnels.
Et puis, pour terminer, je vous informe que le Directeur de l'ONCFS a pratiquement terminé de solder le contentieux syndical et devrait prochainement disposer des données de recensement des loups.
Encore merci de votre présence, du travail que vous allez effectuer dans le meilleur intérêt de la biodiversité, et des activités rurales, particulièrement l'élevage d'ovins.Http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 21 juillet 2016