Interview de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, avec France Info le 19 juillet 2016, sur la lutte contre le groupe terroriste Daech.

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Média : France Info

Texte intégral


ALEXIS MOREL
L'invité politique de France Info ce matin est donc ministre de la Défense, bonjour Jean-Yves LE DRIAN, ministre de la Défense.
JEAN-YVES LE DRIAN
Bonjour.
ALEXIS MOREL
Vous les avez entendus comme nous ces sifflets, ces insultes hier à Nice contre Manuel VALLS : « assassin, démission ». Comment en est-on arrivé à ce tel niveau de colère contre l'exécutif après cet attentat de Nice ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Pour revenir sur ce qui s'est passé à Nice hier, je voudrais dire que je comprends la douleur, je comprends l'émotion, je comprends le choc, mais il s'agissait d'une cérémonie mémorielle, cérémonie d'hommage aux victimes, une cérémonie de solidarité avec les familles, il s'agissait d'un moment de recueillement, d'une minute de silence et je ne trouve pas convenable…
ALEXIS MOREL
Ce n'était pas le lieu ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Je ne trouve pas convenable que l'on ait sifflé le Premier ministre qui représentait la Nation à cette cérémonie. Voilà ce que je peux dire.
ALEXIS MOREL
Conseil des ministres ce matin sur la prolongation de l'état d'urgence, on en parlait ; d'abord sur la forme, ce sera trois mois, plus, six mois comme le demande la droite, est-ce que c'est fixé ce matin ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Le Premier ministre a réuni hier soir les présidents des Assemblées, les présidents des différents groupes parlementaires, il a fait savoir que la procédure de prolongation de l'état d'urgence allait être proposée au Parlement et il s'est montré ouvert à des propositions qui peuvent intervenir sur le contenu de l'état d'urgence, sur sa durée, c'est le débat qui va…
ALEXIS MOREL
Sur la durée ? Ça sera un moyen d'apaiser la droite, d'apaiser l'opposition ?
JEAN-YVES LE DRIAN
En ce moment le problème c'est d'abord de lutter contre le terrorisme et on voit bien avec ce qui s'est passé en Allemagne que la menace est partout et qu'il y a des risques de mimétisme quand il y a des évènements de cette ampleur, il y a des risques de répliques. On l'a vu en Allemagne, on peut le voir ailleurs ; il faut donc redoubler de vigilance et redoubler de sang froid. Et l'état d'urgence permet d'avoir les moyens juridiques supplémentaires pour casser ces risques. Mais sur l'ensemble de ce sujet mon sentiment comme ministre de la Défense c'est qu'il faut continuer à frapper au coeur. Frapper au coeur ça veut dire frapper dans le sanctuaire de Daesh en Irak et en Syrie.
ALEXIS MOREL
On va y revenir dans un instant, juste dernière question sur cet état d'urgence, on l'a bien vu, il n'a pas empêché cet attentat de Nice, est-ce qu'il sert encore à quelque chose au-delà du symbole ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Ce n'est pas symbolique, cela permet à la fois des perquisitions administratives, des assignations à résidence, ça a permis de déjouer des attentats, ça a permis d'arrêter des individus qui pour certains d'entre eux étaient en lien avec Daesh ; non c'est un dispositif juridique pertinent et qui permet à nos services, à la police, au contre-terrorisme d'agir.
ALEXIS MOREL
Alors la lutte contre Daesh, elle se joue bien sûr vous le disiez en Syrie, en Irak. Vous partez dans quelques heures pour une réunion de la coalition à Washington ; c'est quoi maintenant la suite sur le terrain, comment on fait pour gagner cette bataille aujourd'hui ?
JEAN-YVES LE DRIAN
D'abord monsieur MOREL on frappe tous les jours. La France au Moyen-Orient, au Levant, en Irak et en Syrie frappe tous les jours. Au sein de la coalition nous avons frappé cette nuit, aux environs de Mossoul nous avons frappé hier, on ne le dit pas tous les jours à France Info mais depuis que nous sommes sur la coalition nous frappons tous les jours pour aboutir à ce que Daesh réduise son ampleur et sa surface sur ces deux pays et pour aussi enrayer ce dispositif terroriste insupportable, il faut frapper au centre.
ALEXIS MOREL
L'objectif c'est Mossoul aujourd'hui ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Alors nous sommes dans une phase décisive et c'est la raison pour laquelle il y a cette réunion à Washington demain pour faire en sorte que l'ensemble des acteurs de la coalition envisage la phase suivante ; la phase suivante ce sont les épicentres de cet Etat terroriste que sont Mossoul et Raqqa. Il faut donc s'organiser pour passer à l'étape suivante. Je dis pourquoi il faut frapper au centre et pourquoi taper à Mossoul, taper en Irak, c'est aussi assurer notre sécurité ici en France, voire globalement en Europe. Pourquoi ? Parce que c'est à partir de Mossoul, c'est à partir de Raqqa, c'est à partir d'autres lieux de ce type que s'organisent les commandos terroristes qui - on l'a vu - font des massacres en Europe, et c'est aussi à partir de là que se diffuse cette idéologie mortifère à laquelle sont sensibles un certain nombre de gens qui peuvent être déséquilibrés mais qui retrouvent une forme de destin en écoutant les messages …donc c'est le centre qu'il faut toucher parce que lorsqu'il n'y a plus d'émetteur de contamination il n'y a plus de contamination, d'où l'importance d'aujourd'hui pour la coalition de passer à l'étape suivante. Et le président de la République a annoncé déjà, avant les attentats de Nice, qu'il souhaitait que la France renforce ses moyens au sein même de la coalition. C'est ce dont nous allons parler demain pour aboutir à l'étape suivante qui est l'éradication définitive de Daesh sur son territoire.
ALEXIS MOREL
Le paradoxe quand même c'est qu'on a un recul territorial de Daesh mais qui ne veut pas forcément dire, en tout cas pour l'instant, recul de son influence, et son influence à distance notamment ici en France.
JEAN-YVES LE DRIAN
On tue l'influence quand on tue l'émetteur de l'influence, d'où la nécessité de pousser jusqu'au bout l'offensive qui est en cours en Irak et en Syrie qui progresse bien. Daesh a perdu 40 % de son territoire, a perdu beaucoup de combattants, a perdu beaucoup de ressources, il faut donc continuer cette pression et ces mouvements de la coalition pour aboutir à l'éradication définitive…
ALEXIS MOREL
Et donc vous nous confirmez…
JEAN-YVES LE DRIAN
Ce n'est pas encore fait, il faut encore du temps, mais pendant cette période-là la diffusion par un certain nombre d'acteurs de Daesh ou de messages de mort sur le territoire nationale ou sur le territoire européen est à prendre avec beaucoup de vigilance, beaucoup de précaution, d'où la nécessité de renforcer pendant ce même temps la sécurité sur notre territoire.
ALEXIS MOREL
Vous nous confirmez ce matin…
JEAN-YVES LE DRIAN
Et d'être vigilant pour avoir le sang froid nécessaire.
ALEXIS MOREL
Que les frappes elles se rapprochent de Mossoul qui la grande ville, objectif prochain.
JEAN-YVES LE DRIAN
Il y a déjà eu des frappes à Mossoul, il y a des frappes régulièrement, il y a eu des frappes françaises cette nuit à Tal Afar pas loin de Mossoul, il y a eu aussi des avancées très fortes des forces irakiennes et des forces kurdes sur le territoire concerné puisque des villes sont tombées, je pense entre autre à Falloujah très récemment, je pense aussi au combat qui se mène en ce moment au Nord de la Syrie à Manjib, tout cela fait que Daesh est maintenant enserré, il faut maintenant passer à l'étape définitive qui prendra encore un certain temps mais c'est indispensable, sans cela on retrouvera d'autres attentats.
ALEXIS MOREL
Frapper plus ça veut dire demander plus à nos partenaires, je pense aux Américains, c'est ça que vous allez demander demain à Washington ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Bien s'organiser pour la phase finale.
ALEXIS MOREL
Merci beaucoup Jean-Yves LE DRIAN, ministre de la Défense.
Source : Service d'information du gouvernement, le 20 juillet 2016