Texte intégral
Je suis ravie d'intervenir dans la dernière assemblée générale du CNIDFF. Je vous remercie d'avoir pu vous adapter à mes bouleversements d'emploi du temps de dernière minute qui m'ont empêchée de venir comme cela était convenu à l'ouverture de votre assemblée générale.
A sa création, le CNIDFF était présidé par la Ministre des Droits des femmes. C'est aujourd'hui avec une grande satisfaction que je constate à quel point le CNIDFF a su s'affirmer comme un mouvement associatif à part entière ; un réseau capable de rayonner sur l'ensemble du territoire, dans un travail de dentelle et de proximité auprès des femmes.
Le statut associatif fonde d'ailleurs toute la force et l'originalité du CNIDFF. Du fait de son lien historique avec l'Etat, le CNIDFF aurait pu prendre, à sa création, la forme d'une structure administrative. En 1972, le choix a, au contraire, été fait d'opter pour une structure souple et ouverte, capable de fédérer les compétences et les volontés.
A mon sens, le principal défi que le CNIDFF a su relever, c'est celui de créer un lien de confiance et de proximité avec les femmes qu'il informe et qu'il accompagne.
Voilà bientôt 45 ans que le CNIDFF mène avec détermination une mission d'intérêt général : celle de donner les moyens aux femmes d'être pleinement actrices de leur vie. Cette dimension historique, il est important de la rappeler. Car elle permet de mesurer l'ancrage du CNIDFF dans le paysage institutionnel des droits des femmes.
Vous transmettez aux femmes un outil puissant, un outil qui leur permet d'agir : le savoir ! Aujourd'hui, le CNIDFF évoque, pour plusieurs milliers de femmes, un repère, un lieu de confiance, des personnes compétentes qui ont su leur apporter l'information et l'aide dont elles avaient besoin. Vous avez reçu près de 500 000 femmes rien qu'en 2015. C'est un travail remarquable.
Votre implantation dans les territoires y est pour beaucoup, et je souhaite que vous poursuiviez cet effort pour assurer un accès au droit, à l'information et à l'accompagnement sur l'ensemble du territoire, même dans les zones les plus éloignées.
Le travail que vous menez est profondément nécessaire. Car, le chemin est encore long vers l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. Vous le constatez chaque jour dans vos permanences, aussi bien lorsque vous accompagnez des femmes victimes de violences que lorsque vous soutenez les femmes dans leur accès à l'emploi.
Il faut également avoir conscience que les avancées remportées par les combats féministes au fil de l'histoire peuvent elles-mêmes à tout moment être remises en cause et anéanties. Tout particulièrement, par les mouvements extrémistes qui s'expriment aussi bien au coin de la rue qu'aux devants de la scène internationale.
Si nous relâchons la mobilisation, si nous baissons les bras, les droits des femmes cesseront de progresser mais surtout ils régresseront.
Au travers de ma présence aujourd'hui, je tiens donc à vous assurer du soutien plein et entier de l'Etat dans la mission que vous exercez au quotidien.
C'est pourquoi nous signerons dans quelques instants une nouvelle convention pluriannuelle d'objectifs et de moyens. Au-delà de la dimension administrative de l'exercice, cette convention est le signe d'une confiance renouvelée de l'Etat envers le CNIDFF qui voit en ce dernier un partenaire clé et un solide opérateur de la mise en oeuvre de la politique des droits des femmes sur le territoire.
Par cette convention, l'Etat confie des missions au CNIDFF, en termes de structuration de l'association et de son réseau, mais elle fixe également un programme d'actions pour les 3 années à venir.
Je tiens à souligner ici que votre action est globale et c'est ce qui en fonde toute sa pertinence, à l'instar de l'action menée par le Gouvernement. Lorsque l'on agit pour l'égalité et pour les droits des femmes, c'est à tous les obstacles que rencontrent les femmes sur leur parcours que nous devons nous attaquer.
Qui plus est : en tant que Ministre chargée à la fois des Familles, de l'Enfance et des Droits des femmes, permettez-moi de souligner l'écho que rencontrent nos actions respectives, notamment dans celles que vous menez en faveur du soutien à la parentalité et de l'accès au droit des familles.
Lier familles et droits des femmes est une démarche profondément progressiste lorsqu'il s'agit de porter une vision féministe de la famille et de faire de la politique familiale, un véritable levier d'autonomisation pour les femmes.
Je veux soulager les femmes du poids qui pèse bien trop souvent et de façon bien trop importante sur elles. Les femmes qui élèvent leurs enfants seules, les femmes qui assurent la quasi-totalité des tâches ménagères : ce sont autant de facteurs d'inégalités qui se situent dans la sphère familiale, sans pour autant remettre en cause la volonté des femmes de s'y impliquer. Il s'agit d'un juste équilibre à trouver, celui que le principe d'égalité permet d'atteindre. Je suis profondément attachée à ce que les femmes puissent conserver leur liberté, la possibilité pour elles de devenir mère tout en veillant à leur épanouissement personnel.
Face à ces objectifs, se pose la question des moyens et c'est bien évidemment aussi sur ce point que la convention finalisée liera l'Etat et le CNIDFF. Vous devez disposer des moyens nécessaires pour atteindre les objectifs qui vous sont fixés. C'est pourquoi en 2015, les subventions accordées au CNIDFF et aux CIDFF représentaient plus de 20% du budget de l'Etat consacré aux droits des femmes.
Je sais que certains CIDFF connaissent des difficultés financières. Certaines collectivités révisent effectivement leurs financements à la baisse. Sachez que je suis avec une vigilance particulière ces évolutions mais que je suis également contrainte par le respect de leur libre administration et de la décision d'assemblées élues. Par ailleurs, il est également nécessaire de poursuivre le travail de structuration du réseau pour favoriser la mutualisation, optimiser les coûts et s'adapter aux changements qu'impose et que permet la révolution numérique. C'est cette dynamique constructive et toujours engagée qui nous permettra de relever les grands défis à venir.
Je tiens à profiter de cette assemblée générale pour vous présenter les grandes priorités qui structureront mon action dans les prochains mois, et pour lesquelles je souhaite que nous puissions travailler en synergie.
Nous disposons aujourd'hui d'un arsenal législatif fourni et robuste pour faire progresser l'égalité entre les femmes et les hommes. Ce Gouvernement a inscrit son action dans la continuité des grandes lois en faveur des droits des femmes, de la loi Veil à la loi Roudy.
La détermination de ce Gouvernement paritaire tout au long de la mandature a produit des avancées incontestables. Et il sera primordial d'en évaluer l'ampleur pour démontrer l'intérêt de mener des politiques publiques ambitieuses en matière de droits des femmes.
Toutefois, dans les mois à venir, je tiens à concentrer mon action sur ces nombreuses inégalités qui existent encore. Elles touchent aux rémunérations, à l'accès à l'emploi, aux violences, à la précarité, ou encore à l'accès aux responsabilités professionnelles, associatives et politiques.
Pourquoi ces obstacles persistent-ils aujourd'hui ? Je suis convaincue que l'un des derniers plafonds de verre, et certainement le plus tenace, qu'il nous faut aujourd'hui faire voler en éclat, c'est celui du sexisme.
Ce sont toutes ces croyances et ces actes qui stigmatisent, délégitiment, infériorisent les femmes. Leur ancestralité les a bien souvent rendu acceptables voire invisibles aux yeux de la société. Or, plus que jamais, il nous faut en parler, ne plus laisser passer et affirmer avec force que « ça suffit ! ».
Le sexisme est une problématique millénaire qui revêt aujourd'hui une forme d'urgence car le crédit accordé à la parole des femmes libère cette même parole et met la société au pied du mur, face à ses responsabilités.
Ma ligne directrice est claire :
- rendre visible l'activité des femmes, leurs talents, leurs compétences dans tous les domaines ;
- et mobiliser contre le sexisme sous toutes ses formes des stéréotypes jusqu'aux violences et le débusquer où qu'il se trouve de l'entreprise jusqu'à l'école en passant par l'espace public ou la scène culturelle. C'est une réponse globale que nous adresserons car le sexisme fait système.
A mon sens, cette révolution culturelle nécessite une mobilisation à plusieurs étages.
Le premier : c'est bien évidemment celui des pouvoirs publics.
Le Premier Ministre a souhaité qu'à l'automne prochain, soit organisé un nouveau comité interministériel des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes, dit « CIDFE ».
Je travaille actuellement avec l'ensemble des Ministères afin de faire de ce dernier CIDFE de la mandature, soit le moteur de la mobilisation de la société contre le sexisme dans l'espace public, familial, professionnel et associatif.
Je sais que vous engagez des actions particulièrement intéressantes concernant la répartition des tâches au sein du couple, actions qui démontrent à nouveau tout l'intérêt de travailler les passerelles entre droits des femmes et parentalité. Sachez que je souhaite que nous explorions ce sujet en vue du prochain CIDFE, certainement au travers d'une application qui permettrait d'aider les couples à objectiver leur participation aux « corvées » domestiques et aux tâches familiales.
Avant-même l'automne, nous avons d'ores et déjà chargé les vecteurs législatifs à notre disposition de premières mesures qui seront prochainement débattues en séance. Dans le cadre du projet de loi « égalité et citoyenneté », nous avons porté une série de mesures qui visent à lutter contre le sexisme. Parmi elles,
- Le Gouvernement a porté l'inscription du Haut Conseil à l'égalité dans la loi, dont vous êtes des membres actives et actifs ! La liberté du Haut Conseil dans ses travaux est reconnue et il sera désormais chargé d'établir un rapport sur l'état du sexisme en France tous les 2 ans.
- Le Gouvernement portera également le renforcement des compétences de contrôle du Conseil supérieur de l'audiovisuel en ce qui concerne la publicité car, cette dernière véhicule, encore trop souvent aujourd'hui des stéréotypes profondément sexistes et des images dégradantes des femmes.
Et nous savons, à quel point, son caractère répétitif s'ancre insidieusement dans les mentalités.
Le second étage, c'est bien évidemment celui de la société civile. Cette mobilisation ne pourra se faire sans vous. Nous avons un travail d'ampleur à mener : celui de rendre visible le sexisme aux yeux de l'opinion publique (leur faire enfiler ces fameuses lunettes de genre), celui de faire fleurir des initiatives qui participent à construire une société non sexiste.
Chère Ghislaine, chère Annie, je souhaite vous rencontrer très prochainement à ce propos car je tiens à ce que le CNIDFF, au regard de ses compétences et de sa légitimité, soit un allié de confiance dans cette démarche. Nous connaissons toutes des associations, des particuliers, des entreprises qui organisent des actions formidables qui méritent de trouver un écho dans l'espace public.
Ne serait-ce que pour montrer que le sexisme existe et qu'il est surtout possible de faire sans à chaque étape de la vie des femmes, dans chaque lieu qu'elle fréquente au quotidien. Cette démarche de co-construction avec les actrices et les acteurs de terrain est primordiale pour engager une véritable révolution culturelle.
Les violences constituent l'une des manifestations les plus exacerbées du sexisme. Je vous sais particulièrement impliquées dans l'accompagnement des femmes victimes de violences.
A ce sujet, j'étais lundi dernier à la première session de formation des médecins urgentistes désignés référents « violences faites aux femmes ». C'est une action dont je me réjouis car elle permettra d'améliorer le repérage des violences et donc d'accélérer la première prise en charge. Cette mesure faisait partie du 4ème plan de lutte contre les violences faites aux femmes qui arrivera à son terme à la fin de l'année. Les plans ne sont pas des coquilles vides, ils nous permettent, au contraire, de structurer notre action, de l'évaluer et de l'améliorer.
C'est pourquoi je lancerai, le 25 novembre prochain, le 5ème plan de lutte contre les violences faites aux femmes. L'expertise du CNIDFF est et sera pleinement mobilisé à ce sujet. Les améliorations devront porter, à mon sens, sur 6 pistes :
- la prise en charge des enfants exposés aux violences conjugales qui, en tant que témoins, sont aussi des victimes ;
- les risques particulièrement élevés encourus par les jeunes femmes ;
- la question des violences sexuelles ;
- la question de l'insertion professionnelle des femmes victimes de violences, le CNIDFF sera à ce sujet prochainement convié à une réunion de travail par mon cabinet ;
- la prise en charge spécifique à apporter aux femmes en situation de handicap victimes de violences ;
- et enfin, une vigilance accrue à la mise en oeuvre de dispositifs adaptés au milieu rural et à l'Outre-Mer.
Enfin, la prostitution, désormais reconnue comme une violence faite aux femmes depuis la grande loi du 13 avril dernier, intègrera ce 5ème plan. Cette grande avancée est aussi le fruit d'une mobilisation déterminée de la société civile, vous comptez pleinement parmi les artisan.e.s de cette victoire féministe.
La mise en oeuvre de cette loi sera l'une de mes priorités car nous sommes attendu.e.s au tournant. Sur le volet de la répression, 69 sanctions ont déjà été prononcées: un chiffre en constante progression et surtout, une première réponse à ceux qui pensaient que cette loi était inapplicable. Et nous continuerons à mobiliser les services de police, de gendarmerie et de justice autour de cette nouvelle mesure.
Sur le volet de l'accompagnement des personnes prostituées, nous travaillons à l'élaboration du décret qui devrait paraît à l'automne prochain. Des associations historiques assureront cet accompagnement. Mais je souhaite que d'autres associations s'investissent sur ce sujet et sollicitent un agrément car nous en aurons besoin. Je suis convaincue que le CNIDFF a une véritable place à prendre, compte-tenu de son expertise en matière d'accompagnement et de son réseau sur l'ensemble du territoire qui lui permet d'intervenir là où les autres associations ne le peuvent pas.
Pour conclure, nous avons encore de grandes actions à mener en collaboration. Ce lien fort entre le CNIDFF et le Ministère des Droits des femmes a permis des avancées historiques. Je formule ici, devant vous, le souhait que nous continuions à avancer en parfaite synergie.
Madame la Présidente, je vous invite donc à me rejoindre afin que nous puissions signer cette nouvelle convention qui nous engagera, je le souhaite pour le meilleur !, dans les années à venir.
Je vous remercie.
Source http://www.cidf63.com, le 29 juillet 2016