Texte intégral
FREDERIC RIVIERE
Bonjour Laurence ROSSIGNOL.
LAURENCE ROSSIGNOL
Bonjour.
FREDERIC RIVIERE
Un livre dont on va sans doute beaucoup parler sort aujourd'hui, l'ouvrage de deux journalistes du Monde, Gérard DAVET et Fabrice LHOMME, intitulé « Un président, ça ne devrait pas dire ça. Les secrets d'un quinquennat ». Entre autres phrases, entre autres citations, le propos suivant de François HOLLANDE : « La femme voilée d'aujourd'hui sera la Marianne de demain ». Est-ce que cette formule, vous la feriez vôtre ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Mais l'inconvénient de ce genre de livre, c'est que les phrases sont ensuite sorties de leur contexte et ont peu... peu d'entre nous ont déjà lu le livre qui est sorti ce matin, et qui fait 600 pages, et en revanche il faut les replacer dans le contexte. Bien entendu, dite comme ça, la phrase interpelle, mais quand on relie ce que le président a voulu dire, en fait il montre une confiance immense à l'égard des institutions de la République avec cette phrase-là. Ce qu'il dit, c'est que les jeunes filles qui portent aujourd'hui le voile ou le foulard ou divers types de vêtements couvrants, demain seront des Républicaines, c'est-à-dire que la République...
FREDERIC RIVIERE
Elles pourront s'en libérer.
LAURENCE ROSSIGNOL
C'est-à-dire que la République va les intégrer, parce que les valeurs de la République sont plus fortes que les particularismes religieux. Et donc, dans cette phrase-là il y a l'optimisme du président de la République, mais surtout sa confiance dans la force de la République et surtout la confiance dans le fait que tout le monde finit par assimiler les valeurs de la République, et à partir de là, ce qu'il dit, c'est que, c'est son point de vue, c'est qu'il ne faut pas aujourd'hui trop se crisper, il faut miser sur la force de la République pour identifier l'avenir de ces jeunes filles.
FREDERIC RIVIERE
Alors, en même temps, d'abord, précisons que ce genre de livre, dont vous dites qu'il peut parfois poser un problème, François HOLLANDE s'est prêté à l'exercice de bonne grâce, des dizaines d'heures d'entretiens, des dizaines de rendez-vous. Mais pour poursuivre cette affaire de femme voilée, François HOLLANDE estime qu'il y a un problème avec l'islam : « Nul n'en doute dit-il parce que c'est une religion qui veut s'affirmer dans la République ». Vous souscrivez à ce propos ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Non, ce qui est incontestable, c'est que, aujourd'hui, l'islam, les musulmans, sont la deuxième religion de France, et que nous avons construit la laïcité en France, au début du XXème siècle, pour poser les rapports entre l'église catholique et la République, et que, aujourd'hui, la laïcité s'impose à l'ensemble des religions qui font le paysage français. Et nous avons aujourd'hui, non pas un problème avec l'islam ni même un problème avec les musulmans, nous avons à réaffirmer ce qu'est la laïcité et la manière dont chaque religion doit en admettre les principes et les règles.
FREDERIC RIVIERE
Mais il y a une part de musulmans, 28 %, nous a dit une récente enquête de l'Institut Montaigne, qui a un problème avec la République.
LAURENCE ROSSIGNOL
Oui, enfin, vous savez, il y a aussi une part des catholiques qui a un problème avec la République et qui remettent en cause les lois communes, qui souhaitent que les lois religieuses se substituent aux lois de la République ou qui cherchent à influencer les citoyens pour qu'ils se raccrochent non pas aux lois de la République mais à des principes religieux. Pour ma part, en tant que ministre des Droits des femmes, j'affronte par exemple les lobbies anti-IVG, extrêmement actifs, en particulier sur les réseaux sociaux...
FREDERIC RIVIERE
Non mais on va en parler, parce qu'effectivement la loi Egalité citoyenneté revient aujourd'hui...
LAURENCE ROSSIGNOL
Oui, mais juste, je finis. Ce que je voulais vous dire, c'est que les religions peuvent aussi produire leurs intégristes, leurs fondamentalistes, c'est souvent le cas, et qu'effectivement la France, avec la place qu'elle donne à la laïcité, est parfois en tension avec les éléments extrémistes. Mais je pense par ailleurs que l'immense majorité des musulmans qui vivent en France, veulent vivre en bénéficiant de ce que la République apporte comme liberté et comme émancipation. Et que la guerre qui est menée contre eux, par d'autres musulmans, par l'islam fondamentaliste, c'est justement une guerre contre la sécularisation des musulmans qui vivent en France, d'un certain point de vue, contre leur indifférenciation, dans ce que la république produit de commun en matière de rapport à la religion et de rapport à ses propres lois.
FREDERIC RIVIERE
Alors, pour être cohérent, puisque vous avez évoqué l'IVG, le projet de loi Egalité et citoyenneté arrive aujourd'hui à l'Assemblée, le Sénat a rejeté le délit d'entrave numérique que vous vouliez y introduire, pour sanctionner les sites Internet, j'essaie de faire simple, qui font d'une certaine manière barrage à l'Interruption volontaire de grossesse, est-ce que le gouvernement va revenir à la charge et réintroduire ce délit d'entrave numérique ?
LAURENCE ROSSIGNOL
En fait, le Sénat n'a pas voulu examiner l'amendement du gouvernement...
FREDERIC RIVIERE
Il a considéré qu'il n'avait rien à voir avec le texte.
LAURENCE ROSSIGNOL
Oui, ce qui n'était pas vrai, puisque l'amendement était rattaché à un article sur l'information des jeunes en matière de santé, donc il avait un rapport avec le texte, mais surtout c'est une procédure très exceptionnelle, jamais je ne l'avais vue mise en place, mise en oeuvre cette procédure. Par ailleurs, des députés qui ont été choqués par le fait que le Sénat refuse même de discuter de cet amendement, ont déposé une proposition de loi qui reprend en gros le texte de l'amendement, et sera discutée à l'Assemblée nationale dès les semaines à venir.
FREDERIC RIVIERE
Alors, au coeur de votre action, il y a aussi le plan interministériel qui vient d'être lancé pour rééquilibrer les relations hommes/femmes en entreprises. Votre objectif est dites-vous de développer une culture de l'égalité réelle entre les hommes et les femmes, au travail, à travers quatre points : lutter contre les stéréotypes sexistes, améliorer l'accès à l'emploi des femmes, encourager le partage des responsabilités domestiques et prévenir les violences à l'encontre des femmes. « Encourager le partage des responsabilités domestiques », ça, ça relève du domaine privé, ça se passe à la maison, ça n'a rien à voir avec l'égalité en entreprise, ça.
LAURENCE ROSSIGNOL
Je comprends votre question, cependant l'articulation entre la vie familiale et la vie professionnelle, et en particulier le fait que des femmes, 50 % d'entre elles, selon des enquêtes, indiquent changer leur projet professionnel ou leur projet de carrière à l'arrivée d'un enfant, nous montre bien que la vie professionnelle des femmes est impactée, est dépendante de la manière dont leur vie de mère est soutenue, aidée ou accompagnée. Donc, ce que l'on dit dans ce plan, c'est deux choses. Premièrement, il faut que les entreprises prennent en compte que les femmes qui travaillent dans les entreprises et qui sont jeunes, sont soit des mères de famille, soit des mères de famille potentielles, et à ce propos il est inqualifiable et scandaleux que l'on mette fin, fin, comme je l'ai lu cette semaine, à une période d'essai, pour une jeune femme, parce qu'elle est enceinte, c'est une infraction pénale, par ailleurs, mais il faut aussi que les entreprises regardent autrement les hommes, c'est-à-dire que quand on me raconte que les jeunes pères qui quittent l'entreprise, vers 18h30, en gros ce qu'on appelle « les heures des femmes », d'ailleurs, parce qu'ils ont des enfants à la maison dont ils veulent s'occuper, quand ces jeunes père sont regardés bizarrement par leurs collègues, comme si c'était une défaillance ou une faiblesse d'être un père, je crois que l'entreprise a une responsabilité, dans la manière dont elle accompagne les parents, père et mère, dans leur capacité à articuler vie familiale et vie professionnelle, sans se sentir coupable, ni auprès de leurs enfants, ni auprès de leur entreprise.
FREDERIC RIVIERE
On entend bien l'intention, mais ça ne va pas être simple.
LAURENCE ROSSIGNOL
C'est déjà engagé, un bon nombre d'entreprises ont déjà signé une charte de la parentalité en entreprise, qui justement fait que les services de ressources humaines travaillent sur une organisation du travail qui permette d'intégrer ça. Rien ne justifie chez les cadres, le présentéisme, le fait que l'on doive être dans l'entreprise, à son bureau, jusqu'à 20h00 ou 20h30, alors que la journée de travail est normalement terminée.
FREDERIC RIVIERE
Et dans les cabinets ministériels aussi, vous le savez.
LAURENCE ROSSIGNOL
Et dans les cabinets ministériels aussi, je vous le confirme.
FREDERIC RIVIERE
Merci Laurence ROSSIGNOL. Bonne journée.
LAURENCE ROSSIGNOL
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 octobre 2016