Interview de M. Alain Vidalies, secrétaire d'Etat aux transports, à la mer et à la pêche, à Europe 1 le 13 septembre 2016, sur l'avenir du site Alstom de Belfort.

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Média : Europe 1

Texte intégral

THOMAS SOTTO
Un ministre au coeur de la tempête ALSTOM, depuis hier le gouvernement essaie d'éteindre un feu qu'il n'a pas vu venir, qu'il n'a pas su gérer. Bonjour Alain VIDALIES.
ALAIN VIDALIES
Bonjour.
THOMAS SOTTO
Il faut apporter des commandes à ALSTOM a dit François HOLLANDE, Alain VIDALIES, ce n'est pas aussi illusoire qu'une lettre au Père Noël de dire, il faut apporter des commandes quand la direction annonce la fermeture du site de Belfort ?
ALAIN VIDALIES
Le problème du site de Belfort, il est clair, c'est un site qui ne sera en difficulté que dans deux ans, à partir de 2018, ce que dit la direction, avec un trou de commande qui va de 2018 à 2022 puisqu'à partir de cette date le TGV du futur qui est en construction pourra relayer l'activité.
THOMAS SOTTO
Donc François HOLLANDE dit, il faut apporter des commandes, comment, quand, où ?
ALAIN VIDALIES
Quand, comment, où, cinq réponses immédiatement pour être très concret en dehors de toute polémique. Il y a trois dossiers qui peuvent se concrétiser rapidement. Le premier, une négociation directe entre la SNCF et ALSTOM sur un train qui est exploité par la SNCF, qui fait Paris-Turin-Milan, aujourd'hui ils ne se sont pas mis d'accord, je les invite à se mettre d'accord.
THOMAS SOTTO
Vous les invitez, ou vous allez les obliger à se mettre d'accord ?
ALAIN VIDALIES
Je les invite à se mettre d'accord, ça veut dire que nous, on est à la SNCF, il y a des discussions sur les prix, c'est bien normal, on y travaille …
THOMAS SOTTO
Donc, vous à la SNCF vous ferez en sorte que ALSTOM dont vous êtes aussi actionnaire soit satisfait et que cette commande se fasse sur le Lyon-Turin ?
ALAIN VIDALIES
Alors ce n'est pas le Lyon-Turin, au sens du passage du Lyon-Turin…
THOMAS SOTTO
On est d'accord.
ALAIN VIDALIES
Mais c'est un train exploité par la SNCF aujourd'hui qui s'appelle Paris-Turin-Milan, c'est un train qu'il faut changer parce que les Italiens ont changé les règles en matière notamment techniques et environnementales, la discussion était déjà en cours, elle n'avait pas abouti, ils étaient plutôt de part et d'autres…
THOMAS SOTTO
Donc vous dites, il faut que ça se fasse.
ALAIN VIDALIES
Voilà six rames, douze locomotives, premier dossier. Deuxième dossier, il y a une discussion en cours avec une consultation faite par la RATP pour des loco…, des petites machines, des locomotives pour faire les travaux à la RATP. Troisième dossier, je confirme que nous allons, là il n'y a pas d'appel d'offres puisque c'est une marché en cours, commander au groupe ALSTOM, 30 rames pour les trains d'équilibre du territoire exactement…
THOMAS SOTTO
Les Intercités, c'est ça 30 Intercités ? C'est de cela dont vous parlez ?
ALAIN VIDALIES
Là c'est les Intercités, je confirme la commande, parce que là vous avez déjà dit, ce ne sera pas la solution pour l'avenir de Belfort par exemple.
ALAIN VIDALIES
Ce n'est pas la solution pour l'avenir de Belfort, les deux premiers concernaient Belfort, celui-ci concerne l'ensemble du groupe. Mais comprenez bien que sur un groupe de 9 000, à partir du moment où on amène des commandes au groupe, on peut aussi discuter de la répartition de l'effort par la suite. Deux autres dossiers, premièrement un énorme dossier qui est en cours et qui explique, enfin à mon avis justifie que la direction aurait pu attendre, il y a le plus grand appel d'offres qui n'ait jamais existé, trois milliards et demi…
THOMAS SOTTO
En Ile-de-France.
ALAIN VIDALIES
… qui a été lancé par le STIF, dont on attend la réponse. Si la réponse devait être en tout ou partie favorable à ALSTOM, on peut penser qu'une partie au moins pour l'ingeneering pourrait être affectée à Belfort, dans tous les cas c'est le message qui est envoyé aujourd'hui par le gouvernement, à la fois à ALSTOM et à la fois à ceux qui décident du marché, en l'occurrence l'Ile-de-France. Donc nous avons là toute une série de dossiers, j'ajoute que je vais bien lancer en fin d'année pour un milliard un appel d'offres pour des trains d'équilibre des territoires pour les lignes structurantes, c'est-à-dire les grandes lignes que l'Etat va garder sous sa responsabilité.
THOMAS SOTTO
Vous êtes en train de dire que le site de Belfort est sauvé ?
ALAIN VIDALIES
Non mais je fais tout pour sauver le site de Belfort, c'est la lettre de mission qu'a donné le président et je pense que si on travaille concrètement au-delà des procès d'intention et de tout ce que j'entends depuis des heures sur ces dossiers-là, c'est un site où il y a 400 salariés, il a une histoire, moi je pense qu'il a aussi un avenir et je demande à ce que l'on puisse travailler concrètement, je viens de vous donner cinq exemples, il peut y en avoir d'autres.
THOMAS SOTTO
Il y a quand même un point qui nous étonne, c'est que vous prétendez, au gouvernement, n'avoir été au courant de rien. Ce n'est pas une faute de la part d'un actionnaire qui a 20 % de la maison, qui est donc son premier actionnaire, c'est pas un peu léger d'avoir été au courant de rien ? Ce n'est pas un défaut de gestion, ou d'implication, ou d'intérêt ?
ALAIN VIDALIES
Ce qui aurait été une faute pénale, c'est que le gouvernement soit au courant avant que le Comité d'entreprise ne le soit. Je suis très étonné que tous les commentateurs n'aient pas fait cette observation depuis hier. Car si le débat a eu lieu...
THOMAS SOTTO
Et ce n'est pas une faute politique et une faute de chef d'entreprise d'être débordé par la gestion de...
ALAIN VIDALIES
Si le débat avait eu lieu avant, et que vous en avez la preuve, ça s'appelle un délit s'entrave, donc ça n'a pas existé.
THOMAS SOTTO
Emmanuel MACRON, en mai 2015, il avait l'air d'être au courant. Le 28 mai il va à Belfort, il dit : « Notre objectif c'est zéro licenciement chez ALSTOM. L'Etat pèsera et ne laissera pas faire », c'était il y a un peu plus d'un an.
ALAIN VIDALIES
Oui, parce que nous avons des inquiétudes à ce moment-là, mais qui ne sont pas focalisées sur le site d'ALSTOM, c'est là que la situation est complètement paradoxale, car nous avons été alertés, et c'est pour ça que j'ai répondu, sur le site de Reichshoffen, et c'est pour ça qu'il y a les 30 rames dont j'ai parlé tout à l'heure et l'appel d'offres qui va venir...
THOMAS SOTTO
Les 30 rames qui ne sont pas pour Belfort, encore une fois.
ALAIN VIDALIES
Voilà, parce que nous avions été alertés, y compris les élus, les lettres que j'ai reçues revenaient sur les questions d'actualité. Est-ce que les élus en question nous ont interrogés aux Questions d'actualité à l'Assemblée nationale, depuis un an, sur Belfort ? Non. Mais sur Reichshoffen, oui.
THOMAS SOTTO
Mais il n'y a pas un ministre de l'Economie, il n'y a pas x-ministres à Bercy qui sont capables de...
ALAIN VIDALIES
Mais il y a un ministre de l'Economie, mais s'il n'est pas alerté, enfin, ce n'est pas le gouvernement qui a perdu le marché de Vossloh, ce n'est pas le gouvernement, c'est la Direction d'ALSTOM. L'avenir il était là. Ce n'est pas nous qui faisons l'appel d'offres.
THOMAS SOTTO
Vous comprenez, Alain VIDALIES, on sent venir un peu le côté Florange, l'enfumage de campagne, les promesses de François HOLLANDE et derrière là rase-campagne. Voilà.
ALAIN VIDALIES
Oui, eh bien écoutez, vous pouvez au moins remarquer que je ne suis pas venu avec l'enfumage, je vous parle, moi, de dossiers très précis, très techniques. Evidemment, vous en revenez, vous, à des considérations de procès d'intention ou général, mais ce n'est pas normal.
THOMAS SOTTO
Non, je reviens nulle part, je veux simplement savoir, Alain VIDALIES...
ALAIN VIDALIES
Je parle très concrètement, vous voulez du concret, vous avez du concret.
THOMAS SOTTO
... si à la réponse « il faut apporter des commandes à ALSTOM », vous dites : « Oui, il y en aura peut-être » ou « oui, il y en aura, c'est sûr » ?
ALAIN VIDALIES
Il y en aura c'est sûr, c'est ce que je viens de vous dire.
THOMAS SOTTO
Donc, ALSTOM sera sauvé.
ALAIN VIDALIES
Ma feuille de route c'est de sauver le site d'ALSTOM.
THOMAS SOTTO
D'accord, donc le site de Belfort ne fermera pas, tous les emplois seront préservés.
ALAIN VIDALIES
C'est exactement ce que je vais faire.
THOMAS SOTTO
L'Etat est un actionnaire provisoire d'ALSTOM, jusqu'au deuxième semestre 2017, après il perdra tout, il sortira, est-ce qu'il envisage d'utiliser son option d'achat, est-ce que vous envisagez de racheter ces actions ?
ALAIN VIDALIES
Je ne sais pas. Je ne veux pas répondre à cette question, parce que je ne sais pas. Ma responsabilité c'est gérer à Bercy et donc je ne veux pas m'immiscer dans un domaine qui n'est pas de ma compétence.
THOMAS SOTTO
Mais est-ce qu'il le faudrait, vous, le secrétaire d'Etat aux Transports, qui connaissez la situation chez ALSTOM, est-ce qu'il n'y a pas un danger de les laisser tomber ?
ALAIN VIDALIES
Je ne vais pas répondre à cette question, parce qu'en plus il y aurait un mélange des genres. Comprenez bien que moi je représente ici l'Etat dans la partie tutelle de grandes entreprises publiques, donc plutôt les clients, et donc c'est pour ça que j'apporte les réponses.
THOMAS SOTTO
Mais si vous n'êtes plus au capital en 2017, donc après la présidentielle, l'Etat ne pourra plus peser sur ALSTOM, on est d'accord.
ALAIN VIDALIES
Je pense que la situation serait peu près identique, enfin, je ne veux pas me mêler d'un débat qui ne m'appartient pas, mais que vous ayez 20 % ou que vous ayez... je pense que la responsabilité politique serait exactement la même dans cette situation.
THOMAS SOTTO
Merci beaucoup Alain VIDALIES d'être venu ce matin en direct sur Europe 1.
ALAIN VIDALIES
Merci à vous.
THOMAS SOTTO
Je rappelle que vous nous dites donc ce matin que vous avez la certitude de sauver le site ALSTOM de Belfort. Merci et bonne journée à vous.
ALAIN VIDALIES
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 septembre 2016