Interview de M. Michel Sapin, ministre de l'économie et des finances, à "Radio classique" le 2 septembre 2016, sur un éventuel deuxième mandat présidentiel de François Hollande, sur le financement de la baisse des impôts.

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Média : Radio Classique

Texte intégral

GUILLAUME DURAND
Michel SAPIN, nous avons beaucoup de sujets à traiter ensemble, à la fois les sujets à caractère politique, et puis la retenue à la source, les 2 milliards d'impôts de baisse, la taxe sur la malbouffe, bref, programme chargé. Est-ce que vous êtes partisan que François HOLLANDE accélère le mouvement et dise, peut-être à partir du 8 septembre prochain, son intérêt pour un deuxième mandat ?
MICHEL SAPIN
Moi je suis partisan que le président s'affirme dans la continuité, dans la stabilité. Ce n'est pas parce qu'il y a eu trois déclarations de candidature à gauche, ce n'est pas parce que Emmanuel MACRON quitte le gouvernement, que, pour autant, le président de la République doit réagir, il est au-dessus de cela, il est en surplomb de cela, il est président de la République française…
GUILLAUME DURAND
Oui, mais ça ce sont les institutions, ce n'est pas les sondages et ce n'est pas l'opinion.
MICHEL SAPIN
C'est les institutions, mais les institutions de la Ve République, elles ont été d'ailleurs faites ainsi par le Général de GAULLE, elles permettent, elles sont là pour ça, dans les moments difficiles, dans les moments qui sont de politique politicienne un peu agités, à quelqu'un de rester un repère, d'être là pour diriger la France, pour décider, et dessiner l'avenir.
GUILLAUME DURAND
Donc vous n'êtes pas favorable à ce qu'il donne des indications dès la semaine prochaine ?
MICHEL SAPIN
J'écoutais très attentivement Guillaume TABARD, que les uns et les autres ont dû entendre aussi avant nous, il donnait le sentiment qu'il pouvait y avoir des partisans d'une accélération et des partisans pour une temporisation.
GUILLAUME DURAND
Bruno LE ROUX. Vous.
MICHEL SAPIN
Ce n'est pas exact. On peut ne pas vouloir répondre à l'agitation du moment, mais en même temps tracer des perspectives. Je souhaite, parce que c'est le rôle du président de la République, et c'est dans la nature de François HOLLANDE, qu'il trace des perspectives. Il avait fait un très beau discours – alors ses très beaux discours ne sont pas toujours ceux qui sont les plus commentés – sur la question de la société française, de son unité, du dialogue, du dialogue social par exemple, là il va faire un discours…
GUILLAUME DURAND
Je vous écoute, mais j'ai de nombreuses questions.
MICHEL SAPIN
Oui, bien sûr, mais il va faire un discours sur un sujet fondamental pour les Français…
GUILLAUME DURAND
Fondation Jean Jaurès mi-septembre.
MICHEL SAPIN
Oui, mais le terrorisme, comment on lutte contre le terrorisme, c'est quand même… on ne va pas lutter pendant 3 mois, on va lutter pendant des années contre le terrorisme. Comment on lutte contre le terrorisme, ça c'est un sujet fondamental, en termes d'efficacité, mais aussi de protection de la démocratie française.
GUILLAUME DURAND
Vous donnez, Michel SAPIN, l'impression que sa présidence n'est pas fragilisée, vous parliez de surplomb, mais du surplomb on peut – pardonnez-moi l'expression – se casser la gueule, et vous parlez de terrorisme aussi, il y a quand même des gens qui se disent faisons le bilan, Charlie Hebdo, l'Hyper Cacher, Saint-Etienne-du-Rouvray, Nice, le Bataclan, tout cela s'est passé sous sa présidence.
MICHEL SAPIN
Mais est-ce que quelqu'un pense que sous une autre présidence ces événements n'auraient pas eu lieu ?
GUILLAUME DURAND
Oui, Nicolas SARKOZY.
MICHEL SAPIN
Oui, je crois qu'il est le seul, c'est sa présomption à lui, mais c'est la présomption d'un seul…
GUILLAUME DURAND
La France n'a pas de capitaine.
MICHEL SAPIN
C'est donc la présomption d'un seul. Tous les Français, de droite, ou de gauche, qui raisonnent, et ils sont très nombreux ainsi, savent bien que ces événements viennent frapper la France parce qu'il y a une situation internationale qui est une situation internationale nouvelle, parce que la France est engagée pour lutter contre Daesh, contre tous ces mouvements terroristes, et la France résistera, et les Français avec. Donc, juste sur ce point là, le président est fort de ce qu'il est aujourd'hui institutionnellement, il est fort de son caractère, et ce n'est pas une démission par-ci, ou une déclaration de candidature par là, qui doivent changer quoi que ce soit au rythme du président de la République.
GUILLAUME DURAND
Et vous croyez que ça va décourager MONTEBOURG, que ça va décourager HAMON, que ça va décourager LIENEMANN, que ça va décourager MACRON, que ça va décourager tous ceux qui envisagent de se présenter ?
MICHEL SAPIN
Juste en disant cela, et en mettant la liste des découragements éventuels, vous montrez, comment dirais-je, le caractère peu important de tout cela, par rapport aux sujets qui concernent profondément les Français.
GUILLAUME DURAND
Michel SAPIN, vous êtes un homme responsable, et vous avez une grande expérience politique, la situation de François HOLLANDE, comme président de la République, sous la Ve République, en matière d'impopularité, est quand même totalement inédite. Ce n'est pas en se protégeant derrière les institutions, qu'il va tracer la ligne d'un deuxième quinquennat sans faire quelque chose…
MICHEL SAPIN
Mettez-vous quelques années en arrière, est-ce qu'à cette période-ci de l'année 2011 le président de la République de l'époque, futur candidat, était en belle et bonne situation ? Il ne l'était pas, et pourtant il y a eu ensuite une campagne électorale et, lui-même le premier, dit qu'il n'était pas loin. C'est vrai que les choses se sont rééquilibrées…
GUILLAUME DURAND
Donc vous souhaitez la candidature de François HOLLANDE, vous ne pensez pas une seule seconde qu'il va renoncer ?
MICHEL SAPIN
J'ai toujours dit que je ne voyais personne d'autre que François HOLLANDE pour rassembler la gauche et rassembler les Français.
GUILLAUME DURAND
Mais est-ce qu'il vous l'a dit, lui ?
MICHEL SAPIN
Il n'a pas à me le dire, pas plus à vous, il le dira aux Français le jour venu.
GUILLAUME DURAND
Le jour venu c'est quoi, c'est le 20 novembre ?
MICHEL SAPIN
Il a toujours dit que c'était à mi-décembre que les choses se passaient, je ne vois pas pourquoi moi je lui fixerai une autre… de quel droit de fixerai une autre date que celle-là.
GUILLAUME DURAND
Une version désagréable de l'affaire MACRON, qui vous concerne directement, ou qui ne vous concerne pas d'ailleurs. On a un petit peu oublié les désagréments qu'il avait connus, notamment son ISF révélé, est-ce que ça vient de vous ?
MICHEL SAPIN
Evidemment non, d'ailleurs personne de sérieux ne pense cela, je ne m'occupe d'aucun dossier fiscal, ni de ceux des ministres, ni de ceux de telle ou telle personnalité, ça fait partie de ces fantasmes habituels. Pour le reste, écoutez, qu'un ministre paye l'ISF et que ça se sache parce que c'est la transparence, moi ça ne me gêne pas.
GUILLAUME DURAND
Donc ce n'est pas une boule puante…
MICHEL SAPIN
Non, mais enfin… nous déclarons nos patrimoines, tous nos patrimoines sont connus. Vous allez sur Internet et vous connaissez le patrimoine de chacun des ministres. La transparence, dans ce domaine-là, c'est qu'il y a de mieux.
GUILLAUME DURAND
Est-ce que c'est un traître ?
MICHEL SAPIN
Non, je n'aime pas ces termes-là, parce que je trouve que ce sont des termes qui sont d'une violence inutile.
GUILLAUME DURAND
Ils viennent de la gauche !
MICHEL SAPIN
Mais je trouve que…
GUILLAUME DURAND
« Déserteur » a dit Manuel VALLS.
MICHEL SAPIN
Ce n'est pas tout à fait la même chose, mais, le terme de traître est un terme que je trouve inutilement violent, mais je le mettrais sur un autre domaine. Un mot qui a beaucoup été utilisé, mais qui est un beau mot, est celui de loyauté. Moi je crois à la loyauté, je crois au respect que l'on doit…
GUILLAUME DURAND
Mais il l'a dit hier à Châlons-en-Champagne, il a dit qu'il était loyal.
MICHEL SAPIN
Il faut faire très attention de ne pas affirmer, à l'extérieur, quelque chose que l'on ne fait pas à l'intérieur.
GUILLAUME DURAND
Vous voulez dire qu'il a dit à François HOLLANDE, jusqu'au dernier moment, qu'il n'irait pas ?
MICHEL SAPIN
La loyauté, chacun jugera. Vous savez, ces questions de loyauté, elles ne s'affirment pas, ni par la personne concernée, ni d'ailleurs par moi-même, elles se jugent par les Français, c'est un sentiment qu'on a sur les personnes. La loyauté, pour moi, ça compte beaucoup, parce que la loyauté…
GUILLAUME DURAND
Donc il a été déloyal.
MICHEL SAPIN
Parce que la loyauté, c'est ça aussi qui permet à un gouvernement, qui permet à un mouvement, de ne pas être simplement individuel.
GUILLAUME DURAND
Donc il a été déloyal d'après vous.
MICHEL SAPIN
Le devenir individuel, le destin individuel, ça n'existe pas dans le monde d'aujourd'hui.
GUILLAUME DURAND
Donc il a été déloyal d'après vous.
MICHEL SAPIN
Je parle de la loyauté d'une manière générale, ça vaut pour tout le monde, ça vaut pour Monsieur MACRON, comme ça vaut pour Monsieur SAPIN, comme ça vaut pour bien d'autres.
GUILLAUME DURAND
Donc il lui a menti.
MICHEL SAPIN
Arrêtez de chercher à me faire dire des choses désagréables. Par ailleurs, permettez-moi de le dire, parce que la vie politique elle est aussi faite ainsi, je le respecte beaucoup comme individu, avec lequel j'ai considérablement travaillé, avec lequel nous avons construit, vous savez quoi ? Le projet du candidat François HOLLANDE, qui était le projet du président de la République.
GUILLAUME DURAND
C'est un candidat qui n'est pas candidat mais qui est quand même en campagne à Châlons-en-Champagne, tout le monde l'a vu embrasser les agriculteurs hier, donc son ambition elle est claire. Il dit que ce n'est pas encore le moment de l'incarnation, mais en fait c'est…
MICHEL SAPIN
Les ambitions, elles ne sont pas exprimées de l'extérieur, là encore, ou par les commentateurs, par vous ou par moi, elles doivent être exprimées par les personnes, bien ! Moi, une ambition, elle n'est pas fondée simplement sur la capacité ou le nombre des selfies, l'ambition elle est fondée sur un projet, un programme, pas seulement sur une démarche un peu évanescente, mais sur des propositions. Le jour où on fait des propositions, alors là il y a des gens qui sont pour, il y a des gens qui sont contre, j'attends ce moment-là, parce que c'est un moment qui est décisif, c'est le moment où, au fond, on voit…
GUILLAUME DURAND
Mais le jour où ça aura lieu, vous les regarderez ?
MICHEL SAPIN
Evidemment, vous regardez tout. J'attends d'ailleurs, et j'attends avec impatience.
GUILLAUME DURAND
Question. Nicolas SARKOZY a dit justement, puisqu'on entre dans la discussion budgétaire, qu'il va y avoir le budget, ce sera le dernier grand acte de ce quinquennat, qu'il n'était pas question, en tout cas qu'il reviendrait sur le prélèvement à la source. La première question a un caractère formel, est-ce que définitivement, puisque vous incarnez l'économie au sein de ce gouvernement, il y aura bien, pour les Français, d'une manière irréversible, le prélèvement à la source en janvier 2018 ?
MICHEL SAPIN
Dans une démocratie, je n'ai pas le droit de dire que quelque chose est irréversible, parce que par définition, si une autre majorité veut voter une loi différente de celle qui a été votée précédemment, elle peut le faire, sinon ce n'est pas la peine qu'il y ait une démocratie et des possibilités d'alternance. Mais ça ne se passe à ce niveau-là. quel intérêt il y aurait, pour quelle que majorité que ce soit, l'année prochaine, de remettre en cause une réforme, qui n'est pas une réforme idéologique, qui n'est même pas une réforme de justice fiscale, on ne fait pas payer plus aux uns ou moins aux autres, on fait payer la même chose aux uns et aux autres, mais qui est une réforme de simplification de la vie des gens. Il faut juste rappeler ce que c'est le prélèvement à la source, c'est faire en sorte que vous puissiez payer vos impôts en fonction des revenus, du moment, et non pas en fonction des revenus, de l'année précédente. Rien qu'en disant cela, chacun voit bien que vous avez pu avoir des gros revenus l'année dernière…
GUILLAUME DURAND
Il y a des Français qui y sont hostiles, ils n'ont pas tellement envie…
MICHEL SAPIN
Les Français sont ?
GUILLAUME DURAND
Il y a pas mal de Français qui sont hostiles à cette idée.
MICHEL SAPIN
Je pense que vous avez regardé les sondages, vous les regardez attentivement quand il s'agit du président de la République…
GUILLAUME DURAND
J'ai dit pas mal, je n'ai pas dit tous.
MICHEL SAPIN
Quand on dit 65 à 75 % des Français sont favorables à cette réforme, j'attends beaucoup de réformes, de gauche ou de droite, qui sont ainsi soutenues. Donc, ils ont bien compris, les Français, que quand on a à payer des impôts élevés, parce qu'on a eu des revenus plus élevés, au moment où vous avez des revenus qui baissent, il y a quand même un problème, demandez aux chômeurs, demandez aux retraités, demandez à toute personne dont, dans la vie active, les revenus varient. C'est cela, simplification de la vie des Français, tout le monde l'a compris. Pourquoi supprimer une réforme qui est une réforme de simplification de la vie des Français ?
GUILLAUME DURAND
Pour être encore plus précis, c'est important. Donc en 2017 on paye pour 2016, en 2018 on va payer pour 2018, et les revenus de 2017, on en fait quoi ? Annoncez-nous une bonne nouvelle, il n'y en n'a plus !
MICHEL SAPIN
Mais je ne peux pas vous annoncer une bonne nouvelle, parce que la bonne nouvelle, que vous attendririez, c'est de ne pas payer d'impôts en 2017.
GUILLAUME DURAND
Eh bien oui !
MICHEL SAPIN
Or vous venez de décrire exactement la situation, en 2017 on paiera, comme aujourd'hui, des impôts sur les revenus de l'année précédente, donc les Français, et moi, nous paierons, heureusement pour l'Etat si je puis dire, des impôts en 2017. Et en 2018 nous paierons nos impôts sur nos revenus de 2018, c'est ça la réforme, les impôts l'année même des revenus.
GUILLAUME DURAND
Oui, j'ai compris et…
MICHEL SAPIN
Non, non, pas tout le monde, parce que parfois on rentre par des petits bouts, dans cette réforme, en ne mettant pas l'essentiel sur la table. Donc, l'année prochaine, oui, il va y avoir des revenus, de 2016, qui seront mis entre parenthèse, ils ne sont pas supprimés, ils sont mis entre parenthèse puisque, on calculera, en 2018, l'impôt sur les revenus 2018.
GUILLAUME DURAND
Mais sur justement l'imposition à la source, on met tout, c'est-à-dire on met les revenus, on met les actions, on met les revenus mobiliers, immobiliers, on met les stock-options ? Qu'est-ce qui va se passer avec les déductions ?
MICHEL SAPIN
Alors, faites attention… on est dans des choses un peu compliquées…
GUILLAUME DURAND
Non, mais c'est très important pour les gens qui nous écoutent !
MICHEL SAPIN
Bien sûr, mais il y a déjà aujourd'hui du prélèvement à la source sur certains revenus. Vous parliez des revenus mobiliers, il y a un prélèvement à la source aujourd'hui, déjà aujourd'hui.
GUILLAUME DURAND
Donc ça, ça sera maintenu.
MICHEL SAPIN
Donc c'est maintenu de la même manière. Ensuite, l'idée c'est de pouvoir, dans le taux qui sera prélevé sur votre salaire, sur votre revenu, sur votre retraite, d'intégrer le plus possible des éléments, qui concernent les revenus des uns et des autres. Et ça sera - je veux le dire ici très clairement - le seul interlocuteur, de chacun d'entre nous, quand il s'agit d'impôts, c'est l'administration fiscale, il n'y en n'a pas d'autre, on ne parle d'impôts qu'avec son – autrefois on disait son percepteur – on ne parle d'impôts qu'avec les fonctionnaires, les agents, de l'administration fiscale.
GUILLAUME DURAND
Vous voulez dire qu'il peut y avoir, en fonction de son centre d'impôts, un ajustement des uns aux autres, on pourra…
MICHEL SAPIN
Non, ce n'est pas ça, mais le taux sera calculé sur des méthodes assez simple, qui permettent… Pour 90 % des Français c'est d'une simplicité enfantine, et ils ont un seul revenu, ce revenu on le connaît, ça fait un taux de prélèvement. Il peut y avoir des gens qui ont, et un revenu salarial, et d'autres revenus.
GUILLAUME DURAND
D'accord, ça, ça sera discutable avec son centre des impôts pour tout le monde.
MICHEL SAPIN
Non, pas discutable, la loi elle n'est pas discutable, mais la loi offrira des possibilités de choix qui permettront de s'adapter à certaines situations.
GUILLAUME DURAND
Mais dites-moi, si je suis un grand dirigeant d'entreprise et que je touche des stock-options, justement, je peux peut-être essayer de demander à mon patron de les imputer sur 2017, puisque visiblement, pour 2017, il y aura un petit problème.
MICHEL SAPIN
Je vous que vous raisonnez en fonction de la situation de l'ensemble des Français…
GUILLAUME DURAND
Non, pas du tout, mais j'essaye d'être pratique.
MICHEL SAPIN
Il peut y avoir…
GUILLAUME DURAND
Ça ne me concerne pas, donc voyez…
MICHEL SAPIN
Il peut y avoir certaines professions, ou certaines situations…
GUILLAUME DURAND
Où les revenus variables peuvent être imputés sur 2017.
MICHEL SAPIN
Où on pourrait, comme on dit, optimiser, essayer…
GUILLAUME DURAND
Pourquoi pas !
MICHEL SAPIN
Oui, oui, c'est humain, mais enfin il est nécessaire, parce que c'est aussi une manière de préserver l'intérêt général, d'avoir des dispositifs qu'on appellera des dispositifs anti-abus.
GUILLAUME DURAND
Ça veut dire que vous allez contrôler les patrons et les dirigeants d'entreprise plus particulièrement sur 2017.
MICHEL SAPIN
Pas du tout, on a des systèmes qui permettent de savoir quels étaient les revenus de manière générale pendant 3 ans, si la situation est tout d'un coup modifiée, pendant une seule année, qui est par hasard 2017, ça se voit très vite, quelle que soit la profession des personnes concernées.
GUILLAUME DURAND
Les déductions fiscales pour les emplois à domicile ?
MICHEL SAPIN
Alors ça c'est très important, il faut le dire. Il y a des réductions d'impôt, ou des crédits d'impôt, ils sont totalement et complètement maintenus. Les droits à des réductions d'impôt, au titre de 2017, seront acquis. Les droits au titre de 2018, seront acquis.
GUILLAUME DURAND
Il est 8H31 sur l'antenne de Radio Classique, je voudrais qu'on continue parce qu'il y a beaucoup de choses qui sont importantes dans ce domaine, est-ce que les 2 milliards d'impôts en moins prévus par François HOLLANDE et annoncés au printemps, est-ce que tout ça va avoir lieu ?
MICHEL SAPIN
Le président de la République il a dit, au printemps, parce que c'était un moment où on pouvait prévoir, les uns, les autres, plus de croissance e, 2017, l'année prochaine, que s'il y avait plus de croissance on pouvait aller, on pouvait disposer d'une marge de l'ordre de 2 milliards. Tout le monde est d'accord pour dire aujourd'hui qu'il ne serait pas raisonnable de construire un budget sur une croissance supérieure à 1,5 % l'année prochaine. Donc, nous ne sommes pas dans la même situation, il faut être sérieux, le président de la République est le premier à l'être. On ne peut pas, avec une croissance qui ne va pas augmenter plus que ce qu'on avait prévu, pouvoir distribuer plus…
GUILLAUME DURAND
Donc on laisse partir…
MICHEL SAPIN
Evidemment non, on ne peut distribuer plus ou beaucoup plus que ce qu'on avait prévu, en tous les cas il faut qu'il y ait des contreparties…
GUILLAUME DURAND
Mais à ce moment-là, si les déficits, et si la croissance n'est pas plus forte, comment on fait pour mettre 2 milliards ?
MICHEL SAPIN
Pas 2 milliards, je vous ai dit qu'il n'y avait pas une marge de 2 milliards, 2 milliards c'est la marge entre 1,5 et 1,7 de croissance, nous n'aurons pas 1,7, nous n'afficherons pas 1,7. On aura peut-être 1,7, mais ça, nous n'afficherons pas 1,7, 1,5.
GUILLAUME DURAND
Donc ?
MICHEL SAPIN
Donc nous travaillons sur les données actuelles du budget, sur nos engagements, dans le respect scrupuleux des engagements, qui ne sont pas tellement vis-à-vis de l'Europe, c'est vis-à-vis des Français, nous nous sommes engagés, l'année prochaine, à passer en dessous de 3 % - le chiffre technique c'est 2,7 % - nous nous sommes engagés à cela, nous respecterons cet engagement, c'est fondamental.
GUILLAUME DURAND
Donc j'en reviens à la question, les 2 milliards promis, est-ce que ça aura lieu ou pas ?
MICHEL SAPIN
Est-ce que je peux me permettre de vous répéter une troisième fois que 2 milliards c'est la différence entre 1,5 et 1,7, et que donc la marge n'est pas la même, donc cessons de parler de 2 milliards, et nous regarderons, nous sommes en train de regarder, quelles sont, à l'intérieur des données actuelles, les marges. Il y en a. Ce n'est pas parce qu'on n'a pas 2 milliards qu'on ne peut rien faire, on peut faire, on va faire…
GUILLAUME DURAND
D'accord, mais on… que François HOLLANDE a promis quelque chose que la gauche ne peut pas…
MICHEL SAPIN
On va faire, comme nous avons fait. Nous avons baissé l'impôt sur le revenu depuis 3 ans.
GUILLAUME DURAND
Après l'avoir augmenté considérablement.
MICHEL SAPIN
Après que Nicolas SARKOZY ait commencé…
GUILLAUME DURAND
Vous aussi, vous le savez.
MICHEL SAPIN
Et que nous ayons continué. Oui, mais soyons honnêtes, la situation de la France, désespérante, en 2010, dès 2010, a obligé, y compris Nicolas SARKOZY, à augmenter l'impôt des revenus des Français.
GUILLAUME DURAND
A cause de la crise.
MICHEL SAPIN
A cause de la crise, évidemment, et vous croyez qu'elle s'est arrêtée en 2012 la crise ? Donc, à partir de 2014, la croissance a repris en France, 2015, c'est à partir de la cela que, normalement, légitimement, nous rendons, en termes d'impôt sur le revenu, aux Français, une partie des efforts qu'ils ont faits.
GUILLAUME DURAND
Survient une question à caractère politique et après on va terminer sur tout ça, mais c'est vrai qu'il a promis 2 milliards, maintenant vous me dites ça ne sera pas 2 milliards, donc on dit finalement la gauche promet – pardonnez-moi l'expression – un petit peu n'importe quoi, c'est le président de la République qui s'avance trop vite quoi !
MICHEL SAPIN
Si la réalité est celle que vous décrivez, je comprends votre commentaire, mais François HOLLANDE n'a rien promis, arrêtez de dire cela. Il a dit, très clairement, il y a une perspective de 1,7, en juin, si nous avons cette perspective de 1,7, nous avons une marge de 2 milliards. Le sérieux, aujourd'hui, après le Brexit, après les attentats, qui ont quand même des conséquences aussi sur l'économie française, en particulier dans le domaine du tourisme, le sérieux ce n'est pas d'afficher l'année prochaine n'importe quel taux de croissance uniquement pour se donner des marges qui seraient factices. Nous sommes sérieux, et pourtant, nous allons continuer à baisser l'impôt des Français, parce qu'il faut faire dans la continuité, ça a baissé en 2014, ça a baissé en 2015, les Français s'aperçoivent, pour beaucoup d'entre eux, que ça a baissé en 2016, et nous continuerons en 2017.
GUILLAUME DURAND
Nicolas SARKOZY propose 25 milliards pour les ménages, JUPPE 14 milliards pour les ménages, 21 milliards pour les entreprises, donc vous voyez qu'on peut faire…
MICHEL SAPIN
Nicolas SARKOZY 34 milliards pour les entreprises.
GUILLAUME DURAND
Donc vous voyez qu'on peut faire beaucoup mieux que ce que vous faites.
MICHEL SAPIN
On peut afficher beaucoup, au concours de la démagogie, il n'y a jamais de limite.
GUILLAUME DURAND
Mais ce n'est pas de la démagogie, puisque s'ils arrivent au pouvoir, ils le feront. C'est un programme politique.
MICHEL SAPIN
Et donc, ils financent comment ?
GUILLAUME DURAND
C'est une question qu'il faudra leur poser.
MICHEL SAPIN
Je vous la pose. C'est étonnant d'avoir une réponse…
GUILLAUME DURAND
Je ne suis pas le porte-parole de l'opposition…
MICHEL SAPIN
C'est étonnant d'avoir une réponse quand il s'agit de baisser les impôts, mais de ne pas avoir de réponse quand il s'agit de financer ces baisses.
GUILLAUME DURAND
Vous connaissez, puisque, en fond, entre 100 et 150 milliards de dépenses publiques, c'est leurs programmes, donc c'est là-dessus que ça s'appuie.
MICHEL SAPIN
Ah oui, et où ?
GUILLAUME DURAND
81 milliards dit JUPPE, qui veut le documenter.
MICHEL SAPIN
Et vous voulez juste, comme ça, qu'on discute ? On baisse de 50 milliards les impôts l'année prochaine, et vous croyez qu'on baisse de 50 milliards l'année prochaine les dépenses…
GUILLAUME DURAND
Donc vous nous dites ce matin que les programmes de la droite sont irréalistes dans ce domaine-là ?
MICHEL SAPIN
Ils ne sont pas irréalistes, ils sont irresponsables. C'est clair. D'ailleurs, tout le monde le sait, eux-mêmes les premiers. C'est irresponsable de dire on baisse de 50 milliards les impôts une année, et puis on verra, au cours des cinq années qui suivent, comment on peut trouver une solution. Parce que, ça veut dire quoi, que, comme d'habitude, de nouveau, c'est le déficit qui augmente, c'est l'endettement de la France qui augmente ? Ils l'ont fait, ils l'ont fait entre 2007 et 2012, nous rétablissons difficilement les choses.
GUILLAUME DURAND
D'accord, mais la suppression des postes de fonctionnaires, la diminution du périmètre de l'Etat, il y a quand même beaucoup de choses qui peuvent…
MICHEL SAPIN
Ah oui, quand vous supprimez des postes de fonctionnaires ça a un effet dès la première année ?
GUILLAUME DURAND
Je n'ai pas dit ça. Je ne suis pas le porte-parole de l'opposition, j'essaye de discuter avec vous d'un problème qui est quand même extrêmement concernant par les Français.
MICHEL SAPIN
Je le sais bien, mais j'essaye de vous montrer, rapidement, trop rapidement, mais nous aurons le temps de le faire au cours des semaines et des mois qui viennent, que ce qui est proposé par les uns et par les autres dans ce domaine est totalement irresponsable.
GUILLAUME DURAND
D'accord, mais enfin vous savez quand même qu'on est recordmen d'Europe, voire même du monde, de l'imposition en France.
MICHEL SAPIN
Raison de plus pour continuer, comme nous le faisons, à baisser les impôts.
GUILLAUME DURAND
Y aura-t-il une taxe sur la malbouffe ? Je parle du point de vue économique. Ça concerne tous ceux qui sont un peu trop ronds, vous, moi, Christian ECKERT le secrétaire d'Etat…
MICHEL SAPIN
Oui, mais vous faites des efforts, moi aussi, et ce n'est pas forcément la peine de faire des efforts par des taxations.
GUILLAUME DURAND
Il n'y aura pas de taxe sur la malbouffe ?
MICHEL SAPIN
Je n'en sais rien, j'ai vu que c'était des propositions, ce n'est pas parce que des propositions sont faites, qui peuvent être intelligentes, que pour autant ce seront des réalités.
GUILLAUME DURAND
Donc vous ne les retenez pas ?
MICHEL SAPIN
Je n'ai pas trop envie, pour vous dire les choses clairement, que nous essayons de faire difficilement, et nous le faisons, de baisser les impôts, de supprimer des taxes, et puis d'en voir se créer, comme ça, par ailleurs. Il y a un moment donné où il y a des contradictions dans les mots et dans les phrases.
GUILLAUME DURAND
Donc ça c'est une hypothèse de la direction du Trésor qui n'a pas lieu d'être ?
MICHEL SAPIN
Mais si, mais la direction du Trésor elle est là pour faire des propositions, alimenter la réflexion, et il se trouve que les politiques sont là pour décider, c'est ce que nous ferons.
GUILLAUME DURAND
La presse, qui suit la vie des ministres, considère qu'à un moment vous avez demandé à l'île d'Yeu qu'un hélicoptère aille chercher votre bateau qui dérivait un peu, c'est vrai cette histoire ?
MICHEL SAPIN
Non, c'est faux.
GUILLAUME DURAND
Je suis désolé…
MICHEL SAPIN
Je m'étonne que vous posiez cette question, mais j'y réponds bien entendu avec beaucoup de plaisir. Mon bateau a subi une malveillance, vous savez, quand un bateau est accroché en mer et que c'est coupé, qu'il s'en va, c'est un peu désagréable. J'ai donc signalé, ce qui me paraît la moindre des choses, à la gendarmerie, ce fait, et la gendarmerie a fait le travail qui devait être le sien, heureusement. Mais malgré tout, vous savez, un gendarme, même dans une petite île, il a aussi, c'est ça la République, la tâche de protéger les institutions.
GUILLAUME DURAND
Dernier point, pour revenir à des choses plus importantes, c'est le rendez-vous HOLLANDE-MERKEL aujourd'hui, sur le traité de libre-échange, madame MERKEL dit qu'il faut absolument que ce traité ait lieu, car il va créer des milliers, voire des millions d'emplois en Europe, et la gauche, que vous représentez ce matin donc, à 8H38 sur l'antenne de Radio Classique, dit il n'en n'est pas question. Qui a tort ?
MICHEL SAPIN
Si les choses étaient aussi simples. Le président de la République, en tous les cas, a raison, de dire qu'aujourd'hui on ne peut plus continuer comme cela, on ne peut plus continuer comme cela. Les négociations se passent dans des conditions qui ne sont pas utiles, qui ne sont pas efficaces d'ailleurs, il faut clarifier les choses, et je pense, effectivement, qu'il faut qu'il y ait, aujourd'hui, un moment d'arrêt, un moment où ça permette à chacun de regarder où l'on est.
GUILLAUME DURAND
Donc on est dans un divorce franco-allemand absolu.
MICHEL SAPIN
Non.
GUILLAUME DURAND
Ça a mal commencé entre HOLLANDE et MERKEL au début…
MICHEL SAPIN
Non, le débat a lieu… mais, être dans le dialogue, entre un grand pays comme l'Allemagne, et un grand pays comme la France, ce n'est pas être toujours aligné sur la position de l'autre, et surtout pas aligné sur la position allemande, mais les Allemands seraient les premiers à trouver cela étrange. Donc, affirmer des positions, les uns et les autres, c'est le gage d'un dialogue possible, ce dialogue a lieu et, évidemment, il y aura une position commune, franco-allemande, sur ces sujets.
GUILLAUME DURAND
Merci beaucoup Michel SAPIN d'être venu ce matin sur l'antenne de Radio Classique, il était très important de faire le point sur les questions politiques et économiques. Bonne journée à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 septembre 2016