Interview de Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable, à France Info le 31 août 2016, sur la démission du ministre de l'économie, M. Emmanuel Macron, la préparation de l'élection présidentielle à gauche, l'ouverture de centres d'accueil et d'orientation pour les migrants et la place de l'Islam en France.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France Info

Texte intégral

FABIENNE SINTES
Bienvenue dans « L'émission politique » de France Info, comme tous les matins, une demi-heure ensemble. Bonjour Jean-Michel APHATIE.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour Fabienne.
FABIENNE SINTES
Autour de vous, Gilles BORNSTEIN et Guy BIRENBAUM. Et notre invitée ce matin est ministre du Logement.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour Emmanuelle COSSE.
EMMANUELLE COSSE
Bonjour.
JEAN-MICHEL APHATIE
Emmanuel MACRON a quitté le gouvernement hier, vous avez réagi comment en apprenant cette nouvelle, qui n'en était peut-être pas une pour vous ?
EMMANUELLE COSSE
Si, c'était une nouvelle, tout d'abord, et, moi j'ai été assez déçue, je ne vous cache pas que j'ai plutôt des très bonnes relations avec Emmanuel MACRON, c'est un homme de discussions, et parfois de désaccords, mais qui est agréable.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous l'aimez bien, personnellement ?
EMMANUELLE COSSE
Oui, personnellement, je l'aime bien, même si, voilà, j'ai toujours eu des discussions avec lui, y compris avant d'être ministre, et notamment, nous avons eu l'occasion souvent de discuter ensemble de la question du nucléaire, des énergies renouvelables, et donc d'avoir des débats importants ensemble, mais je ne vous cache pas…
JEAN-MICHEL APHATIE
Déçue pour quoi ? Qu'il vous quitte ou qu'il vous abandonne ?
EMMANUELLE COSSE
Non, pff, c'est ni l'un ni l'autre, c'est que, je pense que quand on est sollicité pour mettre son énergie et ses idées et sa capacité d'agir au service des Français, il faut le faire, et je l'ai écouté, j'ai écouté son discours hier, je ne comprends pas pourquoi il part, je ne le comprends pas…
GILLES BORNSTEIN
Eh bien, c'est clair…
JEAN-MICHEL APHATIE
On peut vous expliquer…
GILLES BORNSTEIN
Oui, c'est facile.
EMMANUELLE COSSE
Vous pouvez penser, mais non, moi, je ne le comprends pas. Et je pense que, aujourd'hui, et ça rejoint aussi un peu ce que je vois avec beaucoup d'autres candidats potentiels ou pas d'ailleurs, déclarés à la présidentielle, c'est que, il y a une bataille des ego qui est très forte, et quand on est ministre de l'Economie ce n'est pas rien ce poste, ce n'est pas n'importe quoi d'être membre d'un gouvernement dans notre pays, qui doit faire face à des difficultés, mais aussi à des réussites…
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est un abandon de poste ?
EMMANUELLE COSSE
Je ne sais pas. En tout cas…
JEAN-MICHEL APHATIE
Si, c'est ce que vous suggérez, vous suggérez que quand on a la chance d'être ministre…
EMMANUELLE COSSE
En tout cas, ce que je veux dire, c'est qu'on ne part pas pour dire : il y a trop de blocages, je veux être libre. Ça, c'est le discours, pour moi, de la facilité. Et je vous le dis, j'ai du mal à dire parce que je n'ai vraiment pas envie d'attaquer Emmanuel MACRON, au contraire, c'est quelqu'un que je trouvais important dans ce gouvernement, et moi, aujourd'hui, y compris dans mes fonctions, j'ai envie de répondre aux exigences que me posent les Français…
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc vous êtes un peu déçue de son départ, c'est une forme de déception…
EMMANUELLE COSSE
Je vous l'ai dit, je vous dis, je suis déçue, et je pense que quand on a ces capacités et ces qualités-là, on les met au service de l'intérêt général tout simplement…
FABIENNE SINTES
La phrase d'Emmanuel MACRON, c'est : j'ai livré les combats qu'on m'a autorisé à mener, est-ce que ça veut dire que quand on est ministre, il faut effectivement apprendre à s'asseoir sur ses mains parfois, et ne livrer que les combats autorisés ?
EMMANUELLE COSSE
Non, je ne le crois pas, je pense que quand on est ministre, il faut évidemment, d'une part, travailler en totale loyauté avec le chef du gouvernement et le chef de l'Etat, et ensuite, il faut aller convaincre, moi, il y a quelque chose que j'ai retenu de son intervention à Emmanuel MACRON, c'est qu'il met en cause le travail politique, il parle du travail de compromis, mais le compromis, ce n'est pas quelque chose de nocif…
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais les compromis de dernière minute, dit-il…
EMMANUELLE COSSE
Mais le travail politique, c'est d'aller convaincre ses alliés comme ses adversaires et les Français, quand vous menez des politiques, ce n'est pas juste tout seul contre les autres, c'est pour convaincre une population, convaincre du bien-fondé de vos opinions, et y compris, quand vous allez chercher des suffrages, j'ai été tête de liste aux régionales, je sais ce que c'est que la dureté d'aller chercher des suffrages, eh bien, je peux vous dire un truc, c'est que vous faites ce travail-là, vous essayez de comprendre ce qui se passe et d'apporter des réponses, et c'est pour ça, c'est pour ça que je crois franchement que faire aujourd'hui un procès sur : je n'arrivais pas à agir, quand on a construit la politique économique depuis quatre ans de ce gouvernement, quand on l'a portée, et je peux vous dire, pour avoir vu Emmanuel MACRON dans des débats au Parlement, je n'ai jamais senti qu'il était bloqué en quoi que ce soit, il a plutôt été extrêmement présent, y compris dans des domaines qui n'étaient pas les siens, donc je pense qu'aujourd'hui, il vaut mieux dans ce cas-là qu'il nous dise pour de vrai…
FABIENNE SINTES
Ecoutez-le…
EMMANUELLE COSSE
Quels sont ses désaccords politiques sur le fond et quel est son projet.
FABIENNE SINTES
On va l'écouter, écouter…
JEAN-MICHEL APHATIE
Voilà, à Bercy…
FABIENNE SINTES
C'était à Bercy, effectivement, au moment où il annonce sa démission.
JEAN-MICHEL APHATIE
L'un de ses arguments.
EMMANUEL MACRON, MINISTRE DE L'ECONOMIE
J'ai cependant touché du doigt les limites de notre système politique. Il pousse à des compromis de dernière minute, car le travail d'explication est rarement mené. Il produit des solutions imparfaites, et fait trop souvent abstraction de la simple réalité.
JEAN-MICHEL APHATIE
Les limites du système politique, vous les ressentez, vous aussi, sans doute, c'est un vieux système…
EMMANUELLE COSSE
Mais les limites ne sont pas liées…
JEAN-MICHEL APHATIE
Qui craque de tous les côtés…
EMMANUELLE COSSE
Les limites ne sont pas liées à l'exercice gouvernemental. Les limites sont liées, me semble-t-il, au système institutionnel, et notamment au système électoral…
GILLES BORNSTEIN
Pas du tout à la façon de fonctionner de François HOLALNDE par exemple ?
EMMANUELLE COSSE
Je crois que ce n'est pas lié à la manière de fonctionner d'HOLLANDE, en même temps, je n'étais ministre que d'un seul gouvernement, donc j'ai aussi peu d'éléments de comparaison. Mais ce que vise aujourd'hui dans ce discours, hier, ce que visait Emmanuel MACRON, il parle essentiellement du travail parlementaire et de la négociation, eh bien, je vais vous dire, quand vous êtes ministre, quel est votre rôle ? C'est de répondre à des questions extrêmement complexes, mais aussi d'aller négocier des choses. Et de ce point de vue-là, Emmanuel MACRON, comme d'autres, a dû faire ce travail parlementaire.
GUY BIRENBAUM
Emmanuelle COSSE, vous avez dit : ce n'est pas vrai qu'il a eu des blocages, j'ai vu qu'il avait été soutenu, donc il ment ?
EMMANUELLE COSSE
Mais vous savez, moi, je ne suis pas dans un registre moral, donc ce n'est pas ça le sujet…
JEAN-MICHEL APHATIE
Non, on essaie de comprendre….
GUY BIRENBAUM
Et je ne parle pas de morale…
EMMANUELLE COSSE
Non, ce que je vous dis, c'est que, quand vous êtes au coeur de la machine, et quand vous êtes un des principaux acteurs, vous ne pouvez pas dire qu'il y a des blocages, c'est simplement ça.
GUY BIRENBAUM
Donc il ment.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est l'ambition qui le guide ?
EMMANUELLE COSSE
C'est simplement ça. Ce que je vous dis, c'est que dans ce cas-là, qu'il dise : j'ai des désaccords politiques, j'aurais voulu faire telle chose dans telle loi, j'ai été contraint, mais il parle de quels blocages ? De ceux du gouvernement ou celui de la France, parce que, pourquoi je vous dis ça ? C'est qu'on ne peut pas non plus, par exemple, des choses ne fonctionnent pas, traiter les Français d'idiots, qui ne comprennent pas ce qui se passe, ou tout ça, faire de la politique, c'est agir pour l'intérêt général, ça veut dire que c'est à vous d'aller faire le travail de conviction. Moi, si je n'ai pas d'assentiment sur des mesures que je porte, au lieu de me dire que les gens sont cons, pour vous dire les choses très franchement, je vais essayer d'aller les convaincre, et donc de faire ce travail de pédagogie, c'est long, c'est long, c'est dur, et parfois, c'est dur d'avoir des résultats, mais il se trouve qu'en ce moment, il y a des résultats dans le secteur économique, donc ce n'est quand même pas anodin, on a des réponses, on doit faire mieux, on a des réponses sur le chômage, je pense que ce n'est pas le moment de raconter… enfin, de trouver, me semble-t-il, des prétextes pour partir.
JEAN-MICHEL APHATIE
Sur TF1 hier, Emmanuel MACRON a dit : je suis de gauche, quand vous entendez ça, vous l'avez sans doute écouté, vous vous dites : c'est vrai, il est de gauche et de ma famille politique ou vous vous dites : je ne le ressens pas comme ça ?
EMMANUELLE COSSE
Alors, déjà, s'il se définit de gauche, c'est, que je pense qu'il se ressent comme ça, et être de gauche, c'est répondre à un certain nombre de choses.
GILLES BORNSTEIN
Vous en doutez qu'il le soit ?
EMMANUELLE COSSE
Oh, non, je n'en doute pas, mais ce que je veux dire, c'est que moi, je me dis écologiste et de gauche, donc on a chacun nos manières de se définir dans des familles politiques, on a différentes conceptions d'aller à gauche…
JEAN-MICHEL APHATIE
Il appartient à votre famille politique, Emmanuel MACRON ?
EMMANUELLE COSSE
Eh bien, la famille de la gauche est très large, et de toute façon, je vais vous dire les choses très simplement, c'est que, il me semble que, aujourd'hui, cette famille qui vit des divisions importantes, elle a un travail, c'est justement…
JEAN-MICHEL APHATIE
Est-ce qu'il appartient à votre famille politique, c'est oui ou c'est non ?
EMMANUELLE COSSE
Il appartient à la famille politique de la gauche, et elle est très large cette famille politique.
FABIENNE SINTES
Emmanuelle COSSE, on reprend le fil de cette conversation juste après l'info, à 8h40 avec Bintily DIALLO.
/// Les infos ///
Et la suite de l'émission politique sur France Info avec Emmanuelle COSSE. Question, Jean-Michel APATHIE.
JEAN-MICHEL APHATIE
Le président de la République perd ses ministres les uns après les autres Cécile DUFLOT, Benoît HAMON, Arnaud MONTEBOURG, maintenant, Emmanuel MACRON, cela vous…
EMMANUELLE COSSE
Il en a gagné d'autres.
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, peut-être, mais…
GUY BIRENBAUM
Vous compris ?
EMMANUELLE COSSE
Eh bien, moi, compris, mais…
JEAN-MICHEL APHATIE
Bien sûr, mais quand même…
EMMANUELLE COSSE
Dans un quinquennat, que des gens s'en aillent et que d'autres arrivent est, me semble-t-il, la règle.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ça n'est pas tout à fait ça, c'est une première de voir un président en exercice voir des ministres s'opposer à lui, comme ça, candidat à l'élection présidentielle avec des discours très violents sur son action, je pense que c'est du jamais vu, et ma question, c'était de savoir, puisque vous êtes encore dans le gouvernement, Emmanuelle COSSE, si ça vous inquiétait.
EMMANUELLE COSSE
Non, ça ne m'inquiète pas, mais je m'interroge par contre sur ce que veut dire ma génération, parce que c'est beaucoup de gens de ma génération qui ont été ministres à un moment et qui font quelques années plus tard le procès d'une certaine inaction, mais qui est en fait le procès de la leur également…
GILLES BORNSTEIN
Ça vaut pour Cécile DUFLOT ?
EMMANUELLE COSSE
Mais non, mais je vais vous dire les choses franchement, des gens qui disent : ce quinquennat est raté, alors qu'ils en ont été des acteurs pendant plusieurs années, pas pendant quelques semaines, pendant plusieurs années, ça veut dire que, également, ils mettent en cause leur propre action, et je crois que là-dessus, il faut à un moment un peu un discours de responsabilité ; des désaccords, moi j'en ai eu avec François HOLLANDE, même avec Manuel VALLS, et d'ailleurs, on en a discuté ensemble avant que je rentre dans ce gouvernement. Et ils ne m'ont pas demandé de revenir par exemple sur mon désaccord connu et acté sur la déchéance de nationalité ou sur le fait que je trouvais qu'on n'allait pas assez vite sur les questions écologistes. Mais une fois que vous avez acté ça, soit, vous participez à une aventure gouvernementale et vous la prenez pour sa globalité, et vous agissez pour les Français, soit, vous arrêtez. Et quand j'entends des discours très simpliste sur : rien n'a été fait, il n'y a aucun résultat, il n'y a aucun bilan, c'est la facilité, parce que, évidemment, d'une part, ce n'est pas vrai, et en plus, moi, je ne crois pas que les ministres, les anciens ministres aujourd'hui candidats, dont on parle, n'ont rien fait quand ils étaient ministres, et d'ailleurs, ils ont apporté leur marque, comme d'autres. Et je pense que c'est d'ailleurs une leurs difficultés dans leur candidature.
FABIENNE SINTES
D'ailleurs, tous candidats, tous les partants sont candidats à part Christiane TAUBIRA, ce qui est quand même une première ça aussi…
EMMANUELLE COSSE
Et par ailleurs, tous candidats, et c'est très dur d'aller chercher le suffrage universel, sincèrement, ce n'est pas rien. L'élection présidentielle, ce n'est pas n'importe quelle élection, je pense qu'on fait ça avec une grande responsabilité. Et on peut aussi s'interroger sur l'ensemble de ces candidats. Mais c'est aussi à droite, quand vous voyez l'ensemble des prétendants à la primaire de droite, on peut aussi s'interroger sur ce moment politique où il n'y a jamais autant de personnes qui pensent qu'elles sont capables d'être en exercice.
GUY BIRENBAUM
Mais justement, si on reste à gauche, François HOLLANDE, il peut être candidat ?
EMMANUELLE COSSE
Oui, il peut évidemment l'être…
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous le souhaitez ?
GILLES BORNSTEIN
Vous le souhaitez ?
EMMANUELLE COSSE
Je le souhaite...
GILLES BORNSTEIN
Eh bien, vous défendez le quinquennat, donc…
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous le souhaitez ?
JEAN-MICHEL APHATIE
Est-ce que vous souhaitez que François HOLLANDE soit candidat en second mandat ?
EMMANUELLE COSSE
Oui, d'une part, je le souhaite, mais parce que, je ne vous le cache pas, j'aurais aimé qu'il y ait un candidat écologiste qui soit capable d'aller chercher un très grand soutien populaire et qui porte nos idées, je pense notamment à Nicolas HULOT, et Nicolas HULOT a dit il y a plusieurs mois…
JEAN-MICHEL APHATIE
Semaines qu'il renonçait…
EMMANUELLE COSSE
Semaines qu'il n'irait pas. Et par ailleurs, et j'ai la même position depuis des années, moi, je souhaite que cette gauche large, diverse, la gauche et les écologistes, soient rassemblés en 2017, et aujourd'hui, moi, je ne souhaite pas d'un retour à la droite, ce que je vois du débat des primaires actuellement m'inquiète considérablement pour le pays. Et donc, oui, moi, je vais mettre toute mon énergie pour travailler, d'une part, à ce que je fais dans mon ministère, mais aussi à ce rassemblement, et je souhaite qu'il y ait des candidats in fine qui soient capables de répondre aux exigences des Français, et il n'y en a pas beaucoup, il n'y en a pas beaucoup…
GUY BIRENBAUM
Mais votre candidat, c'est HOLLANDE, clairement ?
EMMANUELLE COSSE
Mon candidat, ça sera déjà quand la primaire aura lieu, et je l'ai déjà dit, je vais soutenir la candidature de François de RUGY, dans le cadre de la primaire, parce que je pense important de défendre les idées écologistes, mais moi, je travaille pour qu'il y ait in fine une candidature de gauche solide et qui soit capable de répondre aux défis que nous avons ; nous ne sommes pas dans n'importe quelle période de notre histoire, les attentats, la sécurité ; des questions énormes sur les bouleversements liés à la mondialisation, ça exige d'être solide, ça exige d'avoir aussi une expérience et de continuer, et je vais vous dire, je l'ai dit hier à propos d'Emmanuel MACRON, et c'est pour ça que je ne comprends pas non plus son départ, c'est que c'est justement à un moment où il faut être là, il faut être en exercice, il ne faut pas vaciller, et aujourd'hui, il y en a moins un qui ne vacille pas, même deux, c'est le président de la République et le Premier ministre.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais Emmanuel MACRON représente quelque chose dans l'opinion publique aujourd'hui…
EMMANUELLE COSSE
Évidemment !
JEAN-MICHEL APHATIE
Une promesse de renouvellement, il a une popularité qui est forte, et il a envie peut-être, c'est un peu ce qu'il disait hier soir, notamment à TF1, d'être présent au moins dans le débat de l'élection présidentielle, peut-être même d'être candidat…
EMMANUELLE COSSE
Mais, d'être présent dans le débat présidentiel avec ce qu'il représente, comme d'autres personnes, je trouve ça très intéressant, je crois, à un autre niveau, que je représente quelques idées, comme Najat VALLAUD-BELKACEM en représente, comme Cécile DUFLOT et Arnaud MONTEBOURG en représentent. Enfin, je crois qu'il ne faut pas du tout nier à toutes ces personnes des qualités très fortes. Et la présidentielle, ce n'est pas que le débat d'un homme, mais à la fin, quand même, il faut quand même aller porter un projet, et aussi montrer qu'on est capable de relever ce défi, l'élection présidentielle, ce n'est pas un exercice simplement électoral, c'est un pacte entre une personne et un peuple.
FABIENNE SINTES
Donc quand vous écoute, je disais juste, Cécile DUFLOT, que vous citez à l'instant, ce n'est plus votre gauche, en fait, ce n'est plus votre gauche ?
EMMANUELLE COSSE
Je peux vous dire que je me sens très écologiste et de gauche, mais en tout cas, je ne me reconnais pas dans ce qu'elle porte dans sa candidature.
JEAN-MICHEL APHATIE
Qu'est-ce qu'elle porte qui ne vous va pas ?
EMMANUELLE COSSE
Cette manière de simplifier un bilan et un débat, et par ailleurs, et vous le savez, depuis janvier dernier, moi, j'ai soutenu l'idée d'une primaire de la gauche et des écologistes, je l'ai fait en tant que secrétaire nationale d'Europe Ecologie-Les Verts, je le fais en tant que ministre, et aujourd'hui, je ne me reconnais pas du tout dans le fait qu'il y ait par exemple une primaire au sein d'Europe Ecologie, qui ne permet pas de porter ces débats-là à un niveau national.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est la fin du parti Ecolo, un peu, non ?
EMMANUELLE COSSE
Ecoutez, ils ont choisi que je ne fasse plus partie de cette histoire, et donc, ce n'est pas à moi de répondre à cette question. En tout cas, je peux vous dire, moi, ce qui m'intéresse, c'est que ça ne soit pas la fin des idées écolos, aujourd'hui, je suis en action, et je pense qu'avec Barbara POMPILI, nous avons montré au gouvernement qu'on pouvait aussi, en quelques mois, obtenir des arbitrages importants, et je vois notamment ce qui s'est passé sur Fessenheim, mais aussi sur la vie quotidienne des Français en matière écolo, notamment sur les pesticides, et je peux vous dire que nous allons continuer, et qu'il me semble qu'aujourd'hui, il y aura, et demain, il y aura en effet, pour celles et ceux qui se pensent écologistes, à avoir aussi un travail de renouveau sur la formation politique dans laquelle ils pourront exister.
FABIENNE SINTES
Ça veut dire que si François HOLLANDE ne se présentait pas, vous n'avez pas de candidat. En l'état, vous votez blanc ?
EMMANUELLE COSSE
Non mais moi, je ne fais pas de la politique-fiction. Aujourd'hui, j'ai des exigences de travail sur les questions de logement. Je souhaite aussi qu'on se présente devant les Français avec un véritable projet en 2017 et ça se fera au fil du temps, en fonction des gens qui vont se présenter. On s'est engagé sur une primaire, il faut que cette primaire. Il faut que cette primaire soit une réussite. C'est dans quelques mois mais d'ici-là, il y a beaucoup de choses à faire et en plus – et je sais que ça va vous énerver que je le redise comme je le dis depuis plusieurs années – mais arrêtons aussi de ne penser qu'à cette échéance parce que pendant ce temps-là…
JEAN-MICHEL APHATIE
On ne pense pas qu'à cette échéance mais elle se présente là, donc il est légitime qu'on en parle.
EMMANUELLE COSSE
Elle se présente, certes.
JEAN-MICHEL APHATIE
Nous sommes à trente semaines de l'élection présidentielle, donc il est légitime qu'on en parle.
EMMANUELLE COSSE
Oui, en effet. Et vous savez quoi ? Sur trente semaines, vous avez des gens qui attendent de l'Etat des réponses concrètes à des sujets éminents, bien plus importants que l'élection présidentielle, y compris des personnes qui n'iront pas voter à l'élection présidentielle parce qu'ils ont d'autres soucis dans leur vie. Et notre rôle en tant que ministre, c'est aussi d'être là sur leur vie quotidienne, de leur montrer qu'il y a des actes en matière d'emploi, en matière de logement, en matière de formation, en matière d'autonomie, en matière par exemple de travail avec les personnes âgées comme avec les jeunes. C'est ça aussi le travail de la politique. Ce n'est pas juste de penser à l'imminence d'une élection et de s'y préparer. L'essentiel, c'est aussi de répondre à qu'est-ce qu'on fait quand une population demande à l'Etat d'être présent, et aujourd'hui il y a une très forte demande de l'Etat.
GUY BIRENBAUM
C'est formidable, vous êtes plus Hollandiste que les socialistes.
EMMANUELLE COSSE
Non, je ne suis pas spécialement plus Hollandiste que n'importe qui d'autre. Je suis tout d'abord écologiste. Je me suis battue en 2011 pour qu'il y ait la réussite de la gauche. J'ai beaucoup oeuvré à ça. J'ai ensuite beaucoup oeuvré pour que ce quinquennat soit une réussite. Il y a eu des échecs, il y a eu des réussites et moi aujourd'hui je suis en responsabilité et ce que me demandent y compris l'ensemble des acteurs du milieu du logement, c'est que les choses continuent de marcher. Elles marchent, on part de loin en matière de logement. On a eu de grandes difficultés et moi, je veux avancer là-dessus jusqu'au bout.
FABIENNE SINTES
La suite de l'émission politique sur France Info avec Emmanuelle COSSE, on vous attend notamment sur les migrants. On parlera forcément aussi de burkini. […] La suite de l'émission politique sur France Info avec Emmanuelle COSSE. Vous allez entendre votre collgue Stéphane LE FOLL, c'était chez nous lundi et vous allez comprendre très vite de quoi il parle. On l'écoute.
- Document France Info du 29/08/2016 :
Stéphane LE FOLL, ministre de l'Agriculture et porte-parole du gouvernement : « La réquisition de lieux publics pour ce qui est des lieux publics, j'attends d'avoir les précisions. C'était hier au Journal du dimanche, elle a sûrement des éléments que je n'ai pas puisque je ne suis pas tous les sujets quand même avec autant de précisions ».
FABIENNE SINTES
Voilà, vous voulez réquisitionner les lieux publics pour les migrants mais Stéphane LE FOLL est porte-parole du gouvernement et ne le sait pas. Vous ne le lui avez pas dit ?
EMMANUELLE COSSE
Non, mais je pense qu'il n'avait pas toutes les informations de ce que nous faisons et c'est tout à fait normal.
JEAN-MICHEL APHATIE
Voilà. Il n'en avait même aucune.
GUY BIRENBAUM
Zéro.
EMMANUELLE COSSE
Ecoutez, je pense qu'un porte-parole du gouvernement a une mission qui est extrêmement complexe de maîtriser tous les sujets. Je peux vous dire que sur mes sujets logement, il les porte et il me demande souvent des informations.
JEAN-MICHEL APHATIE
De quoi s'agit-il ?
EMMANUELLE COSSE
Les choses sont assez simples. Nous travaillons depuis plusieurs mois avec Bernard CAZENEUVE sur l'accueil de migrants qui sont sur notre territoire. Nous avons ouvert des centres d'accueil et d'orientation. Il y en a un peu plus de cent cinquante en France. Nous avons mis à l'abri plus de quinze mille personnes sur Paris depuis un an, plus de cinq mille personnes déjà parties de Calais pour être dans ces centres d'accueil et d'orientation. Il faut poursuivre cet effort parce qu'il y a encore beaucoup de personnes qui ont besoin de notre aide. J'ai simplement dit, et ça s'emballe même avec des phrases extrêmement simples, que pour mener ces actions l'Etat prend des lieux qui sont vacants et que ça peut être y compris en les réquisitionnant quand nous avons besoin de le faire. C'est une procédure, je viens de vous le dire, très simple et classique y compris pour prendre des gymnases, pour prendre des lieux…
JEAN-MICHEL APHATIE
Dans le Journal du Dimanche, vous avez évoqué plus précisément la situation à Paris. Vous disiez que soixante-dix migrants environ arrivent par jour à Paris et que donc vous envisagiez - mais lesquels, vous ne l'avez pas dit –de réquisitionner des lieux publics à Paris.
EMMANUELLE COSSE
Non, non. Je redis ce que j'ai dit. C'est que pour mettre à l'abri, par ces opérations de mise à l'abri qui sont régulières et y compris aujourd'hui tous les jours on met à l'abri entre vingt et cinquante personnes que nous rencontrons dans le cadre des maraudes qui sont faites sur Paris, nous utilisons des lieux et nous pouvons les réquisitionner en cas de besoin parce que c'est l'urgence. Quand il y a des inondations, je réquisitionne aussi des lieux parce que c'est la procédure normale.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais vous en avez réquisitionné ces derniers jours par exemple ?
EMMANUELLE COSSE
Bien sûr. On a déjà réquisitionné des lieux à Paris qui étaient des bâtiments vides, des bureaux vides, qui étaient parfois des gymnases, qui étaient parfois des hôpitaux publics qui sont désaffectés et qui ne sont plus utilisés. Nous faisons ça y compris après, dans la création de nos centres d'orientation dans toute la France. Nous travaillons avec les élus et les préfets pour justement répondre à ces questions.
GILLES BORNSTEIN
A Calais, la jungle. Vous avez diminué et surpeuplé. On parle de dix mille personnes. La nouveauté, c'est que les gens parfois demandent l'asile. Avant, tous voulaient partir en Angleterre. Beaucoup demandent l'asile, en particulier des Soudanais. Faut-il leur accorder ?
EMMANUELLE COSSE
C'est surtout que ce que nous faisons avec Bernard CAZENEUVE depuis plusieurs mois qui est de dire aux personnes qui sont à Calais qu'il faut qu'elles sortent de cette jungle où elles vivent dans des conditions immondes, indignes. Je le dis quand même : indignes.
GILLES BORNSTEIN
D'accord, mais avant tout se passait en Angleterre. Aujourd'hui, ils veulent rester. La France doit-elle les accueillir ?
EMMANUELLE COSSE
Aujourd'hui elles veulent rester parce que nous avons fait la preuve qu'une fois qu'elles sortaient de la jungle, qu'on leur donnait les informations qu'elles avaient sur leurs droits, et le droit d'asile est un droit qui correspond à des normes internationales, elles le demandent. Et c'est pour ça qu'avec Bernard CAZENEUVE depuis des mois nous avons ouvert ces centres de rétention pour sortir ces personnes de la jungle. Et en effet aujourd'hui, nous avons de plus en plus de personnes qui nous demandent de sortir rapidement. Après, ce n'est pas à moi de répondre, c'est en fonction de leur dossier, vous le savez. Ce que l'on sait, c'est que pour les personnes de l'Erythrée et du Soudan aujourd'hui, elles sont plutôt majoritairement reconnues dans leurs démarches d'asile du fait…
GILLES BORNSTEIN
Donc la réponse est oui.
EMMANUELLE COSSE
Mais ce n'est pas moi, c'est le juge qui y répond. Excusez-moi, je ne vais pas parler à la place de la Commission du droit d'asile. C'est une procédure. Mais nous, notre rôle en tant qu'Etat, c'est que ces personnes d'une part soient informées de la législation, de leur dire comment elles peuvent faire leur demande, et c'est pour ça aussi que nous voulons les sortir de la jungle parce qu'elles sont essentiellement aux mains des passeurs et qu'on ne peut pas laisser durer cette situation plus longtemps.
JEAN-MICHEL APHATIE
La place de l'islam en France est en débat aujourd'hui. Jean-Pierre CHEVENEMENT est pressenti pour prendre la tête d'une fondation. Il était l'invité de France Inter lundi et il a eu des propos qui ont fait polémique ensuite. On écoute Jean-Pierre CHEVENEMENT.
- Document France Info du 29/08/2016 :
Jean-Pierre CHEVENEMENT : « Le processus de l'intégration n'est plus possible, puisque il y a à Saint-Denis par exemple - puisqu'on a pris cet exemple – cent trente-cinq nationalités, mais il y en a une qui a quasiment disparu. Donc je pense qu'il y a des problèmes d'équilibre de la société française auxquels il faut être attentif ».
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc cette disparition d'une nationalité qu'il ne nomme pas mais chacun a compris qu'il s'agissait de la nationalité française, a fait débat.
EMMANUELLE COSSE
Absolument.
JEAN-MICHEL APHATIE
Des élus de Seine-Saint-Denis font circuler une pétition pour demander au Premier ministre de ne pas nommer Jean-Pierre CHEVENEMENT à la tête de cette fondation. Cette pétition, vous pourriez la soutenir politiquement ? Lui apporter un soutien ?
EMMANUELLE COSSE
Non, mais par contre je comprends leur émoi suite à cette déclaration et moi j'aimerais bien emmener Jean-Pierre CHEVENEMENT en Seine-Saint-Denis, département que je connais très bien. J'y travaille beaucoup avec nombre d'élus. Ce département, il a une particularité : c'est qu'en effet il y a plus de cent quarante nationalités mais c'est aussi et c'est surtout une richesse et une diversité énormes. Après, je vais vous dire, aujourd'hui le problème n'est pas une question de nationalité. Ce qui clive dans notre pays, moi je vais vous dire, c'est la ségrégation territoriale. C'est les ghettos de riches comme les ghettos de pauvres. Très sincèrement, c'est ça le sujet. Et penser que c'est lié à des questions de nationalité, c'est faire une erreur. J'ai porté, à la demande de Manuel VALLS avec Patrick KANNER la loi Egalité citoyenneté qui est là-dessus, qui est en cours de discussion, qui pose ces questions-là pour répondre à l'expression de Manuel VALLS d'apartheid social. Il me semble très important de dire les choses telles qu'elles sont. Aujourd'hui, le fléau dans ce pays c'est la pauvreté, c'est le manque de solidarité et c'est aussi le fait qu'on organise notre territoire en triant les populations en fonction de leur richesse.
GILLES BORNSTEIN
Et les musulmans doivent être discrets comme le dit CHEVENEMENT ?
EMMANUELLE COSSE
Non. Les musulmans doivent vivre dans les règles de la République comme je pense les chrétiens et toutes les personnes qui ont une religion. Pour ma part, je suis laïque et je pense aussi que je dois vivre dans les règles de mon pays et dans ses valeurs.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il pourrait y avoir un meilleur président de cette fondation que Jean-Pierre CHEVENEMENT ?
EMMANUELLE COSSE
Sincèrement, je n'ai pas présidé à ces débats. En tout cas, il me semble que se poser la question de l'organisation de l'islam en France est une nécessité.
JEAN-MICHEL APHATIE
Merci Emmanuelle COSSE d'avoir accepté l'invitation de France Info.
EMMANUELLE COSSE
Merci beaucoup.
FABIENNE SINTES
Et merci à tous.Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 septembre 2016