Texte intégral
Dès le lendemain de l'attentat du 7 janvier, nous avons, avec Myriam El Khomri, réuni les grands responsables associatifs. La conversation a été franche et directe.
Nous avons ensuite demandé aux Préfets de faire de même sur leur territoire.
Les échanges, menés par la force des choses un peu à froid, avaient manifestement la même tonalité d'après les retours qui nous ont été faits.
Pour les résumer d'une phrase, je dirais qu'il y a dans le pays un grand scepticisme par rapport à la République.
Pas tant sur la justesse de l'idée, que sur sa réalité et sur la volonté sincère des institutions à en garantir la promesse.
Pour le dire encore autrement, une bonne partie de nos concitoyens « ne sont pas Charlie ».
Trop d'injustices, trop de frustrations ont fini par susciter amertume ou indifférence.
Le lien qui les unit à la République est aujourd'hui ténu.
C'est à eux qu'il faut parler. C'est eux qu'il faut convaincre qu'ils ne sont pas des oubliés, des laissés pour compte.
Je le dis avec un peu de gravité mais vous connaissez la situation mieux que moi : il serait préférable que nous réussissions.
Un certain nombre de mesures ont été prises dans ce sens à l'occasion du Comité interministériel à l'égalité et à la citoyenneté qui s'est tenu le 6 mai.
Pour ce qui concerne le Ministère de la ville, de la jeunesse et des sports, elles se sont articulées autour de trois objectifs :
- Casser les ghettos
- Tout faire pour la jeunesse en difficulté
- Et mobiliser toute la société autour des valeurs républicaines
A propos des ghettos, j'insiste sur l'enjeu d'une véritable politique de peuplement.
Les mesures qui ont été retenues dans ce domaine ne sont pas des demi-mesures : intervention de l'Etat dans les communes qui s'opposent à la loi SRU, arrêt des constructions de logements sociaux dans les communes qui en comptent déjà plus de 50%.
Rien que ces deux mesures, que j'appelle « SRU renforcée » et « SRU inversée », sont de nature à établir davantage de mixité.
D'autres sont aussi fortes comme l'attribution des logements à l'échelle intercommunale ou la fixation des loyers en fonction de la demande et non de l'offre.
Mais ce qui a trait à la loi SRU vous concerne particulièrement. Je vous demande d'être extrêmement ferme et vigilant vis-à-vis des collectivités locales.
La mixité n'est pas une option, c'est la loi.
Un délégué interministériel est désormais en charge du sujet, Thierry Repentin.
En lien avec lui, il faut expertiser les situations locales, faire des propositions aux élus locaux et intervenir en cas de mauvaise volonté manifeste.
Vous serez totalement soutenus dans cette démarche.
Deuxième gros enjeu d'intervention de l'Etat : l'emploi.
Nous voulons resserrer les mailles de telle sorte que pas un seul jeune de 18 à 25 ans ne se retrouve sans solution d'emploi ou de formation.
Pour les jeunes qui risquent de basculer dans la délinquance, nous souhaitons généraliser, dans les ZSP, le pack 2è chance que vous connaissez sans doute.
Il s'agit un dispositif particulier d'accompagnement qui prendra la forme de cellules d'agents publics hyper mobilisées et prenant en charge chacune une douzaine de jeunes au maximum.
Selon les territoires, ces cellules peuvent prendre des formes différentes, mais vous serez nécessairement au cur de ce dispositif et je souhaite sincèrement que vous le soyez. Ce sera pour moi un gage d'efficacité.
Nous avons par ailleurs fixé des objectifs chiffrés de déploiement dans les quartiers pour chaque type de contrats aidés, avec par ailleurs la création d'un nouveau contrat, le contrat « starter », qui consiste en une prise en charge par l'Etat du salaire et des charges à hauteur de 45%.
Il est essentiel que ces contrats jouent leur rôle auprès des publics les plus en difficulté.
Je vous demande là encore de veiller à ce que ces objectifs soient remplis.
En permettant à des jeunes de trouver un emploi, on change des destins individuels mais on re-légitime aussi une organisation collective.
Troisième levier : la présence des adultes et notamment des associations dans les quartiers.
La vitalité associative de notre pays est une ressource exceptionnelle mais inégalement répartie.
Nous devons encourager les associations à uvrer là où l'urgence sociale est la plus criante.
Et pour cela, nous leur proposerons un « new deal » : l'Etat rétablit les crédits et simplifie la vie associative mais s'assure du travail effectif en direction des quartiers relégués.
L'éducation populaire et le sport, nous en avons la conviction, ont un rôle majeur à jouer dans le développement des enfants et des adolescents.
On ne peut pas tout demander à l'école.
Ce n'est ni raisonnable, ni efficace.
Je vous demande donc de mettre en uvre ce new deal dans vos territoires ainsi que de promouvoir deux actions « éducation populaire » et une action « sport ».
Pour l'éducation populaire, nous voulons créer dans chaque territoire des fabriques d'initiatives citoyennes et faciliter le départ en colonies de vacances à travers des colos dites « nouvelle génération ».
On n'invente pas de nouveau concept mais on essaie de redonner du souffle et du lustre aux MJC et aux colos pour le dire vite.
En effet, l'adolescence est le maillon faible de nos politiques de jeunesse.
Il faut imaginer des lieux pour eux alors qu'ils passent globalement au travers des offres institutionnelles.
Ne rien faire, se retrouver dans la rue, ne peut pas être leur seul horizon, même si ça participe sans doute aussi de la vie adolescente.
Il faut aussi des moments où les ados se retrouvent en situation de « faire » pour les aider à se construire, à se trouver.
De la même manière, les colos sont une expérience formatrice exceptionnelle pour les enfants et les ados.
Et pourtant, elles n'ont pas le vent en poupe.
Nous avons lancé une campagne afin de les valoriser et de rassurer les parents quant à la sécurité de leurs enfants.
Beaucoup est fait dans ce domaine, j'en ai parfaitement conscience, mais il ne faut pas relâcher l'effort.
Vous savez qu'aujourd'hui, c'est la tolérance zéro quand on parle de sécurité des enfants.
Pour le sport, il s'agit de mettre en uvre le plan « citoyens du sport ». Le sport est un formidable véhicule pour apprendre le respect des règles, le respect des autres. Mais je laisserai Thierry Braillard développer ce point.
Mesdames, Messieurs,
Le Président de la République a deux obsessions : réussir sur l'emploi rassembler les Français.
Le second objectif, celui de cohésion nationale, n'est pas un objectif de second rang. Il est central.
Réussir sur l'économie ne suffira pas à endiguer le climat de défiance qui s'est installé en France.
Le mal est profond, il est ancien.
Il a trouvé un débouché électoral.
Nous pouvons et nous devons le combattre, mais il faut être lucide sur sa nature : il ne s'agit pas que de l'inversion de la courbe du chômage même si celle-ci est indispensable.
C'est aussi remettre de la justice et de l'égalité partout, en termes de service public, en termes de lutte contre les discriminations, en termes de liberté d'expression et de conscience.
Il y a un véritable prosélytisme républicain à engager, mais qui ne sera efficace que s'il est arrimé à du concret.
On doit faire vivre concrètement la République à nos concitoyens.
C'est l'objet du service civique, et des mesures d'égalité contenues dans le CIEC.
Je compte sur votre mobilisation pleine et entière.
Source http://www.patrickkanner.fr, le 27 juillet 2016