Texte intégral
FREDERIC HAZIZA, RADIO J
Monsieur Alain MADELIN, bonjour et merci d'avoir accepté cette invitation du FORUM RADIO J. Alors cinq jours après les attentats qui ont endeuillé l'Amérique, les Etats-Unis et le président George BUSH préparent leur riposte. Le président BUSH a réuni ce week-end à Camp David un véritable conseil de guerre. Les réservistes ont été rappelés. Une attaque terrestre n'est pas exclue alors que la peur de la surenchère commence à gagner la France et les partis politiques. Alors, Monsieur MADELIN, vous nous direz quelle analyse vous faites de ce qui s'est passé et quels enseignements vous en tirez que ce soit au niveau international et notamment au Proche-Orient ou au niveau national, quel type de riposte faut-il envisager contre le fléau terroriste, quels doivent être l'ampleur, les objectifs et les cibles de cette riposte annoncée et, à un niveau plus hexagonal, comment traduire la solidarité de la France vis-à-vis des Etats-Unis et aussi comment jugez-vous les réactions du couple exécutif ? Jacques CHIRAC et Lionel JOSPIN sont-ils à la hauteur de la situation ? Et puis, quelles seront selon vous les conséquences de cette crise sur la campagne présidentielle ? Et pour vous interroger sont réunis autour de cette table Eric MANDONNET de L'EXPRESS et Gérard LECLERC de FRANCE 2 qui va vous poser la première question de l'émission.
GERARD LECLERC, FRANCE 2
Bonjour, Alain MADELIN. On a effectivement un peu plus de recul cinq jours après les attentats. Alors, on a parlé de nouvelle ère, d'une nouvelle ère d'état de guerre, de lutte du bien contre le mal. Quelle analyse faites-vous de ce qui s'est passé aux Etats-Unis ? Sommes-nous vraiment en guerre ? Contre qui ? Qui sont les responsables ?
ALAIN MADELIN
D'abord, ces images d'horreur qui ont frappé nos curs, qui ont sans doute frappé pour longtemps la mémoire de nos enfants doivent nous inviter à une totale compassion, à une totale solidarité avec le peuple américain dans cette épreuve. Mais si l'on prend un peu de recul, je regarde tout cela avec beaucoup de colère, beaucoup de colère parce que je me dis que d'erreurs, que de gâchis, que de temps perdu et que d'aveuglement.
FREDERIC HAZIZA
De la part de qui et depuis quand ?
ALAIN MADELIN
Nous avions un fascisme, un nouveau fascisme qui était en train de naître après la chute du mur de Berlin. Ce fascisme, c'était un fascisme islamiste qui défigurait d'ailleurs une des plus grandes religions du monde. Ce n'était pas l'Islam, c'était un fascisme islamique de la même façon que le nazisme ou le totalitarisme soviétique étaient une déformation de nos valeurs, ce n'était pas nos valeurs. Nous avions un fascisme qui était en train de naître. Nous ne voulions pas le voir. Nous aurions du réviser au lendemain de la chute du mur de Berlin complètement nos concepts de sécurité. Ce terrorisme, nous en avons fait une affaire de police, une affaire de justice au lieu d'en faire une affaire de politique. Je dis une affaire politique parce que ce terrorisme, il y avait des foyers, parce que ce terrorisme, il avait des Etats qui l'accompagnaient, qui le nourrissaient, qui l'hébergeaient, qui le finançaient. Et nous n'avons rien fait. Pire même, on savait que le foyer, le cur même de ce terrorisme, c'était l'Afghanistan, l'Afghanistan où il y avait une résistance admirable de mon ami le commandant MASSOUD. J'étais à ses côtés dans la vallée du Panshir (phon) comme j'étais autrefois aux côtés de la résistance afghane face aux Soviétiques dans ce même Afghanistan. Et je mesurais l'aveuglement total de nos démocraties incapables de , qui ne voulaient pas lui venir en aide alors que nous savions déjà que les terroristes qui frappaient à Paris même, en Algérie ou ailleurs, on les appelait les Afghans. Donc, je dis oui vraiment, il y a eu beaucoup d'erreurs. Et lorsqu'il y a quelques semaines au fond, le commandant MASSOUD est venu à Paris, j'ai demandé à ce qu'il soit reçu par Jacques CHIRAC. Il a trouvé porte close. On préférait recevoir des dirigeants syriens, un Etat voyou protecteur d'un autre terrorisme. Que d'erreurs et que d'aveuglement.
FREDERIC HAZIZA
C'est-à-dire que vous considérez qu'il y a eu des erreurs de la part de l'Occident. De quelle manière aujourd'hui peut-on rattraper ces erreurs ?
ALAIN MADELIN
Il faut faire ce qu'on aurait dû faire après la chute du mur de Berlin.
ERIC MANDONNET
C'est-à-dire rompre avec les Etats voyous que vous avez dénoncés ?
ALAIN MADELIN
Bien évidemment, bien évidemment, assurer la défaite de ce régime des Talibans qui est un formidable obscurantisme. Vous avez vu la façon dont il traite les populations civiles, les femmes humiliées, pas droit à l'enseignement, pas droit aux soins, pas droit de sortir. Je veux dire, c'est un retour à une barbarie que l'on croyait complètement révolue sur le sol de notre planète. Je suis très confiant parce que ce fascisme islamique, il sera vaincu. On ne peut rien construire avec lui. Il ne peut que détruire. Et donc, nous en viendrons à bout mais plus ou moins vite, avec plus ou moins de douleur selon que nous saurons organiser la riposte. La riposte aujourd'hui, c'est bien évidemment mettre fin à ce régime et à ces bases arrières du terrorisme en Afghanistan. Mais la riposte, au-delà de cette opération j'allais dire de gendarmerie internationale, la riposte au-delà, c'est de tirer les leçons de ce 11 septembre et de construire un nouvel ordre international civilisé sur la base d'une nouvelle Société des Nations démocratiques. Ce qui est visé à New York, à Washington, ce n'est pas l'Amérique pour ce qu'elle a fait, mais l'Amérique pour ce qu'elle est. Et en visant l'Amérique pour ce qu'elle est, on vise nos démocraties. Ce sont nos valeurs, ce sont nos exemples de prospérité, de démocratie qui font insulte à tous ces régimes oppresseurs qui maintiennent des dictatures dans le monde et qui cherchent un alibi à leur dictature et à la misère de leurs peuples. Donc, c'est nous qui étions visés. Et donc, nous avons devoir de réorienter notre politique étrangère, je dis ça depuis longtemps, sur la base de ce que j'ai appelé la préférence démocratique, c'est-à-dire la préférence entre deux Etats, je préfère celui qui est le plus proche de mes valeurs. Ca n'empêche pas d'avoir des relations avec tout le monde mais cela veut dire que je construis un nouvel ordre international sur la base des valeurs universelles, universelles qui sont celles de la défense des droits et de la dignité de la personne.
GERARD LECLERC
Tout de même, est-ce que les Américains n'ont pas une responsabilité énorme, quand on sait que c'est eux au départ qui ont formé BEN LADEN et les terroristes qui sont avec lui, quand on sait que les Américains soutiennent des Etats comme l'Arabie Saoudite qui ne sont quand même pas des démocraties, comme le Pakistan qui ont joué quand même dans cette affaire là un rôle assez trouble ?
ALAIN MADELIN
Oui, bien sûr, bien sûr. Mais j'hésiterai à montrer seulement les Etats-Unis du doigt. Le fait d'avoir soutenu lorsque nous étions en lutte contre le totalitarisme communiste celles et ceux qui se battaient contre ce totalitarisme, ce n'était pas une faute.
GERARD LECLERC
C'était du terrorisme quand même.
ALAIN MADELIN
Non. J'étais en Afghanistan à ce moment là. Le terrorisme, il était du côté des Soviétiques. C'était de la résistance. Le fait de l'avoir fait à ce moment là, ça n'a rigoureusement rien à voir avec le fait d'avoir continué après la chute du mur de Berlin. Après la chute du mur de Berlin, moi, j'ai dit dans notre combat contre le totalitarisme communiste, nous avons été amenés à faire des choses, à soutenir des Etats que nous n'aurions moralement pas dû soutenir, mais ennemi principal oblige. Mais nous avons le devoir de réviser notre politique, notre politique au Proche-Orient, notre politique en Afrique autour de ce concept que j'ai appelé celui de la préférence démocratique. Les Américains, je les ai A chaque fois que j'ai pu rencontrer des responsables américains, je les ai mis en garde contre la politique de soutien unilatérale qu'ils avaient vis-à-vis du Pakistan. Et le Pakistan lui-même, nous le savons, soutenait les Talibans et les Talibans soutenaient les terroristes. De la même façon, la France, pardon, se réjouissait de ses bonnes relations avec le Pakistan, vous pensez, notre deuxième client en matière de vente d'armes, un bon client.
FREDERIC HAZIZA
Monsieur MADELIN, vous dites, tout le monde pense aujourd'hui que les Etats-Unis vont s'en prendre à l'Afghanistan. Est-ce qu'il y a d'autres Etats voyous qu'il faut combattre aujourd'hui ?
ALAIN MADELIN
Nous voyons aujourd'hui avec ce terrorisme de masse utilisant des actes de guerre que les scénarios de science-fiction qui pouvaient être faits hier sur lesquels un jour à la panoplie du terrorisme il pourrait y avoir des armes nucléaires ou des armes bactériologiques sont des scénarios contre lesquels il faut se prémunir.
FREDERIC HAZIZA
Et le Pakistan a l'arme atomique aujourd'hui.
ALAIN MADELIN
Oui. Et donc, il est absolument indispensable de poursuivre le combat contre à la fois les foyers de terrorisme mais éventuellement contre tous les Etats qui, de près ou de loin, auraient contribué à alimenter ce terrorisme. Je reprends un exemple, celui de l'Irak. On ne va pas refaire les événements mais je veux dire, on ne peut pas laisser incontrôlés des laboratoires qui prépareraient des armes bactériologiques en Irak et qui pourraient demain les donner à tel ou tel terrorisme dans le monde, voilà un exemple.
FREDERIC HAZIZA
Ca veut dire qu'une riposte américaine et même internationale doit viser également le régime de Saddam HUSSEIN ?
ALAIN MADELIN
Non, non. Cela veut dire simplement qu'à l'heure actuelle, nous allons sans doute frapper l'Afghanistan. Et plus exactement, j'espère que l'on pourra faire l'essentiel aujourd'hui, c'est-à-dire aider la résistance du commandant MASSOUD qui ne verra pas la libération de son pays hélas, qu'on puisse aider cette résistance et que l'on puisse essayer de faire tomber très largement ce régime taliban de l'intérieur. Vous savez, il y a 40 000 Talibans, il y a 17 millions d'Afghans. Je pense qu'avec un peu de pression on peut faire tomber ce régime de l'intérieur surtout que les Américains ont su intelligemment semble-t-il mettre le Pakistan dans leur jeu. Mais au-delà de cette riposte qui ne touchera pas monsieur BEN LADEN, je n'en sais rien, ce terrorisme de masse, il ne disparaîtra pas avec cette opération en Afghanistan. Il a encore ici et là ses agents dormants. Il a encore des gens qui croient à la guerre sainte. Il a encore Donc, derrière tout cela, il faudra reconstruire un ordre démocratique international. Et je l'ai dit, la base de cet ordre démocratique international, pour moi, c'est l'alliance sans faille des nations démocratiques, anciennes démocraties, nouvelles démocraties, une alliance très ouverte à celles et ceux qui ont envie de partager nos valeurs.
GERARD LECLERC
Quand même sur cette riposte, vous vous êtes prononcé, vous, pour un soutien, une solidarité totale avec les Etats-Unis. Et on entend beaucoup de voix en France qui disent attention, il faut que la riposte soit proportionnée, il ne faut pas se laisser entraîner dans n'importe quelle aventure. Qu'est-ce que vous en concluez ?
ALAIN MADELIN
Bien sûr parce que dès qu'il s'agit de solidarité
GERARD LECLERC
Il ne faut pas d'alignement sur les Etats-Unis.
ALAIN MADELIN
Oui, mais on connaît l'ancienne et ils vont revenir bien sûr, les arguments selon lesquels au fond les Américains l'ont bien cherché, selon lesquels au fond c'est l'exemple de l'hégémonie américaine qui est responsable de tout ça, selon Enfin, vous connaissez toute la panoplie de ces mauvais arguments généralement maniés en première ligne par ceux qui, hier, étaient les amis de CASTRO, de MAO TSÖ-TONG, des Khmers rouges, toutes les formes de communisme dans le monde.
GERARD LECLERC
On entend aussi à droite monsieur BALLADUR, des gens comme ça.
ALAIN MADELIN
Non, mais je dis maniés intellectuellement par ceux-là et puis ensuite repris, bêlés bêtement politiquement par d'autres. Pardonnez-moi, s'il doit y avoir une politique arabe de la France, oui, il doit y avoir une politique arabe de la France, il faut en changer. La politique arabe de la France, c'est une politique d'amitié avec les peuples, avec leur volonté de libération de ces fers dans lesquels éventuellement un islamisme le plus borné, ce fascisme islamiste peut avoir envie de les enfermer. On me disait hier qu'en Kabylie, des jeunes manifestaient contre le régime mais avec des drapeaux américains. Donc, nos valeurs, elles ont vocation à être, ce sont des valeurs universelles de dignité de la personne, ce ne sont pas des valeurs du monde occidental, ce sont les valeurs de l'homme partout, partout dans le monde. C'est la raison pour laquelle je dis que la politique arabe bien sûr, elle doit être une politique de la France d'amitié avec les peuples arabes, de souhaiter qu'ils puissent le plus rapidement possible avoir les mêmes droits que l'ensemble de ceux dont nous disposons aujourd'hui, qu'ils puissent partager la prospérité. Voilà, c'est ça, une politique arabe. Mais la politique arabe qui consistait à faire copain-copain avec un certain nombre de dictatures avec, en arrière-fond, de douteux marchés de vente d'armes, cette politique arabe, selon moi, elle doit être derrière nous.
FREDERIC HAZIZA
Mais quand vous dites il faut revoir cette politique arabe de la France, c'est surtout un appel que vous lancez à Jacques CHIRAC aujourd'hui ?
ALAIN MADELIN
Oh, écoutez, je crois que c'est une tentation française, vous l'avez dit il y a un instant dans votre question, que de dire nous, on est plus malins, les Américains sont un peu bêtes, un peu brutaux et donc, nous, on est plus malins, on va essayer de passer entre les gouttes. Et peut-être que si nous savions passer entre les gouttes, nous saurions éviter le cas échéant si ça tourne mal un attentat, des représailles chez nous. Non, encore une fois, je le dis, ce n'est pas l'Amérique qui a été frappée, c'est l'ensemble de nos valeurs du monde civilisé. Je l'ai dit tout à l'heure, l'Amérique n'a pas été frappée pour ce qu'elle a fait. On a dit toujours, mais regardez, s'il y avait eu une solution, si les négociations avaient avancé, les négociations de paix entre Israël et les Palestiniens avaient avancé, vous pensez que ça aurait arrêté la guerre sainte ? Ceux qui proposent cette guerre sainte, ils ne demandent pas un accord au Proche-Orient, ils demandent le départ d'Israël, ce qui est tout à fait différent. Et puis même si Israël n'était pas au Proche-Orient, ça ne les empêcherait pas de prêcher la guerre sainte par rapport au modèle de société que nous représentons et qui, pour eux, est une insulte permanente. Je tiens à répéter que ce fascisme islamique est l'alibi de dictateurs, de rentiers du pétrole dans cette région du monde qui cherchent un alibi au maintien de leur pouvoir despotique.
FREDERIC HAZIZA
Quand vous disiez à l'instant, on va essayer de passer entre les gouttes, en France, on veut être un peu plus malin, vous ne mettez pas en cause un peu cet esprit munichois qu'on a connu à une autre époque ?
ALAIN MADELIN
J'hésite à utiliser toujours des grands mots et même le mot de guerre, je ne l'ai pas utilisé me semble-t-il depuis le début de mon propos. J'ai dit qu'il y avait des actes de guerre. Je ne pense pas que nous soyons en guerre. Et donc, je me garderai de toutes ces comparaisons. Je sais en revanche que nous avons un ennemi, qu'il est identifié, que cet ennemi, la lutte sera longue et difficile, qu'il faut démanteler ses réseaux, qu'il faut démanteler le réseau d'amitiés étatiques qui est autour de lui et qu'il faut surtout que nous cessions non pas notre lâcheté munichoise mais notre aveuglement. Cet été, j'ai souhaité me rendre au Soudan avec des journalistes parce que je lisais, là, il y a un régime aussi taliban au Soudan. Oh, excusez du peu, guerre civile, ça a fait un million de morts déjà, un million de morts. Mais on s'intéressait à la mondialisation, on s'intéressait aux morts des rues de Gênes. Ce 1 million de morts là, il n'intéressait personne. Loin de la télé, loin du cur. Et je ne voudrais pas surtout que, dans cette riposte que nous allons construire demain, nous donnions le sentiment que c'est la riposte avec les Américains pour les Américains. Non, c'est la riposte pour un certain nombre de valeurs avec les Américains parce qu'ils sont aujourd'hui frappés. Mais ceci porte une exigence derrière de transformer nos politiques étrangères occidentales de façon à ce que nous soyons aussi attentifs demain au malheur du peuple soudanais ou au malheur du peuple algérien.
GERARD LECLERC
Juste un mot tout de même, je reviens sur cette riposte. Est-ce qu'il faut être derrière les Etats-Unis, leur faire confiance, agir donc avec eux ou est-ce qu'il faut prendre un peu plus de recul, il faut par exemple comme l'a proposé hier Robert HUE réunir le Conseil de sécurité pour qu'il y ait véritablement une décision qui soit prise par tous les Etats ?
ALAIN MADELIN
La question du Conseil de sécurité est une question accessoire. La question de la solidarité est une question essentielle. Si demain la solidarité devait faillir, ce serait une petite victoire de plus pour les terroristes.
FREDERIC HAZIZA
Et vous pensez qu'il y a un risque aujourd'hui que cette solidarité faillisse demain dès le début de cette riposte annoncée des Etats-Unis ?
ALAIN MADELIN
Je ne pense pas sur le plan politique mais je vois déjà ici et là des maillons faibles.
FREDERIC HAZIZA
Par exemple, donnez-nous
ALAIN MADELIN
Non, dans la presse tout bêtement, tout simplement dans la presse. Je lisais hier un article d'un grand quotidien. Un journaliste, un de vos confrères émérite expliquait " mais est-ce que ce ne sont pas nos valeurs qui sont une provocation pour d'autres peuples ? ". Comment peut-on écrire de telles choses ? Enfin.
FREDERIC HAZIZA
En fait, c'est la grille de lecture qui n'est pas la bonne.
ALAIN MADELIN
C'est-à-dire ?
FREDERIC HAZIZA
La grille de lecture peut-être, vous parlez de la presse, de la presse, d'un certain nombre de politiques qui
ALAIN MADELIN
Oui, parce que nous aimons bien l'anti-américanisme qui est, je l'ai rappelé, pour beaucoup une sorte de rappel de leur jeunesse anti-impérialiste dans un autre contexte. Nous aimons beaucoup cet anti-américanisme. Encore une fois, je voudrais expliquer qu'il ne s'agit pas d'être pour ou contre les Américains dans cette affaire. Il s'agit d'être responsable par rapport à un ennemi qui est l'ennemi des valeurs auxquelles nous croyons et qu'il ne s'agit pas de faire seulement une riposte pour punir le logo le plus représentatif de cet ennemi, je veux dire BEN LADEN, il s'agit derrière d'organiser la solidarité des nations démocratiques, anciennes et nouvelles démocraties pour essayer de construire un ordre mondial civilisé et que cette exigence de riposte aujourd'hui nous amènera demain - et c'est l'espoir, du mal peut sortir un bien - à être un peu plus attentif à ces autres massacres qui sont perpétrés bien loin des caméras, au Soudan, en Algérie ou ailleurs.
ERIC MANDONNET
Est-ce que vous pouvez être plus précis sur un point concernant l'attitude française actuellement face aux Etats-Unis : est-ce que vous considérez que le gouvernement, que certains membres du gouvernement tergiversent ?
ALAIN MADELIN
Non.
FREDERIC HAZIZA
Ni au gouvernement, ni à l'Elysée ?
ALAIN MADELIN
Non, non, non. Je regardais le passé et je regardais, que d'erreurs. Il est évident J'avais protesté il y a quelque temps lorsque le Quai d'Orsay avait reçu au mépris d'ailleurs des résolutions de l'ONU, avait reçu des dirigeants talibans. C'était une erreur, c'était une faute. J'avais protesté contre le faste donné à la visite des dirigeants syriens en France. C'était une erreur, c'était une faute. J'avais souhaité que le commandant MASSOUD qui représentait cette résistance au terrorisme soit reçu, lui, par Jacques CHIRAC. Il ne l'a pas été. C'était une erreur, c'était une faute. Aujourd'hui, tout le monde comprend que l'on déroulerait un peu moins le tapis rouge devant les dirigeants syriens que même Yasser ARAFAT hésite à rencontrer et que l'on recevrait en plus grandes pompes le commandant MASSOUD.
GERARD LECLERC
Vous avez parlé tout à l'heure de fascisme islamique. Où s'arrête ce fascisme islamique ? Quand Ariel SHARON dit " les Américains ont BEN LADEN, nous, on a Yasser ARAFAT ", qu'est-ce que vous en pensez ?
ALAIN MADELIN
Je ne sais pas quel est ce propos. Je l'ai vu rapporté. Je ne l'ai pas vu écrit. Les Israéliens subissent déjà depuis quelque temps aussi des effets de ce fascisme islamique, ces attentats suicides.
GERARD LECLERC
Ils sont dans une situation de guerre quand même. Ce n'est pas tout à fait la
ALAIN MADELIN
Non, je ne fais pas de nuance. L'ambassadeur de France et vous-même semblez faire une nuance. Moi, je n'en fais pas.
FREDERIC HAZIZA
Justement, sur ces déclarations de l'ambassadeur de France en Israël
ALAIN MADELIN
Voilà, je viens de vous dire, je n'en fais pas.
FREDERIC HAZIZA
Est-ce que vous pensez qu'il doit être rappelé à Paris par exemple ?
ALAIN MADELIN
Ecoutez, pardon Je ne suis pas en charge de la diplomatie française mais je dis simplement que c'est une erreur et encore une faute que d'essayer de distinguer entre un bon terrorisme qui aurait une raison quelconque et un Non, vous savez, lorsque l'on fait ainsi don de sa vie à Allah dans la promesse d'un paradis futur parce que l'on a été endoctriné et que l'on va tuer des femmes et des enfants, qu'on le fasse à New York, qu'on le fasse au Soudan, qu'on le fasse au Kashmir ou qu'on le fasse en Israël, pour moi, c'est exactement la même chose.
GERARD LECLERC
Mais il y a une situation de guerre quand même au Proche-Orient.
ALAIN MADELIN
Je dis, c'est exactement la même chose. C'est une situation de guerre. Si vous avez une situation de guerre, vous avez des réponses de guerre, vous avez des réponses de paix mais vous n'avez pas ces actes qui consistent à se faire tuer, ces actes au nom d'Allah. C'est une guerre sainte. Et je rappelle que, pour moi, ce fascisme islamique est une formidable déformation de l'Islam qui est et reste à mes yeux une très grande religion du monde, une religion issue du Livre, une religion de tolérance. Et on ne tue pas ainsi des civils au nom d'Allah. Seuls quelques fous, quelques illuminés peuvent faire croire cela. Et ce que je reproche à beaucoup, c'est de laisser se développer ce fanatisme religieux. Si j'avais un reproche à faire à l'Autorité palestinienne, je l'ai fait d'ailleurs en me rendant avant et après et pendant, je me suis rendu en Israël cet été parce que je pensais que c'était une région où beaucoup de choses allaient se jouer, c'est de ne pas éteindre, de ne pas faire tout ce qui est en son pouvoir pour éteindre cette excitation à la haine permanente. Vous savez, il y a une image qui a frappé beaucoup de gens il y a quelques jours, c'était cette femme qui disait " Dieu ne m'aime pas. Aucun de mes enfants n'est encore mort dans cette lutte contre Israël ". Là vraiment, il y a un vrai problème. Bon, je n'en veux pas à cette femme mais vous vous rendez compte du déluge de propagande de haine qu'il a fallu pour qu'elle en arrive à dire cela de ses enfants. Donc, il faut arrêter. J'espère que, encore une fois, du mal pourra sortir un bien et qu'en Israël, tout le monde comprendra que, maintenant, il faut mettre je dirais de l'eau pour éteindre les braises.
GERARD LECLERC
Et ça passe par une beaucoup plus forte implication des Etats-Unis et de la communauté internationale pour imposer un règlement au Proche-Orient ?
ALAIN MADELIN
C'est plus compliqué que cela. Mais je crois que les choses ne seront pas en Israël, après le 11 septembre, comme avant.
FREDERIC HAZIZA
C'est-à-dire ? Qu'est-ce que vous voulez dire par là ?
ALAIN MADELIN
Que, à la fois, les Palestiniens l'ont bien compris, on n'imagine pas aujourd'hui l'Autorité palestinienne cautionner indirectement, même indirectement un attentat suicide contre Israël, à Jérusalem ou ailleurs. Ca paraît inimaginable. Donc, j'espère que l'Autorité palestinienne va comprendre qu'il faut mettre, je l'ai dit, de l'eau, beaucoup d'eau, des canadairs d'eau sur les braises de la haine. Et puis, peut-être que si l'on construit ce nouvel ordre international dont je parlais tout à l'heure, les garanties internationales et une pression internationale apparaîtront plus crédibles à Israël qui a eu souvent le sentiment qu'elle ne pouvait que sur elle-même.
FREDERIC HAZIZA
Alain MADELIN, nous allons marquer une pause et nous retrouver dans quelques instants.
(Suite de l'interview sous la référence 013002717-002)
(Début de l'interview sous la référence 013002717-001)
FREDERIC HAZIZA
Et justement, question de reprise d'Eric MANDONNET de L'EXPRESS.
ERIC MANDONNET
Quelle doit être selon vous la nature de la participation française à la riposte américaine ?
ALAIN MADELIN
Je n'en sais rien, celle qui nous sera demandée dans l'esprit d'une solidarité sans faille avec les Américains dans cette riposte et au-delà de cette riposte dans l'organisation nouvelle d'une politique internationale de sécurité et de défense. Nous avons pensé pendant longtemps que le terrorisme était une affaire de police et de justice. Non, c'est une affaire politique, essentiellement politique qui exige de réorganiser complètement notre sécurité intérieure et extérieure, il n'y a plus de différence, qui exige aussi bien évidemment de repenser totalement notre politique étrangère où nous ne saurions plus avoir les complaisances passées à la française vis-à-vis de régimes comme les régimes irakien ou syrien. Et il s'agit de le faire, je le répète aussi, dans l'esprit de faire en sorte que, si l'on veut rendre cette riposte crédible, au-delà de cette riposte, notre politique étrangère dans le monde paraisse guidée par les principes et les vertus que nous allons défendre dans notre riposte.
FREDERIC HAZIZA
Mais là, concernant cette riposte, est-ce que la France doit aller jusqu'à envoyer un corps expéditionnaire si les Etats-Unis interviennent par voie terrestre ?
ALAIN MADELIN
Mais vous ne savez absolument pas comment se fera la riposte, moi non plus même si j'ai quelques petites idées pour un peu connaître l'Afghanistan et avoir bourlingué en Afghanistan dans des circonstances difficiles. Premièrement ce qu'il faut faire, c'est bien sûr s'assurer la solidarité du Pakistan car il ne servirait à rien bien évidemment d'aller démanteler les bases arrières du terrorisme taliban en Afghanistan si, dans le même temps, nous voyons les Talibans prendre le contrôle du Pakistan et de l'arme nucléaire pakistanaise. Donc, il fallait s'assurer une solidarité sans faille du Pakistan. Pas facile. Apparemment, les Américains l'ont fait. Deuxièmement, il faut bien évidemment mettre le paquet sur la résistance aux Talibans, la résistance intérieure qui existe dans la vallée du Panchir. Il faut faire de Douchanbe au Tadjikistan qui est l'aéroport une base arrière de cette résistance en accord entre essentiellement les Russes et les Américains pour donner à cette résistance afghane, les moyens de résister. J'étais dans la vallée du Panchir, c'était en août 99, c'était dans la vallée du Panchir, une situation militaire, bon, elle est ce qu'elle est, mais une situation humaine dramatique à l'arrivée de l'hiver. Je me tourne vers la Commission européenne, je dis qu'est-ce que vous faites pour aider les réfugiés de la vallée du Panchir ? Réponse du comité européen au Parlement européen, c'est dans le Journal officiel du Parlement européen, " mais nous avons un devoir de neutralité ". On était neutre entre le fascisme taliban, islamique et la résistance démocratique, on était neutre. Pardon mais c'est des choses qu'il ne faut plus faire, qu'il ne faut plus voir. Et donc, oui, derrière, il faut aider cette résistance. Et puis vraisemblablement, vraisemblablement, il existe des moyens de faire tomber le régime de Kaboul de l'intérieur. Soumis à la pression internationale, à la menace d'intervention, à la pression des forces du commandant MASSOUD, j'ai du mal à penser que 40 000 talibans peuvent corseter 17 millions d'Afghans.
GERARD LECLERC
Vous avez parlé de complaisance à l'égard de certains régimes arabes. Vous aviez parlé également un peu de réflexe anti-américain. Tout ça, vous le sentez plus fort en France que dans les autres pays européens ?
ALAIN MADELIN
Bien sûr, bien sûr. Nous avons une longue tradition de complaisance qui est Alors, à chaque fois, qui est habillée de beaux sentiments. On est plus malin que les autres. On sait, nous. On sait. Bon, la réalité n'est pas ça.
FREDERIC HAZIZA
Mais comment vous l'expliquez ça ? C'est par la peur ? On se dit, si on agit comme ça, on n'aura pas d'attentats, il vaut mieux rester un peu en retrait ?
ALAIN MADELIN
Ca peut agir un peu. L'appât des ventes d'armes est aussi un deuxième atout. Vous savez, on a peur du Pakistan aujourd'hui parce que le Pakistan a l'arme nucléaire. Je suis ministre de l'Industrie - oh, c'est vieux, c'était en 1986- une des premières choses que je fais, j'arrête la coopération nucléaire entre la France et le Pakistan parce que je suis un peu inquiet de cette dissémination.
FREDERIC HAZIZA
Et qu'est-ce qui se passe après ?
ALAIN MADELIN
Ce qui se passe, c'est que les socialistes protestent sur les bancs socialistes. J'entends madame Edith CRESSON qui dit " comment, Monsieur MADELIN, vous allez arrêter cette belle coopération nucléaire entre la France et le Pakistan ? ". Voilà, enfin, je pourrais en accumuler plein des anecdotes de ce type de cet aveuglement de Français, sans revenir à l'aide nucléaire que nous avions apportée à une autre époque à l'Irak. Alors voilà, dans cette affaire, je crois qu'il faut être solidaire mais il ne faut pas se tromper d'adversaire. Mais les Américains ne vont pas se tromper d'adversaire et nous n'allons pas nous tromper d'adversaire. Ce n'est pas une guerre de civilisation, foutaise. Ce n'est même pas une guerre.
FREDERIC HAZIZA
Ca peut le devenir.
ALAIN MADELIN
Il faudrait vraiment qu'on fasse beaucoup de bêtises. Mais non, ce n'est pas une guerre, ce n'est pas une guerre, c'est un acte de police internationale contre une poignée de barbares. Mais nous pourrions effectivement déraper dans la guerre car tout l'art de ce terrorisme, c'est d'essayer de prendre le contrôle des masses arabes par la manipulation des symboles. Donc, il faut être extrêmement prudent bien sûr, ne pas tomber dans leur jeu et je l'ai dit ne pas se tromper d'adversaire. Ce n'est pas une guerre de civilisation. Ce n'est pas une guerre de religion sauf une guerre civile à l'intérieur d'une religion. Ce n'est pas une guerre du Nord contre le Sud. Ce n'est pas l'Islam. Et je tiens à dire très haut et très fort qu'il faut refuser tout amalgame entre ce fascisme islamique et l'Islam. Mais je dis aussi qu'il appartient, puisque je le dis très haut et très fort, aux autorités musulmanes politiques et religieuses du monde entier de le dire encore plus haut et encore plus fort.
ERIC MANDONNET
Vous parliez il y a quelques instants d'une complaisance à la française. Est-ce qu'il existe un problème européen ? Est-ce que certains pays européens ne contribuent pas en termes d'information au renseignement international ? Est-ce que vous êtes choqué de l'attitude de Londres ?
ALAIN MADELIN
C'est-à-dire ?
ERIC MANDONNET
Est-ce que vous considérez que Londres est trop complaisant vis-à-vis de certains courants islamistes ?
ALAIN MADELIN
Londres sert de base arrière, oui, pour une part aux courants islamistes. Ce sont des choses qu'il faut réorganiser, tout ça. J'ai parlé, je dis qu'il faut repenser maintenant cela en termes politiques, ne plus faire de différence entre la sécurité intérieure et la sécurité extérieure. C'est vrai pour la France, c'est vrai pour l'Amérique, c'est vrai, et vous avez raison de le souligner, bien sûr pour l'Angleterre.
FREDERIC HAZIZA
On parle de la France. Jacques CHIRAC doit se rendre à Washington puis à New York mardi. Est-ce que vous estimez que le maintien de cette visite, que cette visite est opportune ?
ALAIN MADELIN
C'est au président de la République de l'apprécier. Mais je veux dire, nous sommes quand même à un moment où les symboles sont forts. Et le symbole du président de la République aux côtés des dirigeants américains, le symbole du président de la République aux côtés du peuple américain dans la douleur est un symbole fort que j'accueille vraiment avec plaisir d'avance.
FREDERIC HAZIZA
Alors, Jacques CHIRAC a dit il faut combattre le terrorisme par tous les moyens. Est-ce que vous pensez que le président peut être pris au sérieux après avoir fait comme vous l'avez dit, avoir reçu comme vous l'avez dit avec grand faste le président ASSAD à Paris ?
ALAIN MADELIN
Oui, mais autant que George BUSH. Je veux dire, c'est un aveuglement collectif. On a été pas mal en France, côté aveuglement. Mais enfin, il ne m'appartient pas de décerner des prix en aveuglement. Le sous-secrétaire d'Etat américain aux Affaires étrangères était à Islamabad au mois d'août, début août. Et ce sous-secrétaire d'Etat américain a reçu aussi des talibans à Islamabad. C'était une faute.
ERIC MANDONNET
Même si vous ne décernez pas de prix, quel est à vos yeux le bilan de la politique étrangère de Jacques CHIRAC depuis 1995 ?
ALAIN MADELIN
Non, vous ne m'entraînerez pas sur ce terrain là parce que ce serait un terrain de polémique intérieure.
ERIC MANDONNET
Non, parce que vous pouvez en dire du bien.
ALAIN MADELIN
Ca serait un terrain pour moi de polémique intérieure et ce n'est pas le moment.
ERIC MANDONNET
Vous considérez que ça n'a pas été une bonne politique internationale ?
ALAIN MADELIN
Non, mais j'ai une autre vision, vous l'avez senti depuis le début de mon propos, que celle de Jacques CHIRAC de la politique internationale de la France. Je reste fidèle à cette formule, belle formule du général de GAULLE. La grandeur de la France se conjugue avec ce pacte vingt fois séculaire de la liberté dans le monde, la liberté dans le monde. Et donc, je pense que l'on a fait une erreur - et elle est imputable à toutes les générations - de ne pas remettre en cause notre politique étrangère au lendemain de la chute du mur de Berlin. Je ne vous le dis pas aujourd'hui. Je l'ai dit, répété, écrit. Il fallait bien évidemment réorganiser le monde sur de nouvelles bases. Nous n'avons pas saisi celle de l'occasion de la chute du mur de Berlin, il fallait réévaluer nos alliances autour de ce principe de préférence démocratique, je l'ai dit, au Proche-Orient ou entre la Syrie et Israël pour être clair et je donne la préférence démocratique à Israël, je l'ai dit dans la région tourmentée du monde sur l'Afghanistan en disant là, il y a un vrai problème, il faut faire tomber le régime des talibans, je l'ai dit et répété en Afrique en soutenant les démocrates africains contre les dictateurs. Et je trouve que la politique de la France est à la traîne par rapport à cette réorientation je crois nécessaire.
FREDERIC HAZIZA
Dans cet ordre d'idée, Monsieur MADELIN, dans un peu plus d'un mois doit se tenir à Beyrouth le sommet de la Francophonie. Est-ce que, vu la situation, il faut maintenir ce sommet de la Francophonie qui va se dérouler dans la capitale libanaise sous tutelle syrienne ?
ALAIN MADELIN
J'étais déjà contre le précédent sommet au Vietnam, voilà.
FREDERIC HAZIZA
Et sur Beyrouth alors ?
ALAIN MADELIN
Donc, même motif.
FREDERIC HAZIZA
On apprend à l'instant que le Hezbollah appelle à ne pas laisser les Etats-Unis riposter contre l'Afghanistan.
ALAIN MADELIN
Ecoutez, moi, je vous dis, j'étais contre au Vietnam parce que la francophonie, elle est quand même synonyme d'un certain nombre de valeurs. Alors que vous ayez des relations avec tout le monde et des relations avec le Vietnam, bien mais que vous fassiez des gestes symboliques d'aller tenir un sommet sur la francophonie au Vietnam, je pense que c'est une erreur. Moi, quand je vais au Vietnam, j'y suis allé, c'était pour aller rencontrer et soutenir les dirigeants au régime communiste. Ce n'était pas facile vis-à-vis de la police vietnamienne. Mais je l'ai fait. Donc, à chacun ses relations internationales. Je crois réellement qu'il va falloir repenser tout cela et bien se dire qu'on ne peut pas faire une opération de police avec les Américains demain sans mettre notre politique internationale après-demain en conformité avec les valeurs que nous allons défendre ensemble. Vous voyez toute l'implication de ce que ces mots disent, c'est-à-dire que ça change tout, ça change tout.
GERARD LECLERC
C'en est fini de l'indépendance de la France alors ? C'est l'alignement sur les Etats-Unis.
ALAIN MADELIN
Non, attendez, ce n'est pas du tout la fin de l'indépendance de la France. Au contraire, la France a un formidable rôle. La liberté dans le monde, les valeurs universelles, les droits de l'homme, mais c'est nous, tout ça. Mais c'est ça qui fait la grandeur de la France. Donc, je ne vois pas du tout la France à la traîne. Je la vois à l'avant-garde.
ERIC MANDONNET
Sur les répercussions en France des attentats de la semaine dernière, vous avez parlé tout à l'heure de fanatisme religieux dans certains coins du monde. Est-ce que vous craignez, savez qu'il existerait des foyers de fanatisme religieux en France ?
ALAIN MADELIN
Sûrement. Ils sont marginaux je pense pour en discuter avec des gens dont c'est le métier d'avoir des renseignements sur ces foyers. Ils existent. Les autorités religieuses dans leur immense majorité se sont très bien comportées à la prière du vendredi, ont bien tenu à montrer la distinction entre ces islamistes fous et le véritable Islam. Mais des kamikazes dormants, vous pouvez en avoir partout et vous en avez sûrement en France.
FREDERIC HAZIZA
Il y a un risque de dérapage dans les banlieues ? Il y a un risque de kamikasation d'un certain nombre de gens qui habitent les banlieues ?
ALAIN MADELIN
Non. Je le dis avec une certaine réserve et une certaine prudence parce qu'il faut faire attention.
FREDERIC HAZIZA
Parce qu'on a vu ce qui s'est passé à Béziers il y a dix jours.
ALAIN MADELIN
Oui, oui, tout à fait. Mais j'y étais à Béziers. J'y suis allé à Béziers. Je peux vous raconter comment ça s'est passé à Béziers. A Béziers, ce n'est pas un problème islamique. A Béziers, c'était un problème de trafic de drogue. Des trafiquants de drogue qui voulaient avoir leur paix dans leur quartier et qui menaçaient la police, des trafiquants de drogue qui voulaient trafiquer au centre-ville de Béziers et qui avaient décidé d'intimider la police. Alors ça a dégénéré. Il y a un fou furieux qui s'est révélé plus violent que les autres. Mais c'est essentiellement cela qui s'est passé à Béziers. Donc, je crois qu'aujourd'hui il y a une attitude responsable, je dis moi-même une attitude responsable encore une fois très haut et très fort pour ne pas souffler sur les braises. Et il faut que les responsables politiques disent qu'il n'y a aucun amalgame à faire entre cet islamisme fasciste et l'Islam. Mais il faut éviter le dérapage parce que L'autre jour, j'étais dans une boulangerie et il y avait deux petites jeunes filles qui étaient là et puis qui regardaient quelqu'un au faciès maghrébin un peu plus loin et qui disaient " tu ne penses pas que c'est un kamikaze dormant qui est là ? ". Bon, ça existe aussi ce genre de réaction. Et de la même façon, à l'intérieur des banlieues, il y a des gamins qui ont refusé la minute de silence dans les écoles parce qu'ils se disent " vous, en Algérie, vous vous foutez de nos morts. Alors ne nous demandez pas d'être solidaires ". Ce sont des réactions qui existent de part et d'autre. Et donc, il faut être extrêmement vigilant, extrêmement prudent. C'est le rôle des politiques, c'est le rôle des autorités civiles, c'est le rôle des autorités religieuses que d'essayer aujourd'hui d'éviter ces dérapages internes. Mais on peut les éviter. Je crois qu'on les évitera.
GERARD LECLERC
Oui, justement. D'une façon générale depuis le début de cette crise, est-ce que vous pensez que la France aussi bien en matière de politique étrangère que sur les mesures prises en France a bien agi ? Est-ce que la cohabitation a parfaitement fonctionné ?
ALAIN MADELIN
Ecoutez, je crois qu'on a fait ce qu'il fallait faire. La question que je pose, c'est pourquoi les nations démocratiques se sont réveillées si tard par rapport à un ennemi que l'on connaissait, qui était parfaitement identifié, parfaitement identifiable.
GERARD LECLERC
Autre conséquence de cette crise, les conséquences économiques. Est-ce que vous craignez, est-ce que vous pensez que l'on va vers une récession mondiale, qu'il peut y avoir des conséquences graves ?
ALAIN MADELIN
On change complètement de registre.
FREDERIC HAZIZA
Oui, mais c'est toujours lié à ce qui s'est passé mardi aux Etats-Unis.
ALAIN MADELIN
J'attends lundi pour vous répondre.
FREDERIC HAZIZA
L'ouverture de la Bourse de Wall Street ?
ALAIN MADELIN
Non, l'attitude des autorités monétaires européennes.
FREDERIC HAZIZA
C'est-à-dire, est-ce que vous appelez à une baisse des taux d'intérêt par exemple ?
ALAIN MADELIN
Ecoutez, logiquement, je pense que c'est quelque chose qui peut être surmonté, que les Américains vont faire un formidable Thanks Giving Day patriotique, que cela va sans doute doper l'Amérique plus que l'affaiblir.
FREDERIC HAZIZA
Doper l'Amérique et la croissance ?
ALAIN MADELIN
Doper l'Amérique et la croissance. Attendez, je vais nuancer tout ça quand même derrière. Logiquement, cela devrait faire ça. Que, derrière, il faut que les autorités monétaires aient une bonne attitude. Et donc, logiquement, lundi à l'ouverture des marchés, il devrait y avoir une coordination des banques centrales y compris la Banque centrale européenne
FREDERIC HAZIZA
Allant dans quel sens ?
ALAIN MADELIN
Allant dans le sens d'une baisse massive des taux d'intérêt.
FREDERIC HAZIZA
C'est-à-dire, de quel
ALAIN MADELIN
Je ne rentre pas dans les détails.
FREDERIC HAZIZA
Puisque récemment, on a baissé les taux d'intérêt de 0,25 en Europe.
ALAIN MADELIN
Je dis qu'il faut ré alimenter d'urgence le marché monétaire en Europe, je dis en Europe essentiellement car l'Europe est trop favorable aux rentiers et pas assez favorable à l'entrepreneur. Je pourrai développer, je le développerai plus tard si la Banque centrale ne baissait pas massivement ses taux d'intérêt. Si on fait ça en début de semaine prochaine, je crois que l'on peut surmonter la crise économique et même profiter d'un coup de fouet américain. Mais derrière cela, pardon, mais derrière cela, bien évidemment, ceci est soumis aux aléas de la riposte et aux incertitudes de la riposte.
FREDERIC HAZIZA
Problème de confiance ?
ALAIN MADELIN
Oui, mais je ne veux pas faire de scénario de politique-fiction mais comprenez-moi On peut attaquer les bases de BEN LADEN en Afghanistan. On peut libérer Kaboul des taliban. On peut peut-être mettre fin à BEN LADEN lui-même. Mais ceci peut facilement déraper aussi. Enfin, déraper, c'est-à-dire que, derrière, monsieur BEN LADEN n'est toujours pas pris. On a cassé ses bases intérieures mais il existe des agents dormants qui, un peu partout dans le monde, du coup reprennent de l'activité. Et beaucoup de gens vont se poser la question " à ce moment là, mais où va-t-on ? ". Et donc, ceci peut être de nature à entamer le mouvement économique que j'essayais d'esquisser il y a un instant avec vous. Et là, on peut faire des scénarios plus ou moins, il y a des tas de scénarios que l'on peut faire.
FREDERIC HAZIZA
Mais le pronostic que vous faites aujourd'hui, c'est un pronostic plus confiant ou plus angoissé ?
ALAIN MADELIN
Confiant sur le fond parce que, je le répète, ce fascisme islamique, il sera vaincu. On est venu à bout des deux totalitarismes du XXème siècle qui étaient autrement colossaux, le communiste et le nazisme. Celui-là, on ne peut rien construire dessus, je veux dire, les peuples qui sont On peut construire des prisons, enfermer un peuple, pas construire la prospérité, on ne peut rien construire. On ne peut pas construire la modernité là dessus. Et je crois que les Etats arabes, les masses arabes doivent s'apercevoir de cela. Donc, je ne suis pas inquiet sur cela. Mais la lutte contre l'éradication de ce fascisme là peut être plus ou moins longue et plus ou moins douloureuse. C'est la raison pour laquelle si cela devait être long, il faut vraiment veiller à ce que la France ne soit pas le maillon faible de la solidarité.
FREDERIC HAZIZA
Toujours sur la France, l'une des dernières questions de l'émission, c'est Eric MANDONNET qui vous la pose.
ERIC MANDONNET
Un mot sur les conséquences politiques de ce qui s'est passé la semaine dernière. Vous-même étiez parti en campagne. Pendant combien de temps suspendez-vous votre action ? Et en quoi les termes de la campagne présidentielle sont-ils modifiés ?
ALAIN MADELIN
Pour moi, je pense que la question de politique étrangère arrive sur le devant de la scène lorsqu'on va s'interroger au printemps prochain sur quel est l'avenir de la France. Et vous vous souvenez peut-être parce que vous y avez participé, qu'à de nombreux points presse, de rencontres que je pouvais faire avec les journalistes, j'insistais moi-même sur ces questions. Je vous ai parlé Combien de fois vous ai-je parlé de l'Afghanistan ? Combien vous ai-je parlé de la crise du Proche-Orient ? Combien de fois vous ai-je parlé de cette réorientation de la politique étrangère et de la préférence démocratique ? Donc, ce sont des questions qui, légitimement, se posent aujourd'hui et qui mériteront bien sûr d'être posées dans le débat présidentiel.
FREDERIC HAZIZA
Mais vous savez ce qu'on dit aujourd'hui aussi bien au PS du côté de JOSPIN ou au RPR du côté de CHIRAC, c'est qu'avec cette affaire, cette crise internationale, les petits candidats comme vous par exemple sont marginalisés dans la campagne.
ALAIN MADELIN
Oui, je sais bien. Mais on verra le moment venu. On verra le moment venu suivant je crois en l'intelligence des Français et ils regarderont la pertinence des réponses qui sont apportées et la crédibilité puisque nous allons rentrer dans une politique étrangère de conviction, c'est bien le sens des propos que je viens d'évoquer, la crédibilité de ceux qui porteront cette nouvelle politique étrangère.
GERARD LECLERC
D'une façon générale, malheureusement rapidement puisque c'est la fin de l'émission, quelques mots quand même sur votre sentiment après ces premiers mois de campagne ?
ALAIN MADELIN
Non.
GERARD LECLERC
Non ? Pas le temps ?
ALAIN MADELIN
Non, pas pas le temps, mais
FREDERIC HAZIZA
Pas le moment.
ALAIN MADELIN
Pas le moment.
FREDERIC HAZIZA
Eh bien, merci, Alain MADELIN, d'avoir été avec nous aujourd'hui.
(source http://www.demlib.com, le 18 septembre 2001)
Monsieur Alain MADELIN, bonjour et merci d'avoir accepté cette invitation du FORUM RADIO J. Alors cinq jours après les attentats qui ont endeuillé l'Amérique, les Etats-Unis et le président George BUSH préparent leur riposte. Le président BUSH a réuni ce week-end à Camp David un véritable conseil de guerre. Les réservistes ont été rappelés. Une attaque terrestre n'est pas exclue alors que la peur de la surenchère commence à gagner la France et les partis politiques. Alors, Monsieur MADELIN, vous nous direz quelle analyse vous faites de ce qui s'est passé et quels enseignements vous en tirez que ce soit au niveau international et notamment au Proche-Orient ou au niveau national, quel type de riposte faut-il envisager contre le fléau terroriste, quels doivent être l'ampleur, les objectifs et les cibles de cette riposte annoncée et, à un niveau plus hexagonal, comment traduire la solidarité de la France vis-à-vis des Etats-Unis et aussi comment jugez-vous les réactions du couple exécutif ? Jacques CHIRAC et Lionel JOSPIN sont-ils à la hauteur de la situation ? Et puis, quelles seront selon vous les conséquences de cette crise sur la campagne présidentielle ? Et pour vous interroger sont réunis autour de cette table Eric MANDONNET de L'EXPRESS et Gérard LECLERC de FRANCE 2 qui va vous poser la première question de l'émission.
GERARD LECLERC, FRANCE 2
Bonjour, Alain MADELIN. On a effectivement un peu plus de recul cinq jours après les attentats. Alors, on a parlé de nouvelle ère, d'une nouvelle ère d'état de guerre, de lutte du bien contre le mal. Quelle analyse faites-vous de ce qui s'est passé aux Etats-Unis ? Sommes-nous vraiment en guerre ? Contre qui ? Qui sont les responsables ?
ALAIN MADELIN
D'abord, ces images d'horreur qui ont frappé nos curs, qui ont sans doute frappé pour longtemps la mémoire de nos enfants doivent nous inviter à une totale compassion, à une totale solidarité avec le peuple américain dans cette épreuve. Mais si l'on prend un peu de recul, je regarde tout cela avec beaucoup de colère, beaucoup de colère parce que je me dis que d'erreurs, que de gâchis, que de temps perdu et que d'aveuglement.
FREDERIC HAZIZA
De la part de qui et depuis quand ?
ALAIN MADELIN
Nous avions un fascisme, un nouveau fascisme qui était en train de naître après la chute du mur de Berlin. Ce fascisme, c'était un fascisme islamiste qui défigurait d'ailleurs une des plus grandes religions du monde. Ce n'était pas l'Islam, c'était un fascisme islamique de la même façon que le nazisme ou le totalitarisme soviétique étaient une déformation de nos valeurs, ce n'était pas nos valeurs. Nous avions un fascisme qui était en train de naître. Nous ne voulions pas le voir. Nous aurions du réviser au lendemain de la chute du mur de Berlin complètement nos concepts de sécurité. Ce terrorisme, nous en avons fait une affaire de police, une affaire de justice au lieu d'en faire une affaire de politique. Je dis une affaire politique parce que ce terrorisme, il y avait des foyers, parce que ce terrorisme, il avait des Etats qui l'accompagnaient, qui le nourrissaient, qui l'hébergeaient, qui le finançaient. Et nous n'avons rien fait. Pire même, on savait que le foyer, le cur même de ce terrorisme, c'était l'Afghanistan, l'Afghanistan où il y avait une résistance admirable de mon ami le commandant MASSOUD. J'étais à ses côtés dans la vallée du Panshir (phon) comme j'étais autrefois aux côtés de la résistance afghane face aux Soviétiques dans ce même Afghanistan. Et je mesurais l'aveuglement total de nos démocraties incapables de , qui ne voulaient pas lui venir en aide alors que nous savions déjà que les terroristes qui frappaient à Paris même, en Algérie ou ailleurs, on les appelait les Afghans. Donc, je dis oui vraiment, il y a eu beaucoup d'erreurs. Et lorsqu'il y a quelques semaines au fond, le commandant MASSOUD est venu à Paris, j'ai demandé à ce qu'il soit reçu par Jacques CHIRAC. Il a trouvé porte close. On préférait recevoir des dirigeants syriens, un Etat voyou protecteur d'un autre terrorisme. Que d'erreurs et que d'aveuglement.
FREDERIC HAZIZA
C'est-à-dire que vous considérez qu'il y a eu des erreurs de la part de l'Occident. De quelle manière aujourd'hui peut-on rattraper ces erreurs ?
ALAIN MADELIN
Il faut faire ce qu'on aurait dû faire après la chute du mur de Berlin.
ERIC MANDONNET
C'est-à-dire rompre avec les Etats voyous que vous avez dénoncés ?
ALAIN MADELIN
Bien évidemment, bien évidemment, assurer la défaite de ce régime des Talibans qui est un formidable obscurantisme. Vous avez vu la façon dont il traite les populations civiles, les femmes humiliées, pas droit à l'enseignement, pas droit aux soins, pas droit de sortir. Je veux dire, c'est un retour à une barbarie que l'on croyait complètement révolue sur le sol de notre planète. Je suis très confiant parce que ce fascisme islamique, il sera vaincu. On ne peut rien construire avec lui. Il ne peut que détruire. Et donc, nous en viendrons à bout mais plus ou moins vite, avec plus ou moins de douleur selon que nous saurons organiser la riposte. La riposte aujourd'hui, c'est bien évidemment mettre fin à ce régime et à ces bases arrières du terrorisme en Afghanistan. Mais la riposte, au-delà de cette opération j'allais dire de gendarmerie internationale, la riposte au-delà, c'est de tirer les leçons de ce 11 septembre et de construire un nouvel ordre international civilisé sur la base d'une nouvelle Société des Nations démocratiques. Ce qui est visé à New York, à Washington, ce n'est pas l'Amérique pour ce qu'elle a fait, mais l'Amérique pour ce qu'elle est. Et en visant l'Amérique pour ce qu'elle est, on vise nos démocraties. Ce sont nos valeurs, ce sont nos exemples de prospérité, de démocratie qui font insulte à tous ces régimes oppresseurs qui maintiennent des dictatures dans le monde et qui cherchent un alibi à leur dictature et à la misère de leurs peuples. Donc, c'est nous qui étions visés. Et donc, nous avons devoir de réorienter notre politique étrangère, je dis ça depuis longtemps, sur la base de ce que j'ai appelé la préférence démocratique, c'est-à-dire la préférence entre deux Etats, je préfère celui qui est le plus proche de mes valeurs. Ca n'empêche pas d'avoir des relations avec tout le monde mais cela veut dire que je construis un nouvel ordre international sur la base des valeurs universelles, universelles qui sont celles de la défense des droits et de la dignité de la personne.
GERARD LECLERC
Tout de même, est-ce que les Américains n'ont pas une responsabilité énorme, quand on sait que c'est eux au départ qui ont formé BEN LADEN et les terroristes qui sont avec lui, quand on sait que les Américains soutiennent des Etats comme l'Arabie Saoudite qui ne sont quand même pas des démocraties, comme le Pakistan qui ont joué quand même dans cette affaire là un rôle assez trouble ?
ALAIN MADELIN
Oui, bien sûr, bien sûr. Mais j'hésiterai à montrer seulement les Etats-Unis du doigt. Le fait d'avoir soutenu lorsque nous étions en lutte contre le totalitarisme communiste celles et ceux qui se battaient contre ce totalitarisme, ce n'était pas une faute.
GERARD LECLERC
C'était du terrorisme quand même.
ALAIN MADELIN
Non. J'étais en Afghanistan à ce moment là. Le terrorisme, il était du côté des Soviétiques. C'était de la résistance. Le fait de l'avoir fait à ce moment là, ça n'a rigoureusement rien à voir avec le fait d'avoir continué après la chute du mur de Berlin. Après la chute du mur de Berlin, moi, j'ai dit dans notre combat contre le totalitarisme communiste, nous avons été amenés à faire des choses, à soutenir des Etats que nous n'aurions moralement pas dû soutenir, mais ennemi principal oblige. Mais nous avons le devoir de réviser notre politique, notre politique au Proche-Orient, notre politique en Afrique autour de ce concept que j'ai appelé celui de la préférence démocratique. Les Américains, je les ai A chaque fois que j'ai pu rencontrer des responsables américains, je les ai mis en garde contre la politique de soutien unilatérale qu'ils avaient vis-à-vis du Pakistan. Et le Pakistan lui-même, nous le savons, soutenait les Talibans et les Talibans soutenaient les terroristes. De la même façon, la France, pardon, se réjouissait de ses bonnes relations avec le Pakistan, vous pensez, notre deuxième client en matière de vente d'armes, un bon client.
FREDERIC HAZIZA
Monsieur MADELIN, vous dites, tout le monde pense aujourd'hui que les Etats-Unis vont s'en prendre à l'Afghanistan. Est-ce qu'il y a d'autres Etats voyous qu'il faut combattre aujourd'hui ?
ALAIN MADELIN
Nous voyons aujourd'hui avec ce terrorisme de masse utilisant des actes de guerre que les scénarios de science-fiction qui pouvaient être faits hier sur lesquels un jour à la panoplie du terrorisme il pourrait y avoir des armes nucléaires ou des armes bactériologiques sont des scénarios contre lesquels il faut se prémunir.
FREDERIC HAZIZA
Et le Pakistan a l'arme atomique aujourd'hui.
ALAIN MADELIN
Oui. Et donc, il est absolument indispensable de poursuivre le combat contre à la fois les foyers de terrorisme mais éventuellement contre tous les Etats qui, de près ou de loin, auraient contribué à alimenter ce terrorisme. Je reprends un exemple, celui de l'Irak. On ne va pas refaire les événements mais je veux dire, on ne peut pas laisser incontrôlés des laboratoires qui prépareraient des armes bactériologiques en Irak et qui pourraient demain les donner à tel ou tel terrorisme dans le monde, voilà un exemple.
FREDERIC HAZIZA
Ca veut dire qu'une riposte américaine et même internationale doit viser également le régime de Saddam HUSSEIN ?
ALAIN MADELIN
Non, non. Cela veut dire simplement qu'à l'heure actuelle, nous allons sans doute frapper l'Afghanistan. Et plus exactement, j'espère que l'on pourra faire l'essentiel aujourd'hui, c'est-à-dire aider la résistance du commandant MASSOUD qui ne verra pas la libération de son pays hélas, qu'on puisse aider cette résistance et que l'on puisse essayer de faire tomber très largement ce régime taliban de l'intérieur. Vous savez, il y a 40 000 Talibans, il y a 17 millions d'Afghans. Je pense qu'avec un peu de pression on peut faire tomber ce régime de l'intérieur surtout que les Américains ont su intelligemment semble-t-il mettre le Pakistan dans leur jeu. Mais au-delà de cette riposte qui ne touchera pas monsieur BEN LADEN, je n'en sais rien, ce terrorisme de masse, il ne disparaîtra pas avec cette opération en Afghanistan. Il a encore ici et là ses agents dormants. Il a encore des gens qui croient à la guerre sainte. Il a encore Donc, derrière tout cela, il faudra reconstruire un ordre démocratique international. Et je l'ai dit, la base de cet ordre démocratique international, pour moi, c'est l'alliance sans faille des nations démocratiques, anciennes démocraties, nouvelles démocraties, une alliance très ouverte à celles et ceux qui ont envie de partager nos valeurs.
GERARD LECLERC
Quand même sur cette riposte, vous vous êtes prononcé, vous, pour un soutien, une solidarité totale avec les Etats-Unis. Et on entend beaucoup de voix en France qui disent attention, il faut que la riposte soit proportionnée, il ne faut pas se laisser entraîner dans n'importe quelle aventure. Qu'est-ce que vous en concluez ?
ALAIN MADELIN
Bien sûr parce que dès qu'il s'agit de solidarité
GERARD LECLERC
Il ne faut pas d'alignement sur les Etats-Unis.
ALAIN MADELIN
Oui, mais on connaît l'ancienne et ils vont revenir bien sûr, les arguments selon lesquels au fond les Américains l'ont bien cherché, selon lesquels au fond c'est l'exemple de l'hégémonie américaine qui est responsable de tout ça, selon Enfin, vous connaissez toute la panoplie de ces mauvais arguments généralement maniés en première ligne par ceux qui, hier, étaient les amis de CASTRO, de MAO TSÖ-TONG, des Khmers rouges, toutes les formes de communisme dans le monde.
GERARD LECLERC
On entend aussi à droite monsieur BALLADUR, des gens comme ça.
ALAIN MADELIN
Non, mais je dis maniés intellectuellement par ceux-là et puis ensuite repris, bêlés bêtement politiquement par d'autres. Pardonnez-moi, s'il doit y avoir une politique arabe de la France, oui, il doit y avoir une politique arabe de la France, il faut en changer. La politique arabe de la France, c'est une politique d'amitié avec les peuples, avec leur volonté de libération de ces fers dans lesquels éventuellement un islamisme le plus borné, ce fascisme islamiste peut avoir envie de les enfermer. On me disait hier qu'en Kabylie, des jeunes manifestaient contre le régime mais avec des drapeaux américains. Donc, nos valeurs, elles ont vocation à être, ce sont des valeurs universelles de dignité de la personne, ce ne sont pas des valeurs du monde occidental, ce sont les valeurs de l'homme partout, partout dans le monde. C'est la raison pour laquelle je dis que la politique arabe bien sûr, elle doit être une politique de la France d'amitié avec les peuples arabes, de souhaiter qu'ils puissent le plus rapidement possible avoir les mêmes droits que l'ensemble de ceux dont nous disposons aujourd'hui, qu'ils puissent partager la prospérité. Voilà, c'est ça, une politique arabe. Mais la politique arabe qui consistait à faire copain-copain avec un certain nombre de dictatures avec, en arrière-fond, de douteux marchés de vente d'armes, cette politique arabe, selon moi, elle doit être derrière nous.
FREDERIC HAZIZA
Mais quand vous dites il faut revoir cette politique arabe de la France, c'est surtout un appel que vous lancez à Jacques CHIRAC aujourd'hui ?
ALAIN MADELIN
Oh, écoutez, je crois que c'est une tentation française, vous l'avez dit il y a un instant dans votre question, que de dire nous, on est plus malins, les Américains sont un peu bêtes, un peu brutaux et donc, nous, on est plus malins, on va essayer de passer entre les gouttes. Et peut-être que si nous savions passer entre les gouttes, nous saurions éviter le cas échéant si ça tourne mal un attentat, des représailles chez nous. Non, encore une fois, je le dis, ce n'est pas l'Amérique qui a été frappée, c'est l'ensemble de nos valeurs du monde civilisé. Je l'ai dit tout à l'heure, l'Amérique n'a pas été frappée pour ce qu'elle a fait. On a dit toujours, mais regardez, s'il y avait eu une solution, si les négociations avaient avancé, les négociations de paix entre Israël et les Palestiniens avaient avancé, vous pensez que ça aurait arrêté la guerre sainte ? Ceux qui proposent cette guerre sainte, ils ne demandent pas un accord au Proche-Orient, ils demandent le départ d'Israël, ce qui est tout à fait différent. Et puis même si Israël n'était pas au Proche-Orient, ça ne les empêcherait pas de prêcher la guerre sainte par rapport au modèle de société que nous représentons et qui, pour eux, est une insulte permanente. Je tiens à répéter que ce fascisme islamique est l'alibi de dictateurs, de rentiers du pétrole dans cette région du monde qui cherchent un alibi au maintien de leur pouvoir despotique.
FREDERIC HAZIZA
Quand vous disiez à l'instant, on va essayer de passer entre les gouttes, en France, on veut être un peu plus malin, vous ne mettez pas en cause un peu cet esprit munichois qu'on a connu à une autre époque ?
ALAIN MADELIN
J'hésite à utiliser toujours des grands mots et même le mot de guerre, je ne l'ai pas utilisé me semble-t-il depuis le début de mon propos. J'ai dit qu'il y avait des actes de guerre. Je ne pense pas que nous soyons en guerre. Et donc, je me garderai de toutes ces comparaisons. Je sais en revanche que nous avons un ennemi, qu'il est identifié, que cet ennemi, la lutte sera longue et difficile, qu'il faut démanteler ses réseaux, qu'il faut démanteler le réseau d'amitiés étatiques qui est autour de lui et qu'il faut surtout que nous cessions non pas notre lâcheté munichoise mais notre aveuglement. Cet été, j'ai souhaité me rendre au Soudan avec des journalistes parce que je lisais, là, il y a un régime aussi taliban au Soudan. Oh, excusez du peu, guerre civile, ça a fait un million de morts déjà, un million de morts. Mais on s'intéressait à la mondialisation, on s'intéressait aux morts des rues de Gênes. Ce 1 million de morts là, il n'intéressait personne. Loin de la télé, loin du cur. Et je ne voudrais pas surtout que, dans cette riposte que nous allons construire demain, nous donnions le sentiment que c'est la riposte avec les Américains pour les Américains. Non, c'est la riposte pour un certain nombre de valeurs avec les Américains parce qu'ils sont aujourd'hui frappés. Mais ceci porte une exigence derrière de transformer nos politiques étrangères occidentales de façon à ce que nous soyons aussi attentifs demain au malheur du peuple soudanais ou au malheur du peuple algérien.
GERARD LECLERC
Juste un mot tout de même, je reviens sur cette riposte. Est-ce qu'il faut être derrière les Etats-Unis, leur faire confiance, agir donc avec eux ou est-ce qu'il faut prendre un peu plus de recul, il faut par exemple comme l'a proposé hier Robert HUE réunir le Conseil de sécurité pour qu'il y ait véritablement une décision qui soit prise par tous les Etats ?
ALAIN MADELIN
La question du Conseil de sécurité est une question accessoire. La question de la solidarité est une question essentielle. Si demain la solidarité devait faillir, ce serait une petite victoire de plus pour les terroristes.
FREDERIC HAZIZA
Et vous pensez qu'il y a un risque aujourd'hui que cette solidarité faillisse demain dès le début de cette riposte annoncée des Etats-Unis ?
ALAIN MADELIN
Je ne pense pas sur le plan politique mais je vois déjà ici et là des maillons faibles.
FREDERIC HAZIZA
Par exemple, donnez-nous
ALAIN MADELIN
Non, dans la presse tout bêtement, tout simplement dans la presse. Je lisais hier un article d'un grand quotidien. Un journaliste, un de vos confrères émérite expliquait " mais est-ce que ce ne sont pas nos valeurs qui sont une provocation pour d'autres peuples ? ". Comment peut-on écrire de telles choses ? Enfin.
FREDERIC HAZIZA
En fait, c'est la grille de lecture qui n'est pas la bonne.
ALAIN MADELIN
C'est-à-dire ?
FREDERIC HAZIZA
La grille de lecture peut-être, vous parlez de la presse, de la presse, d'un certain nombre de politiques qui
ALAIN MADELIN
Oui, parce que nous aimons bien l'anti-américanisme qui est, je l'ai rappelé, pour beaucoup une sorte de rappel de leur jeunesse anti-impérialiste dans un autre contexte. Nous aimons beaucoup cet anti-américanisme. Encore une fois, je voudrais expliquer qu'il ne s'agit pas d'être pour ou contre les Américains dans cette affaire. Il s'agit d'être responsable par rapport à un ennemi qui est l'ennemi des valeurs auxquelles nous croyons et qu'il ne s'agit pas de faire seulement une riposte pour punir le logo le plus représentatif de cet ennemi, je veux dire BEN LADEN, il s'agit derrière d'organiser la solidarité des nations démocratiques, anciennes et nouvelles démocraties pour essayer de construire un ordre mondial civilisé et que cette exigence de riposte aujourd'hui nous amènera demain - et c'est l'espoir, du mal peut sortir un bien - à être un peu plus attentif à ces autres massacres qui sont perpétrés bien loin des caméras, au Soudan, en Algérie ou ailleurs.
ERIC MANDONNET
Est-ce que vous pouvez être plus précis sur un point concernant l'attitude française actuellement face aux Etats-Unis : est-ce que vous considérez que le gouvernement, que certains membres du gouvernement tergiversent ?
ALAIN MADELIN
Non.
FREDERIC HAZIZA
Ni au gouvernement, ni à l'Elysée ?
ALAIN MADELIN
Non, non, non. Je regardais le passé et je regardais, que d'erreurs. Il est évident J'avais protesté il y a quelque temps lorsque le Quai d'Orsay avait reçu au mépris d'ailleurs des résolutions de l'ONU, avait reçu des dirigeants talibans. C'était une erreur, c'était une faute. J'avais protesté contre le faste donné à la visite des dirigeants syriens en France. C'était une erreur, c'était une faute. J'avais souhaité que le commandant MASSOUD qui représentait cette résistance au terrorisme soit reçu, lui, par Jacques CHIRAC. Il ne l'a pas été. C'était une erreur, c'était une faute. Aujourd'hui, tout le monde comprend que l'on déroulerait un peu moins le tapis rouge devant les dirigeants syriens que même Yasser ARAFAT hésite à rencontrer et que l'on recevrait en plus grandes pompes le commandant MASSOUD.
GERARD LECLERC
Vous avez parlé tout à l'heure de fascisme islamique. Où s'arrête ce fascisme islamique ? Quand Ariel SHARON dit " les Américains ont BEN LADEN, nous, on a Yasser ARAFAT ", qu'est-ce que vous en pensez ?
ALAIN MADELIN
Je ne sais pas quel est ce propos. Je l'ai vu rapporté. Je ne l'ai pas vu écrit. Les Israéliens subissent déjà depuis quelque temps aussi des effets de ce fascisme islamique, ces attentats suicides.
GERARD LECLERC
Ils sont dans une situation de guerre quand même. Ce n'est pas tout à fait la
ALAIN MADELIN
Non, je ne fais pas de nuance. L'ambassadeur de France et vous-même semblez faire une nuance. Moi, je n'en fais pas.
FREDERIC HAZIZA
Justement, sur ces déclarations de l'ambassadeur de France en Israël
ALAIN MADELIN
Voilà, je viens de vous dire, je n'en fais pas.
FREDERIC HAZIZA
Est-ce que vous pensez qu'il doit être rappelé à Paris par exemple ?
ALAIN MADELIN
Ecoutez, pardon Je ne suis pas en charge de la diplomatie française mais je dis simplement que c'est une erreur et encore une faute que d'essayer de distinguer entre un bon terrorisme qui aurait une raison quelconque et un Non, vous savez, lorsque l'on fait ainsi don de sa vie à Allah dans la promesse d'un paradis futur parce que l'on a été endoctriné et que l'on va tuer des femmes et des enfants, qu'on le fasse à New York, qu'on le fasse au Soudan, qu'on le fasse au Kashmir ou qu'on le fasse en Israël, pour moi, c'est exactement la même chose.
GERARD LECLERC
Mais il y a une situation de guerre quand même au Proche-Orient.
ALAIN MADELIN
Je dis, c'est exactement la même chose. C'est une situation de guerre. Si vous avez une situation de guerre, vous avez des réponses de guerre, vous avez des réponses de paix mais vous n'avez pas ces actes qui consistent à se faire tuer, ces actes au nom d'Allah. C'est une guerre sainte. Et je rappelle que, pour moi, ce fascisme islamique est une formidable déformation de l'Islam qui est et reste à mes yeux une très grande religion du monde, une religion issue du Livre, une religion de tolérance. Et on ne tue pas ainsi des civils au nom d'Allah. Seuls quelques fous, quelques illuminés peuvent faire croire cela. Et ce que je reproche à beaucoup, c'est de laisser se développer ce fanatisme religieux. Si j'avais un reproche à faire à l'Autorité palestinienne, je l'ai fait d'ailleurs en me rendant avant et après et pendant, je me suis rendu en Israël cet été parce que je pensais que c'était une région où beaucoup de choses allaient se jouer, c'est de ne pas éteindre, de ne pas faire tout ce qui est en son pouvoir pour éteindre cette excitation à la haine permanente. Vous savez, il y a une image qui a frappé beaucoup de gens il y a quelques jours, c'était cette femme qui disait " Dieu ne m'aime pas. Aucun de mes enfants n'est encore mort dans cette lutte contre Israël ". Là vraiment, il y a un vrai problème. Bon, je n'en veux pas à cette femme mais vous vous rendez compte du déluge de propagande de haine qu'il a fallu pour qu'elle en arrive à dire cela de ses enfants. Donc, il faut arrêter. J'espère que, encore une fois, du mal pourra sortir un bien et qu'en Israël, tout le monde comprendra que, maintenant, il faut mettre je dirais de l'eau pour éteindre les braises.
GERARD LECLERC
Et ça passe par une beaucoup plus forte implication des Etats-Unis et de la communauté internationale pour imposer un règlement au Proche-Orient ?
ALAIN MADELIN
C'est plus compliqué que cela. Mais je crois que les choses ne seront pas en Israël, après le 11 septembre, comme avant.
FREDERIC HAZIZA
C'est-à-dire ? Qu'est-ce que vous voulez dire par là ?
ALAIN MADELIN
Que, à la fois, les Palestiniens l'ont bien compris, on n'imagine pas aujourd'hui l'Autorité palestinienne cautionner indirectement, même indirectement un attentat suicide contre Israël, à Jérusalem ou ailleurs. Ca paraît inimaginable. Donc, j'espère que l'Autorité palestinienne va comprendre qu'il faut mettre, je l'ai dit, de l'eau, beaucoup d'eau, des canadairs d'eau sur les braises de la haine. Et puis, peut-être que si l'on construit ce nouvel ordre international dont je parlais tout à l'heure, les garanties internationales et une pression internationale apparaîtront plus crédibles à Israël qui a eu souvent le sentiment qu'elle ne pouvait que sur elle-même.
FREDERIC HAZIZA
Alain MADELIN, nous allons marquer une pause et nous retrouver dans quelques instants.
(Suite de l'interview sous la référence 013002717-002)
(Début de l'interview sous la référence 013002717-001)
FREDERIC HAZIZA
Et justement, question de reprise d'Eric MANDONNET de L'EXPRESS.
ERIC MANDONNET
Quelle doit être selon vous la nature de la participation française à la riposte américaine ?
ALAIN MADELIN
Je n'en sais rien, celle qui nous sera demandée dans l'esprit d'une solidarité sans faille avec les Américains dans cette riposte et au-delà de cette riposte dans l'organisation nouvelle d'une politique internationale de sécurité et de défense. Nous avons pensé pendant longtemps que le terrorisme était une affaire de police et de justice. Non, c'est une affaire politique, essentiellement politique qui exige de réorganiser complètement notre sécurité intérieure et extérieure, il n'y a plus de différence, qui exige aussi bien évidemment de repenser totalement notre politique étrangère où nous ne saurions plus avoir les complaisances passées à la française vis-à-vis de régimes comme les régimes irakien ou syrien. Et il s'agit de le faire, je le répète aussi, dans l'esprit de faire en sorte que, si l'on veut rendre cette riposte crédible, au-delà de cette riposte, notre politique étrangère dans le monde paraisse guidée par les principes et les vertus que nous allons défendre dans notre riposte.
FREDERIC HAZIZA
Mais là, concernant cette riposte, est-ce que la France doit aller jusqu'à envoyer un corps expéditionnaire si les Etats-Unis interviennent par voie terrestre ?
ALAIN MADELIN
Mais vous ne savez absolument pas comment se fera la riposte, moi non plus même si j'ai quelques petites idées pour un peu connaître l'Afghanistan et avoir bourlingué en Afghanistan dans des circonstances difficiles. Premièrement ce qu'il faut faire, c'est bien sûr s'assurer la solidarité du Pakistan car il ne servirait à rien bien évidemment d'aller démanteler les bases arrières du terrorisme taliban en Afghanistan si, dans le même temps, nous voyons les Talibans prendre le contrôle du Pakistan et de l'arme nucléaire pakistanaise. Donc, il fallait s'assurer une solidarité sans faille du Pakistan. Pas facile. Apparemment, les Américains l'ont fait. Deuxièmement, il faut bien évidemment mettre le paquet sur la résistance aux Talibans, la résistance intérieure qui existe dans la vallée du Panchir. Il faut faire de Douchanbe au Tadjikistan qui est l'aéroport une base arrière de cette résistance en accord entre essentiellement les Russes et les Américains pour donner à cette résistance afghane, les moyens de résister. J'étais dans la vallée du Panchir, c'était en août 99, c'était dans la vallée du Panchir, une situation militaire, bon, elle est ce qu'elle est, mais une situation humaine dramatique à l'arrivée de l'hiver. Je me tourne vers la Commission européenne, je dis qu'est-ce que vous faites pour aider les réfugiés de la vallée du Panchir ? Réponse du comité européen au Parlement européen, c'est dans le Journal officiel du Parlement européen, " mais nous avons un devoir de neutralité ". On était neutre entre le fascisme taliban, islamique et la résistance démocratique, on était neutre. Pardon mais c'est des choses qu'il ne faut plus faire, qu'il ne faut plus voir. Et donc, oui, derrière, il faut aider cette résistance. Et puis vraisemblablement, vraisemblablement, il existe des moyens de faire tomber le régime de Kaboul de l'intérieur. Soumis à la pression internationale, à la menace d'intervention, à la pression des forces du commandant MASSOUD, j'ai du mal à penser que 40 000 talibans peuvent corseter 17 millions d'Afghans.
GERARD LECLERC
Vous avez parlé de complaisance à l'égard de certains régimes arabes. Vous aviez parlé également un peu de réflexe anti-américain. Tout ça, vous le sentez plus fort en France que dans les autres pays européens ?
ALAIN MADELIN
Bien sûr, bien sûr. Nous avons une longue tradition de complaisance qui est Alors, à chaque fois, qui est habillée de beaux sentiments. On est plus malin que les autres. On sait, nous. On sait. Bon, la réalité n'est pas ça.
FREDERIC HAZIZA
Mais comment vous l'expliquez ça ? C'est par la peur ? On se dit, si on agit comme ça, on n'aura pas d'attentats, il vaut mieux rester un peu en retrait ?
ALAIN MADELIN
Ca peut agir un peu. L'appât des ventes d'armes est aussi un deuxième atout. Vous savez, on a peur du Pakistan aujourd'hui parce que le Pakistan a l'arme nucléaire. Je suis ministre de l'Industrie - oh, c'est vieux, c'était en 1986- une des premières choses que je fais, j'arrête la coopération nucléaire entre la France et le Pakistan parce que je suis un peu inquiet de cette dissémination.
FREDERIC HAZIZA
Et qu'est-ce qui se passe après ?
ALAIN MADELIN
Ce qui se passe, c'est que les socialistes protestent sur les bancs socialistes. J'entends madame Edith CRESSON qui dit " comment, Monsieur MADELIN, vous allez arrêter cette belle coopération nucléaire entre la France et le Pakistan ? ". Voilà, enfin, je pourrais en accumuler plein des anecdotes de ce type de cet aveuglement de Français, sans revenir à l'aide nucléaire que nous avions apportée à une autre époque à l'Irak. Alors voilà, dans cette affaire, je crois qu'il faut être solidaire mais il ne faut pas se tromper d'adversaire. Mais les Américains ne vont pas se tromper d'adversaire et nous n'allons pas nous tromper d'adversaire. Ce n'est pas une guerre de civilisation, foutaise. Ce n'est même pas une guerre.
FREDERIC HAZIZA
Ca peut le devenir.
ALAIN MADELIN
Il faudrait vraiment qu'on fasse beaucoup de bêtises. Mais non, ce n'est pas une guerre, ce n'est pas une guerre, c'est un acte de police internationale contre une poignée de barbares. Mais nous pourrions effectivement déraper dans la guerre car tout l'art de ce terrorisme, c'est d'essayer de prendre le contrôle des masses arabes par la manipulation des symboles. Donc, il faut être extrêmement prudent bien sûr, ne pas tomber dans leur jeu et je l'ai dit ne pas se tromper d'adversaire. Ce n'est pas une guerre de civilisation. Ce n'est pas une guerre de religion sauf une guerre civile à l'intérieur d'une religion. Ce n'est pas une guerre du Nord contre le Sud. Ce n'est pas l'Islam. Et je tiens à dire très haut et très fort qu'il faut refuser tout amalgame entre ce fascisme islamique et l'Islam. Mais je dis aussi qu'il appartient, puisque je le dis très haut et très fort, aux autorités musulmanes politiques et religieuses du monde entier de le dire encore plus haut et encore plus fort.
ERIC MANDONNET
Vous parliez il y a quelques instants d'une complaisance à la française. Est-ce qu'il existe un problème européen ? Est-ce que certains pays européens ne contribuent pas en termes d'information au renseignement international ? Est-ce que vous êtes choqué de l'attitude de Londres ?
ALAIN MADELIN
C'est-à-dire ?
ERIC MANDONNET
Est-ce que vous considérez que Londres est trop complaisant vis-à-vis de certains courants islamistes ?
ALAIN MADELIN
Londres sert de base arrière, oui, pour une part aux courants islamistes. Ce sont des choses qu'il faut réorganiser, tout ça. J'ai parlé, je dis qu'il faut repenser maintenant cela en termes politiques, ne plus faire de différence entre la sécurité intérieure et la sécurité extérieure. C'est vrai pour la France, c'est vrai pour l'Amérique, c'est vrai, et vous avez raison de le souligner, bien sûr pour l'Angleterre.
FREDERIC HAZIZA
On parle de la France. Jacques CHIRAC doit se rendre à Washington puis à New York mardi. Est-ce que vous estimez que le maintien de cette visite, que cette visite est opportune ?
ALAIN MADELIN
C'est au président de la République de l'apprécier. Mais je veux dire, nous sommes quand même à un moment où les symboles sont forts. Et le symbole du président de la République aux côtés des dirigeants américains, le symbole du président de la République aux côtés du peuple américain dans la douleur est un symbole fort que j'accueille vraiment avec plaisir d'avance.
FREDERIC HAZIZA
Alors, Jacques CHIRAC a dit il faut combattre le terrorisme par tous les moyens. Est-ce que vous pensez que le président peut être pris au sérieux après avoir fait comme vous l'avez dit, avoir reçu comme vous l'avez dit avec grand faste le président ASSAD à Paris ?
ALAIN MADELIN
Oui, mais autant que George BUSH. Je veux dire, c'est un aveuglement collectif. On a été pas mal en France, côté aveuglement. Mais enfin, il ne m'appartient pas de décerner des prix en aveuglement. Le sous-secrétaire d'Etat américain aux Affaires étrangères était à Islamabad au mois d'août, début août. Et ce sous-secrétaire d'Etat américain a reçu aussi des talibans à Islamabad. C'était une faute.
ERIC MANDONNET
Même si vous ne décernez pas de prix, quel est à vos yeux le bilan de la politique étrangère de Jacques CHIRAC depuis 1995 ?
ALAIN MADELIN
Non, vous ne m'entraînerez pas sur ce terrain là parce que ce serait un terrain de polémique intérieure.
ERIC MANDONNET
Non, parce que vous pouvez en dire du bien.
ALAIN MADELIN
Ca serait un terrain pour moi de polémique intérieure et ce n'est pas le moment.
ERIC MANDONNET
Vous considérez que ça n'a pas été une bonne politique internationale ?
ALAIN MADELIN
Non, mais j'ai une autre vision, vous l'avez senti depuis le début de mon propos, que celle de Jacques CHIRAC de la politique internationale de la France. Je reste fidèle à cette formule, belle formule du général de GAULLE. La grandeur de la France se conjugue avec ce pacte vingt fois séculaire de la liberté dans le monde, la liberté dans le monde. Et donc, je pense que l'on a fait une erreur - et elle est imputable à toutes les générations - de ne pas remettre en cause notre politique étrangère au lendemain de la chute du mur de Berlin. Je ne vous le dis pas aujourd'hui. Je l'ai dit, répété, écrit. Il fallait bien évidemment réorganiser le monde sur de nouvelles bases. Nous n'avons pas saisi celle de l'occasion de la chute du mur de Berlin, il fallait réévaluer nos alliances autour de ce principe de préférence démocratique, je l'ai dit, au Proche-Orient ou entre la Syrie et Israël pour être clair et je donne la préférence démocratique à Israël, je l'ai dit dans la région tourmentée du monde sur l'Afghanistan en disant là, il y a un vrai problème, il faut faire tomber le régime des talibans, je l'ai dit et répété en Afrique en soutenant les démocrates africains contre les dictateurs. Et je trouve que la politique de la France est à la traîne par rapport à cette réorientation je crois nécessaire.
FREDERIC HAZIZA
Dans cet ordre d'idée, Monsieur MADELIN, dans un peu plus d'un mois doit se tenir à Beyrouth le sommet de la Francophonie. Est-ce que, vu la situation, il faut maintenir ce sommet de la Francophonie qui va se dérouler dans la capitale libanaise sous tutelle syrienne ?
ALAIN MADELIN
J'étais déjà contre le précédent sommet au Vietnam, voilà.
FREDERIC HAZIZA
Et sur Beyrouth alors ?
ALAIN MADELIN
Donc, même motif.
FREDERIC HAZIZA
On apprend à l'instant que le Hezbollah appelle à ne pas laisser les Etats-Unis riposter contre l'Afghanistan.
ALAIN MADELIN
Ecoutez, moi, je vous dis, j'étais contre au Vietnam parce que la francophonie, elle est quand même synonyme d'un certain nombre de valeurs. Alors que vous ayez des relations avec tout le monde et des relations avec le Vietnam, bien mais que vous fassiez des gestes symboliques d'aller tenir un sommet sur la francophonie au Vietnam, je pense que c'est une erreur. Moi, quand je vais au Vietnam, j'y suis allé, c'était pour aller rencontrer et soutenir les dirigeants au régime communiste. Ce n'était pas facile vis-à-vis de la police vietnamienne. Mais je l'ai fait. Donc, à chacun ses relations internationales. Je crois réellement qu'il va falloir repenser tout cela et bien se dire qu'on ne peut pas faire une opération de police avec les Américains demain sans mettre notre politique internationale après-demain en conformité avec les valeurs que nous allons défendre ensemble. Vous voyez toute l'implication de ce que ces mots disent, c'est-à-dire que ça change tout, ça change tout.
GERARD LECLERC
C'en est fini de l'indépendance de la France alors ? C'est l'alignement sur les Etats-Unis.
ALAIN MADELIN
Non, attendez, ce n'est pas du tout la fin de l'indépendance de la France. Au contraire, la France a un formidable rôle. La liberté dans le monde, les valeurs universelles, les droits de l'homme, mais c'est nous, tout ça. Mais c'est ça qui fait la grandeur de la France. Donc, je ne vois pas du tout la France à la traîne. Je la vois à l'avant-garde.
ERIC MANDONNET
Sur les répercussions en France des attentats de la semaine dernière, vous avez parlé tout à l'heure de fanatisme religieux dans certains coins du monde. Est-ce que vous craignez, savez qu'il existerait des foyers de fanatisme religieux en France ?
ALAIN MADELIN
Sûrement. Ils sont marginaux je pense pour en discuter avec des gens dont c'est le métier d'avoir des renseignements sur ces foyers. Ils existent. Les autorités religieuses dans leur immense majorité se sont très bien comportées à la prière du vendredi, ont bien tenu à montrer la distinction entre ces islamistes fous et le véritable Islam. Mais des kamikazes dormants, vous pouvez en avoir partout et vous en avez sûrement en France.
FREDERIC HAZIZA
Il y a un risque de dérapage dans les banlieues ? Il y a un risque de kamikasation d'un certain nombre de gens qui habitent les banlieues ?
ALAIN MADELIN
Non. Je le dis avec une certaine réserve et une certaine prudence parce qu'il faut faire attention.
FREDERIC HAZIZA
Parce qu'on a vu ce qui s'est passé à Béziers il y a dix jours.
ALAIN MADELIN
Oui, oui, tout à fait. Mais j'y étais à Béziers. J'y suis allé à Béziers. Je peux vous raconter comment ça s'est passé à Béziers. A Béziers, ce n'est pas un problème islamique. A Béziers, c'était un problème de trafic de drogue. Des trafiquants de drogue qui voulaient avoir leur paix dans leur quartier et qui menaçaient la police, des trafiquants de drogue qui voulaient trafiquer au centre-ville de Béziers et qui avaient décidé d'intimider la police. Alors ça a dégénéré. Il y a un fou furieux qui s'est révélé plus violent que les autres. Mais c'est essentiellement cela qui s'est passé à Béziers. Donc, je crois qu'aujourd'hui il y a une attitude responsable, je dis moi-même une attitude responsable encore une fois très haut et très fort pour ne pas souffler sur les braises. Et il faut que les responsables politiques disent qu'il n'y a aucun amalgame à faire entre cet islamisme fasciste et l'Islam. Mais il faut éviter le dérapage parce que L'autre jour, j'étais dans une boulangerie et il y avait deux petites jeunes filles qui étaient là et puis qui regardaient quelqu'un au faciès maghrébin un peu plus loin et qui disaient " tu ne penses pas que c'est un kamikaze dormant qui est là ? ". Bon, ça existe aussi ce genre de réaction. Et de la même façon, à l'intérieur des banlieues, il y a des gamins qui ont refusé la minute de silence dans les écoles parce qu'ils se disent " vous, en Algérie, vous vous foutez de nos morts. Alors ne nous demandez pas d'être solidaires ". Ce sont des réactions qui existent de part et d'autre. Et donc, il faut être extrêmement vigilant, extrêmement prudent. C'est le rôle des politiques, c'est le rôle des autorités civiles, c'est le rôle des autorités religieuses que d'essayer aujourd'hui d'éviter ces dérapages internes. Mais on peut les éviter. Je crois qu'on les évitera.
GERARD LECLERC
Oui, justement. D'une façon générale depuis le début de cette crise, est-ce que vous pensez que la France aussi bien en matière de politique étrangère que sur les mesures prises en France a bien agi ? Est-ce que la cohabitation a parfaitement fonctionné ?
ALAIN MADELIN
Ecoutez, je crois qu'on a fait ce qu'il fallait faire. La question que je pose, c'est pourquoi les nations démocratiques se sont réveillées si tard par rapport à un ennemi que l'on connaissait, qui était parfaitement identifié, parfaitement identifiable.
GERARD LECLERC
Autre conséquence de cette crise, les conséquences économiques. Est-ce que vous craignez, est-ce que vous pensez que l'on va vers une récession mondiale, qu'il peut y avoir des conséquences graves ?
ALAIN MADELIN
On change complètement de registre.
FREDERIC HAZIZA
Oui, mais c'est toujours lié à ce qui s'est passé mardi aux Etats-Unis.
ALAIN MADELIN
J'attends lundi pour vous répondre.
FREDERIC HAZIZA
L'ouverture de la Bourse de Wall Street ?
ALAIN MADELIN
Non, l'attitude des autorités monétaires européennes.
FREDERIC HAZIZA
C'est-à-dire, est-ce que vous appelez à une baisse des taux d'intérêt par exemple ?
ALAIN MADELIN
Ecoutez, logiquement, je pense que c'est quelque chose qui peut être surmonté, que les Américains vont faire un formidable Thanks Giving Day patriotique, que cela va sans doute doper l'Amérique plus que l'affaiblir.
FREDERIC HAZIZA
Doper l'Amérique et la croissance ?
ALAIN MADELIN
Doper l'Amérique et la croissance. Attendez, je vais nuancer tout ça quand même derrière. Logiquement, cela devrait faire ça. Que, derrière, il faut que les autorités monétaires aient une bonne attitude. Et donc, logiquement, lundi à l'ouverture des marchés, il devrait y avoir une coordination des banques centrales y compris la Banque centrale européenne
FREDERIC HAZIZA
Allant dans quel sens ?
ALAIN MADELIN
Allant dans le sens d'une baisse massive des taux d'intérêt.
FREDERIC HAZIZA
C'est-à-dire, de quel
ALAIN MADELIN
Je ne rentre pas dans les détails.
FREDERIC HAZIZA
Puisque récemment, on a baissé les taux d'intérêt de 0,25 en Europe.
ALAIN MADELIN
Je dis qu'il faut ré alimenter d'urgence le marché monétaire en Europe, je dis en Europe essentiellement car l'Europe est trop favorable aux rentiers et pas assez favorable à l'entrepreneur. Je pourrai développer, je le développerai plus tard si la Banque centrale ne baissait pas massivement ses taux d'intérêt. Si on fait ça en début de semaine prochaine, je crois que l'on peut surmonter la crise économique et même profiter d'un coup de fouet américain. Mais derrière cela, pardon, mais derrière cela, bien évidemment, ceci est soumis aux aléas de la riposte et aux incertitudes de la riposte.
FREDERIC HAZIZA
Problème de confiance ?
ALAIN MADELIN
Oui, mais je ne veux pas faire de scénario de politique-fiction mais comprenez-moi On peut attaquer les bases de BEN LADEN en Afghanistan. On peut libérer Kaboul des taliban. On peut peut-être mettre fin à BEN LADEN lui-même. Mais ceci peut facilement déraper aussi. Enfin, déraper, c'est-à-dire que, derrière, monsieur BEN LADEN n'est toujours pas pris. On a cassé ses bases intérieures mais il existe des agents dormants qui, un peu partout dans le monde, du coup reprennent de l'activité. Et beaucoup de gens vont se poser la question " à ce moment là, mais où va-t-on ? ". Et donc, ceci peut être de nature à entamer le mouvement économique que j'essayais d'esquisser il y a un instant avec vous. Et là, on peut faire des scénarios plus ou moins, il y a des tas de scénarios que l'on peut faire.
FREDERIC HAZIZA
Mais le pronostic que vous faites aujourd'hui, c'est un pronostic plus confiant ou plus angoissé ?
ALAIN MADELIN
Confiant sur le fond parce que, je le répète, ce fascisme islamique, il sera vaincu. On est venu à bout des deux totalitarismes du XXème siècle qui étaient autrement colossaux, le communiste et le nazisme. Celui-là, on ne peut rien construire dessus, je veux dire, les peuples qui sont On peut construire des prisons, enfermer un peuple, pas construire la prospérité, on ne peut rien construire. On ne peut pas construire la modernité là dessus. Et je crois que les Etats arabes, les masses arabes doivent s'apercevoir de cela. Donc, je ne suis pas inquiet sur cela. Mais la lutte contre l'éradication de ce fascisme là peut être plus ou moins longue et plus ou moins douloureuse. C'est la raison pour laquelle si cela devait être long, il faut vraiment veiller à ce que la France ne soit pas le maillon faible de la solidarité.
FREDERIC HAZIZA
Toujours sur la France, l'une des dernières questions de l'émission, c'est Eric MANDONNET qui vous la pose.
ERIC MANDONNET
Un mot sur les conséquences politiques de ce qui s'est passé la semaine dernière. Vous-même étiez parti en campagne. Pendant combien de temps suspendez-vous votre action ? Et en quoi les termes de la campagne présidentielle sont-ils modifiés ?
ALAIN MADELIN
Pour moi, je pense que la question de politique étrangère arrive sur le devant de la scène lorsqu'on va s'interroger au printemps prochain sur quel est l'avenir de la France. Et vous vous souvenez peut-être parce que vous y avez participé, qu'à de nombreux points presse, de rencontres que je pouvais faire avec les journalistes, j'insistais moi-même sur ces questions. Je vous ai parlé Combien de fois vous ai-je parlé de l'Afghanistan ? Combien vous ai-je parlé de la crise du Proche-Orient ? Combien de fois vous ai-je parlé de cette réorientation de la politique étrangère et de la préférence démocratique ? Donc, ce sont des questions qui, légitimement, se posent aujourd'hui et qui mériteront bien sûr d'être posées dans le débat présidentiel.
FREDERIC HAZIZA
Mais vous savez ce qu'on dit aujourd'hui aussi bien au PS du côté de JOSPIN ou au RPR du côté de CHIRAC, c'est qu'avec cette affaire, cette crise internationale, les petits candidats comme vous par exemple sont marginalisés dans la campagne.
ALAIN MADELIN
Oui, je sais bien. Mais on verra le moment venu. On verra le moment venu suivant je crois en l'intelligence des Français et ils regarderont la pertinence des réponses qui sont apportées et la crédibilité puisque nous allons rentrer dans une politique étrangère de conviction, c'est bien le sens des propos que je viens d'évoquer, la crédibilité de ceux qui porteront cette nouvelle politique étrangère.
GERARD LECLERC
D'une façon générale, malheureusement rapidement puisque c'est la fin de l'émission, quelques mots quand même sur votre sentiment après ces premiers mois de campagne ?
ALAIN MADELIN
Non.
GERARD LECLERC
Non ? Pas le temps ?
ALAIN MADELIN
Non, pas pas le temps, mais
FREDERIC HAZIZA
Pas le moment.
ALAIN MADELIN
Pas le moment.
FREDERIC HAZIZA
Eh bien, merci, Alain MADELIN, d'avoir été avec nous aujourd'hui.
(source http://www.demlib.com, le 18 septembre 2001)