Déclaration de Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes, sur la mobilisation des référents urgences dans le cadre des violences faites aux femmes, Paris le 27 juin 2016.

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En arrivant dans cette salle, j'ai été particulièrement heureuse de constater l'ampleur de votre mobilisation : vous êtes aujourd'hui plus de 200 à être venus assister à cette formation consacrée aux violences faites aux femmes, soit près de la moitié des référents violences désignés sur l'ensemble du territoire.
Si je tiens à souligner ce succès, ce n'est pas pour le plaisir de nous auto-congratuler, c'est d'abord parce que cette formation ouvre pour toutes les femmes victimes de violences la perspective de trouver auprès du personnel urgentiste une écoute, des ressources, une prise en charge adaptée pour les protéger, les soigner et rompre le cycle de violences dans lequel elles sont emprisonnées.
Avant toutes choses, je tenais à saluer l'engagement et la ténacité d'Elisabeth MOIRON-BRAUD et d'Ernestine RONAI à ce sujet et les remercier pour l'organisation de ce temps de formation. Mesdames, Messieurs, vous êtes aujourd'hui entre les mains d'expertes qui sont les mieux à même de vous transmettre les clés nécessaires pour comprendre les mécanismes de la violence et les attitudes à adopter en tant que professionnel.le.s
[Le rôle clé du personnel urgentiste dans le repérage des violences et l'amorce d'une prise en charge]
Si la MIPROF a mis autant d'énergie à organiser cette journée, si je me réjouis de voir cette salle pleine, c'est que votre nomination en tant que référents violences faites aux femmes et votre formation à ce sujet est un enjeu capital.
Les coups, les blessures, les chocs psychologiques amènent bien souvent les femmes victimes de violences jusqu'aux urgences. Une enquête réalisée dans un service d'urgences, sur la base d'un questionnement systématique des femmes, a révélé qu'environ la moitié des femmes qui étaient passées dans le service déclaraient avoir été victimes de violences.
Depuis 2012, les politiques publiques ont changé d'attitude face à ces femmes à qui l'on reprochait trop souvent leur silence. Désormais, nous nous tournons vers les professionnel.le.s car si la parole des femmes se libère, c'est d'abord parce que les personnes qui sont à leur contact savent mieux l'amener et l'écouter.
C'est pourquoi le Gouvernement a tenu, dans le cadre du 4ème plan de lutte contre les violences faites aux femmes, à impliquer les médecins qui considéraient être insuffisamment formés pour faire face à ces enjeux. Nous sommes rapidement passés des mots aux actes : un référent a été identifié dans une large majorité des établissements autorisés en médecine d'urgence et vous êtes aujourd'hui rassemblés pour cette première session de formation.
Votre mission sera essentielle. Pour les femmes victimes de violences, la décision de se rendre aux urgences n'a rien d'anodin ou d'évident, elle peut être au contraire chargée d'appréhensions :
– Redouter une attention centrée sur sa personne alors que l'agresseur a tout utilisé pour l'inférioriser, la rabaisser, la faire culpabiliser ;
– Craindre de s'exposer en dehors de son domicile dans lequel le conjoint et agresseur cherche bien souvent à l'y cantonner.
C'est une étape-clé pour repérer ces violences et briser l'isolement dans lequel ces femmes sont bien souvent emmurées. Poser les « bonnes » questions et offrir un cadre d'écoute qui permette à ces femmes de mettre des mots sur ce qu'elles vivent, leur rappeler qu'elles agissent avec courage et qu'elles ne sont en rien coupables de ces violences, les informer et les orienter : autant d'étapes, basiques mais essentielles, au travers desquelles vous ouvrirez à ces femmes la voie vers la sortie des violences.
En diffusant ces méthodes de prise en charge dans vos équipes, en impliquant l'ensemble des professionnel.le.s concerné.e.s au sein de l'établissement, les urgences ont vocation à devenir un lieu de confiance pour toutes les femmes victimes de violences.
Vous sauverez des vies. Car, aujourd'hui, encore, 1 femme décède tous les 2,7 jours, victime de son conjoint.
Et vous donnerez aux femmes les moyens d'être protégées. C'est le sens des modèles de certificats médicaux, élaborés en lien avec les Conseils nationaux des Ordres des médecins et des sages-femmes, et désormais mis à disposition sur le site de la MIPROF. Ces certificats médicaux constituent des éléments de preuve incontournables pour engager une éventuelle phase judiciaire ou permettre aux femmes de bénéficier, par exemple, d'une ordonnance de protection. Je vous invite donc vivement à vous emparer de cet outil et à le diffuser auprès de vos collègues.
[Les référents violences, maillon d'une prise en charge globale]
Evidemment, vous ne serez pas seuls car accompagner les femmes soulèvent de nombreuses problématiques : qu'il s'agisse de leur protection judiciaire, de leur hébergement, ou encore de leur suivi social et psychologique. La prise en charge des femmes victimes de violences implique la mobilisation d'actrices et d'acteurs sociaux, judiciaires et sanitaires. Vous vous inscrirez donc dans une démarche partenariale, vous serez une porte d'entrée vers la mise en place de parcours. Vous serez, en somme, les maillons essentiels d'une prise en charge globale.
Pourquoi parlons-nous de prise en charge globale ? Parce que des dispositifs qui touchent tant à la prévention, à la libération de la parole qu'à la protection ont été mis en place pour protéger et accompagner ces femmes vers une sécurité durable et une autonomie retrouvée.
Depuis 2012, la lutte contre les violences envers les femmes fait l'objet d'une action déterminée de la part du Gouvernement.
– Nous avons renforcé le numéro national de référence pour les femmes victimes de violences, qu'elle que soit la forme des violences qu'elles subissent. Entièrement gratuit et accessible à tout moment, le « 3919 » propose une écoute, une information et une orientation par des intervenant.e.s des associations spécialisées à ce sujet.
– Nous avons développé la présence d'intervenants sociaux en commissariat de police et dans les brigades de gendarmerie, et nous formons l'ensemble des professionnel.le.s susceptibles d'être au contact de femmes vicitimes de violences. La MIPROF pourra d'ailleurs en témoigner !
– Nous avons également déployé le téléphone grand danger sur l'ensemble du territoire. Ce dispositif permet aux femmes, ayant été victimes de violences conjugales ou de viol, de bénéficier d'un service de téléassistance et d'une intervention immédiate des forces de l'ordre en cas d'alerte.
– Enfin, le Président de la République a souhaité que 1650 nouvelles places d'hébergement soient créées d'ici 2017 pour les femmes victimes de violences. Nous avons aujourd'hui atteint pratiquement 90% de cet objectif.
Je ne pourrai être exhaustive sur l'ensemble des dispositifs à l'œuvre mais je souhaite que les femmes victimes de violences que vous rencontrerez sachent que la loi les protège.
Et nous poursuivrons sans relâche cet effort dans le cadre du 5ème plan de lutte contre les violences faites aux femmes que je lancerai le 25 novembre prochain. Je discute actuellement avec les associations des pistes d'amélioration que nous pourrions apporter à ce plan, notamment dans la prise en charge des enfants exposés aux violences conjugales ou encore sur la question spécifique des violences sexuelles.
[Conclusion : violences et droits des femmes]
Pour conclure mon propos, et ouvrir cette après-midi de travail, je souhaite, en tant que Ministre des Droits des femmes, qu'au terme de cette formation vous soyez en mesure de rappeler à tous ceux qui se demandent « Mais qu'est-ce qu'elles veulent encore ? » ou qui estiment que le combat féministe est dépassé, qu'aujourd'hui, encore, 223 000 femmes sont victimes de violences physiques et/ou sexuelles de la part de leur conjoint ou de leur ex-conjoint[contre 80 000 hommes].
Tant que le sexisme restera prégnant dans les mentalités, tant que la violence qui en est l'une des manifestations les plus exacerbées existera, nous poursuivrons notre mobilisation. Et cette mobilisation, elle passe par vous aujourd'hui. Je salue votre engagement et vous souhaite de réussir dans cette remarquable mission qui est désormais la vôtre.
Je vous remercie.
Source http://www.familles-enfance-droitsdesfemmes.gouv.fr, le 30 juin 2016