Texte intégral
Messieurs les ministres, chers collègues,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Mesdames et messieurs les ambassadeurs,
Messieurs les officiers généraux,
Mesdames et messieurs,
Je tiens avant toute chose à excuser l'absence du Ministre de la Défense, M. Jean-Yves Le Drian. Il a été très sensible à votre invitation car elle fait écho à l'initiative qu'il a portée l'an passé. Il souhaite que la rencontre de ce jour connaisse un plein succès et de belles perspectives.
C'est une émotion particulière et un grand honneur pour moi d'être présent parmi vous aujourd'hui.
En effet, il y a près d'un an, 195 Etats se sont mobilisés afin d'aboutir à un accord ambitieux sur le climat à Paris. En amont de cette COP21, notre ministre réunissait à son initiative 33 délégations étrangères représentant les départements de défense.
Ecologie et défense : en général, ces deux termes, et les réalités qu'ils recouvrent, sont rarement associés, et sont même, de façon superficielle, perçus comme opposés. Cette première conférence internationale entendait justement dépasser ces préjugés et montrer que le changement climatique induit des implications stratégiques et sécuritaires de premier ordre, en particulier en termes de résilience des Etats les plus impactés.
Pour la première fois sur la scène internationale, 33 Etats, l'Organisation des Nations Unies, l'Union africaine et plus de 600 représentants des institutions de défense, des administrations, du monde académique et associatif et du secteur privé se sont ainsi mobilisés, afin de renforcer leurs capacités collectives d'analyse des risques et de partager leur expérience en matière d'adaptation des forces armées.
Cette conférence, qui présageait le succès de la COP21, a su engager une nouvelle dynamique de dialogue et de coopération entre nos ministères sur les questions climatiques. Nous disposons désormais du forum international adéquat pour éveiller les consciences sur l'importance de ces enjeux.
Quelle meilleure preuve de cette dynamique que notre présence, en nombre, aujourd'hui à Skhirat?
L'initiative portée par M. Le Drian l'an passé a été conçue pour s'inscrire dans la durée : les effets des changements climatiques dureront et façonneront l'avenir. Ses premiers effets frappent déjà certains Etats qui subissent une dégradation sensible de leur environnement.
Dans cette logique, notre ministère a conçu, et mis en uvre sans plus tarder, un ensemble de mesures dans les domaines du développement durable, de l'adaptation de nos forces et de nos équipements et, enfin, de nos capacités en matière d'analyse du risque stratégique.
Je souhaite, revenir sur le constat alarmant, et l'inquiétude partagée qui furent les nôtres l'an passé, en termes de résilience de notre environnement stratégique face aux effets des changements climatiques.
Un constat qui part de l'aggravation manifeste de la situation économique, sociale et politique dans certains pays à la suite des effets directs et indirects des changements climatiques.
Un constat qui rappelle que de telles situations peuvent favoriser l'apparition de crises internes, qui elles-mêmes sont susceptibles de déboucher sur des crises régionales et internationales.
Mais ces constats ne suffisent pas à établir que les changements climatiques sont directement, et à eux seuls, responsables du déclenchement d'un conflit.
Nos capacités d'analyse en la matière sont encore manifestement insuffisantes : l'absence d'études empiriques nous empêche d'analyser précisément de tels liens de causalité entre climat et conflictualité. Plus grave : faute d'avoir investi dans ce domaine, notre vivier d'experts nationaux demeure trop limité.
C'est pourquoi le ministère de la défense a estimé prioritaire le développement, en quantité et en qualité, d'une communauté d'experts de haut niveau, académiques et praticiens, publics et privés. Cette ambition trouve d'ores et déjà sa traduction dans le financement sur plusieurs années de doctorants et post-doctorants auprès de plusieurs universités françaises, ainsi que dans la mise en uvre d'une importante étude pluriannuelle, confiée à des think tanks nationaux, et permettant d'illustrer par des études de cas sur les régions les plus vulnérables, en particulier sur le continent africain.
Cette approche pluridisciplinaire entend renforcer directement nos capacités de veille, d'analyse et d'élaboration de stratégies publiques. Nous y consacrerons plusieurs millions d'euros au cours des quatre prochaines années.
Au-delà, je tiens à rappeler que le ministère de la défense a participé à des événements d'envergure internationale, à l'image de la conférence Climate change, security & defense conference qui s'est tenue au Canada en novembre 2015, ou, plus récemment, le séminaire Defense and climate change dans le cadre de l'exercice multinational Tempest Express qui s'est déroulé en Polynésie française en juin 2016.
Ces rencontres constituent autant d'espaces d'échange de nos expériences respectives et de consolidation de nos savoirs, expérience indispensable à l'élaboration de politiques publiques pertinentes.
Je citerais, pour conclure, l'exemple original de l'initiative que nous conduisons avec le ministère de l'écologie et du développement durable, ainsi qu'avec le Muséum d'histoire naturelle, en termes de prévention des catastrophes naturelles, pour partie liées aux changements climatiques.
Nous soutenons un programme scientifique portant sur l'analyse du comportement en vol d'oiseaux migrateurs transpacifiques lors de l'apparition de cyclones. Après une première phase d'étude de faisabilité au niveau national, il aura pour vocation à associer de façon plus large nos partenaires régionaux. À terme, si les résultats sont probants, il permettra aux autorités locales de renforcer leurs capacités de prévention et de résilience face à ce type d'événement. Cette initiative s'inscrit dans le cadre plus large d'une cartographie des risques environnementaux, notamment dans la région Asie-pacifique, que nous commençons à élaborer.
Au final, l'ensemble de ces initiatives doivent nous permettre d'appréhender finement cette problématique des changements climatiques à travers toutes les composantes de notre politique de défense, tant aux niveaux politique et stratégique, qu'opérationnel, capacitaire et technologique.
Mesdames et messieurs.
La COP22 est annoncée comme la Conférence de l'action pour mettre en uvre l'accord de Paris. Comme je viens de l'exposer, notre département de défense y contribue déjà avec des actions qui s'inscrivent dans la durée.
La communauté de défense ne peut que s'associer à cet objectif, indispensable pour limiter l'élévation de la température moyenne de la planète à moins de 2°C.
Je suis persuadé que, comme hier en France pour la COP21, nous contribuerons aujourd'hui au Maroc au succès de la COP22.
Dans nos domaines de responsabilité respectifs, j'appelle dès à présent à ce que nous conduisions plus d'efforts afin de renforcer nos capacités d'anticipation et de prévention des phénomènes climatiques extrêmes et de leurs conséquences potentielles sur la stabilité locale ou régionale. Au-delà, il s'agira d'imaginer et de concevoir les réponses les plus adaptées et, partant, la nature et le degré d'implication de forces armées face à ces enjeux de sécurité globaux.
Je renouvelle, au nom de notre Ministre, nos plus vifs remerciements à Sa Majesté le Roi, Chef Suprême et Chef d'Etat-major Général des Forces armées Royales, pour avoir organisé cette deuxième conférence, que nous espérons de tout cur suivie d'une troisième édition sur un autre continent.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 3 octobre 2016