Déclaration de M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, sur le développement du service civique et le rôle des préfets pour la sécurité des personnes et des biens, Paris le 14 décembre 2015.

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Mesdames, Messieurs les Préfets,
Nous nous voyons dans une situation exceptionnelle, mais une situation exceptionnelle que l'on doit malheureusement considérer comme notre nouveau cadre d'action, car il est possible que l'exceptionnel dure…
Notre nation a été durement, violemment, éprouvée à deux reprises cette année.
Vous avez été extrêmement sollicités pour apporter la réponse immédiate que nos concitoyens attendaient en termes de sécurité. Vous avez apporté en quelque sorte le traitement de choc.
Je suis venu vous demander de vous préoccuper également du traitement de fond.
Car il n'y aura pas de victoire durable sans un traitement de fond, c'est-à-dire sans un traitement qui vise à saper les ressorts de la radicalisation dans notre pays, et plus généralement de la défiance à la République.
Pour cela, nous devons nous adresser en priorité à la jeunesse. Non que cette jeunesse soit coupable, ni même suspecte, mais tout simplement parce que c'est à cet âge, à l'adolescence, qu'il est temps de donner le cadre et les repères qui leur permettront de venir des individus complets et confiants.
Aux Invalides, le Président de la République a eu ces mots : Les actes terroristes que nous avons subis sont pour la jeunesse « une initiation terrible à la dureté du monde, mais aussi comme une invitation à l'affronter en inventant un nouvel engagement. »
Nous devons permettre cet engagement, entendu au sens le plus large.
L'outil que nous avons souhaité privilégier dans ce domaine, c'est le service civique.
Un palier a été franchi en 2015 en matière de montée en puissance du service civique, et je tenais sincèrement à vous en remercier.
Nous aurons, d'ici la fin de l'année, accueilli 58 000 jeunes en service civique, soit une augmentation de deux tiers par rapport à l'année 2014.
Il s'agit là d'un réel saut quantitatif, qui repose pour beaucoup sur votre mobilisation : vous avez en effet atteint 110% de vos objectifs. 15 préfectures de région ont demandé des enveloppes complémentaires.
Cependant, si nous voulons faire en sorte que l'année 2016 nous permette d'accueillir 110 000 volontaires, nous avons besoin de redoubler d'efforts et de diversifier le vivier des organismes d'accueil.
Au premier trimestre, un séminaire de présentation du service civique aura lieu dans chaque région, à destination des collectivités et j'écrirai à la fin de l'année, avec François Baroin, Président de l'AMF et Charles-Eric Lemaignen, Président de l'AdCF, à l'ensemble des maires et présidents d'intercommunalités de plus de 10 000 habitants pour les inciter à se mobiliser dans l'accueil de volontaires.
Deux nouvelles procédures vont venir faciliter votre quotidien dans le cadre de cette montée en charge: les préfets de département se verront désormais attribuer par les préfets de région une partie de l'enveloppe d'agréments régionaux afin qu'ils puissent agréer directement les organismes locaux et départementaux. Nous allons ainsi gagner en réactivité.
Ensuite, nous passons, en ce qui concerne les agréments délivrés aux organismes d'accueil de volontaires, sur une modalité de « silence vaut accord » (SVA) sous 3 mois : désormais, lorsqu'un organisme, éligible bien sûr à l'accueil de jeunes en service civique, aura déposé son dossier et que ce dernier sera considéré comme complet, les services instructeurs disposeront d'un délai maximum de 3 mois après lequel sa demande sera considérée comme acceptée.
Afin de faciliter la mise en place du SVA, une télé-procédure verra le jour au premier semestre 2016.
Nous ne devons pas laisser notre jeunesse désemparée ou désœuvrée. Car elle devient alors une proie pour des forces malveillantes.
L'enjeu n°1, c'est d'occuper le terrain, c'est-à-dire de densifier l'offre proposée aux adolescents et plus fondamentalement encore : renforcer la présence adulte dans tous les domaines.
C'est dans cette logique que nous avons rétabli les crédits à la vie associative et que nous voulons formaliser avec ce secteur une sorte de « new deal ».
Cette nouvelle donne doit servir concrètement et là où c'est le plus nécessaire les valeurs républicaines.
Soyez d'une grande vigilance sur la qualité des projets et leur conformité avec nos principes communs.
De ce point de vue, je vous demande d'avoir une attention particulière à l'égard des clubs sportifs. Il serait judicieux que chaque cellule de repérage et de prévention intègre un référant « radicalisation dans le sport » issu des DDCSPP.
Les relais de la République doivent se déployer partout et tout le temps.
J'entends par là la nécessité pour le secteur associatif, pour les centres sociaux, de pouvoir apporter des réponses aussi soirs et week-ends.
Il faut resserrer les mailles, qu'il y ait plus d'adultes sur le terrain vers qui les jeunes peuvent se tourner.
Plus d'adultes et des adultes mieux formés.
C'est une demande collective, nous apportons un début de réponse avec le plan de formation aux valeurs républicaines que nous lançons.
Il concernera tous les éducateurs entendus au sens large, c'est-à-dire tous les adultes qui ont une mission éducative auprès de nos enfants.
Vous avez un rôle central de coordination de ces adultes. Je compte sur vous pour que vous le jouiez à plein. Vous avez un outil qui peut vous aider dans ce travail, en tout cas dans les quartiers prioritaires : c'est le contrat de ville.
Au final, il faut plus d'éducateurs, plus de médiateurs, plus de délégués du Préfet, plus de bénévoles associatifs, et surtout que toutes ces personnes travaillent davantage de concert.
Voilà, j'insiste sur ce point, je ne reviendrai pas sur l'ensemble du CIEC 1, du CIEC 2, ou sur les perspectives du CIEC 3 – je pourrai en dire un mot dans l'échange que nous aurons ensuite – mais je vous demande de mettre l'essentiel de votre énergie sur cette question de la présence adulte et de sa coordination.
A propos d'énergie, je tenais à vous remercier, et à travers vous vos équipes, pour le travail fourni lors de la clôture budgétaire 2015 qui coïncide avec la fin de l'Acsé.
Vous avez réussi à engager au bénéfice de l'ensemble des partenaires de la politique de la ville, en particulier les associations, la quasi intégralité des crédits qui ont été mis à votre disposition.
En 2016, l'enveloppe qui sera mise à disposition de nos partenaires est en progression de 4 % par rapport à la loi de finances initiales de 2015 qui elle-même était en augmentation par rapport à 2014.
La consolidation des crédits du CIEC n'a donc pas été totalement incluse dans le projet de loi de finances pour 2016 ; il est prévu que des dégels interviennent en cours d'exercice comme en 2015.
Je profite de ce moment où nous évoquons les questions budgétaires pour vous dire que pour le Ministre de la ville que je suis, le pilotage national de cette politique doit être conservé dans une relation directe avec les préfets de département qui sont au plus près du terrain, qui connaissent l'environnement et qui sont à même d'apprécier les modalités précises d'engagement des crédits et des actions à conduire.
Je sais qu'un certain nombre de Préfets de région souhaiteraient que cette politique soit banalisée comme les autres politiques publiques et que le pilotage en soit confié aux Préfets de région.
Ma conviction est que la politique de la ville est quasiment aussi sensible que la politique de sécurité.
Si vous me permettez l'expression, lorsqu'il y a « le feu dans un quartier », le Ministre de l'intérieur se déplace dans la journée et dès le lendemain, on interpelle le ministre de la Ville.
Je fais donc confiance aux préfets de dpartement, aux PDEC, aux sous-préfets ville et aux délégués du préfet qui animent au quotidien cette politique particulière. La création des grandes régions me conforte d'ailleurs dans cette option. Le rôle des préfets de région est de mobiliser le droit commun et d'orienter les autres grandes politiques vers les habitants des quartiers prioritaires.
Ils sont, pour cette politique particulière qu'est la politique de la ville, en appui des préfets de département, et non l'inverse.
Mesdames, Messieurs les Préfets,
Je ne veux pas préjuger de vos opinions politiques. Mais j'ai peine à croire que ceux qui se dévouent corps et âmes à la République, puissent se satisfaire de la progression de discours haineux, sécessionnistes, d'où qu'ils viennent.
Beaucoup se joue autour de l'avenir de la jeunesse, et de notre capacité à faire l'unité nationale.
J'ai absolument besoin de vous pour relever ce double – et immense – défi.
Source http://www.patrickkanner.fr, le 4 juillet 2016