Déclaration de Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées et à la lutte contre l'exclusion, sur la paralysie cérébrale et le handicap moteur chez les enfants, Paris le 5 octobre 2016.

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Je tiens à vous remercier pour votre invitation à cette soirée à l'occasion de la Journée Mondiale de la Paralysie Cérébrale organisée par la Fondation Motrice. Ce n'est pas un hasard dans un agenda mais un vrai choix de ma part.
Vous l'avez dit, Monsieur le Président, la paralysie cérébrale est la cause de handicap moteur la plus fréquente chez les enfants.
Il est de notre devoir de prévenir le handicap lorsque c'est possible ou d'en minimiser les conséquences lorsque le handicap est là, il est aussi de notre obligation collective d'offrir de l'espoir aux enfants et familles qui vivent avec ce handicap. La recherche est au coeur de cette promesse d'espoir et je voudrais saluer l'action de la Fondation Motrice et de tous les chercheurs qui travaillent depuis plusieurs années grâce à son aide autour des sujets de la Paralysie cérébrale.
Je suis moi-même médecin hospitalier et donc familière de la recherche clinique. Je pense que l'on manque de connaissances sur les personnes en situation de handicap et sur leurs besoins. C'est pour cela que la recherche dans le domaine du handicap est si fondamentale à mes yeux. Les sujets ne manquent pas et ce que j'apprécie particulièrement c'est votre ambition de partir de l'expression des familles, de leur vécu, de leurs besoins. L'étude de prospective que vous avez réalisée avec le soutien de la CNSA en 2008, et qui a permis de mettre à l'ordre du jour la recherche sur la douleur, en est l'illustration.
Il faut faire avec les gens car faire sans c'est se tromper toujours ! Je ne conçois pas autrement mon action politique.
Il faut écouter ce que nous disent les personnes et les familles qui vivent avec tel handicap, avec telle maladie. Je l'ai appris dans l'exercice de mon métier.
Il faut que la recherche se nourrisse des aspirations des familles et il faut ensuite qu'elle nourrisse l'action publique car c'est la finalité de l'action publique. Quels sont les objectifs de l'action politique ? Améliorer la qualité de vie des personnes, l'émancipation et le libre choix.
Notre but c'est permettre que les enfants et les adultes en situation de handicap, comme l'ensemble de nos concitoyens, aient accès à l'école, aux études supérieures, à la formation professionnelle, au monde du travail, à un logement, aux loisirs, aux sports, à la culture…
C'est pour cela que le Président de la République a souhaité que la conférence nationale du handicap qui s'est tenue en mai dernier, se fixe pour exigence de rendre la société plus diverse, plus accueillante, plus mélangée. Que les personnes en situation de handicap soient au cœur de la société et non à côté.
Améliorer la qualité de vie, c'est déjà simplifier les démarches administratives qui sont souvent lourdes en matière de handicap. Lorsque je rencontre les gens on me parle souvent du parcours de combattant. Et j'imagine ces familles, dont vous avez parlé, Monsieur le Président, qui voient leur vie transformée par la Paralysie Cérébrale et doivent chaque jour choisir entre lutte et résignation. Si elles doivent lutter, je veux qu'elles luttent pour le bien-être et l'éducation de leurs enfants, c'est une tâche qui est déjà immense. Je ne veux pas qu'elles luttent pour obtenir une carte, une allocation, un accompagnement par un service. Je sais que tout ne va pas changer du jour au lendemain mais nous avons initié une évolution vertueuse qui permettra de faciliter le travail des Maisons départementales des personnes handicapées qui voient leur charge de travail augmenter chaque année.
Nous avons lancé il y a deux ans un travail sur la simplification des procédures administratives. C'était un des engagements pris lors de la conférence nationale du handicap de décembre 2014. Il a été tenu. Des travaux menés avec l'association des directeurs de MDPH ont permis d'aboutir à de nombreuses simplifications. Pour ne citer que les principales : allongement de 3 à 6 mois de la durée de validité du certificat médical, possibilité d'étendre la durée d'attribution de l'AAH jusqu'à 5 ou 20 ans selon l'importance du handicap, création de la Carte Mobilité Inclusion. Il s'agit là de faciliter les démarches des personnes, d'améliorer la qualité de service – je pense notamment à la CMI – et de réduire la charge de travail des MDPH pour qu'elles puissent réduire leurs délais et se concentrer sur les situations qui le nécessitent.
Améliorer la qualité de vie, c'est bien sûr renforcer l'accessibilité. Une accessibilité sous toutes ses formes, dans les lieux publics, à l'école, dans l'emploi, dans le logement.
Pour les lieux publics, l'objectif a été fixé par la loi de 2005, et l'ordonnance du 5 août 2015 a défini une méthode et des modalités précises pour y parvenir de manière volontariste et réaliste. Au 1er mai 2016, sur environ 1 million d'établissements recevant du public (ERP), 300 000 étaient déjà accessibles et près de 500 000 ERP étaient entrés dans la démarche des agendas d'accessibilité. Il en reste environ 200 000 qui devront rapidement s'engager dans ce mouvement. Le décret relatif aux sanctions est publié. Le Président de la République a donc souhaité que soit confiée une mission à la sénatrice Claire-Lise Campion pour procéder au suivi concerté de ce dispositif.
L'accessibilité progresse aussi au sein de l'École. C'était notre priorité. Presque 300 000 élèves en situation de handicap sont désormais accueillis dans les écoles, c'est un tiers de plus qu'à la rentrée 2011. A l'occasion de la CNH, le Président de la République a annoncé la pérennisation des emplois affectés à l'accompagnement des élèves handicapés.
En matière de scolarisation, par exemple, il y a aussi l'externalisation des unités d'enseignement d'établissements médico-sociaux au sein d'écoles ou de collèges. Car entre le milieu ordinaire et un parcours accompagné, ce n'est pas un choix binaire. Ce que l'on souhaite faire c'est d'offrir une palette diversifiée de solutions. Je pense que cela vous parle particulièrement car la paralysie cérébrale conduit à des situations de handicap très diverses, nécessitant des adaptations plus ou moins importantes.
Un cahier des charges des unités d'enseignement externalisées vient de paraitre pour guider ce type de projets. En effet, ce n'est pas une mesure ponctuelle, c'est un mouvement de fond. Chaque année 100 nouvelles unités seront externalisées.
Apres l'école pour tous, nous devons favoriser l'accès au marché du travail. La loi Travail prévoit un dispositif nouveau « d'emploi accompagné », annoncé également lors de la CNH. Il va apporter un soutien adapté tant aux salariés handicapés qu'à leurs employeurs, à tout moment du parcours professionnel. C'est une réelle innovation, qui j'espère incitera les jeunes à se lancer dans le monde du travail car ils ne seront plus seuls à affronter les difficultés qui pourraient se présenter.
Pour les personnes en situation de handicap, plus que pour d'autres encore, la question de l'accessibilité des soins est essentielle. La santé est un droit fondamental et le handicap ne doit pas constituer un obstacle à l'accès aux soins. C'est tout le sens de la Charte Romain Jacob qui fait désormais partie des outils à disposition des ARS et des établissements de santé et médico-sociaux.
Il faut que les soins soient accessibles, il faut qu'ils soient de qualité.
A cet égard, je souhaite saluer le travail d'enquête que vous menez sur les pratiques et les besoins de rééducation motrice et que vous souhaitez relier à une réflexion sur les recommandations de bonne pratique en matière de rééducation motrice.
Au-delà du parcours scolaire et professionnel, et de l'accès aux soins, ce que je souhaite c'est aussi permettre le choix de vivre chez soi. C'est cela l'émancipation concrète et la liberté de choix.
L'accès au logement s'est enrichi depuis quelques années de formules d'habitat partagé, dans lesquelles les résidents peuvent mettre en commun des services.
Aujourd'hui, nous devons lever les derniers obstacles juridiques ou économiques au développement de ces formes de logement accompagné. Il est donc prévu qu'une convention soit conclue entre l'État et l'Union Sociale pour l'Habitat pour le développement de l'offre de logements accompagnés dans le parc social.
Si ce type de logements avec une forte autonomie est tout à fait adapté à de nombreuses situations, du moment où c'est le choix de la personne, je ne souhaiterais pas oublier toutes celles et ceux qui souhaitent accéder à une structure médico-sociale. Je pense notamment à 5
ceux en situation de polyhandicap car la paralysie cérébrale peut avoir des manifestations multiples dont celle-ci.
J'ai acquis la conviction au contact des associations, des familles que je rencontre au quotidien de la nécessité d'améliorer la qualité de l'accompagnement et des soins aux personnes qui vivent avec un polyhandicap.
Le Président de la République, lors de la Conférence nationale du handicap (CNH) m'a demandé de travailler à un volet polyhandicap dans la stratégie pluriannuelle d'amélioration de l'offre médico-sociale incluant un volet polyhandicap. La concertation est en cours et aboutira dans les semaines à venir.
Je vous rappelle que cette stratégie quinquennale est dotée d'un budget de 180 M€ destiné à la fois à des créations de réponses nouvelles et la transformation des modalités actuelles d'accueil et d'accompagnement.
Un des quatre groupes de travail sur le polyhandicap porte d'ailleurs sur le développement et le partage des connaissances et la recherche. Les membres du comité de pilotage ont jugé cette dimension aussi essentielle que l'évolution de l'offre et l'accès aux droits.
C'est un mouvement de fond que nous avons engagé et je le sais vertueux. Agir pour les personnes en situation de handicap ce n'est pas agir pour les mettre à part. Ce n'est pas agir pour les mettre dans des catégories, dans des politiques publiques particulières. Notre responsabilité collective est de leur garantir l'accès à toutes les politiques publiques, tout en garantissant toutes les aides nécessaires au quotidien.
Le travail de recherche que vous soutenez, Monsieur le Président, le travail de recherche que vous menez, chers lauréats, permet de renforcer la pertinence des réponses que nous apporterons demain aux personnes, permet d'orienter les politiques publiques à la fois grâce au vécu des personnes et grâce à la rationalité des études scientifiques. Et nous avons besoin de ces études scientifiques dans le handicap.
Voilà le message que je tenais à vous adresser ce soir.
Je vous remercie.
Source http://social-sante.gouv.fr, le 25 octobre 2016